Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les mesures prises par le gouvernement pour relancer l'économie et sur le dépôt d'une motion de censure par le parti socialiste, à l'Assemblée nationale le 27 janvier 2009.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les députés,
Je voudrais renouveler l'expression de ma solidarité, celle du Gouvernement, celle de l'Etat avec les territoires et les populations qui ont été frappées par la tempête Klaus.
Je voudrais, à mon tour, transmettre toutes mes condoléances aux familles des victimes. Je voudrais saluer toutes les femmes et tous les hommes qui ont été engagés et qui sont encore engagés dans la lutte contre les conséquences de cette tempête. Des mesures d'urgence ont été immédiatement prises et je réunirai dans quelques jours les responsables des collectivités territoriales concernées pour regarder avec chacune d'entre elles les moyens nécessaires pour le retour le plus rapide à la normale.
Monsieur le président, Mesdames et messieurs les députés,
Le monde affronte une crise économique et financière qui est la plus grave depuis un siècle. Les Etats-Unis sont en récession depuis décembre 2007. La croissance mondiale a été divisée par deux. Celle de la Chine est à son niveau le plus bas depuis son décollage économique. Celle de l'Europe est négative et devrait chuter, en tout cas, selon la Commission européenne, de près de 2 % en 2009. Les prévisions pour l'Allemagne et le Royaume-Uni sont, pour l'heure, plus pessimistes que pour notre pays. Le chômage reprend partout, avec un record en Espagne qui compte 600.000 chômeurs de plus en moins de six mois.
Mesdames et messieurs les députés,
Les grandes crises accélèrent l'Histoire. Elles révèlent l'âme des nations comme la stature de leurs dirigeants, qu'ils soient de la majorité ou qu'ils soient de l'opposition.
Je n'ai pas de doute sur la force de l'âme française. Notre peuple est raisonnable et responsable et nul ne lui fera croire que c'est en réduisant ses efforts qu'il parviendra à sortir debout de cette crise. Sous le regard exigeant du peuple français, la gravité des circonstances élève le seuil de notre responsabilité. Nous devons agir avec sang-froid. Nous devons mobiliser les armes de la raison. Lorsque j'entends dire que les 360 milliards d'euros que nous avons avancés pour sécuriser notre système bancaire ne seraient pas mobilisés au service des Français ou lorsque je vois certains se réjouir en expliquant que les temps sont au protectionnisme et à la fermeture des frontières, je dis que la force de la raison et du bon sens doit l'emporter sur la démagogie et sur le populisme.
Mesdames et messieurs les députés,
Si les décisions et les actes engagent les gouvernants, les postures et les mots engagent aussi les opposants ! Il ne m'appartient pas de juger d'une motion de censure dont l'opportunité et le contenu devraient, me semble-t-il, peu convaincre les Français.
« Le contre-plan de la gauche a le mérite d'exister », vous a concédé Ségolène Royal. On ne pourrait pas être plus cruel !
Ceci dit, monsieur le président Ayrault, j'accueille avec intérêt les propositions de l'opposition, parce que dans cette crise qui bouscule tous les schémas établis, nul n'a le droit d'affirmer qu'il détient seul la vérité. Et à tout instant, l'évolution de la situation économique peut nous conduire à ajuster nos décisions. Mais à deux conditions, mesdames et messieurs les députés. D'abord que ces décisions ne remettent pas en cause le nécessaire l'effort de modernisation de notre pays et ensuite qu'elles ne viennent pas dégrader la signature de la France.
Parce que cette crise, ne vous y trompez pas, va rebattre les cartes. Lorsque la croissance reviendra, il y aura des nations perdantes et il y aura des nations gagnantes. Les perdantes, ce seront celles qui auront choisi le court terme et la facilité. Ce seront celles qui se seront repliées sur elles-mêmes. Et les gagnantes, ce seront celles qui auront fait preuve de lucidité et de courage, qui elles auront eu l'audace de faire de la crise un tremplin, qui auront répondu à l'urgence mais sans gâcher les conditions d'un redressement durable.
Mesdames et messieurs les députés, Depuis le 15 septembre, c'est-à-dire depuis le jour de la faillite de Lehman Brothers, le Président de la République et le Gouvernement ont fait preuve de réactivité.
