Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, sur les mesures décidées en matière de transports, au titre du Grenelle de l'environnement et du plan de relance de l'économie et sur les mesures prises en faveur des transports lors de la présidence française de l'Union européenne, Tokyo le 16 janvier 2009.

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Circonstance : Déplacement au Japon les 15 et 16 janvier 2009, dans le cadre de la conférence ministérielle sur les transports et l'environnement-déclaration devant la Chambre de commerce et d'industrie de la France au Japon à Tokyo le 16

Texte intégral


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je suis parmi vous ce matin, pour une intervention et pour, je le souhaite, des échanges à bâtons rompus sur votre expérience très concrète de la relation franco-japonaise.
Vous savez que je suis depuis hier à Tokyo pour la conférence ministérielle sur les transports et l'environnement organisée par mon collègue japonais. Cette forme de conférence a vocation à se renouveler chaque année, pour devenir une sorte de « Davos des transports ».
Je m'en réjouis car les transports constituent un sujet que l'on a bien tort de parfois négliger, sauf hélas quand il y a des accidents, au motif qu'il est assez technique. Les transports jouent un rôle déterminant aussi bien au niveau micro-économique, dans notre vie quotidienne, qu'au niveau macroéconomique et au niveau de l'Etat.
Je voudrais vous en donner ce matin l'illustration à travers trois grands cadres d'action que nous menons ou venons de mener en France : le « Grenelle de l'Environnement », le plan de relance de l'économie et la présidence française de l'Union européenne.
1 - LE GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT
Je vais traiter de ces sujets d'actualité dans l'ordre chronologique et donc commencer par le « Grenelle de l'Environnement ».
Vous savez qu'il s'est agi d'un processus de travail très innovant puisqu'il a rassemblé responsables politiques, associatifs, syndicaux et d'entreprises durant plusieurs mois. L'ensemble de leurs réflexions a permis d'aboutir à une série de décisions concernant le développement durable et la lutte contre le changement climatique au sens large, et le tournant que nous voulons faire prendre à notre pays en la matière.
Le résultat a été à la hauteur du travail engagé puisque la première loi issue du « Grenelle », celle qui définit les grandes orientations décidées, a été votée à la quasi-unanimité à l'Assemblée nationale à l'Automne ; elle est maintenant en cours d'examen devant le Sénat, et nous espérons le même résultat.
La deuxième loi, qui définit la mise en oeuvre concrète des engagements du « Grenelle » vient, elle, d'être présentée en Conseil des Ministres et devra également être débattue par nos assemblées dans les mois qui viennent.
Les décisions prises en matière de transports sont extrêmement importantes, ce qui se justifie par le fait que, entre 1990 et 2005, les émissions brutes françaises de gaz à effet de serre ont augmenté de 22% dans ce domaine alors que nos émissions tous secteurs confondus se sont réduites de 2% dans la même période. Avec le secteur du bâtiment, qui a vu, lui, ses émissions croître de 15%, c'est donc celui sur lequel nous devons agir en priorité et massivement afin de parvenir à une réduction importante de nos consommations d'énergie.
Je ne vais pas vous citer toutes les mesures retenues, mais en retiens quelques unes qui me paraissent emblématiques et d'une réelle ampleur.
Nous voulons tout d'abord développer les transports urbains. C'est pourquoi nous avons décidé la création dans les 10 ans de 1.500 kilomètres de lignes nouvelles de tramways ou de bus protégées, venant s'ajouter aux 329 existantes. L'Etat apportera un soutien direct de 4 milliards euros aux investissements d'infrastructures des collectivités locales, dont le coût global est estimé à environ 18 milliards euros.
Nous allons doubler le réseau de lignes ferroviaires à grande vitesse, afin d'offrir plus d'alternatives à l'avion et la voiture : ce sont donc 2.000 kilomètres de LGV qui vont être lancées d'ici à 2020, et nous allons en mettre à l'étude 2.500 kilomètres supplémentaires à plus long terme. L'effort de l'Etat pour ce programme sera au minimum de 16 Mds euros.
Nous voulons aussi améliorer la desserte terrestre des aéroports par les transports en commun, ce qui fait par exemple l'objet du projet « CDG Express » pour l'aéroport de Roissy, qui vous permettra, lors de déplacements à Paris, de relier plus vite et plus confortablement le secteur de la gare de l'Est.
En matière de transports de marchandises, le Président de la République nous a fixé comme objectif d'amener le fret non routier de 14% aujourd'hui à 25% de part de marché en 15 ans.
