Texte intégral
Bonjour à tous,
Je suis entouré du Secrétaire général adjoint des Nations unies, Alain Leroy, du représentant spécial de l'Union européenne pour le Soudan et l'opération Eufor, Torben Brylle, et du ministre des Affaires étrangères du Tchad, Yousouf Saleh Abbas. Je ne peux que répéter ce qui a été dit : nous nous réjouissons de cette formidable aventure qui a consisté d'abord à convaincre puis à bâtir cette force européenne, EUFOR.
Au début, ce n'était pas très simple, je crois que c'est maintenant considéré comme un succès. Rien n'est jamais parfait, mais je crois que nous avons contribué, grâce à nos amis tchadiens - qu'il a fallu bien sûr convaincre - à faire du déploiement de force européenne une étape très importante. Elle a réuni vingt-trois pays de l'Union européenne et trois pays hors de l'Union européenne - la Russie, la Croatie et l'Albanie, soit au total 10.000 hommes qui ont travaillé ensemble au service des populations du Tchad et des réfugiés.
C'est un exemple de ce que nous pouvons et voulons faire, Union européenne et Nations unies comme l'a dit Alain Le Roy, qui est en charge des missions de paix des Nations unies. Ce passage de témoin de l'Union européenne à l'ONU est une étape formidable - au Kosovo, nous avions procédé dans un ordre différent, nous avions passé le relais de l'ONU à l'Union européenne - : je suis convaincu que la Politique européenne de sécurité et de défense, va prendre une place considérable, à côté des Nations unies, mais éventuellement à côté de l'OTAN. Je suis fier d'avoir vu ces pays et ces soldats européens venir ensemble dans un endroit très éloigné, dans un pays que, personnellement, j'aime, mais que les gens connaissaient mal, qui est si loin de tout, si loin de la mer, à côté du Darfour qui continue d'être le théâtre de crimes et de malheurs contre lesquels depuis plus de trois ans se mobilise la communauté internationale sans que l'on soit parvenu à un règlement politique.
L'EUFOR n'était pas destinée à régler les problèmes politiques, hélas peut-être diront certains, mais en tout cas, ce n'était pas son mandat : son mandat c'était la sécurisation des populations, des populations réfugiées venues du Soudan comme des déplacés tchadiens au Tchad qui étaient en but aux mêmes attaques des milices et qui manquaient cruellement de protection. Il fallait épauler, sur le plan de la sécurité, les efforts de l'agence des Nations unies, le HCR, et de biens d'autres organisations humanitaires.
L'EUFOR part mais plusieurs de ses contingents restent avec la MINURCAT, avec les forces des Nations unies. Voir les différentes brigades changer de casquettes, changer de bérets, cela m'a vraiment beaucoup ému.
Je pense que mon collègue, le ministre des Affaires étrangères du Tchad veut dire un mot parce que moi, je suis son hôte. Nous sommes au Tchad, un pays souverain. J'ai vu ce pays changer, des constructions naître, le Détachement Intégré de Sécurité dont vous avez parlé et qui est chargé de la police et de la sécurité des camps se mettre en place. C'est un progrès considérable pour un dispositif difficile à monter, cela a été fait, et je remercie nos amis tchadiens d'avoir consenti à ces efforts.
Je remercie Yousouf Saleh Abbas, mon collègue.
Q - (A propos de la position de la France dans le dispositif de l'EUFOR et concernant l'impartialité du gouvernement français dans cette opération).
R - Que d'accusations contre la France. Je vais m'efforcer de répondre impartialement à vos questions.
Tout d'abord, nous ne soutenons aucun mouvement. Nous voulons la paix. Depuis que la crise au Darfour dure, depuis si longtemps et depuis l'arrivée en France d'un nouveau président de la République et d'un nouveau gouvernement, nous nous sommes efforcés de dialoguer et nous avons tout tenté. Le président Sarkozy a rencontré le président Béchir à deux reprises, quant à moi, je l'ai rencontré plusieurs fois. Nous avons tenté de parler avec tout le monde, mais malheureusement le résultat n'était pas bon sur le terrain, les exactions continuaient.
S'agissant de la présence des forces françaises, nous nous efforçons - et vous l'avez peut-être vu avec l'exemple du Togo - de reprendre tous les accords de défense entre la France et les pays africains sous l'angle de la transparence et d'un rapport normal avec des pays normaux. Il n'y aura plus d'intervention française en raison de troubles intérieurs. Et l'accord à propos du Togo qui a été signé, il y a deux jours, est un modèle. Nous allons également, c'est connu, renégocier toutes les conditions dans lesquelles il y aura ou il n'y aura plus de bases françaises en Afrique.
Quant à la question essentielle, ce que vous avez dit à propos d'un afflux éventuel de réfugiés : peut-être y aura-t-il, je ne le souhaite pas du tout, d'autres réfugiés venus du Soudan, du Darfour qui franchiront la frontière parce que les conditions ne sont pas bonnes, c'est particulièrement le cas avec l'expulsion de quinze organisations non gouvernementales, expulsion dont le président Béchir est directement responsable. J'espère qu'il se rendra compte qu'il punit sa propre population et qu'il aura à coeur de cesser cela. On dit que dans certains camps de réfugiés, il n'y a plus d'accès à l'eau parce que les ONG s'en vont. J'espère que la situation n'empirera pas
Mais en tout cas, avec le dispositif en place, la relève de l'EUFOR par la MINURCAT, je pense maintenant que l'on pourra les accueillir - au cas où encore une fois, il y aurait un afflux supplémentaire de réfugiés - dans de meilleures conditions, c'est évident. Ce qu'il faut, désormais, c'est la paix. Je crois que personne n'a fait autant que la France, vous savez nous avons encore rencontré le président Béchir à Doha, il y a quelques semaines. Nous attendions des gestes mais il n'y en a pas eu.
