Texte intégral
Intervention d'Arlette Laguiller
au meeting du jeudi 1 mars 2001 à Grenoble
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis.
Lutte ouvrière présentera donc 128 listes dans ces élections municipales. Ce qui signifie, compte tenu des listes d'arrondissement, que nous serons présents dans 108 villes, 30 dans la région parisienne, 78 en province, y compris dans la ville de Saint-Benoît à La Réunion, c'est-à-dire dans la quasi totalité des villes de plus de 60.000 habitants, plus quelques autres de plus petite taille.
Evidemment, cela représente les principales villes, mais pas tout l'électorat, en particulier pas celui de la majorité des petites villes et des villages. 5 millions d'électeurs seront concernés sur un peu plus de 40 millions d'inscrits, c'est-à-dire environ 13 % de l'électorat. Dans toutes les villes où nous nous présentons, l'électorat populaire aura la possibilité d'envoyer au Conseil municipal des femmes et des hommes qui représenteront au sein de ces institutions, les intérêts des classes laborieuses. Ici, à Grenoble, notre liste est conduite par Roland CALMEL afin que se fasse entendre la voix de ceux qui refusent la fausse alternative entre la droite et une gauche gouvernementale menant la même politique que la droite.
Car le choix entre la droite et la gauche gouvernementale n'est que le choix entre deux équipes de politiciens, mais pas entre deux politiques.
Ces deux équipes se succèdent au pouvoir depuis vingt ans. Chacune promet le changement avant de parvenir au pouvoir. Mais nous avons pu vérifier et revérifier ce que valent ces promesses. Même lorsque les équipes changent, la politique reste la même, et elle est toujours menée en faveur de la classe qui, de par sa richesse, de par son monopole sur les grandes entreprises, sur les moyens de production, domine la vie économique et sociale.
Les groupes industriels et financiers disposent d'un pouvoir souverain. Ils n'ont à rendre des comptes de leurs décisions à personne, en dehors de leurs actionnaires. Ils peuvent fermer leurs entreprises, en diminuer les effectifs, les déplacer au gré des promesses d'aides ou de subventions. Leurs décisions ont beau être catastrophiques pour les travailleurs réduits au chômage, ruineuses pour toutes les catégories sociales dont les revenus sont directement ou indirectement liés aux salaires des travailleurs : le pouvoir politique, qu'il soit de droite ou de gauche, se déclare impuissant. D'Alstom à Bull, de Michelin à Danone, d'Aventis à Moulinex, combien de grandes entreprises sont en train de préparer ou d'exécuter des plans de licenciement, alors qu'une petite fraction de leurs profits suffirait pour maintenir les emplois qu'elles suppriment ?
Usinor vient d'annoncer sa fusion avec deux autres trusts, ce qui fera du nouveau conglomérat le numéro un de l'acier, et, dans le même temps, annonce cyniquement la réduction de ses effectifs. La sidérurgie constitue un exemple édifiant de l'attitude des gouvernements, toutes étiquettes confondues, à l'égard des grands groupes industriels.
Au cours des trois dernières décennies, la sidérurgie a déjà perdu 100.000 emplois. Et les gouvernements qui se sont succédé pendant cette période n'ont rien fait pour empêcher cette hécatombe. Pire : c'est aux entreprises qui licenciaient, c'est à dire à leurs patrons et actionnaires qu'ils accordaient des aides se chiffrant en dizaines de milliards. De la reprise des dettes de la sidérurgie par un gouvernement de droite en 1978 aux plans "acier" en 1982 et 1984 d'un gouvernement de gauche, en passant par les nationalisations en 1981 qui consistaient à racheter à bon prix aux maîtres de forge leurs usines non rentables, l'Etat a donné aux patrons de ce secteur plusieurs fois le prix de leurs usines.
De plus, après avoir nationalisé la sidérurgie, l'Etat sous Mitterrand s'est chargé de la sale besogne de licencier, de fermer des usines, de ruiner des régions entières, jusqu'à tant que les usines survivantes redeviennent rentables. Alors, la droite les privatisa de nouveau.
