Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur l'égalité notamment professionnelle entre les femmes et les hommes et le partage des responsabilités dans l'entreprise, Paris le 4 mars 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Journée de tables rondes sur "Les nouveaux enjeux du partage des responsabilités entre les femmes et les hommes" à Paris le 4 mars 2009

Texte intégral

A quelques jours du 8 mars, vous avez choisi de consacrer une journée de réflexion et d'échanges sur la situation des femmes dans nos démocraties modernes et je ne peux que m'en réjouir. Il y a tant à dire en effet et sur les perspectives d'avenir qui reconnaissent et valorisent la place des femmes et leur rôle dans nos institutions, dans notre société et dans notre économie.
Et en cette période de crise, des défis supplémentaires se présentent à nous sur ces différents points. Nous ne parviendrons à relever ces défis qu'en mobilisant toutes les composantes de la société et en favorisant un véritable partage des responsabilités. Dans ce contexte, il serait tentant de penser que la question du partage des responsabilités entre les femmes et les hommes ne relève pas de l'urgence. Je crois au contraire essentiel d'affirmer que les femmes ne doivent pas être la variable d'ajustement de la crise.
L'égalité femmes-hommes est une composante majeure de l'essor économique et les compétences féminines multiples y contribuent dans tous les domaines.
L'égalité entre les hommes et les femmes est un principe fondamental solidement ancré dans l'histoire de la construction européenne et cette politique est placée au coeur des actions qui relèvent de la Solidarité.
Vous connaissez ma conviction et ma volonté de construire pas à pas mais fermement l'égalité entre les hommes et les femmes : l'égalité dans tous les moments de la vie, dans notre vie personnelle, familiale, professionnelle, citoyenne, culturelle et sportive.
L'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes, nous en parlons depuis plus de 30 ans mais force est de reconnaître que nous n'y sommes pas encore.
Certes, le changement est en marche. Des avancées ont été enregistrées au cours des trente dernières années. Mais nous avons encore du travail pour faire progresser l'égalité entre les sexes dans la sphère économique, sociale et politique.
Des rencontres comme celle d'aujourd'hui sont l'occasion de faire le point et je tiens à saluer votre initiative Mesdames les Présidentes des délégations aux droits des femmes et à l'égalité de réunir aujourd'hui parlementaires, experts, partenaires sociaux, associations et personnalités éminentes pour ce débat.
Les thématiques de vos tables rondes vous permettront d'aborder tous les sujets relatifs aux inégalités auxquelles sont confrontées les femmes et de présenter les moyens de parvenir à l'égalité et de promouvoir la mixité.
Je souhaite à présent partager avec vous les constats suivants, qui reconnaissons-le sont à la fois instructifs et édifiants puisque :
Les femmes représentent plus de la moitié de la population et 53 % de l'électorat.
Leur niveau d'éducation a rejoint, voire dépassé celui des hommes. L'écart de salaire entre les femmes et les hommes est en moyenne de 19 %.
Les parcours professionnels des femmes sont rarement linéaires.
Le taux de chômage des femmes de 25 à 49 ans est supérieur de 2 points à celui des hommes.
L'accès des femmes à la prise de décision, et plus globalement aux responsabilités se heurte à la résistance du « plafond de verre ».
Ces quelques exemples signifient clairement que l'égalité entre les sexes tarde à se traduire dans les faits et dans la vie de nos concitoyens.
Cette situation est regrettable.
C'est pour cela qu'aux côtés de Brice HORTEFEUX, et avec l'ensemble de mes collègues du Gouvernement, je m'attache à traiter d'amont en aval toutes ces questions. Ce n'est en effet que par une approche globale qui nous implique toutes et tous que nous ferons évoluer les mentalités et les pratiques.
En amont : il faut promouvoir la mixité
Le taux de réussite scolaire et universitaire supérieur des jeunes femmes pourrait laisser espérer une égale présence des femmes sur le marché du travail et aux postes de décisions.
Or, les indicateurs de rémunération, de ségrégation du marché du travail et de présence de femmes aux postes décisionnels ne signalent aucun progrès significatif depuis plusieurs années.
Au collège, les résultats scolaires des filles en fin de 3ème sont meilleurs que ceux des garçons : 84,7 % de filles contre 78,7 % de garçons ont obtenu le brevet en 2007.
