Texte intégral
A. Chabot - Milosevic devant le Tribunal pénal international : c'est une image, un avertissement pour ceux qui auraient envie de commencer une carrière de dictateur ?
- "C'est d'abord un réel soulagement de constater que le Tribunal pénal international va pouvoir juger un criminel qui a sur la conscience de lourds crimes. C'est certainement une toute première étape dans la montée en puissance d'une justice internationale. Il faudra soutenir ce tribunal dans la durée et lui octroyer les moyens en êtres humains et les moyens financiers pour lui permettre de faire son travail de façon juste."
Vous allez quitter le loft gouvernemental dans quelques jours à votre demande. Ce sera demain votre dernier Conseil des ministres. Est-ce un soulagement de partir ?
- "J'ai à la fois un petit pincement au coeur, parce que je crois que j'ai fait un travail formidable qui m'a changée, qui m'a beaucoup apporté, et le sentiment de retrouver une certaine liberté. Une liberté de parole bien sûr, une liberté aussi de mouvement. Le travail gouvernemental est très lourd, s'il est exaltant et si on a le sentiment de construire, on est aussi freiné par de nombreuses lenteurs, de nombreuses lourdeurs. La machine administrative en France est certainement beaucoup plus implacable et plus lourde que nulle part ailleurs. Le travail du ministre de l'Environnement étant par nature interministériel, il reste extrêmement difficile de mettre en oeuvre ce qui a été promis aux citoyens."
L. Jospin a quand même essayé de vous retenir, rassurez-nous ! Il vous a dit : " Reste avec moi Dominique, il n'y a plus qu'un an" ?
- "C'est vrai qu'il m'a demandé de rester mais il a compris aussi que mon ambition est aujourd'hui de faire redémarrer mon parti politique qui est en situation d'assumer des rendez-vous d'une gravité exceptionnelle pour nous et pour les Français. Il faut réduire le fossé qui existe entre les aspirations des Français à une meilleure qualité de la vie et les capacités des Verts à assumer ce chantier considérable. Munie d'un solide bilan, je me sens tout à fait capable de m'attacher à cette tâche."
Parlons-en de ce bilan : vous êtes quand même déçue par rapport aux objectifs que vous vous étiez fixés en 1997, non ? Ce n'est pas à la hauteur. C'est la faute de L. Jospin ?
- "Ce n'est la faute de personne. Le bilan est tout à fait consistant dans l'ensemble des champs de la responsabilité du ministère de l'Environnement. Je pense par exemple au moratoire sur les OGM qui a été décidé au niveau européen. Je pense au fait que 40 millions de Français
- deux sur trois - trient aujourd'hui leurs déchets, alors que la politique de traitement des déchets ménagers était en panne quand je suis arrivée en juin 1997. Je pense à la mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire et de l'environnement. Je pense encore bien sûr à Natura 2000. Certains ont voulu en faire un programme qui était destiné à embêter les chasseurs mais c'est un programme destiné à protéger la nature sauvage et la biodiversité. A cet égard, c'est l'une des plus belles réussites de ce Gouvernement."
C'est extraordinaire : vous partez et d'un seul coup, la semaine dernière il y a eu la loi sur l'eau - vous en parliez depuis 1998 - et demain pour votre dernier passage à l'Elysée, vous allez présenter la loi de transparence et de sûreté nucléaire. Franchement, il fallait partir plus tôt pour faire accélérer les choses.
- "Est-ce que plus de lois auraient été préparées si j'avais annoncé mon départ plus tôt ? C'est effectivement amusant de se poser la question. Cette loi sur le nucléaire correspond pour moi en quelque sorte à un regret. Les Français ne sont pas très favorables au nucléaire , mon opinion personnelle est bien connue. C'est vrai que j'ai tenté, à travers cette loi sur la transparence et la sûreté nucléaire, de mettre un petit peu de civilisation et de civilité dans une industrie qui n'est guère civile. Le nucléaire reste une sorte de zone d'ombre dans la politique française. Beaucoup devrait être fait pour que le lobby se comporte d'une façon décente."
L. Jospin - ce n'est pas un mystère - n'a pas la fibre écolo. Vous ne l'avez pas fait beaucoup progressé en quatre ans ?
- "L. Jospin a compris que c'était un enjeu électoral, un enjeu de société, mais c'est vrai que sa culture, son histoire ne le poussent pas spontanément à considérer que ce sont là des priorités."
