Texte intégral
C. Bayt-Darcourt.- Vous êtes la secrétaire d'Etat à la Famille. Avant de vous interroger sur cette polémique sur l'homo-parentalité, je voudrais votre avis sur cette affaire en Moselle, cette femme qui a porté un coup de couteau sur sa fille de 10 ans, un drame apparemment de la mono-parentalité, cette fois. C'est une personne qui élève seule ses deux enfants, qui travaille la nuit. Que peut-on faire pour venir en aide à ces femmes dépassées par la situation ?
C'est un cas très particulier, évidemment. Ce que je note surtout, c'est que depuis le mois de juin, il y a eu une quasi-trentaine d'enfants qui ont été tués par leurs parents, donc dans un contexte familial. Ce qui s'est passé avec cette enfant est évidemment effroyable, on voit bien qu'il s'agit d'une femme qui est dépassée, pour laquelle il faudrait sans doute des accompagnements. J'ai fait réfléchir mon cabinet à mettre en place...qui a mis en place, un groupe de travail sur un numéro de téléphone qui serait dédié spécifiquement aux familles, qui s'appellerait "SOS familles en détresse", et qui, sur un numéro très connu et simple, pourrait être un appel du dernier espoir pour ceux qui seraient tentés de passer la ligne blanche. En même temps, évidemment, on voit bien qu'on ne peut pas agir sur tous les cas particuliers, je vous le dis très clairement, on ne peut pas être derrière chacune des personnes. Simplement, si nous pouvions éviter des cas de familles en détresse qui ne savent plus comment, vers qui se tourner, et si elles peuvent avoir ce réflexe de se retourner vers un numéro de téléphone aussi connu que celui du Samu ou des pompiers, à se dire : "attention, que faut-il que je fasse ?", nous contribuerions à sauver des vies. C'est pourquoi mon ministère travaille sur ce sujet, et j'espère aboutir bientôt.
Cette femme est mise en examen pour "violence aggravée", mais pas pour "tentative d'homicide", elle est laissée en liberté sous contrôle judiciaire. Vous comprenez la clémence de la justice ?
Pour l'instant, il y a une enquête qui est en cours, on ne peut pas parler de "clémence de la justice". En même temps, c'est un acte effroyable, on ne peut pas dire grand-chose sur ce sujet, si ce n'est que, chaque membre de la famille ou chaque...même voisin, doit prendre en considération et doit un peu regarder les détresses qu'il peut y avoir autour de soi.
C'est donc vous qui êtes chargée de cet avant-projet de loi sur l'autorité parentale et les droits des tiers. Vous avez créé la surprise en annonçant que les couples homosexuels seraient aussi concernés par ce nouveau statut du beau-parent. Est-ce que c'est le début de la possibilité d'adopter pour ces couples ?
Non, mais alors pas du tout ! D'abord, c'est complètement une caricature. Je voudrais rappeler que ce texte n'est pas un texte par exemple qui traite des familles recomposées, on n'est pas à faire un texte de loi spécialement pour les familles recomposées. Vous ne posez pas la question, pourtant elles sont concernées à près de 2 millions ; il y a 2 millions d'enfants qui vivent dans des familles recomposées. Ce n'est pas un texte, non plus, qui traite des familles monoparentales, et pourtant, il y a près de 3 millions d'enfants qui vivent dans familles monoparentales. Ce texte porte sur l'autorité parentale et le droit des tiers ; il a pour objet de prendre la réalité, tout simplement, en compte des familles que nous avons dans notre pays. Quelle est cette réalité ? La plus grande majorité des familles, ce sont des familles traditionnelles, et comme je viens de vous l'indiquer, nous avons aussi des familles qui sont recomposées, des familles monoparentales, et nous avons aussi, selon les estimations de l'Ined, près de 30.000 enfants qui sont élevés dans un foyer composé de deux adultes de même sexe. Ces réalités, toutes ces réalités des familles, nous les prenons en compte dans l'exposé des motifs du texte, et nous voulons simplifier la vie des familles en apportant des outils juridiques supplémentaires pour leur vie quotidienne et pour les actes courants, s'agissant des enfants. Alors, comment ce texte se traduit-il ? Nous avons voulu, alors que les parents de l'enfant sont d'accord, parce qu'il faut l'accord des parents, ce n'est pas un statut que nous imposons dans la loi, par exemple, le statut de la belle-mère ou du beau-père que nous imposons dans une loi, non. C'est simplement, lorsqu'il y a accord des parents de l'enfant, et lorsqu'il peut y avoir par exemple un éloignement géographique, quand une femme vit avec son nouveau conjoint et que le père de l'enfant ou la mère de l'enfant habitent à 300 kilomètres de là, et qu'il faut inscrire l'enfant à l'école, qu'il faut l'amener à l'hôpital, qu'il faut lui faire faire une prise de sang ou chez le médecin, les actes importants de la vie quotidienne de l'enfant, nous permettons à ce que ces familles puissent passer chez le juge aux affaires familiales et obtiennent une convention homologuée chez le juge pour mettre en place le partage de l'autorité parentale. Et donc, ce dispositif, qui était très attendu par les familles, parce que en même temps on voit bien que il y avait beaucoup de choses qui étaient très complexes. Vous alliez dans une école, on vous disait : "non, je ne peux pas prendre l'inscription parce que vous n'êtes pas le père de l'enfant !". Eh bien, tous ces actes de la vie seront facilités par cette convention homologuée chez le juge.
