Interview de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, à Canal Plus le 22 janvier 2009, sur le boycott du PS à propos de la mise en place d'un nouveau réglement intérieur à l'Assemblée nationale et sur les propositions du PS pour la relance de l'économie.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

M. Biraben et C. Roux M. Biraben : On va recevoir R. Karoutchi dans quelques instants. De quoi allons-nous lui parler, Caroline ?
 
C. Roux : De la crise politique majeure qui est en train de se dérouler à l'Assemblée nationale, puisque depuis la création des « Questions au Gouvernement », ça n'était jamais arrivé. Le PS a décidé de boycotter ; on en est là ce matin, le patron des députés socialistes a écrit à F. Fillon. Donc on va peut-être avoir l'état des discussions, l'avancement des discussions avec R. Karoutchi.
 
M. Biraben : Très bien. Si vous avez l'occasion d'aller sur Internet, vous pouvez poser une question à R. Karoutchi, et vous pouvez en profiter, s'il vous plaît, pour répondre à notre question du jour directement liée à l'actualité : les socialistes ont-ils raison de s'opposer au nouveau règlement de l'Assemblée ? Oui, non ou NSP. Et tout de suite, le rappel des titres.
 
[Le rappel des titres.]
 
 M. Biraben : Le secrétaire d'Etat, chargé des Relations avec le Parlement, R. Karoutchi, est notre invité, Caroline ! C. Roux : Il est au coeur de la tempête qui oppose depuis mardi soir la majorité et l'opposition. Point d'orgue hier après-midi, où, pour la première fois depuis que les séances de « Questions au Gouvernement » existent, les bancs de l'opposition justement étaient déserts ; une crise politique alors que le débat s'est déplacé au coeur de la majorité. Faut-il céder ou pas, faut-il négocier avec le PS pour calmer le jeu ou tenir ? Le patron des députés et le patron de l'Assemblée ne sont pas du même avis. M. Biraben : Bonjour.
 
C. Roux : Bonjour.
 
Bonjour.
 
M. Biraben : Bonjour. Soyez le bienvenu.
 
Merci.
 
M. Biraben : Très bonne année, nous pouvons encore...
 
Eh bien oui, et puis 2009, 2010, j'ai besoin...
 
C. Roux : Ça commence bien là...
 
M. Biraben : Vous parlez déjà de 2010, vous voulez déjà oublier 2009...
 
Ah, je fais tout, moi ! Non, non, non, ça va jour à jour...
 
M. Biraben : Bien, on va revenir sur les événements qui ont agité vos nuits, en tout cas, celle d'avant-hier...
 
Enfin, mes nuits, oui, enfin bon, d'accord, on s'est compris...
 
M. Biraben : Où c'est un petit peu compliqué, je crois. A ma gauche, B. Accoyer qui tend la main vers la gauche, à ma droite, J.- F. Copé, qui dit qu'il n'en est pas question. Où êtes-vous ?
 
Ni à gauche ni à droite dans ce cas précis, le Gouvernement n'ayant pas à s'immiscer dans la rédaction du règlement intérieur. Moi, je veux simplement dire que l'attitude de la gauche pendant tout le débat sur la loi organique a été une attitude d'obstruction absurde, et que c'est bien dommage, parce que le Gouvernement comme la majorité avaient tendu la main à la gauche au début du débat. Très bien. Donc ils sont responsables. La gauche est responsable de la situation compliquée d'aujourd'hui. Que la gauche soit partie d'ailleurs et boycotte, il faudra bien qu'elle revienne, la politique de la chaise vide, ça n'existe pas à l'Assemblée, et elle le sait. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'elle essaie aujourd'hui de faire des propositions pour revenir, ce qui est compréhensible. Maintenant, faut-il, par rapport au temps global futur, faut-il faire des ouvertures ? Ça, les groupes vont en parler, on a dit qu'on était prêt à un peu de souplesse, mais pas à aller vers ce que demande monsieur Ayrault, parce que c'est absurde...
 
C. Roux : On va rentrer dans le détail des solutions, parce que vous n'allez pas vous en sortir comme ça en disant que le Gouvernement n'a pas à se prononcer...
 
Ben, tiens !
 
C. Roux : Vous l'imaginez bien.
 
Allons bon !
 