Aussi les filles s'orientent-elles davantage vers le second cycle général et technologique que les garçons. Mais à l'issue de la classe de seconde, les parcours des filles et des garçons divergent. Et en terminale, parmi les lauréats du BAC général 63,8 % des garçons ont obtenu en 2007 un BAC scientifique contre 40,6 % des filles. Ces orientations se confirment dans l'enseignement supérieur.
Dans les IUT, les femmes représentent 39,4 % des effectifs. Elles se dirigent peu vers l'informatique (9,2 %). Dans les classes préparatoires scientifiques, la part des femmes est de 30,4 % et danses écoles d'ingénieurs elles n'est que de 26,8 %...
C'est donc d'abord le choix dans l'orientation qui doit être étendu et diversifié. C'est l'une des priorités qui ont été fixées à Madame Marie-Jeanne PHILIPPE, Rectrice de Besançon qui préside le comité de pilotage de la convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes dans le système éducatif engageant 9 ministères.
C'est aussi pour cela que l'analyse des stéréotypes féminins dans l'éducation aux médias pour les jeunes sera intégrée dans cette convention et que la formation à l'égalité des sexes a été inscrite au programme des organismes de formation initiale et continue.
Pour dépasser les stéréotypes liés à certains emplois et inciter les jeunes filles qui le souhaitent à se diriger vers des secteurs traditionnellement masculins et prometteurs, il faut sensibiliser et former les équipes pédagogiques, les animateurs, les conseillers d'orientation mais aussi les familles.
Les stéréotypes et clichés pèsent encore de tout leur poids et constituent des obstacles tenaces à la mixité des activités.
C'est pour cela que j'ai tenu à prolonger la commission sur « l'image des femmes dans les médias » en confiant à Michèle REISER une mission de suivi des stéréotypes féminins dans les médias.
En dépit de l'accroissement des femmes diplômées, les femmes sont encore largement exclues de certains domaines comme la recherche, les métiers scientifiques, la haute technologie, le bâtiment...et demeurent concentrées dans certaines branches traditionnelles et dans des fonctions de management intermédiaires.
Encourageons les filles.
Le prix de la vocation scientifique et technique en est un bon exemple. J'aurai le plaisir de le décerner à 88 jeunes filles d'Ile-de-France à la Cité des Sciences, le 11 mars prochain.
Pourquoi ne pas s'en inspirer pour d'autres filières ou d'autres choix de carrière ?
Songer que 30 % de femmes seulement sont chefs d'entreprise incite à réagir. Non seulement, il faut développer l'accès au crédit bancaire et faire connaître le fonds de garantie pour la création, la reprise ou le développement d'entreprises à l'initiative des femmes (FGIF), favoriser le micro crédit comme cela est prévu dans l'accord-cadre signé avec la Caisse des dépôts et, pourquoi pas, mettre en place un prix national de créatrices d'entreprises,
Oui, les femmes sont actrices à part entière du monde économique. Elles rencontrent encore trop d'obstacles pour réaliser leurs ambitions, valoriser leur plein potentiel et être reconnues à leur juste valeur.
Quant à leur accès à la prise de décision, et plus globalement aux responsabilités, elles se heurtent au fameux « plafond de verre » :
Au sein des entreprises de l'Union Européenne, un conseil d'administration comprend en moyenne 15,4 membres mais seulement 1,3 femmes. En France, elles sont moins de 9% dans les CA. Et lorsqu'elles en sont membres elles sont très rarement en position de pouvoir et sont le plus souvent cantonnées dans des postes de gestion des ressources humaines, de communication ou de juristes.
Un effort de rééquilibrage s'impose. Marie-Jo ZIMMERMANN y a contribué en faisant insérer dans la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 son amendement permettant de « favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales ». J'ai également pris connaissance de la proposition de loi qu'elle a déposée hier sur l'accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales. Je tiens à saluer cette initiative qui apporte une contribution intéressante au débat qui doit s'ouvrir sur cette question fondamentale et sur laquelle les partenaires sociaux devront également apporter leur contribution.