Mais ce qu'on retient quand même depuis quelques jours, c'est que les familles homosexuelles, les foyers homosexuels, sont concernées par ce statut. C. Boutin, qui est votre collègue au Gouvernement, qui y est opposée. Que lui répondez-vous ?
Déjà, premièrement, je ne vais pas faire un débat avec un membre du Gouvernement. Tout simplement, parce que ce texte que je porte, a été validé en réunion interministérielle, il est aujourd'hui au Conseil d'Etat. Donc, validé en réunion interministérielle, validé à l'Elysée, validé à Matignon, ce qui veut dire qu'aujourd'hui ce n'est pas le texte de N. Morano, c'est le texte du Gouvernement. Et donc, lorsqu'un texte du Gouvernement vient en discussion au Parlement, il doit être soutenu par l'ensemble du Gouvernement.
Ce qui n'est pas le cas pour l'instant.
Écoutez, elle a ses opinions, je les respecte, mais en tant...
...Vous en avez parlé avec elle ?
Oui, j'en ai parlé avec elle en lui conseillant de lire le texte, parce que, visiblement, pour l'avoir écoutée, j'ai pu constater qu'elle n'avait pas lu le texte, et que, pour mettre ce texte avec le petit bout de la lorgnette en disant simplement "ça reconnaît les familles homoparentales", alors que l'exposé des motifs cite uniquement la réalité socio-démographique qui est indéniable dans notre pays s'agissant des familles, voilà. Je pense que c'est un axe réducteur. Moi, toutes les familles m'intéressent, tous les enfants m'intéressent, et je ne vois pas pourquoi ces enfants qui vivent dans d'autres situations... On voudrait tous que les enfants vivent avec leur papa et leur maman. Or la réalité n'est pas celle-là, et donc il faut aussi que la loi s'adapte aux nouvelles réalités de la vie quotidienne et facilite la vie des parents.
Est-il vrai que, hier, en Conseil des ministres, N. Sarkozy a piqué une colère contre cette "bagarre" entre guillemets, entre vous et C. Boutin ? Il aurait dit : "je veux du travail d'équipe pas des débats artificiels !" ?
Je n'étais pas présente hier au Conseil des ministres. J'ai entendu, comme vous, les rumeurs qui sont sorties de ce Conseil des ministres. Je pense que le président de la République a raison, nous sommes en période de crise, nous devons travailler de manière tr??s étroite et en travail d'équipe au service des Français. Je ne pense pas que les Français s'intéressent aux chamaillades de leurs élus ou des membres du Gouvernement. Je crois qu'il nous faut travailler vraiment en concertation et leur apporter des solutions dans leur vie de tous les jours. En tous les cas, tel est l'objet de ce texte qui sera présenté au Parlement.
Alors justement, des solutions : vous effectuez aujourd'hui un déplacement à Bourg-en-Bresse, sur le thème de "la politique familiale et de la garde d'enfant". Allez-vous faire des annonces sur ce sujet ?
D'abord, je vais inaugurer deux crèches, dont on voit bien avec, d'ici à l'issue 2012, il y aura 635 places supplémentaires qui seront ouvertes dans ce département et dans cette communauté de communes. On voit que là, les élus locaux prennent à bras-le-corps, et je serai chez le député Blanc, prennent à bras-le-corps, vraiment, cette volonté de mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Et donc de mettre en oeuvre des modes de garde très développés sur leur territoire. C'est à saluer, c'est important, et donc je me réjouis d'y être tout à l'heure.
Un dernier mot, il y a un site Internet dont on parle beaucoup depuis hier, il propose de faire les devoirs pour 5 euros. Qu'en pensez-vous ?
Je pense que c'est une catastrophe tout simplement, parce que ça peut créer une inégalité vis-à-vis des enfants, et surtout ça ne les obligera plus à faire des efforts, c'est un... Vraiment, c'est de la facilité. Qu'il y ait des sites qui aident et qui expliquent, mais qui fassent à la place d'eux, je trouve que les parents doivent, encore une fois, être extrêmement vigilants sur ce qu'ils vont trouver sur Internet, vraiment !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 mars 2009