Interview de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à France Inter le 19 février 2009, sur le sommet social, la grève en Guadeloupe et les mesures gouvernementales en faveur de la relance économique.

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Média : France Inter

Texte intégral

E. Delvaux.- Bonjour, monsieur le Ministre du Travail et des Relations sociales...
 
Pas seulement. Aussi de la Famille, des Solidarités c'est-à-dire les personnes handicapées, celles qui sont touchées par la maladie d'Alzheimer, et puis aussi la Politique de la ville.
 
On va beaucoup parler ce matin du travail et des relations sociales, on va parler du sommet social d'hier. D'abord le dossier brûlant de la Guadeloupe, le Premier ministre annonce ce matin qu'il va valider une proposition proche des 200 euros pour les bas salaires en Guadeloupe. Le Gouvernement lâche du lest sur le principal point de blocage ?
 
Non, il y a une réalité, c'est que la situation en Guadeloupe est une situation particulière, et qui appelle des réponses spécifiques. On ne peut pas généraliser ce qui se passe en Guadeloupe et le ramener au territoire métropolitain. Simplement, il y a une réalité aussi double, c'est que nous devons être très attentif, c'est sans doute une crise sociale, peut-être même une crise sociétale qui touche la Guadeloupe. Donc il y a une mobilisation, à la demande du Premier ministre. Il y a des gestes et des attitudes à adopter, notamment le fait que sur 132 revendications, 131 sont d'ores et déjà satisfaites dans leur principe. Il en restait une, c'est celle que vous évoquez. Le Premier ministre réunira demain un Comité interministériel avec l'ensemble des ministres concernés - d'ailleurs dont je fais partie - et cela permettra d'avancer. Je crois que le temps est venu maintenant du retour au calme.
 
Ce que vous nous dites ce matin, c'est qu'effectivement, il y aura une proposition proche des 200 euros, mais pas question de la généraliser aux autres départements d'Outre-mer, comme en Métropole c'est ça ?
 
Il y a une situation spécifique en Guadeloupe, cela appelle donc une réponse particulière.
 
Avant la réponse sociale du Gouvernement, la réponse sécuritaire, l'envoi des escadrons par M. Alliot-Marie. Vous comprenez que sur place, les grévistes ont pris ça pour de la provocation ?
 
Non, ce n'est pas une provocation. Si provoquer c'est tenir à ce que l'ordre et le calme soit assuré, c'est une curieuse conception de la République. Donc là, sur le territoire, comme sur les autres territoires, il y a naturellement la nécessité de donner les moyens, afin que les gens puissent circuler, travailler librement quand ils le souhaitent. Et chacun sait qu'aujourd'hui, il y a un certain nombre de commerçants - des reportages très nombreux ont eu lieu sur ce sujet - qui ne peuvent pas exercer leurs activités professionnelles, alors qu'ils le souhaiteraient.
 
Quelques questions sur la parole présidentielle dans ce conflit social guadeloupéen. Cette parole présidentielle, elle arrive un peu aux forceps ; comment expliquer ce qui ressemble à une frilosité élyséenne, qui ne ressemble guère à N. Sarkozy sur ce dossier ?
 
Pas du tout ! Il y a la conviction qu'il faut avancer à des pas raisonnables. Le président de la République est naturellement très attentif, personnellement à ce qui se déroule sur ce territoire. Hier, c'était la clause du rendez-vous social et ce n'était donc pas le temps de se consacrer exclusivement à la Guadeloupe. Aujourd'hui, il le fera, il reçoit les élus ultra-marins. Et il aura l'occasion de s'exprimer, comme vous le savez, dans le service public, ce qui devrait vous faire plaisir.
 
Oui, mais on a quand même connu le chef de l'Etat plus prompt à s'emparer des dossiers d'actualité. Cette dissociation de la crise sociale en Métropole et celle de Guadeloupe, cela voulait dire quoi ?
 
C'est une méthode, c'est celle de la cohérence.
 
Est-ce qu'il faut briser en Guadeloupe, les monopoles de distribution, en Guadeloupe et dans les DOM d'ailleurs, ces monopoles de distribution pour l'essentiel détenus par les békés, qui ont longtemps financer le RPR ?
 
Eh bien vous avez des informations historiques précises, dont je ne dispose pas. C'est un élément intéressant qui contribue au débat. Non, la réalité, c'est qu'il y a sans doute une réflexion sur cette crise, qui, encore une fois, n'est sans doute pas simplement sociale, qui est peut-être aussi sociétale et qui met en cause les équilibres que vous évoquez.
 
Vous n'avez pas répondu monsieur le ministre : est-ce qu'il va falloir briser ces monopoles ?
 
Par tempérament et par conviction, je suis réservé sur les monopoles.
 
Le dossier social, hier à l'Elysée - les mesures ont été détaillées toute la matinée dans les journaux de France Inter - : les syndicats reconnaissent quelques chapitres qui vont dans le bon sens. Mais au final, ils estiment que le compte n'y est pas. Pourquoi ne pas avoir augmenté les bas salaires, et le Smic en particulier ?
 