Ne confondons pas les deux choses, l'EUFOR n'était pas - et Yousouf Saleh Abbas l'a bien souligné - responsable des problèmes politiques. Nous voulions apporter des secours à une population qui n'en avait pas assez mais surtout une protection. Je suis venu ici et à Goz Beida, il y a plus d'un an et demi. Je suis resté longtemps dans les camps de personnes déplacées, ce n'étaient pas des camps, c'était des choses très informelles, très tristes, très misérables où les femmes disaient qu'elles ne pouvaient pas s'éloigner de 200 mètres sans être attaquées, violées. Elles ne pouvaient pas aller chercher du bois et le bois, évidemment lui-même s'éloignait, car tous ces gens ravageaient la région. C'est la raison pour laquelle nous sommes venus, c'était un geste humanitaire nécessaire et moral.
Nos amis tchadiens ne voulaient pas de troupes sur leur territoire, nous avons été acceptés comme une force de protection auprès des populations. Tout n'a pas été parfait, il y a encore des vols de voitures, il y a encore des gens qui sont attaqués, il y a des ONG qui ne veulent pas qu'on les accompagne. Je sais tout cela, mais je crois que c'est mieux qu'avant.
La France, s'efforce d'être un pays indépendant, neutre et vis à vis de l'Afrique. Cela ne l'empêche pas d'avoir des liens d'amour, d'affection, parfois de mésentente. Nous avons des rapports très particuliers mais qui doivent être accompagnés d'une position politique neutre, claire et comparable en tous points à celle que nous avons avec les autres pays du monde.
Q - (Concernant le futur de la mission confiée à la MINURCAT)
R - Nous soutenons cette initiative et nous continuerons de le faire. Vous savez au début de l'EUFOR, nous avons eu du mal à convaincre les autorités tchadiennes d'accueillir des troupes étrangères sur leur territoire, parce que certains d'entre eux pensaient à cette époque que nous, les troupes européennes, allions soutenir le président tchadien, M. Déby. Ce n'est pas vrai du tout et la preuve encore aujourd'hui, nous ne le soutenons pas, il se soutient lui-même.
Q - (Concernant la sécurité dans les camps de réfugiés)
R - C'est un problème que nous connaissons bien dans les camps de réfugiés. Je crois, d'abord, que la DIS va faire du bon travail, j'en suis sûr. Ils commencent et il a fallu du temps réunir les effectifs mais ils sont maintenant 850.
C'est un problème constant de savoir si les Forces des Nations unies doivent rentrer dans les camps ou s'il y a une police du camp. En général, les réfugiés ne veulent pas qu'il y ait une police à l'intérieur, et puis de toutes façons c'est très difficile de s'installer pour la nuit pour les volontaires. C'est un problème constant. Malheureusement, la police n'est pas toujours assurée et c'est pour cela que l'on a crée le DIS. J'espère que vous serez démenti, la sécurité dans les camps est très difficile, je l'ai constaté dans tous les endroits du monde, ici ce n'est pas le cas du tout. Vous savez, il faut voir les choses en face. L'insécurité c'est aussi la responsabilité de certains réfugiés qui profitent des autres, ce sont des familles contre les autres, ce sont des hommes contre les autres, ce sont les femmes qui comme d'habitude sont les proies les plus faciles et qui souffrent le plus. Je sais mais je pense que nos amis tchadiens ont installé une structure qui va améliorer la situation, nous les avons rencontrés hier et ils sont vraiment pleins de bonne volonté. L'EUFOR n'est jamais rentrée dans les camps, son mandat était de protéger autour et de protéger les personnes déplacées et pas d'entrer dans les camps.
Le DIS va permettre qu'il y ait des instructions systématiques contre les exactions : il n'y aura pas seulement la police, il y a maintenant la justice tchadienne qui va prendre le relais, des procureurs sont là pour engager des instructions.
Q - (Concernant la situation dans laquelle la MINURCAT prend ses fonctions)
R - J'espère que les dangers auxquels elle devra faire face iront en diminuant. La situation est tendue, mais pour agir, il ne faut pas confondre les problèmes de part et d'autre de la frontière. Nous, nous sommes au Tchad et la MINURCAT et l'EUFOR travaillaient, travaillent et travailleront au Tchad.
Il reste évidemment de nombreux problèmes : les personnes déplacées ne sont pas toutes rentrées chez elle, mais là aussi il va y avoir une différence. Il va y avoir des villages regroupés, dans des zones un peu plus éloignées de la frontière qu'ils ne l'étaient, parce que les gens ne veulent pas rentrer sur la frontière, c'est trop dangereux pour eux. Si l'on peut regrouper les villages dans des endroits où il y a de l'eau - c'est ce que souhaite faire le gouvernement, nous avons vu le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Chacun son mandat, chacun sa tâche.
Nous, les politiques, nous continuons avec un rien d'humanitaire dans la démarche, nous continuons d'essayer de protéger ceux qui sont de l'autre côté de la frontière, au Soudan. Je vous rappelle qu'il devait y avoir une Force des Nations unies de l'autre côté de la frontière, qu'il a été très difficile pour des raisons plutôt soudanaises de déployer cette force. Il devait y avoir deux rideaux de protection, un du côté soudanais, un du côté tchadien, j'espère qu'ils seront mis en place. Du côté tchadien c'est fait.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2009