M. Biraben : Sinon, on fait une belote... C. Roux : J.-M. Ayrault propose que chaque président de groupe...
 
Ah ben, tiens, très bien !
 
C. Roux : ... Propose que chaque président de groupe puisse lever la contrainte du temps global à quatre reprises, chaque année...
 
Non, mais ça, c'est une plaisanterie...
 
C. Roux : En disant : on exercera notre droit d'alerte sur quatre textes.
 
Mais bien sûr, oui, c'est ça, oui, c'est ça. Et puis... non, mais...
 
C. Roux : Ah bon, ça, c'est non ?
 
Même en rêve, c'est non. Même en rêve.
 
C. Roux : Pourquoi c'est non ?
 
Mais pourquoi ? Parce que, vous avez quatre présidents de groupe, 4 multipliés par 4 égalent 16. Or, si je dis sur 16 textes, c'est tout le temps que vous voulez. En réalité, c'est presque pire qu'aujourd'hui, parce que, combien, il y a de textes de loi qui dépassent en réalité huit à dix jours à l'Assemblée ? Une dizaine par an. Donc en réalité, les socialistes, sous couvert de vous dire...
 
M. Biraben : Il y en aurait six de plus...
 
Ah, non, non, des exceptions, ils font de l'exception la généralité, et ça n'a pas de sens...
 
C. Roux : Alors...
 
Attendez, moi, je vais vous dire en deux mots, pour les téléspectateurs, parce que ça, c'est de la pratique parlementaire compliquée, dans la révision...
 
C. Roux : C'est très important, c'est la présence de l'opposition dans l'hémicycle...
 
Mais ça, elle va revenir. Dans la révision constitutionnelle, on a donné beaucoup plus de temps aux parlementaires en commission, et ce sont les parlementaires qui en commission vont faire le texte de loi qui vient dans l'hémicycle, ça veut dire que comme on a donné beaucoup plus de temps en commission, il est logique qu'il y en ait un peu moins de manière constante et régulière en hémicycle...
 
M. Biraben : C'est-à-dire que la discussion se fait avant, pour vous ?
 
Mais six semaines, c'est-à-dire tous les députés, tous les sénateurs nous ont dit : le travail de fond, il se fait en commission. On a dit : très bien. D'habitude, c'est deux semaines, on passe à six. Et on vous laisse six semaines, c'est vous qui faites le texte, qui amendez autant que vous voulez, c'est votre texte qui va venir dans l'hémicycle, le vôtre, pas le nôtre, pas celui du Gouvernement. Donc logiquement, on peut dire après dans l'hémicycle, si on pouvait non pas empêcher le débat, Ô loin de là, oh, là, là ! Déposez autant d'amendements que vous voulez, ayez du temps, très bien. Mais qu'on ait au moins une organisation, un programme...
 
C. Roux : Alors, on avance...
 
Voilà, c'est tout ce qu'on demande. Eh bien, ça, ça paraît aberrant. N'importe quel Français à qui on dirait : vous avez beaucoup fait le boulot avant, vous allez un peu plus vite après, bon...
 
C. Roux : Sur les solutions, R. Karoutchi, je vous arrête...
 
Non, ne m'arrêtez pas tout de suite...
 
C. Roux : Revenons à nos solutions, parce que... est-ce qu'il est urgent d'ailleurs de trouver une solution ou pas ?
 
Le débat sur le règlement intérieur, il va avoir lieu jusqu'à la fin février...
 
C. Roux : Une solution pour que l'opposition revienne à l'Assemblée...
 
Ah, ça, c'est autre chose !
 
C. Roux : Est-ce qu'elle est urgente ?
 
Moi, je dis à l'opposition, 1°) : il n'y a pas de chantage à faire, ce n'est pas : on ne revient que si nos demandes sont acceptées. Qu'est-ce que c'est que ce chantage ! On n'a jamais vu ça nulle part. Cela veut dire, la minorité peut dire : ah, non, non, attendez, moi, si vous n'acceptez pas tout ce qu'on demande, on ne revient pas, écoutez, c'est votre problème. Moi, je suis absolument désolé, autant je souhaite que l'opposition revienne, parce que le jeu démocratique ne peut pas se faire comme ça, autant il ne faut pas mettre en lumière un chantage à : on ne revient que si on obtient tout ce qu'on demande. S'ils veulent négocier la main tendue...
 