C'est un intérêt politique et non un intérêt de fond ?
- "Il lit les journaux, il écoute certainement ses enfants qui lui disent que c'est important mais c'est vrai que cela ne correspond pas à sa formation politique initiale. Il a dû faire un effort pour découvrir ces sujets."
Vos fautes : on va revenir sur l'Erika. Au fond, on vous a beaucoup reproché de manquer de générosité et de compassion.
- " On me ressort toujours l'Erika !"
Oui, parce que cela colle comme le pétrole aux pieds et aux chaussures.
- "On ne me cite que l'Erika, ce qui laisserait à penser que je n'ai pas fait tant d'erreurs. Cette phrase, qui était finalement une phrase d'émotion à l'égard des enfants du Venezuela, m'est reprochée trois ans plus tard. J'ai l'impression que la charge est bien légère au regard de tout le travail qui a été accompli."
Quand N. Mamère dit qu'on ne peut pas dire que le bilan du ministère Voynet soit bon, a-t-il tort ?
- "Il dit le contraire."
Il dit "on aurait pu faire mieux."
- "Il dit que je suis allée aussi loin qu'on pouvait aller compte tenu du poids des lobbies et des intérêts dans la société française. Au moment de concevoir les lois, on peut se laisser aller. Ensuite, il faut les faire voter à l'Assemblée. C'est vrai que 5 Verts sur 577 députés ce n'est pas assez pour garantir que des lois révolutionnaires du point de vue de l'Environnement puissent être adoptées. Si on doit aujourd'hui se mobiliser pour protéger la loi littoral, si on doit continuer à discuter avec Bruxelles à propos de la chasse, c'est notamment parce qu'un nombre trop insuffisant de parlementaires a pris conscience du fait que ces sujets étaient au coeur de l'action politique aujourd'hui, qu'ils méritaient des actes de courage, et qu'ils méritaient d'affronter des électeurs quand ils ne comprennent pas toujours où on va."
Vous allez faire comme C. Lepage, vous allez dénoncer dans un livre tous les lobbies ? Vous auriez dû les dénoncer pendant !
- "J'ai dit quelles étaient mes difficultés mais c'est vrai que j'aurais pu m'appuyer davantage sur l'opinion publique qui, à bien des égards, est plus avancée que ses dirigeants politiques sur ces sujets. Ce n'est pas mon genre de réécrire ma vérité dans un livre, surtout quand on tord le cou à la vérité comme le fait C. Lepage. Ainsi, elle fait l'impasse sur le fait que c'est sa décision, celle du Gouvernement français, qui a ouvert la porte à la commercialisation des OGM en Europe en 1996. Elle fait aussi l'impasse sur le fait que la loi sur l'air était une belle coquille mais une coquille vide au moment où elle a quitté le Gouvernement."
C'est la campagne électorale entre écolos aux présidentielles qui commence.
- "Il faut être vrai. Pendant quatre ans, je n'ai pas attaqué C. Lepage parce que je comprenais très bien qu'elle avait disposé finalement de bien peu d'influences et de pouvoirs dans le Gouvernement d'A. Juppé. Elle en a souffert, elle l'a dit. Je crois qu'il faut au moins avoir le courage d'affronter la vérité en face et de ne pas raconter des histoires à des électeurs."
Retour un peu difficile chez les Verts : vous avez été élue un peu difficilement secrétaire nationale.
- "Avec 60 % des voix."
C'est une règle bizarre.
- "C'est une règle bizarre qui est destinée à assurer qu'il y ait quand même un certain consensus autour des personnes qui vont conduire le mouvement. C'est une règle exigeante ; si elle s'appliquait à l'ensemble des élections en France, on en mesurerait l'exigence."
Pourquoi faites-vous peur aux écolos ? Vous êtes dure, autoritaire, intransigeante ?
- "Je ne crois pas. Je suis une bosseuse, je demande à mon entourage de travailler beaucoup. L'attente des Français à notre égard est énorme et personne ne comprendrait que nous sacrifions en chamailleries internes l'énergie qui doit être consacrée à convaincre, à réformer de fond en comble la politique agricole commune, à arrêter le retraitement nucléaire, à mettre en place la proportionnelle, à augmenter les moyens de l'aide publique au développement. Ce sont nos chantiers."
En clair, vous allez faire des efforts pour être plus sympa avec eux ?
