Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France région Rhône Alpes, Monsieur Marcel Amsallem,
Monsieur le Président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, Monsieur Richard Prasquier
Votre Éminence, Monsieur le Cardinal Philippe Barbarin,
Monsieur le Grand Rabbin de la région Rhône-Alpes,
Monsieur le Représentant de la communauté protestante,
Monsieur le Préfet de Région,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Madame et Messieurs les Sénateurs,
Messieurs les Présidents du Conseil Régional et du Conseil Général,
Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel,
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Recteur,
Mon Général, Gouverneur militaire de Lyon,
Messieurs les Consuls Généraux et les conseillers d'ambassades,
Mesdames et Messieurs les Maires et les Élus,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président, j'ai bien entendu vos paroles, vos inquiétudes et je suis venu ce soir à Lyon, dans ce haut lieu du martyr et capitale de la résistance -et une ville qui, dans les années noires, vit les communautés solidaires des Juifs-, pour évoquer un des piliers de notre vivre ensemble : la laïcité. Je voudrais auparavant évoquer la mémoire d'un sénateur du Rhône, Justin Godart, qui, dans les premiers, s'insurgea contre les lois raciales qui annonçaient la Shoah. Le sénateur Godart qui, ici à Lyon dès 1933, sera l'une des voix qui, dans votre ville et au plan national, dénoncèrent très tôt la barbarie en gestation. Il fut parmi les 80 qui refusèrent les pleins pouvoirs un certain 10 juillet 1940 !
Je vous remercie de m'avoir invité à ce dîner républicain, en tant que Président du Sénat. Le Sénat, c'est le défenseur institutionnel des libertés individuelles et collectives, et parmi elles, de la liberté de penser et de la liberté de chacun de croire. Le Sénat est l'Assemblée où, en 1905, les débats sur la loi de séparation des Églises et de l'État ont enfin retrouvé la sérénité.
Le rapporteur de cette loi au sénat, le Sénateur Lecomte s'exprimait ainsi : « Le pays a parfaitement compris que les consciences n'avaient pas à s'alarmer et devaient au contraire être satisfaites de la conquête depuis si longtemps réclamée de la liberté des cultes. Pour la première fois, ce pays obtient la liberté religieuse (...).
Aujourd'hui l'État rentre dans sa mission ; il ne s'occupe des Églises qu'au point de vue de ses devoirs à lui, État, uniquement au point de vue de l'ordre public, de la paix entre les citoyens (...). Alors, votez cette séparation, parce que c'est réellement une séparation libérale ».
C'est un extrait du compte rendu de la Séance du 9 décembre 1905, alors qu'arrivait à son terme l'examen parlementaire de ce texte, après un mois de débats. Plus d'un siècle plus tard, ce texte reste d'une étonnante modernité, et j'apprécie d'avoir l'occasion d'évoquer devant vous, ce soir, ce thème toujours majeur, toujours d'actualité, la laïcité.
Je suis aussi heureux de participer à cette rencontre qui traduit la vitalité et l'ouverture de votre communauté, une des plus anciennes de notre pays. On l'évoque au Vème siècle comme dans toute la vallée du Rhône.
Lyon est une ville de référence au plan religieux. Je viens d'évoquer une assez longue histoire de la communauté juive dans cette ville. Lyon, la capitale des Gaules, est aussi pour les catholiques celle du primat des Gaules. La montagne qui prie y domine la ville.
Pour les protestants, elle est l'un des premiers lieux précurseurs de la réforme avec Pierre Valdo et les « pauvres de Lyon ».
Lyon est devenue un lieu de la pensée de la différence, de l'acceptation de la différence, une ville où l'on peut parler des religions avec les leçons d'une histoire ancienne, où l'on peut donc aussi parler de laïcité, c'est-à-dire d'un mode de relation apaisé entre les Religions et l'État.
1° - Ma conception de la Laïcité
Le mot est propre à la France, à cet égard, le professeur Jean Baubérot parle d'exception française. Il serait par exemple, incompréhensible pour un Allemand, compte tenu des liens privilégiés des églises avec l'Etat, outre-Rhin. Il appartient cependant, tout comme le beau mot de « République », au patrimoine commun de notre nation. Il ne saurait être question de le remettre en cause tant il exprime notre conception particulière des relations entre l'État qui doit rester neutre et les religions.
Mais la laïcité peut-elle être « fermée » ? D'ailleurs, faut-il à ce mot accoler un adjectif ? Ouverte, positive, fermée ? Ne se suffit-il pas à lui-même ?
Au début du XXème siècle, l'objet même de la dispute entre les républicains et les conservateurs était l'établissement et le renforcement de la République. La situation est-elle la même aujourd'hui ?
Le refus idéologique, parfois sectaire, des religions, qui sont un facteur d'intégration sociale, peut-il nous tenir lieu de politique ?
Je suis convaincu qu'une conception exclusive et jalouse de la laïcité, arc-boutée sur des querelles du siècle dernier, est atteinte, pour ainsi dire, d'une forme de « rachitisme » de l'esprit républicain, et aboutit à une caricature de la liberté et à un épuisement de nos valeurs.
« Soyons républicains ».
Au sein de la République, ne craignons pas d'exercer la liberté instituée par la Loi, que nous croyions au Ciel ou que nous n'y croyions pas.
Telle est, selon moi, la feuille de route des pouvoirs publics au cours des prochaines années. C'est précisément pourquoi je crois que nous devons avoir une interprétation « ouverte », « accueillante », « bienveillante », de la laïcité.