Non seulement les propriétaires et les actionnaires de la sidérurgie possèdent aujourd'hui des entreprises florissantes, mais de plus ils ont pu, avec l'argent de l'Etat, se diversifier, à l'instar du baron Seillière, représentant la famille De Wendel, qui est à la tête d'un holding dont les possessions vont de l'informatique aux compagnies aériennes. Mais, évidemment, le président du Medef qui se pose en représentant du libéralisme économique et proteste contre les interventions de l'Etat, n'a jamais songé à rendre un seul centime des dizaines de milliards que la famille qu'il représente a empochés de l'Etat sans la moindre contrepartie. Il n'y a que les travailleurs par leurs luttes qui pourraient l'y obliger !
La classe économiquement dominante a une multitude de moyens pour peser sur les décisions politiques. La succession nauséabonde des affaires juridiques, du trucage des marchés publics de l'Ile-de-France, au système de corruption d'Elf en passant par les pots-de-vin distribués par le trafiquant d'armes Falcone, laisse entrevoir comment les grandes entreprises achètent des hommes politiques et les moyens dont elles disposent pour transformer des ministres, des députés, des présidents de région, des hauts personnages de l'Etat ou leurs proches en intermédiaires grassement rétribués. Et ce sont ces gens-là qui prêchent l'austérité et les sacrifices à des travailleurs payés six ou sept milles francs par mois.
Mais ces "affaires" là, celles qui font scandale passent au moins en justice.
En revanche, qu'un grand patron puisse s'acheter une chaîne de télévision ou se bâtir un empire dans la presse écrite, cela est tout à fait légal ! Le trust Vivendi, par exemple, ex-Générale des eaux, a bâti sa richesse sur la gestion de la distribution de l'eau et du traitement des déchets urbains dans une grande partie des villes de France, richesse que les consommateurs ont payée. Aujourd'hui, il s'est diversifié notamment dans l'informatique et dans la téléphonie mobile. Et il a pu s'acheter l'agence Havas qui contrôle une grande partie de la publicité des titres de presse français, avec ce que cela implique comme pouvoir sur cette presse. Vivendi contrôle directement la chaîne de télévision Canal+ ou des publications comme L'Express, L'Expansion ou Courrier international.
Bouygues, lui, contrôle TF1, la principale chaîne de télévision de ce pays, ainsi que la chaîne câblée d'information LCI.
Quant au deuxième plus grand trust de la distribution de l'eau, Suez-Lyonnaise des eaux, que vous connaissez bien ici à Grenoble, il contrôle la chaîne de télévision M6.
Et à ce propos-là, on ne parle pas de corruption. Pourtant, Vivendi comme Bouygues ou Suez-Lyonnaise des eaux ont bâti leur fortune grâce aux marchés publics, c'est-à-dire grâce à des contrats passés avec des maires, des présidents de Conseils généraux ou régionaux ou avec des ministres. Or, grâce à leur pouvoir sur la presse, ces grandes entreprises peuvent non seulement orienter l'opinion publique en général, mais aussi faire et défaire les carrières politiques.
Et vous pouvez ajouter à ces trois trusts issus des travaux publics ou de la distribution de l'eau deux grandes entreprises qui s'enrichissent grâce à la fabrication d'armes, la société Matra, de Lagardère, et Dassault. La première contrôle la société Hachette qui, à son tour, contrôle la radio Europe 1 et une série de publications comme Le Journal du dimanche, Elle, Télé 7 jours, France-dimanche ou Pariscope. Dassault, lui, possède deux journaux économiques.
Ajoutez encore trois autres noms : Pinault, qui contrôle Le Point, Arnault, qui contrôle La Tribune, et Jérôme Seydoux, qui contrôle de fait Libération, et vous avez tout le panorama de la grande presse de ce pays, contrôlée donc par huit grands trusts, c'est-à-dire par leurs propriétaires !
Et je passe sur la grande presse de province où on retrouve bien souvent les mêmes.
On nous parle de démocratie, parce qu'il y a des élections. Mais il est manifeste que l'argent a plus de pouvoir que les électeurs.
Alors, c'est bien ce pouvoir là, c'est bien cette société là qu'il faudrait changer !
Et combien d'autres liens parfaitement légaux entre les hommes politiques et le grand capital ? Martine Aubry, avant d'être ministre du travail, a été directrice chez Péchiney. Elle n'est pas une exception. Combien d'autres exemples de "pantouflage", de passage de dirigeants politiques par des grandes entreprises, et vice-versa : Balladur, passé de la direction de grosses sociétés, entre autres celle qui gère le tunnel du Mont-Blanc, au poste de Premier ministre ou Pierret de la tête du groupe hôtelier ACCOR au ministère de l'Industrie, pour ne citer que ceux-là. Ces gens-là favorisent tout naturellement le patronat, même en portant le titre de "ministre du travail".