- "Je ne crois pas qu'on attende de moi de la démagogie et une certaine camaraderie factice. On attend de moi que je remette en marche cette maison qui a beaucoup souffert de sa montée en puissance trop rapide. Nous avons beaucoup de militants qui ont accédé à des responsabilités d'élu et qui consacrent énormément d'énergie. Je pense par exemple à J. Bouteau, maire Vert du 2ème arrondissement : il a besoin d'avoir le soutien des Verts et de ne pas être seul dans un grand bureau."
Votre candidat à l'élection présidentielle est A. Lipietz. Problème dans les sondages, il fait moins bien que N. Mamère. C'est ennuyeux ?
- " Il est aujourd'hui un peu moins bien connu. Je suis absolument convaincue que son score sera tout à fait honorable. Ce sera le score des Verts..."
... il faut qu'il fasse mieux que vous à la dernière élection.
-" Il ne peut pas faire moins. Il doit faire le meilleur score possible pour permettre à nos candidats aux élections législatives d'accéder nombreux à l'Assemblée nationale."
Vous avez la nécessité d'avoir un certain nombre de députés pour passer un accord avec le PS.
- " Il faut un groupe parlementaire. On l'a vu lors de la discussion sur la loi de modernisation sociale : quand on a quelques députés seulement à l'assemblée nationale, on ne pèse pas assez sur les décisions. Je ne veux plus m'exposer à reproduire cette situation."
Vous disiez tout à l'heure que vous alliez retrouver votre liberté de parole. Liberté de parole à l'égard du Président de la République : est-ce que vous iriez, comme monsieur Mamère, jusqu'à dire aujourd'hui que J. Chirac est un ripou ?
-" Je n'aime pas les insultes. Je n'aime pas les subir et je n'aime pas en proférer. Mais ma liberté de parole sur cette affaire a été totale. Je considère que le Président de la République aurait dû accepter d'être entendu par des juges. C'est à ce prix d'ailleurs qu'il aurait pu se libérer au plus vite de cette obligation de s'expliquer. Je crois indispensable de redire ce que j'ai déjà dit la semaine dernière : les fonds secrets sont destinés à faire fonctionner l'Etat et pas à financer des vacances personnelles. Aucun membre du Gouvernement de L. Jospin ne se permettrait ce genre de choses."
Quand vous voyez le Président de la République, tout va bien entre vous ?
- " On n'a pas à travailler ensemble. Le Président de la République parle beaucoup, nous on travaille, parfois de façon un peu ingrate, sur des dossiers qui sont importants pour la qualité de vie des Français. Je crois que le Président de la République sait très bien l'opinion de ceux qui se trouvent autour de la table du Conseil des ministres."
Liberté de parole à l'égard de L. Jospin dans les mois qui viennent ; vous pourrez dire ce que vous pensez de l'action du Gouvernement dans lequel vous ne siégerez plus ?
- "Liberté de parole mais pas règlement de compte. Je me sens solidaire de l'action gouvernementale et comptable de ce qui a été fait pendant quatre ans. J'ai envie de l'assumer devant les électeurs et de tout faire pour que la gauche et les Verts gagnent ensemble en 2002. Mais, c'est vrai que j'ai le sentiment que la gauche gagnera, les Verts avec la gauche si nous savons dire aussi ce qui important pour les Français. Ce n'est forcément pas le ressassement des vieilles lunes de la gauche ; c'est peut-être aussi la capacité de défricher des champs nouveaux. Le champ de la qualité de la vie et de la qualité de l'environnement en est un."
En 2002, si L. Jospin est élu, vous aurez envie de revenir au Gouvernement ?
- "Je ne me suis pas projetée dans l'avenir à ce point. Pour l'instant mon chantier reste la remise en mouvement des Verts avec tous les Verts. Je ne suis pas la candidate ..."
... vous n'êtes pas hostile comme M.-G. Buffet qui a dit qu'elle ne reviendra pas ?
- " Le fait d'être partie plus tôt me redonnera peut-être l'envie de revenir. Notre moteur reste l'envie d'être utile dans mon parti, au Gouvernement, ou encore dans mes responsabilités de députée. J'ai été députée trois jours et cela reste un manque pour moi, j'aurais adoré être députée du Jura. Je serai candidate dans le Jura.
Vous l'annoncez ce matin. Vous serez candidate dans le Jura ?