Permettez-moi de citer Gilles Bernheim, le nouveau grand Rabbin de France, dans cet ouvrage dans lequel il dialogue avec vous, Monseigneur Barbarin.
Voila ce que dit le Grand Rabbin : « une laïcité bien comprise doit nous engager à poursuivre sans fléchir la défense de l'ordre républicain -avec ce qu'il implique et de droits et de devoirs- et à lutter sur tous les fronts contre l'intolérance et l'obscurantisme. Mais il convient aussi d'agir avec pragmatisme et sans excès de dogmatisme. »
Cette lutte contre l'intolérance, sachez bien que le Sénat s'y est engagé dès la première heure et qu'il compte au nombre de vos alliés. Et moi, qui ai aujourd'hui l'honneur de le présider, je mets un point d'honneur à ce que cette mission de défense des libertés reste au coeur de notre action.
Permettez-moi à présent de vous citer, Monsieur le Cardinal : « Dans l'enseignement du concile Vatican II sur la liberté religieuse, on demande de respecter comme un droit fondamental des personnes le chemin spirituel qu'elles suivent dans les diverses religions. La laïcité républicaine, me semble-t-il, c'est l'engagement que l'État prend de respecter ce droit de tous les citoyens. Quant à lui, il se déclare laïc, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune religion officielle dans le pays, quelle que soit la proportion de croyants de telle ou telle confession ».
Et, dans ce dialogue que vous avez, le Grand Rabbin Bernheim de poursuivre en ces termes votre réflexion commune : « La première fonction de la laïcité est de garantir la liberté des religions minoritaires face à l'« oppression » de la religion majoritaire du pays dans lequel on vit. Elle est plus qu'une simple tolérance préservatrice de certains excès qui empêcheraient les citoyens de vivre, chacun selon ses conceptions privées, dans une même communauté.
Elle est en fait un réseau de valeurs qui tissent un lien civique et social et qui enrichissent la relation des citoyens entre eux, tant au niveau des droits que des devoirs. Et c'est vrai que la place laissée vacante par la carence du politique est irrésistiblement occupée par les dérives fondamentalistes, par les tentations de ghettoïsation et de fragmentation de la société globale. »
Je note que le Grand Rabbin Bernheim mentionne les droits et les devoirs. J'aime cette conception d'une citoyenneté exigeante. Et j'aime cette idée d'une laïcité qui n'est pas seulement un espace de neutralité, un espace simplement vide du fait religieux cantonné dans la sphère privée, mais aussi un lien en soi, une valeur qui nous rassemble, croyants et non croyants.
Nous ne transigerons pas sur l'essentiel : la liberté de conscience, la liberté d'expression, l'égalité de droit des citoyens, et plus spécialement l'égalité des hommes et des femmes. Pour le reste, je suis convaincu qu'il appartient aux pouvoirs publics, en général, et aux détenteurs de mandats publics, en particulier, d'approfondir des relations avec les différentes religions, dans une France où toutes doivent pouvoir faire entendre leur voix. Telle est aussi la raison de ma présence parmi vous.
2° - Le judaïsme français et la laïcité
« Si je désire ardemment la séparation des Églises et de l'État, c'est pour qu'elle soit une cause de paix sociale et politique. Elle ne peut l'être qu'à condition d'être réalisée dans la justice et la liberté. » (Jean-Marie MAYEUR La séparation des Églises et de l'État Paris 2005 p. 41)
C'est dans ces termes que Raoul Allier, Professeur de philosophie à la Faculté de théologie protestante de Paris s'exprimait, en 1904, peu de temps avant le vote de la loi portant séparation des Églises et de l'État.
Les juifs de France comme les protestants français, qui ont connu des heures difficiles, ont éprouvé, pour ainsi dire, une sorte d'« affinité historique » avec la laïcité. Au fil des temps, cette affinité s'est transformée en attachement. Je me sens personnellement au confluent de ces traditions spirituelles et républicaines.
Les protestants ont attendu l'Édit de Tolérance du roi Louis XVI, en 1787, pour bénéficier d'un état-civil. Les juifs de France, eux, ont attendu 1791 pour disposer de la plénitude des droits civiques.
Le souvenir de cette histoire parallèle est, je crois, à l'origine de leur attachement à la séparation entre les cultes et l'État qui préserve la spécificité de leur confession et qui s'accomplisse dans la justice.
Face aux religions, notre laïcité à la française ne doit pas être hostile mais ménager un espace public dans lequel les fidèles exercent, chacun selon leur conscience, leur culte sans qu'aucune religion ne s'arroge le droit de définir les règles applicables aux autres. Il n'y a pas de religion dominante dans notre pays. Il n'y a pas de « grands » et de « petits » cultes : le nombre ne fait rien à l'affaire !
Je crois que tous, ici, nous aspirons à une laïcité résultant non pas de la « tolérance » -mot réducteur, car il désigne un pis aller- mais à une laïcité fondée sur la liberté et l'égalité, deux mots qui figurent dans notre devise nationale.
Au cours des cinquante dernières années, le paysage religieux de la France s'est, certes, modifié et sa transformation amène à s'interroger sur l'interprétation qu'il convient, compte tenu de l'expérience du passé, de donner pour l'avenir, au concept de laïcité. Le sujet étant au centre du débat public, je souhaite dire, redire, mon attachement à la laïcité.