Alors oui, les liens sont multiples entre le grand patronat et les hommes politiques, jusqu'à et y compris les sommets de l'Etat. Aussi, tous les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont-ils toujours favorisé le grand patronat. Leur fonction essentielle est même de faire croire que les intérêts du grand patronat et les intérêts de l'ensemble de la société sont identiques. "Ce qui est bon pour General Motors est bon pour les Etats-Unis", avait déclaré dans le temps le patron de cette entreprise, dans ce pays où le capitalisme a toujours été plus cynique et par là-même plus sincère !
En France, la droite ne se gêne pas pour dire les choses aussi clairement et aussi cyniquement. La gauche, qui recrute son électorat parmi les travailleurs ou, plus généralement, parmi les salariés, s'exprime de façon plus hypocrite. Encore que les travailleurs d'une certaine génération se souviennent comment, dans les années 1980, la gauche gouvernementale chantait les vertus et les bienfaits de la Bourse, en affirmant que c'est grâce à la croissance de la Bourse que le pays retrouverait le plein emploi.
Regardons donc le bilan de près de quatre ans de gouvernement de gauche ! En quoi les travailleurs et les classes populaires devraient-ils se réjouir ?
La croissance économique ? Mais le gouvernement n'y est pas pour grand-chose ! Et d'ailleurs, les commentateurs annoncent déjà que, du fait du ralentissement économique aux Etats-Unis, la croissance économique commence à être sérieusement compromise, y compris en France.
Mais, surtout, cette période dite de croissance, au lieu de diminuer l'écart entre les plus riches et la majorité laborieuse de la population, l'a, au contraire, aggravé. Jamais l'écart n'a été aussi énorme, aussi scandaleux, entre une minorité de possédants, dont les revenus s'accroissent d'année en année, de 20, 50, voire 100 %, et la majorité laborieuse de la population. Et l'Etat, au lieu de peser pour réduire l'écart, contribue à l'aggraver !
La diminution du chômage ? Mais il y a encore plus de deux millions de chômeurs, même d'après les statistiques officielles ! Deux millions de femmes et d'hommes qui doivent vivre avec 4.500 francs d'allocation chômage minimum, allocation dégressive avec le temps. Et lorsque les droits sont épuisés, il faut se contenter des 2.608 F du RMI.
Le gouvernement, content de lui, annonce que, depuis son arrivée au pouvoir en 1997, près d'un million de travailleurs sont sortis du chômage. Mais il ne dit pas que la plupart d'entre eux n'ont trouvé qu'un travail précaire, en intérim, à temps partiel non choisi, en CDD, en CES, avec un salaire misérable, à peine plus élevé que l'allocation chômage ou le RMI.
D'exception, le travail en intérim, est devenu un mode de fonctionnement normal. Il donne aux patrons la possibilité de faire varier leurs effectifs en fonction de la production. Les patrons espèrent, de surcroît, disposer avec l'intérim d'une main-d'oeuvre docile, contrainte d'accepter les exigences patronales sous peine d'être immédiatement mise à la porte.
Eh bien, je suis sûre que les patrons finiront par être mis au pas ! A force de revenir en arrière, ils nous imposent des conditions d'une autre époque, des conditions d'avant-guerre. Or, en 1936, l'écrasante majorité des travailleurs ne bénéficiaient pas de plus de protection que les intérimaires n'en bénéficient aujourd'hui. Eh bien, en juin 1936, non seulement cela n'a pas empêché l'explosion gréviste mais c'est même cela qui l'a provoquée !
Le nombre de ceux qu'on a rayés des statistiques mais qui continuent à alterner des périodes d'emplois précaires avec des périodes de chômage, a doublé en quelques années. Ce que le gouvernement appelle la diminution du chômage est, en fait, la diminution du salaire de ceux qui retrouvent un emploi !
