Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse de vous accueillir aujourd'hui pour cette présentation du bilan de 10 années de travaux conduits par la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art.
Je tiens à saluer son président, Monsieur Jean-Pierre BADY, ancien Conseiller Maître à la Cour des comptes et ancien directeur du Patrimoine au ministère.
Il a succédé en 2000 à M. Jean Maheu et a donc suivi l'essentiel de ce chantier très important pour la protection et la connaissance de notre patrimoine.
Vous le savez, ce chantier a été lancé à la suite d'un rapport de la Cour des comptes de 1996, qui pointait l'insuffisance du contrôle de l'État sur son patrimoine mobilier.
Cela fait donc dix ans que cette vaste opération de vérification et de transparence a été lancée.
Une opération particulièrement délicate, en raison :
- Du nombre très important de pièces concernées : quelque 185.000 oeuvres, inscrites sur les inventaires sont tenus par les musées nationaux du Ministère de la Culture et de la Communication, le Mobilier national, le Centre national des arts plastiques et le Centre des monuments nationaux
- De la diversité des lieux où elles ont été déposées : musées de France, monuments historiques, palais et domaines nationaux, parcs et jardins, administrations publiques de l'État ou des collectivités, établissements universitaires, postes diplomatiques à l'étranger, juridictions telles que le Conseil Constitutionnel ou la Cour des Comptes, résidences présidentielles et du Premier ministre, Assemblées parlementaires.
Vérifier la présence et l'état de 185 000 oeuvres déposées depuis deux cents ans sur tout le territoire : telle était la mission de la commission à sa création en 1997.
Depuis, elle a encore vu ses compétences s'élargir :
- en 2003, sa mission s'est étendue aux collections de la Manufacture de Sèvres. Ce qui représente 200 000 pièces supplémentaires ;
- et en 2007, par décret du 15 mai, la Commission a été pérennisée et sa mission est devenue interministérielle. La commission sera donc amenée à intervenir auprès d'autres institutions patrimoniales relevant par exemple des ministères de l'Education nationale, de la Recherche ou de la Défense.
Je rappelle aussi le rôle précurseur de la Commission, dans la mise en oeuvre de mesures importantes de la politique muséale, que ce soit la disposition de l'article 12 de la loi de janvier 2002 relative aux musées de France, qui prévoit le récolement obligatoire décennal des collections, ou encore le transfert en pleine propriété aux collectivités territoriales des dépôts antérieurs à 1910.
Je souligne que depuis le lancement de cette vaste opération de récolement, tous les dépositaires ont accueilli ces contrôles avec un grand sens de leurs responsabilités et un vrai souci de l'intégrité du patrimoine qui leur avait été confié.
Je tiens à féliciter Monsieur Jean-Pierre BADY, l'ensemble de la commission, mais aussi tous les personnels scientifiques, techniques et administratifs pour le travail accompli.
Ce travail a porté ses fruits puisque, à la fin de l'année 2007, 72% des oeuvres avaient été récolées et je m'en félicite
Récoler ne veut pas seulement dire recenser.
Bien plus qu'un simple pointage systématique, administratif et réglementaire, le récolement donne en effet l'occasion de mieux connaître les collections.
C'est ainsi que des musées nationaux, comme le Centre national des arts plastiques, ont pu réétudier leurs dépôts anciens souvent peu ou mal documentés, les photographier, dépouiller les archives sur les conditions de leur envoi, parfois les réattribuer, et favoriser leur mise en valeur par l'enrichissement des bases de données en ligne.
C'est aussi l'occasion d'heureuses découvertes, après des enquêtes qui n'ont rien à envier aux romans de Dan Brown :
- Telle cette statue de Minerve déposée en 1945 au ministère de la Défense, qui manquait à l'appel. Les conservateurs ont suivi sa piste jusqu'à l'institut pédagogique de la rue d'Ulm. Elle y avait été transférée en 1958, après avoir transité par le ministère de l'Education Nationale. Or, le musée pédagogique de la rue d'Ulm n'existe plus aujourd'hui. Ses collections forment le noyau de l'actuel musée national de l'éducation et les locaux sont occupés par le Centre national de documentation pédagogique. Heureusement, l'un des plus anciens agents de ce service se souvenait d'une histoire de sculpture cachée derrière une fausse cloison. C'est ainsi que la statue a ainsi pu être retrouvée et rendue aux collections du musée du Louvre.
