Texte intégral
J.-P. Elkabbach - Vous rentrez de New York, Washington, Berlin. Est-ce que vous confirmez ce matin, là, tout de suite, que l'Etat va participer - ce sera annoncé jeudi - à la fusion des Banques Populaires-Caisses d'épargne ?
Bien sûr que l'Etat participe à cette opération. Je vous rappelle que nous avons déjà évidemment participé à plusieurs opérations, notamment en renflouant par un prêt subordonné de 2 milliards d'euros, il y a quelques mois. Et que dans le cadre de...
Combien ajouterez-vous ?
Les discussions sont en cours, les opérations ne sont pas finalisées, ça se poursuit et ça se poursuivra dans les jours qui viennent, mais quelque part, entre 2,5 milliards et 5 milliards d'euros supplémentaires, qui seront à nouveau apportés sous forme de prêt subordonné qui pourrait être convertible en actions à échéance.
Si l'Etat renfloue, si l'Etat renforce ces deux banques, pour en faire la deuxième banque française et l'une des premières en Europe, il prend aussi une part des commandes ?
Il faut revenir en arrière un instant. Cette opération, entre Banques Populaires et les Caisses d'Epargne, on en parle depuis vingt ans. Et elle se concrétise maintenant, tout simplement parce que c'est l'intérêt des deux établissements, qui ont en commun Natixis, dont la situation financière n'est pas extraordinaire, on le sait...
On dit que les résultats vont être négativement catastrophiques ou dramatiques.
Il faut se garder d'employer des vocables comme ça, comme tout banque...
Ils ne sont pas bénéficiaires !
...Comme toute banque d'investissement, elle a subi les conséquences de la crise et évidemment elle aura des résultats qui le démontreront. Mais ces deux établissements, ensemble, vont devenir le deuxième groupe bancaire français dont pourront profiter évidemment les épargnants qui sont les clients classiques des Caisses d'épargne, et les entreprises qui sont les clients classiques de Banques Populaires. Donc c'est un mariage intelligent entre deux types d'établissements qui ont en commun une culture mutualiste.
D'accord, ce sont les principes. Maintenant, pour la réalisation, quelle sera la part de l'Etat dans le commandement, dans la gestion, dans le fonctionnement de cette banque ou de ce géant nouveau ?
Il sera à proportion de ce que sera sa participation dans l'établissement. Mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire que, quand on met de l'argent public dans un réseau bancaire, on veut voir la façon dont il évolue, et on participe de sa stratégie, et on participe de son conseil d'administration ou à son conseil de surveillance selon la structure choisie.
Dans l'hebdomadaire Challenge, vous avez dit - je l'ai retenu - : "quand cela va mal et qu'on se trouve dans une situation de rupture, il faut dégager le management. Nous l'avons fait à Dexia". J'ajoute, vous allez le faire ?
Je ne pense pas qu'on puisse assimiler du tout la situation de Dexia avec la situation de fusion entre les Caisses d'Epargne et Banques Populaires.
Non, mais il y aura une évolution du management ?
Il y aura une évolution du management, c'est très probable. Je crois qu'il faut se garder de commenter des rumeurs de marché qui courent et qui font plaisir aux uns et aux autres en ce moment, et attendre les décisions qui seront prise par les organes de décisions, c'est-à-dire qu'il y a des conseils qui vont se tenir, et chez Caisses d'Epargne et chez Banques Populaires. Il y aura un nouvel établissement qui sera créé pour constituer la fusion. Laissons aux organes appropriés le choix et le temps de la décision.
Pour conduire ce nouveau géant, est cité le nom de F. Pérol, secrétaire général adjoint de l'Elysée. Est-ce que la décision est prise ?
Je ne commente pas des rumeurs de marché. Il y a une chose qui...
Enfin, vous êtes à Bercy, la patronne de Bercy, avec E. Woerth....