Le 1er octobre, nous prenons les mesures pour soutenir le logement. Le 2 octobre, nous décidons de mettre 22 milliards d'euros à la disposition des PME. Le 9 octobre, nous sauvons Dexia de la faillite. Le 13 octobre, nous arrêtons un plan de 360 milliards d'euros pour réamorcer la pompe du financement de l'économie par le système bancaire. Le 23 octobre, nous décidons de l'exonération totale de taxe professionnelle pour tous les nouveaux investissements des entreprises. Le 20 novembre, nous lançons le fonds stratégique doté de 20 milliards d'euros, et dont l'objectif est de prendre des participations dans des entreprises industrielles dont nous estimons qu'elles sont indispensables au développement de l'économie française. Le 4 décembre, nous présentons un plan de relance de l'économie de 26 Mds euros. Le 20 janvier, nous créons un fonds d'investissement de 300 millions d'euros destiné à soutenir la filière des sous-traitants automobile tout en préparant un plan de soutien massif à ce secteur qui concerne 10 % de la population active de notre pays.
Depuis le premier jour de cette crise, mesdames et messieurs les députés, le gouvernement agit ainsi sans relâche et il peut se féliciter d'avoir souvent été le premier en Europe à réagir. Mesdames et messieurs les députés, si le système bancaire s'était effondré, vous auriez raison et vous auriez le droit de nous le reprocher. Mais il est debout et nous y avons pris notre part.
Notre mobilisation a été pragmatique. La gauche semble regretter que nous n'ayons pas quasi nationalisé le secteur bancaire. C'est une position idéologique. Quel est notre objectif ? Que notre système bancaire reste solide pour pouvoir continuer à alimenter nos entreprises, nos ménages et nos collectivités en liquidités. Notre économie n'a pas besoin pour cela d'une nationalisation générale du système bancaire. Et d'ailleurs, je veux vous le faire remarquer, aucun pays européen ne s'est engagé dans cette voie.
Nous avons choisi d'agir de façon pragmatique en entrant au capital des banques qui étaient menacées de faillite, ce qui était le cas de Dexia. Pour les autres banques, notre action a consisté à prêter, contre rémunération, les fonds propres et les liquidités nécessaires à la reprise du financement de l'économie.
Plutôt que de critiquer un plan de sauvetage du système bancaire dont la philosophie est identique à celle des principaux pays européens, l'opposition devrait au contraire se réjouir que les banques françaises soient en meilleure santé que beaucoup de celles de nos voisins britannique ou même allemand. Elle devrait se féliciter de constater que c'est en France que les encours de crédit ont le plus progressé au dernier trimestre 2008 ! Bien entendu, s'il devait y avoir d'autres défaillances que celle de Dexia, alors naturellement nous prendrions nos responsabilités.
Nous agissons de façon rapide, de façon ciblée, sans idéologie. Mais nous agissons aussi de façon collective. La France a été au coeur de la coordination européenne. Il fallait un cadre commun pour démultiplier l'effet des plans de relance nationaux et surtout pour éviter les effets pervers de décisions unilatérales, comme celle qui avait été prise par exemple par l'Irlande pour garantir les seuls dépôts des épargnants irlandais dans les banques irlandaises. Au Conseil européen de décembre, la France a proposé des principes qui ont été adoptés à l'unanimité et qui ont inspiré l'ensemble des plans de relance qui se mettent aujourd'hui en oeuvre. Je veux vous les rappeler : Les mesures de relance de l'économie doivent « viser un effet immédiat, être limitées dans le temps et ciblées sur les secteurs les plus touchés et les plus importants au regard de la structure de l'économie ».
Eh bien, c'est le cas de notre plan de soutien à l'activité. C'est un plan massif qui représente 50 Mdseuros, soit 2,5 % du PIB. Le plan allemand est aussi de 50 Mdseuros, ce qui représente 1,9 % de leur PIB. Le plan britannique est de 23 Mdseuros, soit 1,5 % du PIB, et enfin le plan espagnol est de 31 Mdseuros, soit 3,9 % du PIB espagnol. Voilà, mesdames et messieurs les députés, la vérité c'est que notre plan est comparable à ceux de nos partenaires, mais surtout qu'il est adapté à la situation de l'économie française. Il repose en effet sur une stratégie. Cette stratégie consiste à accélérer les investissements dont notre pays a besoin pour se moderniser.
Cette stratégie, elle nous offre un « double dividende » de la relance. D'abord, elle soutient l'activité immédiate. Les trois quarts des mesures du plan de relance s'appliquent dès 2009, alors que les plans de relance britannique et allemand sont grosso modo à 50 % en 2009 et à 50 % en 2010. Deuxièmement, elle améliore la compétitivité du pays pour les dix ans qui viennent.