C'est naturellement une réponse très précise, tout simplement, il faut bien comprendre les choses. Un, cela commence à être partagé et compris par le pays, nous traversons une crise qui est une crise majeure, sans doute la crise la plus grave depuis 1929. Ce n'est pas une crise française, ce n'est pas une crise européenne, c'est une crise mondiale. Tous les continents sont aujourd'hui concernés. Deuxième réflexion, je suis convaincu, autour du président de la République, nous sommes tous convaincus que la France a les atouts pour surmonter cette crise. Tous les atouts pour la surmonter ! Troisième réflexion, il y a eu hier, la démonstration d'une très grande cohérence de la part du président de la République et de ceux qui l'entourent. Qu'est-ce que c'est que la cohérence ? Et c'est ça qui compte quand on a des difficultés. La cohérence, c'est d'abord la cohérence de la méthode. Regardez comment nous avons fonctionné - vous évoquiez, il y a quelques secondes les syndicats - : le 5 février, le président de la République intervient à la télévision et propose un certain nombre de pistes. Il ouvre des pistes, il n'impose pas. Il dit ; il faut engager la discussion. Il nous charge, avec un certain nombre d'autres ministres, d'organiser des réunions bilatérales avec les syndicats. Et là aussi, regardez comment nous avons fait - cohérence autour de la méthode -, on a écouté, on a entendu, on a été attentifs à tout ce que proposaient les syndicats. Troisième temps, le temps de la rencontre avec, autour du président de la République, avec à la fois des décisions concrètes qui sont prises et des pistes pour l'avenir. C'est-à-dire cohérence de la méthode, cohérence des moyens et cohérence aussi des objectifs. Et les objectifs, vous évoquiez la politique salariale, dans les objectifs, il y a la nécessité d'aller aider ceux qui sont les plus fragiles. Parce que dans une situation de crise, eh bien naturellement, il faut avoir une attention aux plus fragiles. Alors vous me parlez des salaires...
 
Voilà, pourquoi ne pas avoir augmenté le Smic notamment ?
 
Vous me parlez des salaires. Premier élément, les salaires, c'est une négociation entre les entreprises et les salariés, entre le patronat et les syndicats. Deuxième élément, le Smic, en réalité on sait très bien qu'une augmentation du Smic aujourd'hui, ça fragilise précisément ceux qui sont les plus faibles. Pourquoi ? Parce que les entreprises qui doivent assumer cette augmentation salariale, ont tendance dans ces cas là, n'y arrivant pas, particulièrement en situation de crise, à organiser les licenciements. Et c'est l'inverse de ce que nous voulons. Nous, on est tout entier, totalement mobilisés pour la défense de l'emploi, c'est notre première mission, protéger et préserver l'emploi. Et pardon, de peut-être un peu inverser les rôles : est-ce que vous connaissez une meilleure manière pour préserver le pouvoir d'achat que de protéger l'emploi ? A mon avis, c'est la première condition.
 
La gauche estime que les mesures annoncées hier vont profiter à trop peu de familles pour relancer vraiment l'économie en France.
 
Oh, écoutez, vous savez, d'abord, moi j'en ai assez de ces postures, je vous le dis très honnêtement. Cela fait quelques années que je suis engagé dans la vie publique, et le système qui consiste à avoir préparé le communiqué avant même que les discussions aient eu lieu, avant même qu'il y ait eu le débat, franchement c'est un côté décalé, je vous le dis très honnêtement. On aurait décroché la lune qu'ils nous demanderaient : qu'est-ce que vous faites avec le soleil ? La vérité, c'est ça. Concrètement, nous avons agi en faveur des classes moyennes, quand même six millions de personnes vont être concernées par ces...six millions de contribuables vont être concernés par cette baisse d'impôt. Six millions, ce n'est pas rien ! Et puis, il y a tout ce qui a été engagé en matière de politique familiale. Vous savez, le défi de la rentrée scolaire ce n'est pas quelque chose d'intemporel, c'est quelque chose de très concret. Eh bien avec ce qui a été initié par le président de la République et validé hier, en réalité, concrètement par l'ensemble, parce qu'à vrai dire, il y a eu assez peu d'opposition sur ces sujets là, eh bien ce sont des coups de pouce qui sont des coups de pouce très significatifs. D'ailleurs observez, vous me parlez des syndicats, observez, ils ont été assez mesurés, pourquoi ils ont été mesurés ? Parce que le Président, non seulement a écouté mais il a entendu. Et vous avez plusieurs propositions qui sont directement inspirées des discussions que nous avons eues. Le fonds d'investissement social, c'est une proposition syndicale. Bref, je pourrais continuer en vous en donnant plusieurs.
 
Vous n'êtes pas mécontent de vous débarrasser de l'image d'homme des expulsions en France ?
 
D'abord le bon terme, ce n'est pas les expulsions, ce sont les reconduites. Deuxièmement, ma mission, elle était de faire appliquer la loi. Je l'ai fait toujours avec un souci d'humanité et de justice. Il n'y a pas une organisation, pas une association, pas un parlementaire qui ne peut pas dire que lorsqu'on m'a soumis une situation individuelle, je ne l'ai pas examinée avec toute l'attention, et encore une fois le souci de justice.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 février 2009