Monsieur Elkabbach, il y a une chose qui me paraît très importante c'est que, lorsqu'on met de l'argent public, l'Etat puisse avoir des représentants dignes de confiance et dotés de compétence. Sur le plan de la confiance et sur le plan de la compétence, je crois qu'il ne vient à l'idée de personne de contester les qualités, notamment de monsieur Pérol. Mais je vous le redis, je crois qu'il est bien prématuré de considérer telle ou telle décision comme acquise, alors que les organes appropriés ne se sont pas réunis. Donc si c'était lui, ça me paraît un choix de confiance et de compétence, et si c'est un autre, il faudra se poser la question de qualité.
Mais le fait qu'il ait à diriger un géant dont il a fabriqué lui-même l'architecture, provoque déjà un tollé. Vous avez entendu, on le disait tout à l'heure, J. Arthuis, F. Bayrou, F. Hollande qui dit que "c'est une erreur". Il dit même que "c'est illégal et immoral".
Sur le terrain de l'illégalité ou de la moralité, vous savez que dans la fonction publique, il y a une commission de déontologie qui est toujours saisie dans l'hypothèse où un haut fonctionnaire ou un agent public quitte la fonction publique pour rejoindre telle ou telle société. Je me souviens par exemple, que quand C. Gaymard avait quitté l'AFII et était allée rejoindre General Electric, ça avait été le cas. Je ne doute pas un instant que la commission de déontologie soit saisie en temps utile et qu'elle donne son avis. Et puis c'est son avis qui vaudra. Je crois qu'il faut se garder de tous ces commentaires politiques...
Elle a été saisie ?
... à tout va, qui n'ont ni queue ni tête, quand il s'agit aujourd'hui de contrôler l'usage qui est fait de l'argent des Français pour réorganiser un groupe et pour lui donner une taille stratégique dans un contexte extrêmement turbulent.
La commission déontologique ne s'est pas prononcée ?
Bien sûr que non ! A ma connaissance, elle n'a pas été saisie par l'intéressé. C'est l'intéressé concerné qui saisit la commission.
Donc, il faut d'abord qu'il soit nommé. Si F. Pérol était nommé, qui est compétent, etc., seriez-vous, vous, choquée ?
Moi, je me tiens à trois principes, je vous l'ai dit : la confiance, la compétence et la conformité aux règles applicables. Dès lors qu'une commission de déontologie spécialement désignée à cet effet, sous l'autorité de monsieur Fouquet, qui est un grand conseiller d'Etat, prendrait cette décision, sur le principe de la légalité, il n'y a plus rien à dire, circulons !
Vous rentrez de Berlin, d'ailleurs F. Pérol était aussi à Berlin, avec le président de la République. Les dirigeants de l'Europe s'engagent à sauver le continent européen, à refonder le capitalisme. La plupart d'entre eux n'avait ni prévu, ni vu la tempête. La crise les rend-elle maintenant extralucides et voyants ?
Je ne veux pas me borner à Berlin, parce que Berlin, c'est une étape. Que s'est-il passé depuis Washington, le 15 novembre ? Il y a eu beaucoup de travaux, de rapprochements de positions. Berlin, hier, qui est une initiative conjointe du président de la République et de la chancelière allemande pour rassembler les Européens membres du G20, c'est une étape sur le chemin vers Londres. Et puis, il y aura entre temps d'autres sommets, notamment des Conseils européens.
Dès la semaine prochaine...
Ça sert à quoi tout ce travail ? Ça sert à rapprocher nos positions et à se mettre d'accord sur des principes que la Chancelière a rappelé encore hier, qui étaient les principes posés par le Président : aucune zone d'ombre, pas de trous noirs dans la finance, tous les acteurs, tous les produits, tous les marchés doivent être contrôlés. Ce sont tout simplement les enseignements de la crise.
Mais vous allez vous mettre d'accord sur les règles, parce qu'il y avait des divergences ?
On est en train de se mettre d'accord actuellement sur les règles. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt quand j'étais à Washington et que j'ai rencontré mon homologue, que sur la question en particulier des paradis fiscaux, qu'on appelle communément, élégamment, les...