Nous devons donc développer l'offre ferrée, maritime et fluviale : nous soutenons pour cela un projet de TGV Fret pour des activités de messagerie et allons créer de nouvelles autoroutes ferroviaires, en profitant d'ailleurs des capacités dégagées par la création de nouvelles lignes à grande vitesse pour le trafic de voyageurs. Nous voulons aussi faciliter l'arrivée de nouveaux acteurs du fret ferroviaire et allons créer une autorité spécifique de régulation de la concurrence pour ce secteur d'activité.
En matière maritime et fluviale, nous avons lancé plusieurs projets d'autoroutes de la mer, notamment avec l'Espagne et le Portugal, et sommes engagés dans le grand projet de canal Seine Nord Europe pour un montant de 4 Milliards euros.
Enfin, pour inciter au report modal, nous allons mettre en place en 2011 une éco-redevance kilométrique pour les poids lourds sur le réseau routier non concédé, dont les recettes seront affectées à l'agence en charge du financement des infrastructures de transports.
Voilà pour les mesures principales que nous avons décidées en matière de transports au titre du « Grenelle ». Vous voyez que les chantiers ne manquent pas ! Ils manquent d'autant moins que, dans le cadre du plan de relance de l'économie décidé à la fin de l'année, nous allons encore accélérer le
mouvement.
2 - LE PLAN DE RELANCE
Vous savez que la crise financière qui couvait depuis plusieurs mois et qui nous a touchés cet été, s'est très vite transformée en une crise économique et sociale. Elle est sans précédent depuis celle 1929 et le président de la République, Nicolas Sarkozy, l'a qualifié de structurelle.
Face à cette crise, nos gouvernements et la Commission européenne se sont très rapidement mobilisés, et se sont - quoi qu'on en dise parfois - beaucoup concertés, au niveau européen et avec les pays tiers. A l'échelle de l'Union européenne, il a ainsi déjà été arrêté un ensemble de mesures représentant environ 200 milliards euros d'aides et investissements divers.
Dans ce contexte, l'importance du rôle des grands projets structurants est évidente, notamment en matière d'infrastructures de transport. Il ne s'agit pas seulement d'injecter des capitaux dans l'économie afin de la relance, il s'agit aussi de préparer l'avenir en réalisant des investissements qui permettront une croissance encore plus forte lorsque la reprise sera là.
Si je prends l'exemple de la France, il est bien certain que l'investissement massif opéré en particulier dans nos routes et voies de chemin de fer au lendemain de la seconde guerre mondiale a littéralement porté ces années de croissance que l'on appelé les « 30 glorieuses ».
Le Président de la République a donc annoncé le 4 décembre un grand plan d'investissement, qui est maintenant en train d'être débattu au Parlement. En matière de transports, on peut synthétiser les efforts de l'Etat en 3 grands axes.
Il y aura d'abord une accélération des investissements pour les infrastructures et grands équipements structurants, qui représenteront au total, sur 2009-2010, un effort de l'ordre de 1,4 milliards euros. Ils s'ajouteront aux grands projets déjà engagés tels que le canal Seine-Nord dont je vous parlais tout à l'heure ou la liaison Lyon-Turin, qui font partie du RTE-T (réseau trans-européen de transport). Ainsi, entre 2010 et 2014, ce sont quatre lignes de chemin de fer à grande vitesse qui seront construites en parallèle (Bordeaux-Espagne, Rennes-Brest, Rennes-Quimper, Alsace).
Il a également été demandé à nos deux grandes entreprises de transport public, la SNCF pour les chemins de fer et la RATP pour les transports de la région parisienne, de réaliser dès 2009 750 millions euros d'investissements qui étaient programmés sur plusieurs années.
Deuxième axe, les garanties et les prêts : en France, la réalisation d'un nombre important de grands projets s'effectue maintenant dans le cadre de partenariats public-privé et de concessions. Or, avec la crise, ces investisseurs ont plus de mal à mobiliser les fonds financiers et bancaires nécessaires pour réaliser ces projets. L'État va donc apporter sa garantie sur une partie d'entre eux, dans un plafond global de 8 milliards euros et la Caisse des Dépôts et Consignations, qui est une institution financière qui dépend de l'Etat, va de son côté accorder des prêts dans une enveloppe supplémentaire de 8 milliards euros également (le président de la République a indiqué que cela pourrait concerner par exemple la ligne du TGV Sud-est Atlantique ou bien encore le canal Seine-Nord).