C. Roux : "Revenez sans conditions" : voilà ce que vous leur dites ce matin ?
 
Non, je leur dis : mais enfin, le lieu du débat, il est à l'Assemblée, il n'est pas dans la presse pour revenir à l'Assemblée, qu'est-ce que c'est que ces histoires ! Mais revenez à l'Assemblée, parlons, faisons des réunions, trouvons des solutions, on est prêt à trouver des solutions !
 
C. Roux : Justement, quelle est la solution dont vous vous dites, elle serait raisonnable pour la majorité ? B. Accoyer propose qu'un président de groupe puisse demander un temps de débat pouvant dépasser une dizaine d'heures, c'est-à-dire d'assouplir un petit peu la règle, est-ce que vous dites : ça, c'est la bonne solution ?
 
Moi, je n'ai pas à me prononcer, c'est le règlement intérieur.
 
C. Roux : Oui, mais on est entre nous...
 
Non. B. Accoyer n'est pas sur la ligne déjà de Ayrault. Ayrault... enfin les socialistes disent : on veut quatre textes par président de groupe ; en gros, B. Accoyer dit : il y a un texte par président de groupe.
 
M. Biraben : Il a fait un geste...
 
Déjà, bon. Là-dessus, après, c'est aux différents groupes, d'ailleurs, il n'y a pas que les socialistes et B. Accoyer en dehors de l'UMP et de J.- F. Copé, il y a le Nouveau centre, il y a les communistes. Moi, je ne sais pas ce que eux vont proposer. Mais la seule solution, c'est une réunion B. Accoyer, Copé, Ayrault, le président du groupe communiste, Sauvadet, le président du groupe Nouveau centre, et entre eux, qu'ils avancent et qu'ils nous disent, parce que nous, on n'a pas à s'en mêler, qu'ils nous disent : voilà, on s'est retrouvé, on s'est un peu peut-être fritté là-dessus, mais voilà la solution que nous proposons. Et nous, nous l'inscrivons, puisque le Gouvernement n'a pas à intervenir dans le règlement intérieur. Mais moi... de toute façon, il va y avoir... B. Accoyer va faire forcément une réunion de tous les groupes pour qu'ils parlent. Mais sincèrement, après le blocage socialiste, ce n'est pas la peine de rentrer dans une quelconque discussion...
 
C. Roux : Négociation...
 
Mais non, si, il faut négocier entre tous les groupes, il faut une réunion rapide de tous les groupes avec le président de l'Assemblée, c'est à lui d'en prendre l'initiative, et après, qu'on nous propose.
 
C. Roux : On a le sentiment que le Gouvernement fait deux pas en arrière sur cette histoire...
 
Non, je ne fais aucun pas en arrière, on a fait la révision de la Constitution, on a fait la loi organique pour qu'il y ait un meilleur travail du Parlement, avec plus de pouvoirs pour le Parlement...
 
C. Roux : Pourquoi on en arrive-là, R. Karoutchi ? Est-ce que vous diriez, ce matin, que B. Accoyer a mal géré ?
 
Ah non, ah, non, sûrement pas, non, non, non, alors ça, ce n'est pas... même en rêve, ce n'est pas vrai...
 
C. Roux : Eh bien, question « rêve » ce matin...
 
M. Biraben : Deux fois déjà ! C. Roux : Oui, deux fois...
 
Non, non, mais non, non, nous avons une attitude extrêmement fermée de la gauche qui a pris le terrain parlementaire comme un terrain d'opposition à N. Sarkozy. C'est son droit sur le fond des textes, mais pas sur la forme, voilà. Donc que tout le monde se calme un petit peu, qu'on revienne à ce qui est traditionnel au Parlement, le dialogue, et qu'on se parle, voilà.
 
M. Biraben : Caroline ?
 
C. Roux : Non, c'était Léon, on m'a dit...
 
Elle ne veut plus me parler...
 
C. Roux : Mais si, on m'a dit qu'il y avait une question de téléspectateur... M. Biraben : Non, non, Léon n'a pas... non, il n'a pas encore de questions de téléspectateurs...
 
C. Roux : Non, bon, alors ça va...
 
Ben, non, mais les téléspectateurs...
 
M. Biraben : Elle va venir...
 
Sincèrement, sur le Parlement, c'est une affaire de techniciens, tout le monde le sait, donc la gauche a essayé d'ailleurs de mobiliser...
 