Maintenant, on les appelle vraiment "les paradis fiscaux" d'ailleurs !
Voilà. On les appelait "les centres non coopératifs", on dit maintenant "paradis fiscaux". Mais "centres non coopératifs" ce n'est pas mal aussi parce que ça inclut toutes les questions prudentielles. Donc ce n'est pas seulement les questions fiscales ce sont aussi les questions prudentielles. J'ai noté donc avec intérêt que mon collègue américain se rapproche de nos positions sur les fonds spéculatifs, où, là aussi, nous disons : enregistrement, contrôle, fournitures d'informations, parce qu'on ne veut pas laisser des pans entiers de la finance sans contrôle et sans régulation, là aussi leur position se rapproche. Et hier, ce qui était formidable, c'est d'avoir les Anglais, les Allemands, enfin tous ceux qui participent au G20, très proches de nos positions, positions qu'on a argumentées, que le président de la République a porté avec beaucoup, beaucoup de vigueur.
Vous êtes très proches, mais les plans de relance, par exemple, et les politiques économiques, vont-elles être cette fois, enfin, concertées et coordonnées ? Ce qui serait efficace pour une gouvernance politique et économique de l'Europe...
Mais je ne veux pas vous laisser dire "est-ce qu'elles vont être enfin coordonnées", parce qu'on a tous fait de la relance, selon les prescriptions, recommandations, et les indications de la Commission européenne, qui recommandait qu'on engage au moins 1,5 % du PIB en relance. Donc, on a relancé selon nos moyens. Nous, on a relancé en mettant l'accent sur l'investissement d'abord, en faisant très attention ensuite aux conséquences sociales actuelles de la crise économique, en renforçant l'indemnisation du chômage partiel, en mettant en place des plans spécifiques pour les PME. S'autres ont choisi d'autres voies. Mais la relance, elle est bien concertée.
Est-ce que vous nous dites : "après la crise ne sera pas comme avant la crise", c'est ça ?
C'est tout à fait évident. Je crois que la moralisation du capitalisme, l'accent que l'on met sur l'entreprise plutôt que sur la spéculation financière, la priorité que l'on donne aux politiques industrielles par rapport à un accent beaucoup trop fort qui avait été mis sur la sphère financière, ça va évidemment changer le rapport à l'entreprise, ça va changer le rapport à la finance.
Vous avez parlé des paradis fiscaux. Une enquête va être lancée sur la liste des paradis fiscaux, d'après ce que j'ai vu, le Lichtenstein, le Luxembourg du président Juncker, et les Français avec Monaco, un peu, beaucoup, Andorre, dont par tradition le président de la République est co-Prince. Il va renoncer, il va démissionner de ce titre ?
Le président de la République l'a indiqué déjà, il l'a confirmé, donc cette lutte contre les paradis fiscaux, ce n'est pas juste du discours, c'est de la réalité, et ça va être de la réalité qui doit être partagée par tous les acteurs, parce que des paradis fiscaux, on en trouve partout.
À Washington et New York vous avez rencontré pour la première fois des membres de l'administration Obama. Comment les avez-vous trouvés, comment se préparent-ils ? Est-ce qu'ils vous disent qu'il y a chez eux une croyance à une prochaine reprise de la croissance en 2009 ?
Je les ai trouvés à la fois déterminés et un peu inquiets de la situation, il ne faut pas se le cacher, en particulier sur la situation des grands établissements financiers. Déterminés, parce qu'ils ont à la fois le plan de relance économique, très puissant, de B. Obama, qui va commencer à démarrer, et puis, le plan de sauvetage des banques et des établissements financiers. Et ils marchent sur ces deux jambes-là.
Et à Londres, il y aura accord entre l'équipe d'Obama et les Européens ou ce sera tendu ?