Ces deux efforts viennent s'ajouter au plan qu'avait annoncé le Président de la République le 9 octobre pour faire entrer la France dans l'ère du véhicule « décarboné », c'est-à-dire pour concevoir des véhicules dont la motorisation repose en totalité ou en partie sur l'électricité, avec rechargement sur le réseau.
Ce plan comprend notamment un soutien financier de 400 millions euros à la R&D. Si vous me permettez ce clin d'oeil, j'espère bien que nous serons ainsi rapidement à même de concurrencer les véhicules de type Prius, puisqu'il faut bien reconnaître que Toyota a bien su se positionner sur ce créneau.
Voilà, Mesdames, Messieurs, en résumé, les grandes mesures décidées en France dans le domaine des transports pour lutter contre la crise.
3 - LA PRESIDENCE FRANCAISE DE L'UNION EUROPEENNE
Comme convenu, je termine ce tour d'actualité par une présentation de notre action dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne. Le quotidien économique « Les Echos », dans son bilan général, a relevé dix sujets techniques que notre présidence a permis de faire progresser et sur ces dix, deux concernent les transports, ce qui, vous le comprendrez, constitue un motif de satisfaction. Ces deux sujets sont la sécurité maritime et le « Ciel unique »
Pour ce qui est de la sécurité maritime, nous avons pu débloquer un paquet de huit textes appelé « Erika 3 » parce qu'ils avaient été proposés après le naufrage de l'Erika en 1999. Nous étions au bord de l'échec absolu en avril dernier car le Conseil refusait d'adopter deux des textes de ce paquet, sur la responsabilité des armateurs et sur les obligations des Etats du pavillon. Nous avons progressé par étapes, avec un débat informel mais constructif au Conseil informel de La Rochelle, qui avait permis de montrer notre détermination ; puis nous avons pu obtenir un accord sur ces deux derniers textes lors du Conseil du 9 octobre. Et enfin, nous avons pu mener avec succès le 8 décembre une procédure de conciliation avec le Parlement européen.
C'est donc désormais un paquet de 8 textes qui va pouvoir entrer en vigueur, qui couvre tous les champs de la sécurité maritime puisque, en plus des deux textes que je citais tout à l'heure, nous avons des directives relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information, aux enquêtes sur les accidents, au contrôle par l'État du port, aux organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires, et un règlement sur la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes en cas d'accident.
Dans le domaine du transport aérien, nous avons réussi à obtenir des accords sur ce que l'on appelle le « Ciel Unique » et sur le projet SESAR. L'ensemble nous permettra de pouvoir faire considérablement progresser le transport aérien à l'échelle européenne avec des trajets qui vont pouvoir être raccourcis grâce à un contrôle aérien plus intégré et mutualisé.
Les bénéfices en seront considérables puisque cela signifie des gains de temps, de carburant, une diminution des émissions de CO2 et bien sûr un renforcement de la sécurité. Là encore, c'est une grande satisfaction puisque la Commission avait dévoilé ses propositions moins de 6 mois auparavant, le 25 juin dernier.
Nous avons également progressé sur le sujet de l'extension des compétences de l'agence européenne de sécurité aérienne (AESA), toujours dans ce sens d'une plus grande intégration du transport aérien à l'échelle européenne, ce qui est un sujet délicat, qui demande beaucoup de concertation avec les autorités de tous les Etats membres, civiles et militaires.
Enfin, en matière de transports terrestres, nous avons adopté des conclusions sur le paquet « Ecologisation des transports », que le Commissaire TAJANI avait présenté en juillet dernier. Ces conclusions n'ont pas de portée normative en soi mais elles constituent un acte fort. Elles expriment en effet notre vision de l'évolution des transports, et indiquent notre accord collectif pour évoluer vers ce que l'on appelle l'internalisation des coûts externes (le bruit, la pollution, la congestion) pour l'ensemble des modes de transport selon une approche progressive et équilibrée, afin de tenir compte des spécificités géographiques et économiques des transports dans les différents États membres.
Dans le contexte des débats sur le paquet Energie-climat européen, et dans la perspective de la réunion internationale de Copenhague à la fin de cette année, c'est donc un message fort qu'a émis le Conseil des ministres des transports.
Voilà, Mesdames et Messieurs, quelques sujets qui font l'actualité du Ministre français des transports. Vous pouvez constater que ce domaine, s'il est effectivement technique, est cependant totalement connecté à l'actualité et aux préoccupations de nos concitoyens, qu'il s'agisse de la situation économique et ou du défi que représente la lutte contre le changement climatique.Source http://www.ccifj.or.jp, le 27 février 2009