M. Biraben : C'est l'exercice de la démocratie...
 
Moi, je n'ai pas de rêve, si on est arrivé aux incidents de la fameuse nuit, c'est que...
 
C. Roux : Il n'y a pas eu d'erreur de...
 
Mais non !
 
C. Roux : ...De conduite des débats ?
 
Mais pas du tout ! Mais qu'est-ce que vous voulez, quand les socialistes déposent 200 fois, 200 fois ! Le même amendement pour faire durer des heures et des heures, eh bien, forcément...
 
M. Biraben : Ça n'a jamais été le monopole d'un groupe.
 
Non, et c'est pour ça qu'il faut en sortir, gauche/droite, les tentatives d'obstruction, il faut en sortir.
 
C. Roux : L'opposition, on l'a vue à l'Assemblée nationale avec le PS, mais l'opposition aussi, rue de Solferino, puisque...
 
Ben, tiens...
 
C. Roux : Le PS fait des propositions, vous a proposé un autre plan de relance ; vous en avez pris connaissance ?
 
Ah, oh oui.
 
C. Roux : Alors ?
 
Ça a été vite fait.
 
C. Roux : Est-ce qu'il y a de bonnes choses dans ce plan de relance ?
 
Ecoutez, par rapport au plan de relance du Gouvernement, sincèrement, je ne vois pas. Ils disent : nous, c'est sur les deux pieds, il y a, en gros, moitié/moitié à peu près...
 
C. Roux : Un soutien au pouvoir d'achat... M. Biraben : Investissement au pouvoir d'achat...
 
A la consommation et sur... bon. Sur la consommation, on l'a déjà dit, les mesures qui ont été prises, parfois dans le passé, il y a eu déjà deux plans de relance dans le passé, gauche, droite, qui ont été faits sur la consommation, dans les deux cas, on a accru les déficits, et notamment le déficit commercial. Je crois que l'essentiel, c'est que sur le plan de relance du Gouvernement...
 
C. Roux : Non, sur le plan de relance du PS, pardonnez-moi, est-ce qu'il y a une bonne chose à retenir ou pas, vous pouvez répondre non...
 
Ben, non.
 
M. Biraben : Même oui...
 
Moi, je constate que Hollande et Rebsamen disent eux-mêmes que ce plan de relance n'a pas d'intérêt et est mal fait. Je ne voudrais pas être plus dur que Hollande et Rebsamen.
 
M. Biraben : Ça ne va pas les inciter à faire des propositions ce que vous dites...
 
C. Roux : Eh bien oui, c'est ça, c'est le problème. M. Biraben : Bon, on passe au « J'aime/J'aime pas », vous allez nous dire...
 
Sincèrement, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, il faut que les propositions soient plus travaillées...
 
C. Roux : Vous pouvez dire : je préfère un PS qui fait des propositions.
 
Mais moi, je préfère un PS qui fait des propositions, et je préfèrerais un PS qui, dans l'hémicycle, vienne dire : on n'est pas d'accord avec vous, mais est-ce qu'on peut avancer sur certains sujets. On ferait ça, ça progresserait.
 
M. Biraben : « J'aime/J'aime pas », le faste de la cérémonie d'ouverture en Amérique ?
 
J'aime bien, mais bon...
 
M. Biraben : Ce n'est pas « bling-bling » ?
 
Je n'ai pas demandé à ce que ça se fasse en France, mais j'aime bien.
 
M. Biraben : Non, non, mais ce n'est pas trop « bling-bling » pour vous ?
 
Oh, « bling-bling », c'est traditionnel aux Etats-Unis, et puis, ça a un côté un peu bon enfant, donc...
 
C. Roux : « J'aime/J'aime pas » R. Yade, qui fait part de son désir de se présenter aux régionales ?
 
J'aime bien, j'aime bien.
 
C. Roux : Même en Ile-de-France ?
 
Eh ben, tiens, qu'elle vienne. Moi, je souhaite qu'elle vienne, moi, je lui ai déjà dit, je lui ai proposé d'être sur mes listes en Ile-de-France. Oui, je souhaite qu'elle soit candidate.
 
M. Biraben : Eh bien, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin. Vous êtes très en forme pour quelqu'un qui a des nuits un peu agitées...
 
Et comme tous les jours ! Ça me met en forme et de bonne humeur.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 janvier 2009