Nos mesures font l'objet ensuite l'objet d'un suivi permanent et rigoureux, notamment pour l'accès au crédit. Le Médiateur du crédit a déjà été saisi par 4.000 entreprises : 46 % des dossiers ont été clôturés à la mi-janvier et 1 200 ont déjà reçu une réponse positive.
Enfin, conformément à l'intérêt national, l'Etat a soumis ses interventions à des contreparties. Cela vaut d'abord pour les banques qui rémunèrent aujourd'hui au taux de 8 % les prêts en fonds propres que nous leur avons accordés et qui se sont engagées à augmenter d'au moins 4 % les encours de crédit en 2009.
Ces contreparties sont aussi celles qui sont exigées des constructeurs automobiles. Mesdames et messieurs les députés, aucune aide ne sera accordée à un constructeur qui ne prendrait pas l'engagement de maintenir ses sites industriels en France et d'y localiser sa production ! Evidemment, nos constructeurs doivent poursuivre leur restructuration. Mais, financée par les Français, cette restructuration ne peut pas se faire au détriment des travailleurs français !
Le renoncement des dirigeants de l'automobile à leur rémunération variable est un signe important d'une prise de conscience, que nous voulons maintenant générale.
Je veux rappeler, mesdames et messieurs les députés, que dès la loi du 21 août 2007, nous avons interdit les indemnités de rupture, en cas d'échec des dirigeants.
Nous avons demandé aux entreprises, dans tous les cas, de plafonner leurs montants ; d'empêcher le cumul entre mandat social et contrat de travail ; d'inclure systématiquement les retraites complémentaires dans les calculs de rémunération ; d'interdire la distribution d'actions gratuites sans lien avec la performance réelle. Aujourd'hui, 94 % des entreprises françaises cotées à Paris ont souscrit ces engagements. Et nous veillerons à ce que dans les meilleurs délais toutes le fassent. Le Président de la République a rappelé la semaine dernière que l'État se donnait jusqu'à la fin du trimestre avant de légiférer, si cela s'avérait nécessaire.
Alors, l'opposition peut proclamer à grand cri que « c'est insuffisant » mais que n'a-t-elle pris les mesures qu'elle réclame aujourd'hui lorsqu'elle en avait la possibilité ! Au lieu de cela, mesdames et messieurs les députés, le gouvernement de Lionel Jospin a choisi, en 2002, d'exonérer de charges sociales et d'impôt sur le revenu les dividendes exceptionnels des opérateurs de bourse.
Voilà la réalité, et elle est cruelle pour l'opposition. C'est nous qui avons remis plus de transparence et plus d'éthique dans le système !
Il y a enfin les devoirs que l'État s'impose à lui-même, pour préserver ses marges de manoeuvre et pour s'en tenir, malgré la crise, à une politique budgétaire raisonnable et responsable.
C'est vrai que la crise bouscule nos objectifs en matière de déficits. Mais elle n'affaiblit pas notre ambition de remettre nos finances publiques en ordre. Nous ne voulons pas reporter sur nos enfants le coût du redressement actuel. L'effort exceptionnel consenti par la France ne remet pas en cause la stabilisation de ses dépenses sur les 3 ans qui viennent. Il consacre la maîtrise des dépenses ordinaires et l'amélioration de l'efficacité de l'Etat. Il anticipe des dépenses déjà prévues et ne crée de dépenses nouvelles que temporaires. Il appuie le plan de relance sur un budget spécifique, distinct du plan triennal, et dont chaque investissement reste guidé par la logique du retour à l'équilibre. Cette logique, mesdames et messieurs les députés, elle est absolument vitale si nous voulons préserver la signature de la France, quand on voit déjà que celle d'autres grands pays dans le monde est menacée.
Je ne sépare pas l'intérêt national du sort des Français. Et je n'accepte pas que l'opposition abrite une fois de plus l'insuffisance de sa critique sous l'étendard de la justice sociale !
Nous avons pris les mesures indispensables pour aider nos concitoyens et d'abord les plus fragiles, à franchir le cap de l'épreuve. Il y a les mesures ciblées et pragmatiques, dictées par la nécessité immédiate : la prime à la cuve, le chèque transport, la prime à la casse, le tarif social du gaz, la prime de solidarité active.