Londres sera, j'espère, une étape forte avec des engagements sérieux, et sur le cours terme, et des modifications en profondeur, structurelles, de la planète finance, dont il ne faut pas qu'elle devienne cette espèce de superstructure qui guiderait les économies.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 février 2009
Bien sûr que l'Etat participe à cette opération. Je vous rappelle que nous avons déjà évidemment participé à plusieurs opérations, notamment en renflouant par un prêt subordonné de 2 milliards d'euros, il y a quelques mois. Et que dans le cadre de...
Combien ajouterez-vous ?
Les discussions sont en cours, les opérations ne sont pas finalisées, ça se poursuit et ça se poursuivra dans les jours qui viennent, mais quelque part, entre 2,5 milliards et 5 milliards d'euros supplémentaires, qui seront à nouveau apportés sous forme de prêt subordonné qui pourrait être convertible en actions à échéance.
Si l'Etat renfloue, si l'Etat renforce ces deux banques, pour en faire la deuxième banque française et l'une des premières en Europe, il prend aussi une part des commandes ?
Il faut revenir en arrière un instant. Cette opération, entre Banques Populaires et les Caisses d'Epargne, on en parle depuis vingt ans. Et elle se concrétise maintenant, tout simplement parce que c'est l'intérêt des deux établissements, qui ont en commun Natixis, dont la situation financière n'est pas extraordinaire, on le sait...
On dit que les résultats vont être négativement catastrophiques ou dramatiques.
Il faut se garder d'employer des vocables comme ça, comme tout banque...
Ils ne sont pas bénéficiaires !
...Comme toute banque d'investissement, elle a subi les conséquences de la crise et évidemment elle aura des résultats qui le démontreront. Mais ces deux établissements, ensemble, vont devenir le deuxième groupe bancaire français dont pourront profiter évidemment les épargnants qui sont les clients classiques des Caisses d'épargne, et les entreprises qui sont les clients classiques de Banques Populaires. Donc c'est un mariage intelligent entre deux types d'établissements qui ont en commun une culture mutualiste.
D'accord, ce sont les principes. Maintenant, pour la réalisation, quelle sera la part de l'Etat dans le commandement, dans la gestion, dans le fonctionnement de cette banque ou de ce géant nouveau ?
Il sera à proportion de ce que sera sa participation dans l'établissement. Mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire que, quand on met de l'argent public dans un réseau bancaire, on veut voir la façon dont il évolue, et on participe de sa stratégie, et on participe de son conseil d'administration ou à son conseil de surveillance selon la structure choisie.
Dans l'hebdomadaire Challenge, vous avez dit - je l'ai retenu - : "quand cela va mal et qu'on se trouve dans une situation de rupture, il faut dégager le management. Nous l'avons fait à Dexia". J'ajoute, vous allez le faire ?
Je ne pense pas qu'on puisse assimiler du tout la situation de Dexia avec la situation de fusion entre les Caisses d'Epargne et Banques Populaires.
Non, mais il y aura une évolution du management ?
Il y aura une évolution du management, c'est très probable. Je crois qu'il faut se garder de commenter des rumeurs de marché qui courent et qui font plaisir aux uns et aux autres en ce moment, et attendre les décisions qui seront prise par les organes de décisions, c'est-à-dire qu'il y a des conseils qui vont se tenir, et chez Caisses d'Epargne et chez Banques Populaires. Il y aura un nouvel établissement qui sera créé pour constituer la fusion. Laissons aux organes appropriés le choix et le temps de la décision.
Pour conduire ce nouveau géant, est cité le nom de F. Pérol, secrétaire général adjoint de l'Elysée. Est-ce que la décision est prise ?
Je ne commente pas des rumeurs de marché. Il y a une chose qui...
Enfin, vous êtes à Bercy, la patronne de Bercy, avec E. Woerth....
