Interview de M. André Santini, secrétaire d'Etat à la fonction publique, dans "Le Bien Public" le 22 février 2009, sur les effectifs de la Fonction publique, sur le service public, sur le Nouveau Centre.

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LE Bien public.- Les réformes de la Fonction publique sont d'ordre structurel. Où en êtes-vous de ces réformes ?
André Santini.- Ce n'est pas en recrutant des fonctionnaires qu'on va régler le problème du chômage. La modernisation de la Fonction publique a été engagée avant la crise, c'était dans le cadre de la campagne du président de la République. Et la crise l'a rendue encore plus nécessaire. Nous avons un projet concret et de bon sens : recruter en fonction des besoins des services publics, en sélectionnant les candidats en fonction des exigences de leur futur métier et non sur des critères académiques ; garantir à chaque agent le maintien de son pouvoir d'achat quand il travaille pour le service public ; permettre à ceux qui souhaitent une mobilité de la réaliser simplement, sans subir le parcours du combattant ; rémunérer les agents en tenant compte de leurs qualifications, du degré de difficulté de leur poste et de leur efficacité.
LBP.- Lors de la grande manifestation du 29 janvier, nombre de fonctionnaires étaient dans la rue. Vous comprenez leurs revendications et leurs inquiétudes ?
AS.- Oui. Trois fonctionnaires sur quatre n'ont pas fait grève le 29 janvier d'après les chiffres, sept sur dix dans la Fonction publique de l'État, le service minimum a fonctionné (...) En revanche, ces manifestations importantes ont traduit une inquiétude (...) Il est donc logique que les salariés réagissent et veuillent être entendus. Les manifestations voulaient dénoncer les dérives d'un système financier qui avait perdu tout repère. Nous les avons donc écoutés (...) Le président de la République et le gouvernement ont donc pris la mesure de la crise, ils y répondent vigoureusement (...) C'est prioritaire pour nous, il faut défendre les hommes et les femmes qui travaillent (...) La bonne réponse par rapport à la Fonction publique : il ne s'agit pas de multiplier les grèves. Les slogans ne feront pas disparaître la crise. La bonne réponse, c'est le plan de relance, sur lequel le gouvernement est complètement mobilisé. C'est la réforme de l'État. Mais il ne s'agit pas d'ouvrir les vannes de la consommation, comme d'aucuns l'avaient réclamé (...) Sauf que, avec les fonctionnaires, nous devons nous associer, pour que cette réforme ne se fasse pas contre eux, mais au contraire avec eux.
LBP.- La perspective d'un emploi stable à vie, est-ce fini ? Que répondez-vous à tous les jeunes qui préparent les concours ?
AS.- La Fonction publique, ce n'est pas un refuge d'emplois stables à vie. Le licenciement, les mises à pied existent, on ne le dit pas assez, dans la Fonction publique. Les emplois publics ne sont pas tous à vie. Le contrat, par exemple, représente 15 % des effectifs, dans les trois fonctions publiques soit près de 800 000 agents concernés. La Fonction publique continue d'embaucher pendant la crise. Les départs à la retraite sont massifs. En ne remplaçant qu'un départ à la retraite sur deux, nous allons recruter plus de 100 000 agents en trois ans, pour la seule Fonction publique de l'État, et l'État restera le premier recruteur de France et un des premiers d'Europe. L'objectif fixé par le président de la République est de sortir d'une approche mécanique, juridique, égalitaire. Il souhaite qu'on remette de l'humain, de l'individualité, de la différenciation dans la gestion de la Fonction publique.
LBP.- Est-il possible, aujourd'hui, d'arrêter le nombre précis de fonctionnaires en France, tous services confondus ?
AS.- Oui ! 5 200 000. Votre question n'est pas seulement ironique, elle est rituelle. Régulièrement, la Cour des comptes et autres disaient que l'État ne sait même pas combien il a de fonctionnaires. Maintenant nous avons une direction générale à la Fonction publique qui recense tout le monde. Nous avons 5 200 000 fonctionnaires qui se répartissent entre l'État, la territoriale et l'hospitalier.
Il y a incontestablement, depuis 1983, 300 000 fonctionnaires d'État de plus, 25 % d'augmentation des effectifs, c'est scandaleux. Au moment où on lançait la décentralisation, l'État a continué à engager des fonctionnaires. Qu'il y en ait plus, c'est évident, avec le transfert de compétences dans la fonction territoriale, mais que l'État continue, on se demande pourquoi.
LBP.- Le service public, dans sa forme actuelle, est-il menacé par vos réformes ?
AS.- C'est en temps de crise que les Français ont le plus besoin des services publics. Nous avons donc le devoir de poursuivre la réforme de l'État pour rendre plus efficace notre administration. L'État doit être fort face à la crise et il faut donc revoir son organisation, ses effectifs, sans tabou. Si l'État n'évolue pas quand la crise l'exige, quand est-ce que ce sera fait ? (...) Deux exemples : la fusion du service des Impôts et du Trésor public : est-il normal de renvoyer l'usager d'un service à l'autre ? N'est-ce pas plutôt à l'organisation du service public de s'adapter ? Deuxièmement : la réforme de la carte judiciaire. Elle était fixée depuis une époque où la France était rurale. Ce qui compte, c'est une justice rapide, efficace, adaptée aux enjeux de notre société et à la géographie de la France du XXIe siècle. En quoi la crise remettrait-elle en cause cette nécessité ? C'est donc un faux débat qui a été posé.
