Texte intégral
C. Barbier.- V. Pécresse bonjour.
Bonjour.
Motion de censure débattue cet après-midi à l'Assemblée, le PS contestant la politique de relance et les atteintes aux libertés publiques. Est-ce que le Président et le Gouvernement n'ont pas tout fait pour mériter une telle riposte ?
Moi je crois que c'est une motion pour rien parce que je crois qu'aujourd'hui, on est en pleine crise, les Français le savent et ce qu'ils attendent c'est des réponses à cette crise, plutôt que de l'obstruction parlementaire. Ils attendent vraiment de l'union nationale et pas des divisions partisanes. Je crois qu'il y a un besoin de solidarité, d'entraide, de coopération et le plan de relance du Gouvernement, objectivement, personne ne le critique réellement. Et les recettes...
Le PS a proposé un contre plan.
Oui mais les recettes du plan de relance socialiste, soit ils reprennent nos investissements structurants - donc là il y a pas de question ; cela veut dire qu'en réalité ils sont d'accord. Soit ils veulent une relance par la consommation mais cette relance par la consommation, c'est une relance périmée. C'est une relance qu'on faisait dans les années 80 du 20ème siècle. Comme diraient mes enfants, vous savez le 20ème siècle : le siècle d'avant. La relance par la consommation ça profite à quoi ? Ca profite aux produits importés les moins chers et donc à des pays qui font du dumping social et du dumping environnemental. C'est ça que les socialistes veulent ? Je crois que c'est un plan de relance périmé, ça n'a pas marché dans les années 80, ça ne marchera pas non plus aujourd'hui.
Les socialistes dénoncent aussi l'autoritarisme de N. Sarkozy. Au Gouvernement vous êtes bien placée pour voir qu'il décide de tout.
Ecoutez on lui reproche son volontarisme.
L'autoritarisme.
Mais qu'est-ce qu'on dirait s'il était inerte ? Qu'est-ce qu'on dirait s'il ne faisait rien ? Qu'est-ce qu'on dirait s'il avait laissé le pays s'enfoncer dans une crise qui aurait pu être plus grave que la crise de 29 ? Je crois qu'aujourd'hui on ne peut pas reprocher au Président d'être trop actif, d'être hyper actif parce que les Français en ont besoin.
F. Bayrou votera la motion de censure. Vous le regrettez ou ça n'a aucune importance ?
Pour moi c'est un non évènement.
Motion de censure aujourd'hui, mouvement social jeudi. La France n'est-elle pas en train tout doucement de se rebeller contre le pouvoir ?
Je crois que nous poursuivons un mouvement de réforme qui est un mouvement absolument crucial. Evidemment, je pense à la recherche et à l'université mais je pense que nous voulons créer les conditions du rebond et de la relance. Et donc je crois que c'est ça dont nous devons convaincre les Français.
Mais on l'a vu la semaine dernière à la gare Saint Lazare, on va le voir sans doute jeudi : le service minimum, par exemple, une des réformes, va exploser face à un mouvement social de cette ampleur.
Je le regrette. Je le regrette pour les usagers du service public parce qu'il y a un principe constitutionnel qui est celui de la continuité du service public. Et le service public, il est d'abord au service du public et il n'est pas la propriété de ses agents. Et ils doivent penser aussi au public avant tout. Et je suis pour évidemment le droit constitutionnel de grève mais il y a toute une série de façons de faire grève qui sont des façons beaucoup moins conflictuelles. Nous avons une culture systématique du conflit, je crois que ça ne répond pas aujourd'hui à la situation j'allais dire d'inquiétude qui est celle de tous les Français face à l'emploi, face à l'économie, face à la crise.
F. Lefèbvre au nom de l'UMP propose de durcir les sanctions contre ce qu'il appelle "l'abus du droit de grève". Par exemple des pénalités financières et même traduire en justice les délégués syndicaux. Est-ce que vous êtes pour un tel durcissement par exemple dans votre domaine, l'université ?
Dans l'université, des abus de droit de grève...
Par exemple, on fait de la rétention de notes dans certaines universités, ça pénalise les étudiants. Est-ce que ce n'est pas un abus de droit de grève ?
La rétention de notes n'est pas acceptable parce que c'est prendre les élèves... C'est les élèves qui sont victimes.
Que pouvez-vous faire ?