Monsieur Elkabbach, il y a une chose qui me paraît très importante c'est que, lorsqu'on met de l'argent public, l'Etat puisse avoir des représentants dignes de confiance et dotés de compétence. Sur le plan de la confiance et sur le plan de la compétence, je crois qu'il ne vient à l'idée de personne de contester les qualités, notamment de monsieur Pérol. Mais je vous le redis, je crois qu'il est bien prématuré de considérer telle ou telle décision comme acquise, alors que les organes appropriés ne se sont pas réunis. Donc si c'était lui, ça me paraît un choix de confiance et de compétence, et si c'est un autre, il faudra se poser la question de qualité.
Mais le fait qu'il ait à diriger un géant dont il a fabriqué lui-même l'architecture, provoque déjà un tollé. Vous avez entendu, on le disait tout à l'heure, J. Arthuis, F. Bayrou, F. Hollande qui dit que "c'est une erreur". Il dit même que "c'est illégal et immoral".
Sur le terrain de l'illégalité ou de la moralité, vous savez que dans la fonction publique, il y a une commission de déontologie qui est toujours saisie dans l'hypothèse où un haut fonctionnaire ou un agent public quitte la fonction publique pour rejoindre telle ou telle société. Je me souviens par exemple, que quand C. Gaymard avait quitté l'AFII et était allée rejoindre General Electric, ça avait été le cas. Je ne doute pas un instant que la commission de déontologie soit saisie en temps utile et qu'elle donne son avis. Et puis c'est son avis qui vaudra. Je crois qu'il faut se garder de tous ces commentaires politiques...
Elle a été saisie ?
... à tout va, qui n'ont ni queue ni tête, quand il s'agit aujourd'hui de contrôler l'usage qui est fait de l'argent des Français pour réorganiser un groupe et pour lui donner une taille stratégique dans un contexte extrêmement turbulent.
La commission déontologique ne s'est pas prononcée ?
Bien sûr que non ! A ma connaissance, elle n'a pas été saisie par l'intéressé. C'est l'intéressé concerné qui saisit la commission.
Donc, il faut d'abord qu'il soit nommé. Si F. Pérol était nommé, qui est compétent, etc., seriez-vous, vous, choquée ?
Moi, je me tiens à trois principes, je vous l'ai dit : la confiance, la compétence et la conformité aux règles applicables. Dès lors qu'une commission de déontologie spécialement désignée à cet effet, sous l'autorité de monsieur Fouquet, qui est un grand conseiller d'Etat, prendrait cette décision, sur le principe de la légalité, il n'y a plus rien à dire, circulons !
Vous rentrez de Berlin, d'ailleurs F. Pérol était aussi à Berlin, avec le président de la République. Les dirigeants de l'Europe s'engagent à sauver le continent européen, à refonder le capitalisme. La plupart d'entre eux n'avait ni prévu, ni vu la tempête. La crise les rend-elle maintenant extralucides et voyants ?
Je ne veux pas me borner à Berlin, parce que Berlin, c'est une étape. Que s'est-il passé depuis Washington, le 15 novembre ? Il y a eu beaucoup de travaux, de rapprochements de positions. Berlin, hier, qui est une initiative conjointe du président de la République et de la chancelière allemande pour rassembler les Européens membres du G20, c'est une étape sur le chemin vers Londres. Et puis, il y aura entre temps d'autres sommets, notamment des Conseils européens.
Dès la semaine prochaine...
Ça sert à quoi tout ce travail ? Ça sert à rapprocher nos positions et à se mettre d'accord sur des principes que la Chancelière a rappelé encore hier, qui étaient les principes posés par le Président : aucune zone d'ombre, pas de trous noirs dans la finance, tous les acteurs, tous les produits, tous les marchés doivent être contrôlés. Ce sont tout simplement les enseignements de la crise.
Mais vous allez vous mettre d'accord sur les règles, parce qu'il y avait des divergences ?
On est en train de se mettre d'accord actuellement sur les règles. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt quand j'étais à Washington et que j'ai rencontré mon homologue, que sur la question en particulier des paradis fiscaux, qu'on appelle communément, élégamment, les...
Maintenant, on les appelle vraiment "les paradis fiscaux" d'ailleurs !