Que n'a-t-on dit, voici quelques mois, lorsque l'expression de « laïcité positive » a été prononcée par le Président de la République ! Ce débat parfois polémique n'avait pas forcément d'intérêt, et je ne vais pas la rouvrir. Mais il me semble certain, j'espère avoir su vous démontrer ma conviction, que la laïcité n'est pas le refus mais l'acceptation. Ainsi, la laïcité, qu'on la qualifie de positive ou d'ouverte, est une attitude de dialogue. Finalement, la laïcité bien comprise, dans son acception républicaine, n'a peut-être pas besoin de qualificatif !
Je voudrais maintenant m'interroger sur un phénomène qui nous préoccupe tous, car il est une insulte à nos valeurs républicaines et à la laïcité, il est une insulte notre volonté de vivre ensemble, je voudrais m'interroger sur l'antisémitisme. Ces actes de discrimination et de racisme nous concernent tous. Frantz Fanon le dit : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l'oreille, c'est de vous qu'on parle ».
Les agressions, les actes de violence ou de profanation que nous avons à déplorer avec une régularité navrante, sont évidemment inacceptables, et l'État fera son devoir en assurant la protection des lieux de cultes, des lieux de mémoire, et en condamnant avec la plus grande fermeté les propos négationnistes, qui ne sont qu'une forme plus élaborée -et donc encore plus dangereuse- de ces profanations.
Je vais une nouvelle fois citer M. le Grand Rabbin Gilbert Bernheim, car je trouve qu'il apporte des éléments de réponse très justes aux interrogations que suscite une recrudescence des actes d'antisémitisme chez certains de nos compatriotes.
« Je suis également préoccupé par une certaine crise de l'identité nationale. L'État-nation se trouve ébranlé par tous ces phénomènes, et l'antisémitisme y trouve aussi son compte parce qu'il a toujours été utilisé par des groupes menacés, inquiets, en manque de repères. Ces groupes cherchent à construire un ennemi sur lequel ils vont projeter la cause de tous leurs malheurs.
Je partage cette analyse. La Marseillaise sifflée au Stade de France ne signifie pas autre chose, elle exprime cette même difficulté à construire un sentiment d'appartenance à la communauté nationale. C'est sur ce sentiment d'échec, de rejet, que se construit par mimétisme le rejet de l'autre. La réponse, elle ne peut être que politique ! Une politique sociale qui permette à chacun de s'intégrer, sans rien renier de ses propres valeurs, sans rien rejeter des valeurs de la République.
Donnons des repères à nos compatriotes les plus fragiles ! Consolidons, encore, le lien national, réinventons-le pour qu'une nouvelle génération de Français, aux origines géographiques et culturelles différentes, y trouve sa place et l'enrichisse de ses différences et de son adhésion. Dans ce lien national, dans ces valeurs républicaines qu'il nous faut faire vivre et transmettre, la laïcité est une valeur clé.
Je voudrais à présent aborder un sujet d'une douloureuse actualité, qui est la situation au Proche-Orient. On a vu, ici et là, que ce conflit pouvait « s'importer » sur le territoire national et qu'il constituait un défi posé à notre conception de la laïcité telle que je viens de l'évoquer avec vous, à notre volonté à nous Français, de toutes origines et de toutes confessions, de vivre ensemble, enrichis par nos différences.
C'est un moment douloureux pour le Proche-Orient, et donc difficile pour ceux qui s'en sentent proches. C'est votre cas, c'est aussi le mien. Dans ce moment difficile, des interrogations peuvent exister, des tensions ou des craintes peuvent se raviver, des incompréhensions peuvent naître.
C'est pourquoi, même si elle avait été prévue avant les derniers événements, notre rencontre de ce jour me tenait particulièrement à coeur : les occasions de rencontre et d'échange sont toujours bienvenues, elles le sont encore plus en cette période.
Votre dialogue avec les autorités politiques, notre dialogue donc, est régulier : le Président de la République reçoit demain votre Président, M. Prasquier, accompagné d'une délégation. Je serai, le 2 mars, au dîner annuel du CRIF, à Paris. Avant cela, notre dialogue de ce soir me permet de vous dire certaines réflexions que m'inspire la situation au Proche-Orient.
J'ai d'ailleurs rencontré, ce matin même, à Paris, Mme Khoury, la Déléguée Générale de la Palestine en France, une femme intelligente et courageuse. Née à Bethléem, elle sait ce que le dialogue des religions signifie.
Laissez-moi dire que je continue à parler du processus de paix israélo-palestinien (et non du conflit israélo-palestinien). Même si ce sont, diront certains, les deux faces d'une même médaille, moi, je veux regarder la face qui parle de paix. Car la paix est et reste notre souhait à tous, c'est l'objectif de toute la communauté internationale, et c'est celui des hommes de bonne volonté, en Israël, dans les Territoires palestiniens et ailleurs.
Dire cela, dire qu'on veut la paix, ce n'est pas utiliser une formule toute faite, ou faire preuve d'angélisme. Je ne suis pas un homme d'utopie : je suis un homme concret, pragmatique et réaliste. Et le réalisme, au Proche-Orient, c'est de dire et de redire qu'il n'y aura pas de solution militaire à cette crise !
La seule issue possible, là encore, est politique, c'est une paix négociée, c'est la coexistence pacifique de deux États, dans le plein respect de la reconnaissance d'Israël et de son droit à la sécurité. Faire la paix est parfois ce qui demande le plus de courage. Parler à son ennemi, c'est avoir le courage du pardon. C'est parfois plus difficile que de se battre.