- Au musée d'Archéologie nationale de Saint Germain en Laye, une correspondance et quelques mentions dans les inventaires certifiaient d'un dépôt d'oeuvres au musée de Stockholm entre 1923 et 1927. On le croyait d'une cinquantaine de pièces. Grâce au récolement sur place et à la documentation conservée, on a découvert qu'il s'agissait en réalité de six dépôts successifs, de 576 objets paléolithiques!
- Je rappelle enfin l'heureux dénouement de l'affaire de « La vierge à l'enfant avec Saint-François », cette superbe peinture sur cuivre du Dominiquin qui figurait dans la collection royale. Elle avait disparu du musée de Toul où elle avait été déposée en 1895. Elle a été retrouvée en 2004 chez un particulier, grâce à l'enquête diligentée par la commission de récolement et la direction des musées de France.
Mais parfois, malgré la détermination et la compétence des équipes scientifiques, certaines oeuvres sont toujours portées disparues.
Je veux souligner l'engagement de la Commission sur ce sujet. Vous avez en effet déployé beaucoup d'énergie et de pédagogie pour rappeler aux administrations dépositaires les règles de gestion des dépôts ; pour les inciter à porter plainte à chaque fois qu'une disparition est constatée, afin que les oeuvres manquantes soient inscrites dans le fichier national tenu par l'OCBC (Office Central de lutte contre le trafic des biens culturels).
J'ai d'ailleurs moi-même récemment relancé la Garde des Sceaux en lui demandant de rappeler aux procureurs de la République la nécessité d'examiner avec une attention toute particulière le cas des oeuvres d'art disparues.
Vous savez que la protection de notre patrimoine est un sujet qui me tient particulièrement à coeur - j'en ai d'ailleurs fait un axe important du volet culturel de la Présidence française de l'Union Européenne.
En décembre 2007, j'avais organisé une table ronde avec Rachida DATI autour de la prévention et de la répression des vols de biens culturels.
J'avais alors annoncé un plan d'action, d'ores et déjà mis en oeuvre :
- le durcissement des sanctions, avec la création d'une circonstance aggravante en cas de vol ou de dégradation de biens culturels, a été mis en place avec la loi du 15 juillet 2008 ;
- le délit pour les intrusions dans les lieux culturels a été instauré par un décret publié le 15 décembre 2008.
Ce plan comportait également un important volet préventif, avec des mesures permettant de renforcer la sécurité de nos musées et de nos monuments.
Et dans ce cadre, je suis particulièrement intéressée par les recherches actuelles autour de la question complexe du marquage des collections publiques. La commission de récolement a créé une commission spécifique sur ce sujet, présidée par Christiane NAFFAH, directrice du Centre de recherche et de restauration des musées de France.
Elle étudie la mise en place de normes de marquage qui permettraient d'assurer la traçabilité des oeuvres. Ces travaux ont commencé en 2000 et ont abouti à la publication du guide méthodologique qui va vous être distribué. Je sais que c'est un exercice délicat, puisqu'il s'agit de permettre l'identification des oeuvres tout en maintenant leur intégrité. La France est pionnière dans ce domaine. Aucune expérience de cette ampleur n'a encore été réalisée en Europe. Nous plaçons beaucoup d'espoirs dans ces travaux. Les enjeux sont immenses, en termes d'identification, de gestion, de sécurité et de lutte contre le recel et le trafic d'oeuvres d'art.
Je cède maintenant la parole à Monsieur Jean-Pierre BADY, qui va nous présenter le bilan de ces dix années de travaux de la commission. Madame Christiane NAFFAH nous présentera ensuite l'état d'avancement des recherches sur le marquage des collections publiques.Source http://www.culture.gouv.fr, le 30 janvier 2009
Je suis très heureuse de vous accueillir aujourd'hui pour cette présentation du bilan de 10 années de travaux conduits par la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art.