Et puis, il y a surtout les mesures d'accompagnement, centrées sur l'embauche et sur la reconversion. Et la principale, permettez-moi de vous le rappeler, est le Revenu de Solidarité Active qui constitue une avancée sociale reconnue par les partenaires sociaux et par les acteurs de l'insertion ! Franchement, cette réforme que la candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle avait inscrite à son programme, vous auriez pu la voter, elle aurait fait l'objet d'un consensus et vous auriez ainsi démontré que vous étiez réellement ouverts au dialogue, avec la majorité pour construire une vie meilleure pour les Français.
Enfin, mesdames et messieurs les députés, nous avons voulu engager une refondation des institutions financières et de la gouvernance mondiale. Parce que nous n'acceptons pas que cette crise n'ait pas de responsables et qu'elle soit sans conséquences sur l'organisation de l'économie mondialisée. Mais chacun aujourd'hui le reconnaît, c'est la France qui est à l'origine de la réunion du G20 à Washington et sans nos efforts il est très peu probable que la communauté internationale se serait mobilisée aussi vite. Alors, puisque vous avez évoqué tout à l'heure le Président américain, au prochain G20 de Londres, le 2 avril, la France exigera avec lui le passage aux actes.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, comment le Gouvernement répond à la crise. Par le biais de cette motion de censure, le Parti socialiste nous propose un contre-projet de relance. Ce contre-projet, il pèche au moins par trois défauts majeurs.
D'abord, il engage des dépenses pérennes, évaluées à 10 milliards d'euros par an, des dépenses qui sont vouées à rendre impossible toute remise en ordre ultérieure de nos finances publiques. Et parmi ces dépenses, figure le gel des suppressions de postes dans la fonction publique.
Votre conception de l'Etat n'a donc pas changé ! Il n'est pas un pays d'Europe, qu'il soit libéral ou qu'il socialiste, qui n'ait modernisé l'organisation de son Etat et qui n'ait réduit ses effectifs ! 30.000 emplois dans la fonction publique, réclamez- vous : ce n'est pas un choix ponctuel pour répondre à la crise, c'est simplement un choix idéologique !
Mesdames et messieurs les députés,
Sans réforme de l'Etat, sans révision de nos politiques publiques, nous n'arriverons jamais à rééquilibrer nos comptes ! Et par là même, nous n'arriverons pas à rétablir la confiance qui s'attache à la saine gestion de la France.
Ce contre-plan met abusivement ensuite l'accent sur la consommation. C'est un contresens au regard de notre situation. La France a d'abord un problème de compétitivité. L'aide à la consommation, elle existe déjà et elle est importante : c'est la baisse des prix. L'inflation, en 2009, sera, dans notre pays, à un niveau historiquement bas et les salaires réels ont progressé au troisième trimestre de +1 %
Alors, des transferts de revenus mal ciblés - comme le sont votre chèque anti-crise et la baisse de la TVA - présentent en réalité le risque d'alimenter l'épargne ou de dégrader notre déficit commercial, via les importations.
Mesdames et messieurs les députés de l'opposition,
Aucun pays de la zone euro n'a retenu l'idée d'une baisse de la TVA. Et parmi les 27 de l'Union, le Royaume-Uni est le seul à l'avoir décidée. L'effondrement de sa consommation et son économie de services nous distingue des Britanniques. Enfin, je voudrais vous faire remarquer que pour l'heure, au premier mois de cette baisse de la TVA, les ventes de détail ont baissé, outre-Manche, de 3,3 %, soit la plus mauvaise performance depuis quatorze ans.
Et puis, il y a votre proposition de revaloriser le SMIC de 3 %. Alors certes, vous êtes en deçà de votre promesse présidentielle, mais c'est toujours une mesure inadaptée et dangereuse pour l'emploi ! Le SMIC horaire a augmenté de 27 % depuis 2002. J'en suis d'ailleurs largement à l'origine, ayant dû résoudre en tant que ministre des Affaires sociales, la convergence des six différents SMIC provoqués par la mise en place ubuesque du texte sur les 35 heures. Cette augmentation, mesdames et messieurs les députés, était juste, mais qui peut croire qu'une nouvelle hausse puisse aujourd'hui être supportée par les entreprises en temps de crise ?