- " Je suis députée sortante dans le Jura et je n'ai pas de raison aujourd'hui d'aller tenter une aventure ailleurs alors que les jurassiens attendent de moi que j'assume mes responsabilité."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 3 juillet 2001)
- "C'est d'abord un réel soulagement de constater que le Tribunal pénal international va pouvoir juger un criminel qui a sur la conscience de lourds crimes. C'est certainement une toute première étape dans la montée en puissance d'une justice internationale. Il faudra soutenir ce tribunal dans la durée et lui octroyer les moyens en êtres humains et les moyens financiers pour lui permettre de faire son travail de façon juste."
Vous allez quitter le loft gouvernemental dans quelques jours à votre demande. Ce sera demain votre dernier Conseil des ministres. Est-ce un soulagement de partir ?
- "J'ai à la fois un petit pincement au coeur, parce que je crois que j'ai fait un travail formidable qui m'a changée, qui m'a beaucoup apporté, et le sentiment de retrouver une certaine liberté. Une liberté de parole bien sûr, une liberté aussi de mouvement. Le travail gouvernemental est très lourd, s'il est exaltant et si on a le sentiment de construire, on est aussi freiné par de nombreuses lenteurs, de nombreuses lourdeurs. La machine administrative en France est certainement beaucoup plus implacable et plus lourde que nulle part ailleurs. Le travail du ministre de l'Environnement étant par nature interministériel, il reste extrêmement difficile de mettre en oeuvre ce qui a été promis aux citoyens."
L. Jospin a quand même essayé de vous retenir, rassurez-nous ! Il vous a dit : " Reste avec moi Dominique, il n'y a plus qu'un an" ?
- "C'est vrai qu'il m'a demandé de rester mais il a compris aussi que mon ambition est aujourd'hui de faire redémarrer mon parti politique qui est en situation d'assumer des rendez-vous d'une gravité exceptionnelle pour nous et pour les Français. Il faut réduire le fossé qui existe entre les aspirations des Français à une meilleure qualité de la vie et les capacités des Verts à assumer ce chantier considérable. Munie d'un solide bilan, je me sens tout à fait capable de m'attacher à cette tâche."
Parlons-en de ce bilan : vous êtes quand même déçue par rapport aux objectifs que vous vous étiez fixés en 1997, non ? Ce n'est pas à la hauteur. C'est la faute de L. Jospin ?
- "Ce n'est la faute de personne. Le bilan est tout à fait consistant dans l'ensemble des champs de la responsabilité du ministère de l'Environnement. Je pense par exemple au moratoire sur les OGM qui a été décidé au niveau européen. Je pense au fait que 40 millions de Français
- deux sur trois - trient aujourd'hui leurs déchets, alors que la politique de traitement des déchets ménagers était en panne quand je suis arrivée en juin 1997. Je pense à la mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire et de l'environnement. Je pense encore bien sûr à Natura 2000. Certains ont voulu en faire un programme qui était destiné à embêter les chasseurs mais c'est un programme destiné à protéger la nature sauvage et la biodiversité. A cet égard, c'est l'une des plus belles réussites de ce Gouvernement."
C'est extraordinaire : vous partez et d'un seul coup, la semaine dernière il y a eu la loi sur l'eau - vous en parliez depuis 1998 - et demain pour votre dernier passage à l'Elysée, vous allez présenter la loi de transparence et de sûreté nucléaire. Franchement, il fallait partir plus tôt pour faire accélérer les choses.
- "Est-ce que plus de lois auraient été préparées si j'avais annoncé mon départ plus tôt ? C'est effectivement amusant de se poser la question. Cette loi sur le nucléaire correspond pour moi en quelque sorte à un regret. Les Français ne sont pas très favorables au nucléaire , mon opinion personnelle est bien connue. C'est vrai que j'ai tenté, à travers cette loi sur la transparence et la sûreté nucléaire, de mettre un petit peu de civilisation et de civilité dans une industrie qui n'est guère civile. Le nucléaire reste une sorte de zone d'ombre dans la politique française. Beaucoup devrait être fait pour que le lobby se comporte d'une façon décente."
L. Jospin - ce n'est pas un mystère - n'a pas la fibre écolo. Vous ne l'avez pas fait beaucoup progressé en quatre ans ?
- "L. Jospin a compris que c'était un enjeu électoral, un enjeu de société, mais c'est vrai que sa culture, son histoire ne le poussent pas spontanément à considérer que ce sont là des priorités."
C'est un intérêt politique et non un intérêt de fond ?