Moi je crois qu'il faut que les enseignants chercheurs comprennent que la voie, quand on n'est pas d'accord, c'est le dialogue. Dans mon ministère, le dialogue est toujours ouvert. On concerte, on écoute, on prend en compte les préoccupations, on fait évoluer les textes en fonction de... pour rassurer, pour donner les garanties. Et, vraiment, je crois que c'est ça la bonne manière. Et moi ce dont je veux convaincre mes interlocuteurs de la concertation, les syndicats notamment, c'est de leur dire : venez me voir, venez me parler de vos craintes, nous y répondrons, nous trouverons les garanties, nous trouverons les voies de passage. Faire la réforme et en même temps vous rassurer.
Alors exemple concret : les enseignants chercheurs de l'université se mobilisent contre la réforme de leur statut. Ils refusent notamment de voir leur carrière dans la main des présidents d'université. Ils craignent des jugements arbitraires sur leur promotion. Allez-vous retirer ce projet et re-centraliser la promotion des enseignants chercheurs ?
La réforme du statut des enseignants chercheurs, c'est la suite logique de l'autonomie. Si on donne l'autonomie aux universités c'est évidemment pour donner à ces universités, la gestion de leurs ressources humaines. C'est évidemment la clé pour avoir une université qui rayonne en France.
Il peut y avoir des injustices humaines.
Alors, là encore, nous allons donner toutes les garanties. Que dit le décret de 84, aujourd'hui, qui réforme le statut des enseignants chercheurs ? Il dit : reconnaissons toutes les tâches des enseignants chercheurs. Aujourd'hui c'est binaire : des heures de présence devant les étudiants ou de la recherche ; si vous faites de la pédagogie, ce n'est pas valorisé. Si vous faites du tutorat, ce n'est pas valorisé. Et si vous faites du suivi par Internet, des cours par Internet, ce n'est pas valorisé. Grâce au statut, on va tout valoriser. Deuxièmement, revalorisation des carrières. Depuis vingt ans, les enseignants chercheurs attendent cette revalorisation. Cette année, les maîtres de conférence vont être recrutés entre 12% et 25%, avec un salaire entre 12% et 25% plus élevé. Il n'y a pas beaucoup de professions en France qui en 2009 auront leur salaire de départ revalorisé de 12 à 25%. On va doubler le nombre des promotions d'ici 2011. Et ce décret de 84, il permet ces promotions et ces revalorisations de carrière.
Dans une tribune publiée aujourd'hui par Libération, vous promettez même des primes qui peuvent aller jusqu'à 15 000 euros. Que faudra-t-il faire pour toucher un tel bonus ?
Alors justement il y a eu des inquiétudes et des craintes qui se sont exprimées sur, j'allais dire, les craintes de localisme, c'est-à-dire de pouvoir local dans le cadre de l'autonomie. Je suis très sensible à ces craintes, je les entends. Et pour les rassurer, pour rassurer les enseignants chercheurs, nous aurons toute une série de procédures nationales qui permettront de les évaluer.
Ils pourront faire appel, dire j'ai été mal noté ?
Mais ces procédures nationales à travers le Conseil national des universités qui est une instance indépendante des universités, élue et nommée avec les meilleurs d'une discipline, ce Conseil national des universités évaluera les enseignants et ça servira de base aux primes, ça servira de base aux promotions. Donc vous voyez bien que nous donnons des garanties. Nous essayons de rassurer contre évidemment tout risque de l'autonomie.
Est-ce que votre souhait au fond, ce n'est pas de mettre en concurrence les chercheurs sur le terrain pour qu'ils se tirent la bourre pour être meilleurs que le voisin ?
Non mais attendez : Il y a deux choses : récompenser le mérite, récompenser les meilleurs mais c'est absolument indispensable dans la société de la connaissance où nous vivons. Sinon nos meilleurs ils diront, mais pourquoi moi je n'ai pas une prime supplémentaire par rapport à celui qui est un petit peu moins bon ? Pourquoi moi aux Etats- Unis, on me demande de venir avec le double de salaire ? Récompenser les meilleurs, il faut absolument que nous le fassions. Alors ça rompt avec évidemment une tradition française mais il faut absolument le faire. En revanche, il n'est pas question de laisser quiconque sur le bord de la route. Et la revalorisation des carrières, elle sera pour tout le monde.
Vous avez lancé avec le Président la stratégie nationale de la recherche. Votre but à terme, c'est de fondre, de fusionner recherche publique et recherche privée ?