La réalité derrière les vantardises apparaissent même dans un rapport que vient de présenter Jacques Delors, pourtant ex-membre d'un gouvernement socialiste et partisan de Jospin. Le seuil de pauvreté est en France, un revenu de moins de 3.500 F. Eh bien, il y a dans ce pays 3,3 millions de personnes qui gagnent moins que cela, soit 7,5 % de sa population ! Et ceux qui doivent vivre en gagnant moins que le seuil de pauvreté selon la définition européenne, 4.200 F, représentent 14% de la population! Et Delors lui-même souligne qu'en dépit de la croissance, la pauvreté progresse alors qu'une grande partie de ceux qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté sont des femmes et des hommes qui pourtant travaillent et qui touchent un salaire !
Comment s'en sortir avec des salaires pareils ? Comment payer les études des enfants ? Comment disposer d'un logement convenable ? D'autant que l'on construit de moins en moins de logements sociaux et de plus, ils deviennent hors de prix pour les bas salaires.
Mais, bien au-delà de ceux qui ne touchent que des salaires permettant tout juste de survivre, c'est l'écrasante majorité des travailleurs qui a un problème de pouvoir d'achat. Car les salaires, même de ceux qui ont un emploi fixe, sont bloqués ou freinés depuis très longtemps alors que les prélèvements ne cessent d'augmenter. Et cela concerne aussi bien les travailleurs du secteur public que ceux du secteur privé.
La diminution du temps de travail ? Mais la loi Aubry, dite "loi des 35 heures", ne représente même pas toujours une diminution de l'horaire. En revanche, elle permet aux patrons d'imposer des horaires plus flexibles, un blocage des salaires, voire le travail du samedi ou du dimanche obligatoire qui, en raison de l'annualisation du temps de travail, n'est même pas payé en heures supplémentaires.
Et le gouvernement reste inactif devant la dernière en date des offensives du grand patronat qui voudrait tout à la fois supprimer la retraite à soixante ans et en même temps se débarrasser de leurs travailleurs trop âgés et trop usés pour être aussi exploitables que les plus jeunes. Aujourd'hui déjà, nombre d'anciens en sont réduits à vivre avec une retraite misérable. Il n'est pas question d'accepter qu'on ampute encore les retraites.
Quant aux travailleurs immigrés, transformés en sans-papiers par les lois Pasqua-Debré, on sait ce qu'il est advenu de la régularisation promise par le Parti socialiste. Si une partie a été régularisée, il en reste 63.000 dont la situation s'est aggravée. Ayant donné leur adresse, ils paient aujourd'hui d'avoir cru aux promesses d'un Parti socialiste qui s'est renié, sur cette question comme sur bien d'autres. Alors, oui, je suis solidaire de leur combat contre cette injustice et je revendique avec eux la régularisation de tous les sans papiers !
Je tiens aussi à réaffirmer que tous ceux qui vivent et travaillent dans ce pays, quelles que soient leurs origines et leur nationalité, doivent avoir le droit de vote. Priver les travailleurs immigrés de ce droit élémentaire est une façon pour la bourgeoisie et ses hommes politiques de réduire l'influence électorale de la classe ouvrière. Alors, cette revendication doit être celle de tous les travailleurs !
Et puis, ce gouvernement socialiste a fait comme tous ses prédécesseurs de droite : pour consacrer toujours plus d'argent au grand patronat, sous forme de subventions, de diminutions d'impôt, de dégrèvements de cotisations sociales, il a livré au secteur privé un nombre croissant d'entreprises d'Etat. Et, surtout, il a freiné et il freine toujours les dépenses pour les services publics.
Les services publics qui devraient compenser au moins en partie les inégalités croissantes entre les différentes classes sociales jouent de moins en moins ce rôle.
Sous l'appellation de "réforme hospitalière", on plafonne, voire on diminue les crédits pour les hôpitaux. On bloque l'embauche d'infirmières, d'aides-soignantes, de personnel médical et technique. Et on parle de "restructuration" pour supprimer des lits ou des services hospitaliers entiers. Et il y a de plus en plus d'endroits où le gouvernement supprime un hôpital public local, un dispensaire ou une maternité.
Il ne cherche même plus comme prétexte le trou de la Sécurité sociale pour mener la chasse à la consommation médicale et pharmaceutique des couches populaires, pour diminuer les remboursements de certains médicaments et même d'un nombre croissant de dépenses médicales.
L'Education nationale manque d'enseignants, de personnel technique, d'assistantes sociales, d'infirmières scolaires. Et combien de bâtiments de type Pailleron qu'on ne remplace pas faute de crédits ? Combien de classes de maternelle où les élèves sont entassés et les institutrices débordées ?