Je tiens à saluer son président, Monsieur Jean-Pierre BADY, ancien Conseiller Maître à la Cour des comptes et ancien directeur du Patrimoine au ministère.
Il a succédé en 2000 à M. Jean Maheu et a donc suivi l'essentiel de ce chantier très important pour la protection et la connaissance de notre patrimoine.
Vous le savez, ce chantier a été lancé à la suite d'un rapport de la Cour des comptes de 1996, qui pointait l'insuffisance du contrôle de l'État sur son patrimoine mobilier.
Cela fait donc dix ans que cette vaste opération de vérification et de transparence a été lancée.
Une opération particulièrement délicate, en raison :
- Du nombre très important de pièces concernées : quelque 185.000 oeuvres, inscrites sur les inventaires sont tenus par les musées nationaux du Ministère de la Culture et de la Communication, le Mobilier national, le Centre national des arts plastiques et le Centre des monuments nationaux
- De la diversité des lieux où elles ont été déposées : musées de France, monuments historiques, palais et domaines nationaux, parcs et jardins, administrations publiques de l'État ou des collectivités, établissements universitaires, postes diplomatiques à l'étranger, juridictions telles que le Conseil Constitutionnel ou la Cour des Comptes, résidences présidentielles et du Premier ministre, Assemblées parlementaires.
Vérifier la présence et l'état de 185 000 oeuvres déposées depuis deux cents ans sur tout le territoire : telle était la mission de la commission à sa création en 1997.
Depuis, elle a encore vu ses compétences s'élargir :
- en 2003, sa mission s'est étendue aux collections de la Manufacture de Sèvres. Ce qui représente 200 000 pièces supplémentaires ;
- et en 2007, par décret du 15 mai, la Commission a été pérennisée et sa mission est devenue interministérielle. La commission sera donc amenée à intervenir auprès d'autres institutions patrimoniales relevant par exemple des ministères de l'Education nationale, de la Recherche ou de la Défense.
Je rappelle aussi le rôle précurseur de la Commission, dans la mise en oeuvre de mesures importantes de la politique muséale, que ce soit la disposition de l'article 12 de la loi de janvier 2002 relative aux musées de France, qui prévoit le récolement obligatoire décennal des collections, ou encore le transfert en pleine propriété aux collectivités territoriales des dépôts antérieurs à 1910.
Je souligne que depuis le lancement de cette vaste opération de récolement, tous les dépositaires ont accueilli ces contrôles avec un grand sens de leurs responsabilités et un vrai souci de l'intégrité du patrimoine qui leur avait été confié.
Je tiens à féliciter Monsieur Jean-Pierre BADY, l'ensemble de la commission, mais aussi tous les personnels scientifiques, techniques et administratifs pour le travail accompli.
Ce travail a porté ses fruits puisque, à la fin de l'année 2007, 72% des oeuvres avaient été récolées et je m'en félicite
Récoler ne veut pas seulement dire recenser.
Bien plus qu'un simple pointage systématique, administratif et réglementaire, le récolement donne en effet l'occasion de mieux connaître les collections.
C'est ainsi que des musées nationaux, comme le Centre national des arts plastiques, ont pu réétudier leurs dépôts anciens souvent peu ou mal documentés, les photographier, dépouiller les archives sur les conditions de leur envoi, parfois les réattribuer, et favoriser leur mise en valeur par l'enrichissement des bases de données en ligne.
C'est aussi l'occasion d'heureuses découvertes, après des enquêtes qui n'ont rien à envier aux romans de Dan Brown :
- Telle cette statue de Minerve déposée en 1945 au ministère de la Défense, qui manquait à l'appel. Les conservateurs ont suivi sa piste jusqu'à l'institut pédagogique de la rue d'Ulm. Elle y avait été transférée en 1958, après avoir transité par le ministère de l'Education Nationale. Or, le musée pédagogique de la rue d'Ulm n'existe plus aujourd'hui. Ses collections forment le noyau de l'actuel musée national de l'éducation et les locaux sont occupés par le Centre national de documentation pédagogique. Heureusement, l'un des plus anciens agents de ce service se souvenait d'une histoire de sculpture cachée derrière une fausse cloison. C'est ainsi que la statue a ainsi pu être retrouvée et rendue aux collections du musée du Louvre.