- "Il lit les journaux, il écoute certainement ses enfants qui lui disent que c'est important mais c'est vrai que cela ne correspond pas à sa formation politique initiale. Il a dû faire un effort pour découvrir ces sujets."
Vos fautes : on va revenir sur l'Erika. Au fond, on vous a beaucoup reproché de manquer de générosité et de compassion.
- " On me ressort toujours l'Erika !"
Oui, parce que cela colle comme le pétrole aux pieds et aux chaussures.
- "On ne me cite que l'Erika, ce qui laisserait à penser que je n'ai pas fait tant d'erreurs. Cette phrase, qui était finalement une phrase d'émotion à l'égard des enfants du Venezuela, m'est reprochée trois ans plus tard. J'ai l'impression que la charge est bien légère au regard de tout le travail qui a été accompli."
Quand N. Mamère dit qu'on ne peut pas dire que le bilan du ministère Voynet soit bon, a-t-il tort ?
- "Il dit le contraire."
Il dit "on aurait pu faire mieux."
- "Il dit que je suis allée aussi loin qu'on pouvait aller compte tenu du poids des lobbies et des intérêts dans la société française. Au moment de concevoir les lois, on peut se laisser aller. Ensuite, il faut les faire voter à l'Assemblée. C'est vrai que 5 Verts sur 577 députés ce n'est pas assez pour garantir que des lois révolutionnaires du point de vue de l'Environnement puissent être adoptées. Si on doit aujourd'hui se mobiliser pour protéger la loi littoral, si on doit continuer à discuter avec Bruxelles à propos de la chasse, c'est notamment parce qu'un nombre trop insuffisant de parlementaires a pris conscience du fait que ces sujets étaient au coeur de l'action politique aujourd'hui, qu'ils méritaient des actes de courage, et qu'ils méritaient d'affronter des électeurs quand ils ne comprennent pas toujours où on va."
Vous allez faire comme C. Lepage, vous allez dénoncer dans un livre tous les lobbies ? Vous auriez dû les dénoncer pendant !
- "J'ai dit quelles étaient mes difficultés mais c'est vrai que j'aurais pu m'appuyer davantage sur l'opinion publique qui, à bien des égards, est plus avancée que ses dirigeants politiques sur ces sujets. Ce n'est pas mon genre de réécrire ma vérité dans un livre, surtout quand on tord le cou à la vérité comme le fait C. Lepage. Ainsi, elle fait l'impasse sur le fait que c'est sa décision, celle du Gouvernement français, qui a ouvert la porte à la commercialisation des OGM en Europe en 1996. Elle fait aussi l'impasse sur le fait que la loi sur l'air était une belle coquille mais une coquille vide au moment où elle a quitté le Gouvernement."
C'est la campagne électorale entre écolos aux présidentielles qui commence.
- "Il faut être vrai. Pendant quatre ans, je n'ai pas attaqué C. Lepage parce que je comprenais très bien qu'elle avait disposé finalement de bien peu d'influences et de pouvoirs dans le Gouvernement d'A. Juppé. Elle en a souffert, elle l'a dit. Je crois qu'il faut au moins avoir le courage d'affronter la vérité en face et de ne pas raconter des histoires à des électeurs."
Retour un peu difficile chez les Verts : vous avez été élue un peu difficilement secrétaire nationale.
- "Avec 60 % des voix."
C'est une règle bizarre.
- "C'est une règle bizarre qui est destinée à assurer qu'il y ait quand même un certain consensus autour des personnes qui vont conduire le mouvement. C'est une règle exigeante ; si elle s'appliquait à l'ensemble des élections en France, on en mesurerait l'exigence."
Pourquoi faites-vous peur aux écolos ? Vous êtes dure, autoritaire, intransigeante ?
- "Je ne crois pas. Je suis une bosseuse, je demande à mon entourage de travailler beaucoup. L'attente des Français à notre égard est énorme et personne ne comprendrait que nous sacrifions en chamailleries internes l'énergie qui doit être consacrée à convaincre, à réformer de fond en comble la politique agricole commune, à arrêter le retraitement nucléaire, à mettre en place la proportionnelle, à augmenter les moyens de l'aide publique au développement. Ce sont nos chantiers."
En clair, vous allez faire des efforts pour être plus sympa avec eux ?