Il y a, dès la naissance, une inégalité grave, sociale, en matière d'éducation entre les enfants des classes privilégiées et ceux des classes populaires aux revenus les plus modestes, et, a fortiori, ceux des immigrés.
Au lieu de corriger au moins dans une certaine mesure cette inégalité, l'école au mieux la maintient, et bien souvent l'aggrave.
La thèse officielle, celle de l'égalité devant l'enseignement, est un mensonge. Et je ne parle même pas du fait que bien peu sont les enfants d'ouvriers, les enfants de chômeurs, les enfants des couches les plus pauvres, à accéder à l'enseignement supérieur.
Ce qui est infiniment plus catastrophique encore, c'est que la différence des conditions commence déjà dans l'enseignement primaire, pour ne pas dire à l'école maternelle. C'est là que se creuse l'écart entre les enfants des classes populaires et les enfants des milieux privilégiés. Un enfant qui n'a même pas l'occasion d'apprendre à s'exprimer correctement, voire à écrire et à faire des calculs élémentaires, est handicapé pour la vie. Non seulement, il n'est pas question pour lui d'atteindre le niveau secondaire, et à plus forte raison supérieur, mais il a bien moins de chances que d'autres de trouver même un travail peu qualifié. Car, même avec un Bac ou un Bac+, les jeunes doivent se battre pour avoir de l'embauche et parfois même obtenir une place sur la chaîne de production d'une entreprise d'automobiles.
L'école publique devrait oeuvrer pour diminuer cette discrimination sociale. Elle devrait consacrer d'autant plus de moyens, d'autant plus d'enseignants aux élèves qu'ils viennent de milieux défavorisés. C'est dans les quartiers populaires qu'il devrait y avoir le plus d'enseignants, des classes aux effectifs moins nombreux, voire du travail en petits groupes pour apprendre la langue, la lecture, l'écriture et le calcul. C'est là où il faudrait les équipements les plus adaptés, un personnel technique, des infirmières, des assistantes sociales, des surveillants, des aide-éducateurs. Or, ce sont les écoles des quartiers populaires qui sont les plus délaissées. Ce sont dans ces écoles que les enseignants sont réduits à faire de la garderie, et encore tant bien que mal. Comment voulez-vous qu'un instituteur puisse apprendre à lire à 25 élèves, voire 28 ou 30 en même temps, lorsqu'ils viennent de familles défavorisées économiquement et matériellement, comme c'est souvent le cas, dans des salles de classe bondées ?
Et, de surcroît, l'évolution se fait dans le mauvais sens. Au moment où on annonce la carte scolaire de l'année prochaine, c'est surtout dans les écoles des quartiers populaires qu'on supprime des postes.
Au lieu de tempérer l'inégalité sociale, l'Etat la renforce et pousse à la ghettoïsation.
Alors oui, je tiens à dénoncer avant tout la responsabilité, écrasante dans ce domaine, de l'Etat sous tous les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, qui ne donne pas à l'Education nationale les moyens dont elle devrait disposer.
Oui, il faudrait que l'Education nationale puisse embaucher largement. Dans ce pays, ce ne sont pas les compétences qui manquent, ce sont des fonds. Mais l'Etat préfère gaspiller 50 milliards en finançant le développement du programme Rafale qui ne profite qu'à trois ou quatre trusts de l'armement plutôt que de donner assez d'argent à l'Education nationale !
Et puis, il est révoltant qu'on chiffre par dizaines de milliers ceux qui se retrouvent sans domicile et par millions ceux qui n'ont pas un logement convenable. La construction de logements sociaux est en diminution. Mais, en même temps, certains de ces logements restent vides parce lorsqu'on vit du RMI ou d'allocations chômage, voire même lorsqu'on a un travail précaire, on ne peut même pas payer un logement HLM.