- Au musée d'Archéologie nationale de Saint Germain en Laye, une correspondance et quelques mentions dans les inventaires certifiaient d'un dépôt d'oeuvres au musée de Stockholm entre 1923 et 1927. On le croyait d'une cinquantaine de pièces. Grâce au récolement sur place et à la documentation conservée, on a découvert qu'il s'agissait en réalité de six dépôts successifs, de 576 objets paléolithiques!
- Je rappelle enfin l'heureux dénouement de l'affaire de « La vierge à l'enfant avec Saint-François », cette superbe peinture sur cuivre du Dominiquin qui figurait dans la collection royale. Elle avait disparu du musée de Toul où elle avait été déposée en 1895. Elle a été retrouvée en 2004 chez un particulier, grâce à l'enquête diligentée par la commission de récolement et la direction des musées de France.
Mais parfois, malgré la détermination et la compétence des équipes scientifiques, certaines oeuvres sont toujours portées disparues.
Je veux souligner l'engagement de la Commission sur ce sujet. Vous avez en effet déployé beaucoup d'énergie et de pédagogie pour rappeler aux administrations dépositaires les règles de gestion des dépôts ; pour les inciter à porter plainte à chaque fois qu'une disparition est constatée, afin que les oeuvres manquantes soient inscrites dans le fichier national tenu par l'OCBC (Office Central de lutte contre le trafic des biens culturels).
J'ai d'ailleurs moi-même récemment relancé la Garde des Sceaux en lui demandant de rappeler aux procureurs de la République la nécessité d'examiner avec une attention toute particulière le cas des oeuvres d'art disparues.
Vous savez que la protection de notre patrimoine est un sujet qui me tient particulièrement à coeur - j'en ai d'ailleurs fait un axe important du volet culturel de la Présidence française de l'Union Européenne.
En décembre 2007, j'avais organisé une table ronde avec Rachida DATI autour de la prévention et de la répression des vols de biens culturels.
J'avais alors annoncé un plan d'action, d'ores et déjà mis en oeuvre :
- le durcissement des sanctions, avec la création d'une circonstance aggravante en cas de vol ou de dégradation de biens culturels, a été mis en place avec la loi du 15 juillet 2008 ;
- le délit pour les intrusions dans les lieux culturels a été instauré par un décret publié le 15 décembre 2008.
Ce plan comportait également un important volet préventif, avec des mesures permettant de renforcer la sécurité de nos musées et de nos monuments.
Et dans ce cadre, je suis particulièrement intéressée par les recherches actuelles autour de la question complexe du marquage des collections publiques. La commission de récolement a créé une commission spécifique sur ce sujet, présidée par Christiane NAFFAH, directrice du Centre de recherche et de restauration des musées de France.
Elle étudie la mise en place de normes de marquage qui permettraient d'assurer la traçabilité des oeuvres. Ces travaux ont commencé en 2000 et ont abouti à la publication du guide méthodologique qui va vous être distribué. Je sais que c'est un exercice délicat, puisqu'il s'agit de permettre l'identification des oeuvres tout en maintenant leur intégrité. La France est pionnière dans ce domaine. Aucune expérience de cette ampleur n'a encore été réalisée en Europe. Nous plaçons beaucoup d'espoirs dans ces travaux. Les enjeux sont immenses, en termes d'identification, de gestion, de sécurité et de lutte contre le recel et le trafic d'oeuvres d'art.
Je cède maintenant la parole à Monsieur Jean-Pierre BADY, qui va nous présenter le bilan de ces dix années de travaux de la commission. Madame Christiane NAFFAH nous présentera ensuite l'état d'avancement des recherches sur le marquage des collections publiques.Source http://www.culture.gouv.fr, le 30 janvier 2009