Ce serait une utopie absolue et ce n'est pas du tout comme ça que ça fonctionne. Nous sommes un très grand pays de recherche, nous avons des Prix Nobel, des médailles Fields, des prix Turing, nous avons une recherche fondamentale exceptionnelle. Le problème et on le sait, c'est que nous ne sommes pas aujourd'hui, plus aujourd'hui, un grand pays d'innovation. Nous avons beaucoup de mal à assurer le transfert des découvertes de la recherche fondamentale vers la recherche privée. Alors c'est aussi la faute des entreprises. Les entreprises françaises n'investissent pas suffisamment en recherche. C'est pour ça qu'on s'est doté du crédit impôt recherche, qui est un outil très puissant. Aujourd'hui nous sommes l'environnement fiscal le plus favorable pour la recherche privée mais cette stratégie nationale de recherche et d'innovation c'est mettre en face les chercheurs publics et les entreprises privées mais aussi les ONG, les porteurs d'enjeux, les associations de malades, les associations de protection de l'environnement, comme dans le Grenelle de l'environnement. Et parler des priorités de la société, le vieillissement, la communication, le développement durable. On va parler de ces priorités et on va se parler pour savoir comment la recherche publique et la recherche privée peuvent ensemble faire progresser la société française.
Vous étiez secrétaire générale adjointe de l'UMP, puis porte-parole, puis conseillère politique. Vous n'êtes plus rien dans l'organigramme officiel. Vous êtes en disgrâce ?
J'ai aujourd'hui un vrai combat politique que je mène en ce moment, il est sur le terrain.
La région Ile-de-France.
Il est en Ile-de-France. On ne peut pas tout faire dans la vie. Moi vous savez, je suis une militante anti cumul.
Alors justement, R. Karoutchi, votre rival dans la course à la tête de liste UMP pour les régionales 2010 en Ile de France, a rendu publique son homosexualité. Courage, coup médiatique ?
Ecoutez ! C'est sa vie privée, c'est à lui d'en parler.
Elle est plus privée là.
Non mais c'est à lui d'en parler et je crois que c'est son choix et je crois que c'est sa sincérité.
Vous pensez qu'il a fait ça pour vous rattraper dans les sondages ?
Je crois que la primaire, elle va se jouer - et ce sera à partir de la semaine prochaine - sur des grands débats où nous allons présenter chacun notre vision et notre projet pour la région.
Pas sur les profils de personnalité ?
Et j'invite tous les militants à venir très nombreux à ces débats et je les invite aussi à renouveler leurs adhésions parce qu'ils ont jusqu'au 31 janvier pour le faire.
Ce n'est pas vraiment des débats, vous allez parler chacun de votre côté face aux militants. Il n'y aura pas de confrontation.
Bah ! C'est comme ça qu'on fait aux Etats-Unis avec Obama, Clinton. C'est comme ça qu'on fait au Parti socialiste avec S. Royal et D. Strauss Kahn.
Vous ne regrettez pas un face à face vraiment ?
Non je ne le regrette pas parce que ces primaires, c'est une compétition amicale au sein d'une même famille.
C'est le meilleur moyen de se diviser.
C'est une compétition amicale. Non vous avez tort, c'est un élan. La primaire c'est un élan. Nous avons fait une centaine de déplacements depuis fin août que je suis candidate et lui aussi. Nous avons fait une centaine de déplacements, chaque déplacement nouveau nous enrichit. Hier, j'étais dans le Val d'Oise, ce soir je serais dans l'Essonne. Chaque déplacement m'enrichit des préoccupations des Franciliens dans chaque morceau de territoire, chaque profession, chaque personnalité. Tous les soirs je m'enrichis davantage et j'enrichis davantage mon projet.
S'il est désigné par les militants, R. Karoutchi vous offrira la deuxième place pour faire ticket. Vous ferez la même chose si vous êtes choisie ?
Attendez ! Pour moi, il y a une seule chose qui est très claire : nous serons le couple de l'UMP, le couple de l'année 2010. Et grâce à cette primaire, qui nous aura donné un vrai élan, qui aura réveillé les militants UMP, qui les aura fait prendre conscience de l'importance de la reconquête de cette région pour l'UMP, je crois que nous gagnerons.
« Empêcher les viols est impossible, il y a tellement de belles filles en Italie ». Que pensez-vous de cette analyse de S. Berlusconi ?
Je trouve qu'il y a des propos qui mériteraient de ne pas être tenus.
Merci V. Pécresse, bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 janvier 2009