Alors oui, il faudrait plus de logements sociaux. Mais il ne s'agit pas de bâtir des ghettos pour pauvres. Ce qu'il faut, c'est des logements corrects pour tous, mais à un prix abordable pour les familles ouvrières. Il faudrait que l'Etat prenne lui-même en charge leur construction à prix coûtant au lieu de laisser les Bouygues et compagnie prélever leurs profits, en plus du coût. L'Etat pourrait embaucher directement des travailleurs du bâtiment.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 mars 2001)
Travailleuses, travailleurs,
Nous, Lutte ouvrière, nous nous revendiquons du communisme, c'est-à-dire du courant qui milite pour des transformations sociales radicales. Car cette société est pourrie au dernier degré. Il est indispensable, pour l'avenir de l'humanité, de la changer de fond en comble par l'expropriation de la classe bourgeoise, par la suppression de la propriété privée des grands moyens de production et par la réorganisation de l'économie afin qu'elle fonctionne pour satisfaire les besoins de la collectivité et non pour le profit de quelques-uns.
Malheureusement, le grand parti qui, dans ce pays, porte encore le nom de communiste s'est bien éloigné du communisme, et depuis très longtemps. Aujourd'hui, c'est un parti gouvernemental. Sa politique au gouvernement est celle du Parti socialiste.
Mais, si les chefs du Parti communiste sont identiques aux hommes politiques de la bourgeoisie, la différence, c'est que, même aujourd'hui et malgré des dizaines d'années de trahison des idées communistes de la part de leurs dirigeants, il y a encore des milliers de femmes et d'hommes qui sont dans ce parti parce ce qu'ils aspirent à combattre la bourgeoisie et les riches, et non à les servir comme le font leurs dirigeants.
Ces femmes et ces hommes, ces militants, nous les considérons comme nos frères de combat. Et c'est justement pour cela que nous critiquons leurs dirigeants qui mènent une politique nuisible aux travailleurs et à leurs intérêts.
La direction du Parti communiste invoque le réalisme et prétend oeuvrer, au sein du gouvernement, pour améliorer le sort des ouvriers. Mais les ministres du PC ne servent qu'à cautionner le gouvernement Jospin.
On ne peut pas tout à la fois servir la bourgeoisie au gouvernement et défendre les intérêts des travailleurs. Et, à pratiquer ce grand écart, le parti finit par écoeurer les travailleurs, à commencer par ses propres militants ouvriers. Or ces militants, malgré la politique de leur parti, continuaient à défendre des valeurs du mouvement ouvrier. Et ils sont de moins en moins nombreux pour accomplir cette tâche.
Pourtant, la classe ouvrière a besoin de militants, a besoin d'organisations qui continuent à perpétuer le mouvement ouvrier organisé, dans les entreprises comme dans les quartiers populaires.
C'est ce que Lutte ouvrière essaie de faire, même avec bien moins de moyens que le Parti communiste.
C'est dans cette optique que Lutte Ouvrière sera présente aux prochaines élections municipales.
Nous ne nous présentons pas parce que nous aurions trouvé un moyen miraculeux pour mettre fin à la pauvreté et à l'exploitation dans le cadre d'une municipalité. Ce moyen n'existe pas. Les principaux problèmes des travailleurs, ici comme ailleurs, viennent du chômage, des bas salaires, de la morgue patronale.
Parmi toutes les institutions de cette société bourgeoise, les municipalités sont pourtant celles qui sont les plus proches de la population, les plus à même d'en connaître les problèmes quotidiens. C'est justement la raison qui fait que l'Etat a toujours cherché à rendre les municipalités les plus indépendantes possible de la population et dépendantes de l'Etat. Le mode de scrutin défavorise les minorités en assurant une sur-représentation à la liste arrivée en tête et se conjugue avec la loi pour donner au maire un pouvoir quasi absolu par rapport à la population de sa commune et même par rapport aux conseillers municipaux, tout en le rendant responsable devant le préfet. Il est significatif que le pouvoir central ait le droit de suspendre ou de révoquer un maire, voire même de dissoudre un conseil municipal, mais que la population, elle, n'ait aucun moyen de révoquer un maire dont elle n'est pas satisfaite pendant les six ans de sa mandature.
Dans ces élections, il n'est pas question évidemment de voter pour les ennemis ouverts des travailleurs que sont les partis de droite et à infiniment plus forte raison, pour les ennemis mortels que sont les partis d'extrême-droite. Mais il n'est pas de l'intérêt des électeurs des classes laborieuses de voter pour les candidats qui soutiennent même indirectement la politique du gouvernement, car ce serait cautionner sa politique anti-ouvrière.