Voilà. On les appelait "les centres non coopératifs", on dit maintenant "paradis fiscaux". Mais "centres non coopératifs" ce n'est pas mal aussi parce que ça inclut toutes les questions prudentielles. Donc ce n'est pas seulement les questions fiscales ce sont aussi les questions prudentielles. J'ai noté donc avec intérêt que mon collègue américain se rapproche de nos positions sur les fonds spéculatifs, où, là aussi, nous disons : enregistrement, contrôle, fournitures d'informations, parce qu'on ne veut pas laisser des pans entiers de la finance sans contrôle et sans régulation, là aussi leur position se rapproche. Et hier, ce qui était formidable, c'est d'avoir les Anglais, les Allemands, enfin tous ceux qui participent au G20, très proches de nos positions, positions qu'on a argumentées, que le président de la République a porté avec beaucoup, beaucoup de vigueur.
Vous êtes très proches, mais les plans de relance, par exemple, et les politiques économiques, vont-elles être cette fois, enfin, concertées et coordonnées ? Ce qui serait efficace pour une gouvernance politique et économique de l'Europe...
Mais je ne veux pas vous laisser dire "est-ce qu'elles vont être enfin coordonnées", parce qu'on a tous fait de la relance, selon les prescriptions, recommandations, et les indications de la Commission européenne, qui recommandait qu'on engage au moins 1,5 % du PIB en relance. Donc, on a relancé selon nos moyens. Nous, on a relancé en mettant l'accent sur l'investissement d'abord, en faisant très attention ensuite aux conséquences sociales actuelles de la crise économique, en renforçant l'indemnisation du chômage partiel, en mettant en place des plans spécifiques pour les PME. S'autres ont choisi d'autres voies. Mais la relance, elle est bien concertée.
Est-ce que vous nous dites : "après la crise ne sera pas comme avant la crise", c'est ça ?
C'est tout à fait évident. Je crois que la moralisation du capitalisme, l'accent que l'on met sur l'entreprise plutôt que sur la spéculation financière, la priorité que l'on donne aux politiques industrielles par rapport à un accent beaucoup trop fort qui avait été mis sur la sphère financière, ça va évidemment changer le rapport à l'entreprise, ça va changer le rapport à la finance.
Vous avez parlé des paradis fiscaux. Une enquête va être lancée sur la liste des paradis fiscaux, d'après ce que j'ai vu, le Lichtenstein, le Luxembourg du président Juncker, et les Français avec Monaco, un peu, beaucoup, Andorre, dont par tradition le président de la République est co-Prince. Il va renoncer, il va démissionner de ce titre ?
Le président de la République l'a indiqué déjà, il l'a confirmé, donc cette lutte contre les paradis fiscaux, ce n'est pas juste du discours, c'est de la réalité, et ça va être de la réalité qui doit être partagée par tous les acteurs, parce que des paradis fiscaux, on en trouve partout.
À Washington et New York vous avez rencontré pour la première fois des membres de l'administration Obama. Comment les avez-vous trouvés, comment se préparent-ils ? Est-ce qu'ils vous disent qu'il y a chez eux une croyance à une prochaine reprise de la croissance en 2009 ?
Je les ai trouvés à la fois déterminés et un peu inquiets de la situation, il ne faut pas se le cacher, en particulier sur la situation des grands établissements financiers. Déterminés, parce qu'ils ont à la fois le plan de relance économique, très puissant, de B. Obama, qui va commencer à démarrer, et puis, le plan de sauvetage des banques et des établissements financiers. Et ils marchent sur ces deux jambes-là.
Et à Londres, il y aura accord entre l'équipe d'Obama et les Européens ou ce sera tendu ?
Londres sera, j'espère, une étape forte avec des engagements sérieux, et sur le cours terme, et des modifications en profondeur, structurelles, de la planète finance, dont il ne faut pas qu'elle devienne cette espèce de superstructure qui guiderait les économies.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 février 2009