Pour cela trois sujets devant faire l'objet de progrès et de changement sont à aborder avec les entreprises :
- Tout d'abord, réunir les conditions d'articulation entre vie professionnelle, vie familiale et vie personnelle : concilier les temps de vie en mettant en place des modes de garde d'enfants adaptés au besoins.
- Ensuite, garantir les parcours professionnels et éviter le temps partiel subi : sur environ 5 millions d'actifs à temps partiel 83 % sont des femmes.
Traiter enfin les conséquences du travail à temps partiel. Choisi ou contraint, il alimente les inégalités entre les femmes et les hommes : écarts de salaire puis retraites aggravées en cas de divorce ou de veuvage, moindres carrières...son accroissement contribue aussi à creuser les inégalités entre les femmes elles-mêmes : celles qui ont un niveau de qualification suffisant et celles qui sont peu qualifiées et sont souvent confrontées au chômage ou au travail précaire.
Aller dans le sens de la modernisation et être ouvert au changement, c'est notamment :
Adopter un plan de résorption des écarts salariaux
Etre exemplaire en matière d'égalité professionnelle, ce qui peut se concrétiser par l'obtention du label égalité. Ce label est un outil qui mérite d'être développé au sein des entreprises mais aussi au sein des administrations. Deux ministères s'y investissent actuellement (Finances et MAE). Notre ministère doit également s'inscrire dans cette démarche, d'autant que des préfectures « emboîtent le pas » (la candidature de la préfecture de Haute-Loire examinée à la commission du 10 mars). Il faut encourager les grandes entreprises (Renault, Michelin...) à adopter cette approche.
Former des viviers de futures managers
Répondre aux besoins de garde d'enfants et de services à la personne : développer des modes de garde adaptés et favoriser l'aménagement du temps de travail des femmes, comme le préconise le PR
Favoriser l'accès aux responsabilités
Sur toutes ces questions, avec Brice HORTEFEUX nous avons décidé de confier à l'IGAS une mission préparatoire à la concertation annoncée par le Président de la République sur l'égalité professionnelle. Cette mission se traduira par un rapport d'orientation et des propositions relatives à la mise en oeuvre de l'égalité professionnelle et l'égalité de rémunérations entre les femmes et les hommes. Tout en tenant compte de la proposition de loi de Mme Zimmermann que j'évoquais il y a un instant, ce rapport fera aussi état d'orientations relatives à la représentation équilibrée des femmes dans les instances de gouvernance des entreprises.
Cette mission devrait être confiée à Brigitte GRESY, inspectrice générale, membre du conseil d'administration de l'Institut européen pour l'égalité et que nombre d'entre vous connaissent déjà.
Autre priorité qui s'inscrit dans la politique de prévention auprès des jeunes et auprès des familles : la lutte contre toute atteinte à la dignité physique et psychologique des filles, des jeunes filles et des femmes. Vous savez combien je veille à la mise en oeuvre des mesures du plan triennal 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes.
C'est une cause qui oblige le Gouvernement et en application de la loi de 2006 contre les violences faites aux femmes, le rapport prévu par la loi sur le bilan de cette politique sera adressé au Parlement le 18 mars prochain.
Vous savez aussi qu'il est fondamental de sensibiliser et d'informer sur toutes les formes de violences.
C'est pour cela que la campagne de communication qui accompagne le plan va se traduire avant l'été par la diffusion d'un spot télévisé sur les violences conjugales. Comme je l'ai annoncé lors de la journée contre l'excision le 6 février dernier, nous diffuserons prochainement des brochures contre les mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés destinées aux parents et enfants victimes potentielles de ces pratiques inconcevables dans nos sociétés modernes.
Vous savez également que le Premier Ministre a décidé, le 25 novembre d'attribuer le label de campagne d'intérêt général pour 2009 à la lutte contre les violences faites aux femmes. Les associations se sont constituées en collectif pour ouvrir la voie à la reconnaissance comme « grande cause nationale pour 2010 ».
Prévenir, aider, protéger, accompagner, mieux connaître pour mieux comprendre relèvent bien de la responsabilité de chaque individu et de la collectivité et du Gouvernement. Nous sommes vigilants en ce domaine.
Enfin, je soulignerai aussi la nécessité de rééquilibrer la représentativité politique au regard de l'électorat.
La parité dans la vie politique est toujours un enjeu de la citoyenneté. Inutile de rappeler les chiffres et les étapes de progrès ainsi que les insuffisances de résultats.
