Texte intégral
M. Biraben, C. Roux & L. Mercadet.- C. Roux : Il est l'un des seuls ministres qui n'a pas été déjugé, humilié, recadré par N. Sarkozy ; B. Hortefeux joue discrétion et profil bas. Face à la crise, c'est lui qui est chargé de mettre en place des airbags, mais des dossiers imprévus relevant de son périmètre l'ont curieusement (rendu) silencieux... dialogue social aux Antilles, et homoparentalité, on appelle des grenades dégoupillées. Bonjour.
M. Biraben : Bonjour B. Hortefeux.
Bonjour.
M. Biraben : Soyez le bienvenu. Merci. Est-ce que vous l'avez fait exprès pour la cravate ?
Ecoutez, non, mais j'ai eu un commentaire de C. Roux juste avant de rentrer sur le plateau, elle m'a encouragé à conserver cette tenue.
M. Biraben : Elle est très belle !
Ceci dit, j'aurais été très ennuyé si elle m'avait dit de changer, honnêtement.
M. Biraben : Mais elle est assortie surtout au plateau de « La Matinale », on pensait que c'était pour nous faire plaisir...
Exactement, c'est pour ça que j'ai trouvé que c'était...
M. Biraben : Bien...
Ça m'arrangeait bien...
M. Biraben : On va en venir à vos relations avec madame Parisot, est-ce que ça va bien, parce que quand on lit Le Parisien - Aujourd'hui en France, on est un petit peu inquiet, on se dit : que se passe-t-il ?
Bon, d'abord, chacun a le droit de s'exprimer. Moi, je suis chargé du dialogue, des relations sociales, donc je reconnais naturellement à chacun de mes interlocuteurs, que ça soit les organisations syndicales ou les organisations patronales, le droit de dire ce qu'elles souhaitent et ce qu'elles pensent. Ce que je dis simplement aujourd'hui, c'est que nous traversons une crise, une crise qui est une crise importante, difficile, sans doute la plus importante depuis 1929. Et donc face à cette crise, pour la surmonter, il faut qu'il y ait de la cohésion. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement, la cohésion ? Cela veut dire que l'effort doit être partagé. Et ceci est valable pour le Medef, comme pour tout le monde.
C. Roux : Alors, on va dire, on va préciser ce que dit L. Parisot ce matin dans Le Parisien à propos déjà du dossier de la Guadeloupe, elle dit : je ne m'explique pas comment l'Etat agit en Guadeloupe, je considère que l'Etat n'a pas joué son rôle d'arbitre dans ce qui était au départ un conflit du travail. Vous avez été de parti pris en Guadeloupe ?
Bon, d'abord, le ministère du Travail, puisque vous avez employé le mot, a été très présent et très actif...
C. Roux : Discret !
Non, très présent, très actif, avec un exemple simple, c'est qu'on a demandé des médiateurs, à ce que des médiateurs se rendent sur place, et les deux médiateurs qui ont été envoyés ont été proposés par le ministère du Travail au Premier ministre, c'était deux fonctionnaires du ministère du Travail. Donc on a été très présent dans la discussion et dans la négociation.
C. Roux : Est-ce que vous avez été de parti pris ?
Non, on a essayé, le secrétaire d'Etat en charge de l'Outre-mer a pris acte de la situation, a observé d'ailleurs une difficulté et une crise qui n'étaient pas simplement économiques, qui dépassent le cadre économique, et il a proposé un certain nombre de solutions qui ont été validées par le Gouvernement, ce qui est normal, parce qu'un secrétaire d'Etat propose, et ensuite, le Gouvernement prend les décisions et assume les choix, ce qui a été le cas. Aujourd'hui, on est en situation de sortie de crise. Simplement, ce que j'indique, c'est qu'il faut respecter la procédure. Il y a ce que l'on appelle une demande d'extension, qui a été formulée par le syndicat Force ouvrière. Cette demande d'extension de manière à ce que l'accord s'applique à tout le monde doit passer devant une commission, commission de conciliation en quelque sorte. Cette commission va se réunir le 20 mars. Et à l'issue des travaux de cette commission, comme ministre du Travail, j'indiquerai s'il y a possibilité d'extension ou pas. Donc voilà pour la procédure.
C. Roux : Alors le Medef n'a pas signé l'accord. D'ailleurs, L. Parisot s'en explique toujours dans Le Parisien, on va beaucoup en parler de cette interview, parce que je pense qu'on va en parler d'ailleurs tout au long de la journée, elle dit que, en fait, c'est un accord qui est contraire aux valeurs fondamentales de la République française et auxquelles nous ne pouvons souscrire, donc le Medef. On y lit que l'économie de la Guadeloupe serait une économie de plantations... M. Biraben : Dans le texte...
Oui, bon, d'abord, L. Parisot a eu raison à un moment donné de la crise de demander au Medef guadeloupéen de revenir autour de la table... elle l'a demandé, et ça, c'était une bonne initiative, puisque s'il fallait discuter, naturellement, il fallait qu'il y ait des interlocuteurs. Maintenant, sur l'accord lui-même, je vous l'ai dit, il passera devant cette commission. Moi, je ne veux pas me prononcer, et j'entends ce qui est dit, à savoir qu'il y a deux difficultés, une première difficulté sur le préambule, et je ne suis pas sûr qu'il y ait une portée juridique du préambule, et sur l'article 5. Donc à ce stade, j'entends les observations, laissons la procédure se dérouler, il y aura une décision qui sera annoncée dans la foulée du 20 mars...
C. Roux : Vous êtes bon joueur, parce qu'elle dit que l'Etat n'a pas joué son rôle en Guadeloupe, vous dites finalement que le Medef s'est bien comporté pendant cette crise en Outre-Mer ?