Lutte Ouvrière présente des listes dans ces élections pour que les électeurs puissent exprimer leur rejet de la politique du gouvernement, en montrant clairement que ce rejet vient du côté du monde du travail.
Nous nous présentons pour dénoncer la situation qui est faite aux travailleurs et pour dénoncer les responsables de cette situation.
Nous nous présentons pour faire entendre les exigences du monde du travail, fermement, sans que cela puisse être récupéré ni par la droite, ni par la gauche gouvernementale, ni au premier, ni au deuxième tour.
Non seulement, nous ne participons au premier tour à aucune coalition électorale mais, si nous sommes présents au deuxième tour, nous ne ferons alliance avec les formations qui ont une responsabilité quelconque dans les gouvernements d'hier, et d'aujourd'hui.
Tous ces gens-là n'en ont rien à faire de la dégradation de la condition ouvrière au profit du patronat. Ils voudraient bien pourtant assurer leur place de Maire et le pouvoir qui va avec grâce aux votes des travailleurs. Eh bien, qu'ils ne comptent pas sur nous, ni pour cautionner le gouvernement qu'ils soutiennent, ni pour les installer ou les conforter dans les postes qui les intéressent. Les travailleurs n'ont pas à dire merci, lors des élections, à ceux qui non seulement ne les défendent pas contre les coups du patronat mais leur portent eux-mêmes des coups.
Voter pour les listes Lutte ouvrière, c'est affirmer avec nous la volonté d'imposer une autre politique :
- la réquisition des entreprises qui font des bénéfices et suppriment des emplois ;
- l'arrêt des cadeaux aux grandes entreprises ;
- la diminution des impôts payés par les salariés, la suppression des impôts indirects sur la consommation comme la TVA et une taxation accrue sur les bénéfices des sociétés et sur les revenus du capital ;
- la création des emplois nécessaires dans les services publics et les collectivités ;
- l'augmentation générale et conséquente des salaires, des pensions et des retraites.
Et si l'électorat populaire fait le choix d'envoyer au Conseil municipal des conseillers municipaux Lutte Ouvrière, ils seront les seuls à informer vraiment les travailleurs, les classes populaires de tout ce qui se passe dans les conseils municipaux ; ils rendront publiques toutes les décisions qui, derrière les formulations anodines, favorisent les classes aisées au détriment des travailleurs. Ils dénonceront toutes les magouilles, tous les cadeaux faits aux entreprises capitalistes par la municipalité, soit lorsqu'elle leur livre des services essentiels, comme la distribution de l'eau, le traitement des déchets ou les transports publics, soit lorsqu'elle facilite l'installation de ces entreprises par des détaxes, par des terrains viabilisés au frais de la commune vendus au franc symbolique. Ils dévoileront les économies faites sur les services publics indispensables, sur les transports, sur les crèches, sur les écoles, les équipements des quartiers populaires.
Si nous avons des élus, en dépit de tous les barrages législatifs de ces élections, c'est qu'une fraction importante de la population aura voté pour nous. Et, alors, avec l'aide de ces électeurs, nous pourrons non seulement dénoncer mais agir. Les conseillers municipaux Lutte Ouvrière n'auront pas le pouvoir de changer les décisions du Maire néfastes pour la population laborieuse. Mais la population, elle, peut peser sur les décisions, en pesant sur tous les conseillers municipaux et même sur les maires.
Les candidats de Lutte Ouvrière s'engagent, s'ils sont élus, à utiliser leur mandat pour aider la population laborieuse à agir par elle-même pour faire entendre ses exigences et si nécessaire, les imposer à la Mairie. Ils soutiendront tous ceux qui choisissent cette voie, comme les enseignants ou les parents d'élèves en lutte contre l'état inqualifiable de leurs établissements scolaires. Ils soutiendront ceux qui se regroupent en associations pour exprimer les préoccupations et les revendications des sans logis et des mal logés, des chômeurs et plus généralement, les catégories délaissées ; ou encore les associations qui prennent en main elles-mêmes, bénévolement, certains problèmes comme par exemple l'alphabétisation des travailleurs migrants ou tout simplement des enfants des catégories défavorisées pour qu'ils entrent au collège en sachant lire correctement, écrire et s'exprimer correctement. Oui, tout cela est possible, nous le dirons dans la campagne et nous aiderons les électeurs à le faire s'ils nous permettent, comme nous l'espérons, d'avoir des élus.