Vous ne manquerez pas de les évoquer cet après-midi.
Les résultats les plus corrects concernent le Parlement européen où la France se maintient au 5ème rang (avec un taux de représentation féminine de 43,6 %) après la Suède. Le mode de scrutin y est déterminant. En revanche, pour les instances dirigeantes, seules 5 des commissions permanentes sont présidées par des femmes et une sous-commission aux Droits de l'homme.
De même seulement 9 des 27 commissaires sont des femmes (33 %).
Je rappellerai à ce propos que les membres de la Commission sont proposés par les gouvernements des Etats membres puis nommés par le ou la Présidente de la Commission.
Espérons que les prochaines élections européennes de juin prochain seront l'occasion d'améliorer la situation tant au niveau de la représentation féminine des 27 Etats membres au sein du bureau et de la conférence des présidents du Parlement européen qu'au niveau des nominations au sein des institutions européennes.
J'estime aussi qu'au niveau national et au plan local, des progrès doivent être accomplis pour que les femmes qui constituent 53 % de l'électorat soit mieux représentées. Qu'il n'y ait que 13,8 % de femmes maires et 12,3 % de conseillères générales ce n'est pas acceptable.
D'ailleurs, même lorsque les avancées sont significatives, la disproportion demeure dans les exécutifs. Combien de commissions parlementaires sont-elles présidées par des femmes ? Quelle est la part des femmes dans les instances exécutives locales à des postes clés tels que les finances ou l'urbanisme ?
Le seuil du scrutin proportionnel pour les élections municipales devrait-il être abaissé pour étendre la parité à davantage de communes ?
Une obligation de parité ne pourrait-elle pas être étendue à la désignation des délégués siégeant dans les structures intercommunales ?
Force est de constater que dans les départements, on a souvent des viviers d'hommes occupant depuis longtemps des responsabilités locales. Ces élus de terrain ont une légitimité à se porter candidats aux élections au Parlement et il n'est pas évident de leur demander de céder leur place aux femmes. Mais il faut bien « amorcer la pompe » et créer des espaces pour elles.
Dans ce domaine, la vigilance des partis et une démarche volontariste sont primordiales. De ce point de vue, l'obligation d'un-e remplaçant-e de l'autre sexe pour les élections cantonales va permettre la constitution d'un vivier prometteur de femmes politiques.
Dans tous les secteurs, dans toutes les sphères de la vie quotidienne, il faut tendre vers la parité et tenir nos engagements européens et internationaux. Les chiffres clés sur l'égalité entre les femmes et les hommes produits chaque année par le Service des droits des femmes et dont la version 2008 sera disponible le 8 mars prochain confirmeront les progrès et les objectifs restant à atteindre.
Nous disposons ainsi d'un document faisant état de chiffres sur l'égalité. Mais nous ne disposons pas d'un même document présentant les textes relatifs à l'égalité et à la parité hommes-femmes. Je crois qu'il faut le réaliser, c'est pourquoi je vais engager la rédaction d'un code commenté des droits des femmes pour que nous sachions tous ce qui a déjà été fait, quand bien même je sais qu'il reste encore des échelons à gravir pour atteindre l'égalité.
Pour notre ministère, la journée internationale des femmes sera cette année dédiée aux jeunes femmes de 18 ans. Aux côtés de Brice HORTEFEUX, je convie 100 d'entre elles au secrétariat d'Etat à la Solidarité.
Ce sera l'occasion de leur dire à travers un livre que je leur offrirai qu'elles sont libres. Libres de choisir leur vie, d'acquérir leur indépendance, de préserver leur liberté, de créer leur entreprise, de s'épanouir dans les arts, de travailler dans des métiers traditionnellement masculins, et d'envisager une carrière politique. Cet ouvrage sera ensuite diffusé à toutes les jeunes filles qui ont ou auront eu 18 ans cette année pour les persuader, car j'en suis intimement persuadée que tous les choix sont possibles et qu'elles seules, en toute connaissance de cause, peuvent décider de leur avenir sans que des préjugés, des stéréotypes ou des contraintes illégitimes ne les contraignent dans ces choix. Telle est ma conception de la liberté et de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 6 mars 2009