Nous venons de vivre un mois de janvier terrible, meurtrier, et qui laisse une blessure profonde dans le processus de paix. Là aussi, il faut reconstruire.
Chacun ici connaît le bilan des affrontements de ces dernières semaines. Je n'en ferai pas la si douloureuse comptabilité, mais mes pensées vont aux morts, aux blessés, à leur famille, à tous ceux que le conflit a endeuillés, des deux côtés.
Je voudrais vous redire la position de notre pays, la position définie par le Président de la République et mise en oeuvre par notre diplomatie, et que je fais mienne.
Dès le premier jour de l'offensive, le 27 décembre, la France a appelé à l'arrêt des combats et des tirs de roquettes. La France, par la voix du Président de la République, a condamné tout usage disproportionné de la force.
Alors présidente de l'Union Européenne pour encore quelques jours, la France a réuni d'urgence les 27 ministres des Affaires étrangères à Paris pour une réunion de crise.
Le Président de la République a effectué une première visite dans la région les 5 et 6 janvier. Il est retourné le 18 janvier à Sharm El Sheikh, en Égypte, pour coprésider avec le Président Moubarak un sommet consacré à cette crise. La France a été active au Conseil de Sécurité des Nations Unies, que nous présidons en janvier. Une résolution mesurée, équilibrée, a été adoptée.
Après 22 jours d'hostilités, les armes se sont tues. Depuis le 18 janvier, depuis une semaine, la place est à une difficile négociation. Le 21 janvier, l'armée israélienne a évacué la bande de Gaza.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? D'abord, on peut saluer le cessez-le-feu et le rôle décisif de l'Égypte dans sa mise en oeuvre. Je me rends au Caire dans 10 jours, je verrai le Président Moubarak. Je parlerai évidemment de cela avec lui.
La paix reste fragile, bien sûr. Il faut consolider la trêve. Les discussions au Caire se poursuivent pour l'instauration d'une trêve durable. Une conférence pourrait se tenir au Caire fin février : nous l'encourageons.
Nous mobilisons aussi les donateurs pour aider à la reconstruction. Je l'ai dit : il n'y aura pas de solution militaire. Et une solution politique, c'est aussi une solution économique. La misère n'est jamais ferment de paix. Une population jeune, nombreuse, vivant dans la misère et sans perspective d'avenir, voilà la plus grande des menaces. Il faut aussi redonner de l'espoir aux jeunes Palestiniens et assurer la protection des habitants des villes du Néguev.
Lever le blocus, c'est possible si et seulement si le trafic d'armes cesse. La France est prête à participer à des mécanismes de contrôle et de lutte contre le trafic d'armes.
À plus long terme, une sortie de crise durable passe par la relance du processus de paix. La conférence d'Annapolis, en novembre 2007, avait permis de relancer le processus de paix israélo-palestinien interrompu depuis sept ans.
Il faut retrouver l'esprit de dialogue qui avait permis ce résultat. Il ne faut pas laisser les radicaux prendre le dessus, en profitant des divisions internes. Pour cela, il faut des leaders politiques forts, qui osent prendre le risque de la paix.
Il n'y a pas d'alternative à la reprise des négociations en vue de la création d'un État palestinien viable, indépendant et démocratique, vivant en paix aux côtés de l'État d'Israël dans des frontières sûres et reconnues.
La résolution 1850 du Conseil de Sécurité des Nations Unies a rappelé le caractère irréversible de ce processus. Cette paix doit être fondée sur le principe de l'échange de la terre contre la paix, sur les résolutions du Conseil de Sécurité et sur l'initiative arabe de paix, base essentielle d'un règlement global et durable au Proche-Orient.
Le Président de la République l'a indiqué à Charm al Cheikh le 18 janvier : une conférence internationale de paix doit rapidement permettre de concrétiser cette ambition en 2009. Cet objectif est à notre portée. Il est la seule porte de sortie à ce conflit.
Tous, nous devons y aider. En France, où vivent les plus importantes communautés juives et musulmanes d'Europe, nous devons démontrer que nous avons su construire, dans la République, dans ses valeurs, un espace public commun, où nous avons choisi de vivre ensemble.
Nous, Français, responsables politiques, associatifs, religieux, nous devons veiller à dénoncer les amalgames faciles que cherchent à faire certains, à canaliser les réactions trop vives qui répondent plus à l'émotion qu'à la réflexion, afin que ce conflit ne provoque pas chez nous des réflexes d'identification communautaire et des tensions. Le communautarisme est contraire à nos valeurs républicaines, qui sont des valeurs de rassemblement.
Non seulement nous devons avoir cette vigilance, mais nous devons faire plus. Nous devons, par notre exemple, par notre dialogue, par notre volonté de vivre ensemble dans la laïcité, nous devons, par cet exemple, montrer à d'autres régions du monde que l'affrontement n'est pas une fatalité, que le choix du dialogue est possible, et que la paix en est la récompense.
Je voudrais terminer mon propos sur ces paroles de vos sages :
« L'amour et la haine dépassent toujours les bornes » ;
« Ne juge pas ton prochain avant de te retrouver à sa place ».
Le psaume 3415 sera ma conclusion : « Écarte-toi du Mal et fais le Bien. Recherche la Paix et poursuis-la ».
Je vous remercie.