Accélérer arbitrairement la hausse du SMIC, dans le contexte actuel, c'est en réalité condamner des dizaines de milliers de salariés au chômage ! Alors le Parti socialiste nous dit qu'il avance cette proposition dans la foulée de ce que fait José Luis Zapatero, en Espagne. Est-ce qu'il est nécessaire que je préciser à l'Assemblée nationale quel est le niveau du salaire minimum en Espagne ? Il est de 600 euros, alors que le SMIC français s'élève à plus du double !
Enfin, ce contre-plan suggère la suppression des mesures fiscales adoptées à l'été 2007. C'est-à-dire, en réalité, mesdames et messieurs les députés, à une augmentation des impôts de 11 milliards d'euros ! La gauche prétend vouloir donner du pouvoir d'achat en plus aux classes moyennes, et elle le finance par du pouvoir d'achat en moins pour les classes moyennes ! Sur ce sujet, la vérité, c'est que votre goût de la revanche idéologique écrase toute espèce de raison économique dans votre proposition.
Il serait socialement injuste de supprimer l'exonération des heures supplémentaires qui a bénéficié à 6 millions de foyers fiscaux modestes. Reprendre aux Français qui travaillent davantage les 3 milliards d'euros qui les récompensent serait inique. Supprimer le crédit d'impôt logement, au moment même où il faut compenser le tarissement du crédit immobilier et l'essoufflement du secteur du logement, ce serait, reconnaissez-le, totalement irresponsable. Enfin, supprimer l'exonération des successions et des donations, à l'heure où les familles sont soucieuses de s'entraider, ce serait injuste. Les Français ont donné à leurs enfants depuis la mise en oeuvre de cette réforme, plus d'un milliard d'euros, en quelques mois, sous la forme d'un montant moyen de 20.000 euros. Et c'est cela que vous voulez abroger ?
Enfin, supprimer les mesures qui favorisent les investissements dans les PME, en les rendant déductibles de l'ISF, ce serait une faute économique ! En 2008, un milliard d'euros de fonds propres ont été levés en faveur des PME grâce à cette réduction fiscale. Franchement, à l'heure où la recherche de crédit est vitale pour nos entreprises, il serait aberrant de revenir sur cette disposition.
Voilà l'esprit de ce contre-plan dont je conteste la pertinence. Il a moins pour objectif de répondre à la crise que de réhabiliter le socialisme d'hier.
Et d'ailleurs, l'un des vôtres, François Rebsamen, a estimé que ce contre-plan, ne « comportait aucune mesure novatrice et qu'on pouvait s'interroger sur son opportunité ».
Bon, j'en prends acte. Mais surtout, l'opposition a l'art de déposer des motions de censure sur les mauvais sujets et aux mauvais moments. Hier, c'était sur l'Afghanistan, en plein coeur du conflit. Aujourd'hui, l'initiative est prise en plein coeur d'une crise mondiale.
Cette motion, Mesdames et messieurs les députés, intervient cinq mois après la faillite de Lehman Brothers, quatre mois après le débat sur la crise financière tenu ici même, trois mois après la présentation de notre plan de sécurisation du système financier, deux mois après la présentation de notre plan de relance et un mois après que ce plan de relance a commencé à être débattu devant votre Assemblée.
Franchement, vous arrivez tard, mais pour ne pas être en reste, vous arrivez brutalement, sans chercher à aucun moment à souligner nos éventuelles convergences. Il est pourtant des moments où la contestation gagnerait à s'effacer devant la solidarité nationale.
Vous auriez pu vous féliciter des initiatives prises par le Président de la République pour convaincre la communauté internationale de moraliser le système financier international. Michel Rocard disait : « Le mérite de Nicolas Sarkozy, c'est d'avoir suscité le G20 et de l'avoir piloté dans une totale ouverture d'esprit ». Cette volonté française de réguler la mondialisation, d'en moraliser les effets les plus contestables, fait honneur à notre pays. Pourquoi est-ce que vous voulez la passer sous silence ?
Vous auriez pu aussi vous féliciter de la mobilisation européenne dont notre pays fut l'artisan inlassable.
Vous auriez pu vous féliciter de voir que notre système bancaire tenait mieux que les autres. Vous auriez pu vous féliciter que grâce à la réactivité du gouvernement, aucune panique ne se soit emparée de l'opinion publique. Vous auriez pu saluer certaines des mesures de notre plan de relance, comme celles en faveur des PME, du logement, de la filière automobile, des grandes infrastructures, du remboursement anticipé de la TVA aux collectivités territoriales, ou encore du RSA.