- "Je ne crois pas qu'on attende de moi de la démagogie et une certaine camaraderie factice. On attend de moi que je remette en marche cette maison qui a beaucoup souffert de sa montée en puissance trop rapide. Nous avons beaucoup de militants qui ont accédé à des responsabilités d'élu et qui consacrent énormément d'énergie. Je pense par exemple à J. Bouteau, maire Vert du 2ème arrondissement : il a besoin d'avoir le soutien des Verts et de ne pas être seul dans un grand bureau."
Votre candidat à l'élection présidentielle est A. Lipietz. Problème dans les sondages, il fait moins bien que N. Mamère. C'est ennuyeux ?
- " Il est aujourd'hui un peu moins bien connu. Je suis absolument convaincue que son score sera tout à fait honorable. Ce sera le score des Verts..."
... il faut qu'il fasse mieux que vous à la dernière élection.
-" Il ne peut pas faire moins. Il doit faire le meilleur score possible pour permettre à nos candidats aux élections législatives d'accéder nombreux à l'Assemblée nationale."
Vous avez la nécessité d'avoir un certain nombre de députés pour passer un accord avec le PS.
- " Il faut un groupe parlementaire. On l'a vu lors de la discussion sur la loi de modernisation sociale : quand on a quelques députés seulement à l'assemblée nationale, on ne pèse pas assez sur les décisions. Je ne veux plus m'exposer à reproduire cette situation."
Vous disiez tout à l'heure que vous alliez retrouver votre liberté de parole. Liberté de parole à l'égard du Président de la République : est-ce que vous iriez, comme monsieur Mamère, jusqu'à dire aujourd'hui que J. Chirac est un ripou ?
-" Je n'aime pas les insultes. Je n'aime pas les subir et je n'aime pas en proférer. Mais ma liberté de parole sur cette affaire a été totale. Je considère que le Président de la République aurait dû accepter d'être entendu par des juges. C'est à ce prix d'ailleurs qu'il aurait pu se libérer au plus vite de cette obligation de s'expliquer. Je crois indispensable de redire ce que j'ai déjà dit la semaine dernière : les fonds secrets sont destinés à faire fonctionner l'Etat et pas à financer des vacances personnelles. Aucun membre du Gouvernement de L. Jospin ne se permettrait ce genre de choses."
Quand vous voyez le Président de la République, tout va bien entre vous ?
- " On n'a pas à travailler ensemble. Le Président de la République parle beaucoup, nous on travaille, parfois de façon un peu ingrate, sur des dossiers qui sont importants pour la qualité de vie des Français. Je crois que le Président de la République sait très bien l'opinion de ceux qui se trouvent autour de la table du Conseil des ministres."
Liberté de parole à l'égard de L. Jospin dans les mois qui viennent ; vous pourrez dire ce que vous pensez de l'action du Gouvernement dans lequel vous ne siégerez plus ?
- "Liberté de parole mais pas règlement de compte. Je me sens solidaire de l'action gouvernementale et comptable de ce qui a été fait pendant quatre ans. J'ai envie de l'assumer devant les électeurs et de tout faire pour que la gauche et les Verts gagnent ensemble en 2002. Mais, c'est vrai que j'ai le sentiment que la gauche gagnera, les Verts avec la gauche si nous savons dire aussi ce qui important pour les Français. Ce n'est forcément pas le ressassement des vieilles lunes de la gauche ; c'est peut-être aussi la capacité de défricher des champs nouveaux. Le champ de la qualité de la vie et de la qualité de l'environnement en est un."
En 2002, si L. Jospin est élu, vous aurez envie de revenir au Gouvernement ?
- "Je ne me suis pas projetée dans l'avenir à ce point. Pour l'instant mon chantier reste la remise en mouvement des Verts avec tous les Verts. Je ne suis pas la candidate ..."
... vous n'êtes pas hostile comme M.-G. Buffet qui a dit qu'elle ne reviendra pas ?
- " Le fait d'être partie plus tôt me redonnera peut-être l'envie de revenir. Notre moteur reste l'envie d'être utile dans mon parti, au Gouvernement, ou encore dans mes responsabilités de députée. J'ai été députée trois jours et cela reste un manque pour moi, j'aurais adoré être députée du Jura. Je serai candidate dans le Jura.
Vous l'annoncez ce matin. Vous serez candidate dans le Jura ?
- " Je suis députée sortante dans le Jura et je n'ai pas de raison aujourd'hui d'aller tenter une aventure ailleurs alors que les jurassiens attendent de moi que j'assume mes responsabilité."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 3 juillet 2001)