Source http://www.senat.fr, le 16 février 2009
Monsieur le Président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, Monsieur Richard Prasquier
Votre Éminence, Monsieur le Cardinal Philippe Barbarin,
Monsieur le Grand Rabbin de la région Rhône-Alpes,
Monsieur le Représentant de la communauté protestante,
Monsieur le Préfet de Région,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Madame et Messieurs les Sénateurs,
Messieurs les Présidents du Conseil Régional et du Conseil Général,
Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel,
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Recteur,
Mon Général, Gouverneur militaire de Lyon,
Messieurs les Consuls Généraux et les conseillers d'ambassades,
Mesdames et Messieurs les Maires et les Élus,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président, j'ai bien entendu vos paroles, vos inquiétudes et je suis venu ce soir à Lyon, dans ce haut lieu du martyr et capitale de la résistance -et une ville qui, dans les années noires, vit les communautés solidaires des Juifs-, pour évoquer un des piliers de notre vivre ensemble : la laïcité. Je voudrais auparavant évoquer la mémoire d'un sénateur du Rhône, Justin Godart, qui, dans les premiers, s'insurgea contre les lois raciales qui annonçaient la Shoah. Le sénateur Godart qui, ici à Lyon dès 1933, sera l'une des voix qui, dans votre ville et au plan national, dénoncèrent très tôt la barbarie en gestation. Il fut parmi les 80 qui refusèrent les pleins pouvoirs un certain 10 juillet 1940 !
Je vous remercie de m'avoir invité à ce dîner républicain, en tant que Président du Sénat. Le Sénat, c'est le défenseur institutionnel des libertés individuelles et collectives, et parmi elles, de la liberté de penser et de la liberté de chacun de croire. Le Sénat est l'Assemblée où, en 1905, les débats sur la loi de séparation des Églises et de l'État ont enfin retrouvé la sérénité.
Le rapporteur de cette loi au sénat, le Sénateur Lecomte s'exprimait ainsi : « Le pays a parfaitement compris que les consciences n'avaient pas à s'alarmer et devaient au contraire être satisfaites de la conquête depuis si longtemps réclamée de la liberté des cultes. Pour la première fois, ce pays obtient la liberté religieuse (...).
Aujourd'hui l'État rentre dans sa mission ; il ne s'occupe des Églises qu'au point de vue de ses devoirs à lui, État, uniquement au point de vue de l'ordre public, de la paix entre les citoyens (...). Alors, votez cette séparation, parce que c'est réellement une séparation libérale ».
C'est un extrait du compte rendu de la Séance du 9 décembre 1905, alors qu'arrivait à son terme l'examen parlementaire de ce texte, après un mois de débats. Plus d'un siècle plus tard, ce texte reste d'une étonnante modernité, et j'apprécie d'avoir l'occasion d'évoquer devant vous, ce soir, ce thème toujours majeur, toujours d'actualité, la laïcité.
Je suis aussi heureux de participer à cette rencontre qui traduit la vitalité et l'ouverture de votre communauté, une des plus anciennes de notre pays. On l'évoque au Vème siècle comme dans toute la vallée du Rhône.
Lyon est une ville de référence au plan religieux. Je viens d'évoquer une assez longue histoire de la communauté juive dans cette ville. Lyon, la capitale des Gaules, est aussi pour les catholiques celle du primat des Gaules. La montagne qui prie y domine la ville.
Pour les protestants, elle est l'un des premiers lieux précurseurs de la réforme avec Pierre Valdo et les « pauvres de Lyon ».
Lyon est devenue un lieu de la pensée de la différence, de l'acceptation de la différence, une ville où l'on peut parler des religions avec les leçons d'une histoire ancienne, où l'on peut donc aussi parler de laïcité, c'est-à-dire d'un mode de relation apaisé entre les Religions et l'État.
1° - Ma conception de la Laïcité
Le mot est propre à la France, à cet égard, le professeur Jean Baubérot parle d'exception française. Il serait par exemple, incompréhensible pour un Allemand, compte tenu des liens privilégiés des églises avec l'Etat, outre-Rhin. Il appartient cependant, tout comme le beau mot de « République », au patrimoine commun de notre nation. Il ne saurait être question de le remettre en cause tant il exprime notre conception particulière des relations entre l'État qui doit rester neutre et les religions.
Mais la laïcité peut-elle être « fermée » ? D'ailleurs, faut-il à ce mot accoler un adjectif ? Ouverte, positive, fermée ? Ne se suffit-il pas à lui-même ?
Au début du XXème siècle, l'objet même de la dispute entre les républicains et les conservateurs était l'établissement et le renforcement de la République. La situation est-elle la même aujourd'hui ?
Le refus idéologique, parfois sectaire, des religions, qui sont un facteur d'intégration sociale, peut-il nous tenir lieu de politique ?
Je suis convaincu qu'une conception exclusive et jalouse de la laïcité, arc-boutée sur des querelles du siècle dernier, est atteinte, pour ainsi dire, d'une forme de « rachitisme » de l'esprit républicain, et aboutit à une caricature de la liberté et à un épuisement de nos valeurs.
« Soyons républicains ».
Au sein de la République, ne craignons pas d'exercer la liberté instituée par la Loi, que nous croyions au Ciel ou que nous n'y croyions pas.
Telle est, selon moi, la feuille de route des pouvoirs publics au cours des prochaines années. C'est précisément pourquoi je crois que nous devons avoir une interprétation « ouverte », « accueillante », « bienveillante », de la laïcité.