Mais non ! Rien ne trouve grâce à vos yeux. Comme si la moindre concession était considérée comme une trahison. Comme si l'idée même d'un consensus était, à vos yeux, une abdication.
Il est pourtant, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, bien d'autres pays en Europe où la majorité et l'opposition sont capables de s'accorder sur l'essentiel.
Et puis, je lis dans votre motion un appel vibrant à la liberté d'expression face à « un pouvoir qui - écrivez-vous - supprimerait tous les contre-pouvoirs ». Franchement, ce mélange des genres n'est pas à la hauteur de la situation que nous vivons.
Il était inutile de remettre à l'affiche la comédie du « coup d'Etat permanent ». Hier, souvenez-vous, le Général De Gaulle était considéré comme un dictateur en puissance. Aujourd'hui, c'est au tour du président de la République et de sa majorité d'être accusés de velléités liberticides. Jamais en reste d'une formule douteuse, votre collègue Arnaud Montebourg a inventé la « Poutinisation de la société française ! ».
Tout ceci est dérisoire, et vous êtes, monsieur Ayrault, beaucoup trop expérimenté, pour ne pas faire le tri entre la posture politicienne et la réalité institutionnelle. La réalité institutionnelle, c'est que mon gouvernement s'honore d'être à l'origine du plus important rééquilibrage des pouvoirs de la Vème République en faveur du Parlement.
Et d'ailleurs, dès demain, vous serez invités à voter sur les opérations militaires extérieures de la France. Cette nouvelle disposition démocratique mettra un terme au « domaine réservé » ; que vous avez maintes fois dénoncé mais que vous n'avez jamais réformé lorsque vous étiez aux affaires !
Par cette motion de censure, l'opposition compte sanctionner le gouvernement. Mais au profit de qui et au profit de quoi ? D'une gauche dont chacun sait qu'elle est tiraillée par ses divisions ? D'une politique alternative dont nous démontrons à chaque instant qu'elle est inexistante ?
Je ne doute pas, mesdames et messieurs les députés que la majorité repoussera cette motion improvisée par laquelle l'opposition cherche avant tout son salut. Cette motion de censure ça n'est qu'un pansement pour masquer les blessures du congrès de Reims. Ça n'est qu'un paravent pour dissimuler vos contractions idéologiques.
Et je vous dis qu'elle laissera sur leur faim tous ceux qui espérèrent une gauche plus moderne et une gauche moins systématique.
Mesdames et messieurs les députés, nous devons rassembler les Français et pas les diviser. Nous avons besoin du civisme et du courage de tous. On peut être de droite, du centre ou de gauche, et se dire que la crise mérite bien que l'on soit d'abord tous Français ! Français dans le même bateau, Français face à la même tempête, ensemble avec un gouvernement dont chacun sait qu'il se donne totalement à ses devoirs, avec les moyens dont il dispose et qui ne sont pas infinis.
Au delà de cette enceinte, mesdames et messieurs les députés, j'en appelle au bon sens, à la solidarité et au courage des Français. Parce que le sursaut ne viendra pas seulement de l'Etat. Il viendra aussi de cette force intime qui anime chaque citoyen. Notre peuple est digne. Il travaille dur.
Partout en France, il y a des entrepreneurs, des créateurs, qui cherchent des solutions pour rebondir. Partout en France, il y a des familles qui font leurs comptes avec précaution.
Partout en France, il y a des salariés et des fonctionnaires qui sentent qu'il faut donner un peu plus de soi même dans les circonstances actuelles. Alors, je n'ignore pas les doutes, je n'ignore pas les interrogations, je n'ignore pas parfois les colères qui traversent notre pays, mais je vois aussi son sens des responsabilités et sa fermeté tranquille.
Cette motion de censure, mesdames et messieurs les députés, elle ne témoigne pas d'une ambition pour la France. La politique qu'elle suggère est dépassée. Elle ne ferait en réalité qu'accentuer nos handicaps structurels et nos difficultés. Jamais la majorité ne vous suivra sur le chemin de la nostalgie et de l'immobilisme ! Nous allons continuer d'agir parce que nous n'avons pas d'autre choix que d'être ambitieux pour tenir le choc de la crise et pour aller chercher la croissance. Pour tout dire, mesdames et messieurs les députés, dès que nous en aurons terminé avec cette censure, nous allons continuer de servir la France.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 28 janvier 2009