Mais la population laborieuse aussi une politique à mener par rapport aux jeunes des quartiers populaires, entraînés dans la violence gratuite voire dans la délinquance ; délinquance dont les habitants de ces quartiers , y compris leurs propres parents, sont les principales victimes.
Mais comment se fait-il que ce sont les petits caïds comme il en a toujours existé dans les banlieues ou des dealers, qui imposent leur loi, leurs moeurs, leurs violences dans bien des cités HLM ? Pourquoi ne parvient-on pas à isoler de la majorité des jeunes, cette petite minorité qui préfère dealer, trafiquer c'est à dire vivre en petit parasite sur plus pauvres qu'eux ?
Eh bien, faire donner la police ne résout pas ces problèmes !
Avant tout, il faudrait que les jeunes aient d'autres perspectives que de commencer leur vie d'adulte en tant que chômeurs !
Et puis, il faudrait dans les quartiers populaires plus d'équipements collectifs, plus de locaux réservés aux jeunes, plus d'animateurs, plus d'éducateurs ! Incapable d'assurer ces 90 % de social, on fait 90 % de répression policière.
Bien sûr, les habitants d'un quartier dit sensible n'ont pas les moyens de mettre fin aux causes fondamentales de la violence des jeunes, le chômage et la pauvreté. Mais ils peuvent, collectivement, assurer la formation de la conscience et de la morale des adolescents et peser sur leur comportement. Il ne s'agit pas de jouer les zorros la nuit dans les cages d'escalier ou dans les caves d'un HLM. Il s'agit d'amener le maximum d'adultes à intervenir auprès des jeunes, quand ils en ont la possibilité, d'user de leur autorité pour les convaincre, pour les éduquer gentiment, par des petits gestes quotidiens.
Mais pour que cette pression collective soit efficace, il faut que la collectivité combatte en même temps dans ses propres rangs tous les préjugés qui la divisent, à commencer par les préjugés racistes et chauvins. Et il faut aussi que la population des quartiers pauvres surveille et contrôle en même temps les policiers, pour réagir contre ceux qui se permettent des réflexions et des comportements racistes. Un contrôle d'identité au faciès suffit pour que tous les jeunes se sentent, à juste titre, agressés.
La seule pression morale de la collectivité ne sera sans doute pas suffisante pour convaincre les dealers et les caïds. Mais la seule voie pour les marginaliser et pour contrecarrer leur influence, c'est d'opposer à leur pouvoir sur les jeunes, le pouvoir de la collectivité !
Une fois cette minorité isolée, la collectivité dispose de bien des moyens, y compris physiques en cas de nécessité, pour empêcher quelques petits voyous ou quelques imbéciles d'agresser par exemple les chauffeurs de l'unique ligne d'autobus qui dessert le quartier ou de brûler des voitures qui, dans les quartiers pauvres, sont celles de travailleurs ou de chômeurs.
Au temps où le mouvement ouvrier était plus puissant qu'il ne l'est aujourd'hui, il y avait des militants, des sympathisants dans les quartiers populaires qui, par leur seule présence, par leur capacité d'entraînement, influençaient le climat et les comportements aussi bien sur le plan politique, contre la xénophobie et le racisme, que sur le plan des comportements sociaux, du vandalisme gratuit à l'alcoolisme. Et ils le faisaient, non pas en faisant appel aux autorités, mais en faisant appel à la conscience de classe, et à la participation des gens eux-mêmes à la solution de leurs propres problèmes.
Ce ne sont évidement pas ces élections qui changeront la situation générale de la classe ouvrière. Le véritable combat devra se dérouler, avec les méthodes du mouvement ouvrier, avec les grèves et les manifestations. Pas seulement ici, bien sûr, mais à l'échelle de l'ensemble du pays. Mais les élections constituent l'occasion d'affirmer une politique.
Alors, je vous demande d'aider Lutte ouvrière à défendre la politique au nom de laquelle elle se présente auprès de tous les travailleurs, et de toute la population de cette ville. Je vous demande de convaincre vos proches, vos amis, vos camarades de travail, de voter et de faire voter pour les listes Lutte ouvrière.
Et je vous demande, bien au-delà de ces élections municipales, de nous aider pour que se renforce un courant dont l'unique objectif est de défendre les intérêts politiques des travailleurs et des classes pauvres.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org. le 2 mars 2001)