Permettez-moi de citer Gilles Bernheim, le nouveau grand Rabbin de France, dans cet ouvrage dans lequel il dialogue avec vous, Monseigneur Barbarin.
Voila ce que dit le Grand Rabbin : « une laïcité bien comprise doit nous engager à poursuivre sans fléchir la défense de l'ordre républicain -avec ce qu'il implique et de droits et de devoirs- et à lutter sur tous les fronts contre l'intolérance et l'obscurantisme. Mais il convient aussi d'agir avec pragmatisme et sans excès de dogmatisme. »
Cette lutte contre l'intolérance, sachez bien que le Sénat s'y est engagé dès la première heure et qu'il compte au nombre de vos alliés. Et moi, qui ai aujourd'hui l'honneur de le présider, je mets un point d'honneur à ce que cette mission de défense des libertés reste au coeur de notre action.
Permettez-moi à présent de vous citer, Monsieur le Cardinal : « Dans l'enseignement du concile Vatican II sur la liberté religieuse, on demande de respecter comme un droit fondamental des personnes le chemin spirituel qu'elles suivent dans les diverses religions. La laïcité républicaine, me semble-t-il, c'est l'engagement que l'État prend de respecter ce droit de tous les citoyens. Quant à lui, il se déclare laïc, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune religion officielle dans le pays, quelle que soit la proportion de croyants de telle ou telle confession ».
Et, dans ce dialogue que vous avez, le Grand Rabbin Bernheim de poursuivre en ces termes votre réflexion commune : « La première fonction de la laïcité est de garantir la liberté des religions minoritaires face à l'« oppression » de la religion majoritaire du pays dans lequel on vit. Elle est plus qu'une simple tolérance préservatrice de certains excès qui empêcheraient les citoyens de vivre, chacun selon ses conceptions privées, dans une même communauté.
Elle est en fait un réseau de valeurs qui tissent un lien civique et social et qui enrichissent la relation des citoyens entre eux, tant au niveau des droits que des devoirs. Et c'est vrai que la place laissée vacante par la carence du politique est irrésistiblement occupée par les dérives fondamentalistes, par les tentations de ghettoïsation et de fragmentation de la société globale. »
Je note que le Grand Rabbin Bernheim mentionne les droits et les devoirs. J'aime cette conception d'une citoyenneté exigeante. Et j'aime cette idée d'une laïcité qui n'est pas seulement un espace de neutralité, un espace simplement vide du fait religieux cantonné dans la sphère privée, mais aussi un lien en soi, une valeur qui nous rassemble, croyants et non croyants.
Nous ne transigerons pas sur l'essentiel : la liberté de conscience, la liberté d'expression, l'égalité de droit des citoyens, et plus spécialement l'égalité des hommes et des femmes. Pour le reste, je suis convaincu qu'il appartient aux pouvoirs publics, en général, et aux détenteurs de mandats publics, en particulier, d'approfondir des relations avec les différentes religions, dans une France où toutes doivent pouvoir faire entendre leur voix. Telle est aussi la raison de ma présence parmi vous.
2° - Le judaïsme français et la laïcité
« Si je désire ardemment la séparation des Églises et de l'État, c'est pour qu'elle soit une cause de paix sociale et politique. Elle ne peut l'être qu'à condition d'être réalisée dans la justice et la liberté. » (Jean-Marie MAYEUR La séparation des Églises et de l'État Paris 2005 p. 41)
C'est dans ces termes que Raoul Allier, Professeur de philosophie à la Faculté de théologie protestante de Paris s'exprimait, en 1904, peu de temps avant le vote de la loi portant séparation des Églises et de l'État.
Les juifs de France comme les protestants français, qui ont connu des heures difficiles, ont éprouvé, pour ainsi dire, une sorte d'« affinité historique » avec la laïcité. Au fil des temps, cette affinité s'est transformée en attachement. Je me sens personnellement au confluent de ces traditions spirituelles et républicaines.
Les protestants ont attendu l'Édit de Tolérance du roi Louis XVI, en 1787, pour bénéficier d'un état-civil. Les juifs de France, eux, ont attendu 1791 pour disposer de la plénitude des droits civiques.
Le souvenir de cette histoire parallèle est, je crois, à l'origine de leur attachement à la séparation entre les cultes et l'État qui préserve la spécificité de leur confession et qui s'accomplisse dans la justice.
Face aux religions, notre laïcité à la française ne doit pas être hostile mais ménager un espace public dans lequel les fidèles exercent, chacun selon leur conscience, leur culte sans qu'aucune religion ne s'arroge le droit de définir les règles applicables aux autres. Il n'y a pas de religion dominante dans notre pays. Il n'y a pas de « grands » et de « petits » cultes : le nombre ne fait rien à l'affaire !
Je crois que tous, ici, nous aspirons à une laïcité résultant non pas de la « tolérance » -mot réducteur, car il désigne un pis aller- mais à une laïcité fondée sur la liberté et l'égalité, deux mots qui figurent dans notre devise nationale.
Au cours des cinquante dernières années, le paysage religieux de la France s'est, certes, modifié et sa transformation amène à s'interroger sur l'interprétation qu'il convient, compte tenu de l'expérience du passé, de donner pour l'avenir, au concept de laïcité. Le sujet étant au centre du débat public, je souhaite dire, redire, mon attachement à la laïcité.