LBP.- Quel regard portez-vous sur Barack Obama et sa politique de relance ?
AS.- J'ai un petit peu peur pour lui. Parce qu'il a suscité tellement d'espoirs ! Quand je vois que Bush lui a laissé une Amérique à bout de souffle, non seulement sur le plan économique mais sur le plan international... Les gens ont mis leur espoir en Obama. Ça veut dire que c'est un vote d'adhésion, que les gens ont réfléchi. Maintenant, il faut qu'il fasse la preuve qu'il mérite la confiance des Américains. Je ne connais qu'un remède, c'est le travail. Et, je crois, l'intelligence. Tout le monde a intérêt au succès de Barack Obama, sauf si la solution choisie s'apparente au protectionnisme. Là, nous risquons de retrouver les chemins de traverse de 1929 et les conséquences pourraient être assez rudes.
LBP.- Autre actualité, française celle-ci, la nomination de Xavier Bertrand à la tête de l'UMP. Vous avez un commentaire ?
AS.- D'abord il faut saluer Xavier Bertrand qui quitte le gouvernement pour prendre les rênes d'un parti. Il y a une ambition, incontestable, mais pour moi, ce n'est pas un défaut en politique. Je compte sur lui pour faire respecter les partenaires de la majorité et le Nouveau Centre en premier lieu. Xavier Bertrand est un homme rond, je le suis un peu aussi... On devrait finir par s'entendre...
LBP.- Justement, comment se porte le Nouveau Centre ?
AS.- Le Nouveau Centre n'existait pas il y a un an. Nous avons aujourd'hui 9 000 adhérents enregistrés. Nous avons un groupe parlementaire à l'Assemblée et un groupe au Sénat qui évolue. Les prochaines élections européennes nous permettront de faire la preuve que nous avons de nouveaux talents à mettre en avant (...) Je crois, moi, en la pertinence d'un parti du centre-droit en France, les Français d'ailleurs y sont attachés. Et nous avons soutenu Nicolas Sarkozy pour une bonne part dès le premier tour, les autres députés ont rejoint entre les deux tours. Aujourd'hui, nous ne regrettons pas notre choix.
LBP.- Donc le Nouveau Centre est un parti qui ne risque pas d'être dissous, avec le temps, dans l'UMP ?
AS.- Non. Ce n'est pas l'intérêt de l'UMP même. Nicolas Sarkozy lui-même n'a jamais été pour le parti unique, je le connais depuis les Hauts-de-Seine. Si vous êtes tout seul, vous n'avez plus de réserve. Les autres, par contre, finissent par se rassembler. Donc le deuxième parti est indispensable. Et les Français aiment bien ça, c'est leur culture.
LBP.- Vous connaissez François Sauvadet, vice-président du Nouveau Centre et président du conseil général de Côte-d'Or. Son nom a été avancé pour remplacer Michel Barnier à l'Agriculture...
AS.- Ça m'étonnerait qu'il n'ait pas cette ambition, parce qu'il est un des rares spécialistes et il aurait toute légitimité à occuper ce poste. J'en serai tout à fait réjoui. Malheureusement, ça ne dépend pas de moi ni de lui. Donc, il faut que le président manifeste bientôt son choix.
LBP.- Peut-il avoir un avenir politique de premier plan ? Le grand public le connaît encore assez peu...
AS.- Il est journaliste d'origine, il est capable de faire parler de lui. C'est souvent, chez les journalistes, le structurel qui parle. On interroge le président du groupe, on interroge le président du parti, et on ne voit pas ceux qui sont en 2e ligne. Moi, j'ai été chez lui en Côte-d'Or, il est très populaire là-bas, il est très tonique, il fait des choses, il y a une bonne ambiance... Je crois que c'est une chance pour le département d'avoir un président comme François Sauvadet, après le départ de mon ami Louis de Broissia. Je crois qu'il va se faire connaître, il sait se faire apprécier. Et je suis persuadé qu'il est parfaitement capable d'avoir un avenir national.
LBP.- On vous connaît aussi comme un amateur de bonne chère. Vous fumez toujours le cigare ?
AS.- C'est mon dernier plaisir...
LBP.- Un projet de loi sur les open-bars pourrait pénaliser, par extension, les dégustations de vins. Y voyez-vous une menace sur le secteur vinicole ?
AS.- Je crois qu'il faut arrêter. Les dégustations de vins ne sont pas des manifestations d'ivrognerie, c'est au contraire un moment raffiné, culturel. J'espère que le bon sens va l'emporter.
LBP.- Un mot sur l'opposition et sur François Bayrou, perçu comme le meilleur opposant, aujourd'hui, à Nicolas Sarkozy...
AS.- Dans ce concours de beauté négative, je préfère ne pas choisir. C'est dommage qu'il en soit là.
Propos recueillis par Emmanuel HASLE
source http://www.le-nouveaucentre.org, le 23 février 2009