Que n'a-t-on dit, voici quelques mois, lorsque l'expression de « laïcité positive » a été prononcée par le Président de la République ! Ce débat parfois polémique n'avait pas forcément d'intérêt, et je ne vais pas la rouvrir. Mais il me semble certain, j'espère avoir su vous démontrer ma conviction, que la laïcité n'est pas le refus mais l'acceptation. Ainsi, la laïcité, qu'on la qualifie de positive ou d'ouverte, est une attitude de dialogue. Finalement, la laïcité bien comprise, dans son acception républicaine, n'a peut-être pas besoin de qualificatif !
Je voudrais maintenant m'interroger sur un phénomène qui nous préoccupe tous, car il est une insulte à nos valeurs républicaines et à la laïcité, il est une insulte notre volonté de vivre ensemble, je voudrais m'interroger sur l'antisémitisme. Ces actes de discrimination et de racisme nous concernent tous. Frantz Fanon le dit : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l'oreille, c'est de vous qu'on parle ».
Les agressions, les actes de violence ou de profanation que nous avons à déplorer avec une régularité navrante, sont évidemment inacceptables, et l'État fera son devoir en assurant la protection des lieux de cultes, des lieux de mémoire, et en condamnant avec la plus grande fermeté les propos négationnistes, qui ne sont qu'une forme plus élaborée -et donc encore plus dangereuse- de ces profanations.
Je vais une nouvelle fois citer M. le Grand Rabbin Gilbert Bernheim, car je trouve qu'il apporte des éléments de réponse très justes aux interrogations que suscite une recrudescence des actes d'antisémitisme chez certains de nos compatriotes.
« Je suis également préoccupé par une certaine crise de l'identité nationale. L'État-nation se trouve ébranlé par tous ces phénomènes, et l'antisémitisme y trouve aussi son compte parce qu'il a toujours été utilisé par des groupes menacés, inquiets, en manque de repères. Ces groupes cherchent à construire un ennemi sur lequel ils vont projeter la cause de tous leurs malheurs.
Je partage cette analyse. La Marseillaise sifflée au Stade de France ne signifie pas autre chose, elle exprime cette même difficulté à construire un sentiment d'appartenance à la communauté nationale. C'est sur ce sentiment d'échec, de rejet, que se construit par mimétisme le rejet de l'autre. La réponse, elle ne peut être que politique ! Une politique sociale qui permette à chacun de s'intégrer, sans rien renier de ses propres valeurs, sans rien rejeter des valeurs de la République.
Donnons des repères à nos compatriotes les plus fragiles ! Consolidons, encore, le lien national, réinventons-le pour qu'une nouvelle génération de Français, aux origines géographiques et culturelles différentes, y trouve sa place et l'enrichisse de ses différences et de son adhésion. Dans ce lien national, dans ces valeurs républicaines qu'il nous faut faire vivre et transmettre, la laïcité est une valeur clé.
Je voudrais à présent aborder un sujet d'une douloureuse actualité, qui est la situation au Proche-Orient. On a vu, ici et là, que ce conflit pouvait « s'importer » sur le territoire national et qu'il constituait un défi posé à notre conception de la laïcité telle que je viens de l'évoquer avec vous, à notre volonté à nous Français, de toutes origines et de toutes confessions, de vivre ensemble, enrichis par nos différences.
C'est un moment douloureux pour le Proche-Orient, et donc difficile pour ceux qui s'en sentent proches. C'est votre cas, c'est aussi le mien. Dans ce moment difficile, des interrogations peuvent exister, des tensions ou des craintes peuvent se raviver, des incompréhensions peuvent naître.
C'est pourquoi, même si elle avait été prévue avant les derniers événements, notre rencontre de ce jour me tenait particulièrement à coeur : les occasions de rencontre et d'échange sont toujours bienvenues, elles le sont encore plus en cette période.
Votre dialogue avec les autorités politiques, notre dialogue donc, est régulier : le Président de la République reçoit demain votre Président, M. Prasquier, accompagné d'une délégation. Je serai, le 2 mars, au dîner annuel du CRIF, à Paris. Avant cela, notre dialogue de ce soir me permet de vous dire certaines réflexions que m'inspire la situation au Proche-Orient.
J'ai d'ailleurs rencontré, ce matin même, à Paris, Mme Khoury, la Déléguée Générale de la Palestine en France, une femme intelligente et courageuse. Née à Bethléem, elle sait ce que le dialogue des religions signifie.
Laissez-moi dire que je continue à parler du processus de paix israélo-palestinien (et non du conflit israélo-palestinien). Même si ce sont, diront certains, les deux faces d'une même médaille, moi, je veux regarder la face qui parle de paix. Car la paix est et reste notre souhait à tous, c'est l'objectif de toute la communauté internationale, et c'est celui des hommes de bonne volonté, en Israël, dans les Territoires palestiniens et ailleurs.
Dire cela, dire qu'on veut la paix, ce n'est pas utiliser une formule toute faite, ou faire preuve d'angélisme. Je ne suis pas un homme d'utopie : je suis un homme concret, pragmatique et réaliste. Et le réalisme, au Proche-Orient, c'est de dire et de redire qu'il n'y aura pas de solution militaire à cette crise !
La seule issue possible, là encore, est politique, c'est une paix négociée, c'est la coexistence pacifique de deux États, dans le plein respect de la reconnaissance d'Israël et de son droit à la sécurité. Faire la paix est parfois ce qui demande le plus de courage. Parler à son ennemi, c'est avoir le courage du pardon. C'est parfois plus difficile que de se battre.
Nous venons de vivre un mois de janvier terrible, meurtrier, et qui laisse une blessure profonde dans le processus de paix. Là aussi, il faut reconstruire.
Chacun ici connaît le bilan des affrontements de ces dernières semaines. Je n'en ferai pas la si douloureuse comptabilité, mais mes pensées vont aux morts, aux blessés, à leur famille, à tous ceux que le conflit a endeuillés, des deux côtés.
Je voudrais vous redire la position de notre pays, la position définie par le Président de la République et mise en oeuvre par notre diplomatie, et que je fais mienne.
Dès le premier jour de l'offensive, le 27 décembre, la France a appelé à l'arrêt des combats et des tirs de roquettes. La France, par la voix du Président de la République, a condamné tout usage disproportionné de la force.
Alors présidente de l'Union Européenne pour encore quelques jours, la France a réuni d'urgence les 27 ministres des Affaires étrangères à Paris pour une réunion de crise.
Le Président de la République a effectué une première visite dans la région les 5 et 6 janvier. Il est retourné le 18 janvier à Sharm El Sheikh, en Égypte, pour coprésider avec le Président Moubarak un sommet consacré à cette crise. La France a été active au Conseil de Sécurité des Nations Unies, que nous présidons en janvier. Une résolution mesurée, équilibrée, a été adoptée.
Après 22 jours d'hostilités, les armes se sont tues. Depuis le 18 janvier, depuis une semaine, la place est à une difficile négociation. Le 21 janvier, l'armée israélienne a évacué la bande de Gaza.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? D'abord, on peut saluer le cessez-le-feu et le rôle décisif de l'Égypte dans sa mise en oeuvre. Je me rends au Caire dans 10 jours, je verrai le Président Moubarak. Je parlerai évidemment de cela avec lui.
La paix reste fragile, bien sûr. Il faut consolider la trêve. Les discussions au Caire se poursuivent pour l'instauration d'une trêve durable. Une conférence pourrait se tenir au Caire fin février : nous l'encourageons.
Nous mobilisons aussi les donateurs pour aider à la reconstruction. Je l'ai dit : il n'y aura pas de solution militaire. Et une solution politique, c'est aussi une solution économique. La misère n'est jamais ferment de paix. Une population jeune, nombreuse, vivant dans la misère et sans perspective d'avenir, voilà la plus grande des menaces. Il faut aussi redonner de l'espoir aux jeunes Palestiniens et assurer la protection des habitants des villes du Néguev.
Lever le blocus, c'est possible si et seulement si le trafic d'armes cesse. La France est prête à participer à des mécanismes de contrôle et de lutte contre le trafic d'armes.
À plus long terme, une sortie de crise durable passe par la relance du processus de paix. La conférence d'Annapolis, en novembre 2007, avait permis de relancer le processus de paix israélo-palestinien interrompu depuis sept ans.
Il faut retrouver l'esprit de dialogue qui avait permis ce résultat. Il ne faut pas laisser les radicaux prendre le dessus, en profitant des divisions internes. Pour cela, il faut des leaders politiques forts, qui osent prendre le risque de la paix.
Il n'y a pas d'alternative à la reprise des négociations en vue de la création d'un État palestinien viable, indépendant et démocratique, vivant en paix aux côtés de l'État d'Israël dans des frontières sûres et reconnues.
La résolution 1850 du Conseil de Sécurité des Nations Unies a rappelé le caractère irréversible de ce processus. Cette paix doit être fondée sur le principe de l'échange de la terre contre la paix, sur les résolutions du Conseil de Sécurité et sur l'initiative arabe de paix, base essentielle d'un règlement global et durable au Proche-Orient.
Le Président de la République l'a indiqué à Charm al Cheikh le 18 janvier : une conférence internationale de paix doit rapidement permettre de concrétiser cette ambition en 2009. Cet objectif est à notre portée. Il est la seule porte de sortie à ce conflit.
Tous, nous devons y aider. En France, où vivent les plus importantes communautés juives et musulmanes d'Europe, nous devons démontrer que nous avons su construire, dans la République, dans ses valeurs, un espace public commun, où nous avons choisi de vivre ensemble.
Nous, Français, responsables politiques, associatifs, religieux, nous devons veiller à dénoncer les amalgames faciles que cherchent à faire certains, à canaliser les réactions trop vives qui répondent plus à l'émotion qu'à la réflexion, afin que ce conflit ne provoque pas chez nous des réflexes d'identification communautaire et des tensions. Le communautarisme est contraire à nos valeurs républicaines, qui sont des valeurs de rassemblement.
Non seulement nous devons avoir cette vigilance, mais nous devons faire plus. Nous devons, par notre exemple, par notre dialogue, par notre volonté de vivre ensemble dans la laïcité, nous devons, par cet exemple, montrer à d'autres régions du monde que l'affrontement n'est pas une fatalité, que le choix du dialogue est possible, et que la paix en est la récompense.
Je voudrais terminer mon propos sur ces paroles de vos sages :
« L'amour et la haine dépassent toujours les bornes » ;
« Ne juge pas ton prochain avant de te retrouver à sa place ».
Le psaume 3415 sera ma conclusion : « Écarte-toi du Mal et fais le Bien. Recherche la Paix et poursuis-la ».
Je vous remercie.
Source http://www.senat.fr, le 16 février 2009