Ecoutez, ce que je dis et ce que je répète, c'est que chacun est libre de dire ce qu'il veut, et que moi, je demande à ce que chacun, dans les difficultés, que ça soit sur les territoires d'Outre-Mer ou sur le territoire métropolitain, qu'il y ait un effort partagé. Et ce message s'adresse naturellement aussi au Medef.
C. Roux : Alors, chacun est libre de dire ce qu'il veut, est-ce qu'E. Domota peut dire ce qu'il veut, et en particulier, quand il s'adresse aux patrons qui n'ont pas signé l'accord en disant : soit ils appliqueront l'accord, soit ils quitteront la Guadeloupe - "nous sommes très fermes sur cette question, nous ne laisserons pas une bande de Békés rétablir l'esclavage". Il a le droit de dire ce qu'il veut, là aussi ?
Il faut, naturellement, éviter et condamner les excès de tous côtés, j'insiste bien, les excès de tous côtés, qui incitent à la violence dans un certain nombre de cas ou à la haine raciale. Là...
C. Roux : C'est le cas ?
Je le dis, de tous côtés, puisque vous me citez une déclaration, il y a eu des déclarations aussi d'un Béké, qui ont été publiées dans la presse qui étaient aussi choquantes. Donc, je dis, il faut éviter les excès de tous côtés. Et le rôle des responsables de la République, c'est précisément de le dire, de dire : nous condamnons tous les excès qui incitent à la violence dans certains cas, et même, à la haine raciale. Là, aujourd'hui, il y a une procédure qui est en cours, vous savez... cette procédure, en tout cas, est en cours, laissons-la se dérouler, laissons la justice se prononcer. Le pire serait, en réalité, vous le savez bien, même si vous m'y encouragez, que je vous donne un sentiment définitif sur un sujet comme celui-là. Non, je dis 1°) : il faut condamner les excès, condamner les incitations à la violence, condamner les incitations à la haine raciale, et laisser la procédure se dérouler.
C. Roux : "Dérapage verbal inadmissible" : ça, c'est Y. Jégo qui dit ça ce matin. Cela va trop loin, il n'aurait pas dû le dire ?
Comme secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, il a vécu cela de près, et il est naturellement tout à fait libre de dire ce qu'il en est. Comme ministre du Travail et des secteurs que vous m'avez indiqués, je dis : il faut condamner, mais laisser la procédure se dérouler, mais condamner fermement, mais laisser la procédure se dérouler.
C. Roux : Alors, comme ministre du Travail et des relations sociales, on en a un petit peu parlé plus généralement, si on fait deux pas en arrière, comment ça se passe en ce moment avec le Medef, on a le sentiment, en lisant cette interview, en voyant les déclarations des uns et des autres, que le ton est monté entre le Gouvernement et les patrons ; est-ce que c'est l'effet de la crise ?
Mais la crise, bien sûr que ça complique le dialogue, bien sûr que c'est difficile...
C. Roux : Avec le Medef en particulier ?
Mais bien sûr que cela complique, ça n'empêche pas la très grande franchise. Moi, je vais vous dire, j'arrive à ce ministère, ça fait maintenant un mois et demi, et j'arrive en quelque sorte avec des yeux neufs, moi, je n'ai pas d'a priori, il n'y a pas de posture idéologique. Je discute avec les interlocuteurs, que sont les organisations syndicales, toutes les organisations syndicales représentatives, et les organisations patronales. Comme vous le savez, il n'y a pas que le Medef, il y a la CGPME, et l'UPA. Donc je discute avec elles, et j'entends impérativement que le dialogue se poursuive toujours, ça signifie qu'il faut de part et d'autre de l'écoute et de la concertation, mais aussi la connaissance d'objectifs.
C. Roux : Quand elle dit que les mesures prises par le Gouvernement sur le volet social sont trop bureaucratiques, c'est le manque d'un plan de relance européen, etc., c'est du dialogue, c'est de la concertation ?
Non, mais il y a plusieurs choses, écoutez, je ne vois pas à quoi elle fait allusion, à quoi madame Parisot fait allusion, moi, je vous dis simplement que dans un certain nombre de secteurs qui dépendent du ministère, avec les secrétaires d'Etat, N. Morano, F. Amara et V. Létard, nous nous sommes engagés dans des mesures très importantes. Je vous donne un exemple simple, effectivement, il ne faut pas que ça soit bureaucratique. Le président de la République a décidé qu'il fallait qu'il y ait un coup de pouce fort, significatif pour les familles modestes, on va injecter 450 millions d'euros, si je vous dis 450 millions d'euros, personne ne comprend ce que ça veut dire en réalité. Quand je dis, c'est 150 euros qu'on souhaite mettre à la disposition des familles qui sont les familles modestes dès le 1er juin, ça veut dire quelque chose, eh bien, ça veut dire qu'il faut être tout sauf bureaucratique, parce que si on est bureaucratique, c'est impossible qu'on y arrive au mois de juin, impossible avant l'été, impossible. Comme ça ne doit pas être bureaucratique, on se bat, on bouscule, on agit, on imagine des pistes pour que cela puisse se faire et que ça puisse être utile aux catégories les plus défavorisées. C'est l'inverse d'une bureaucratie, l'inverse.
C. Roux : Alors, tout sauf bureaucratique, tout sauf dogmatique. On va parler d'un sujet qui est compliqué à gérer pour la majorité, celui des heures supplémentaires, certains de vos interlocuteurs, en particulier F. Chérèque, le patron de la CFDT, demandent de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires en disant : en période de chômage, ça n'a pas de sens, ce sont autant d'emplois ; il parle de 90.000 équivalents temps plein pour les heures supplémentaires. Est-ce que, oui ou non, il pourrait être question de faire un moratoire sur la défiscalisation des heures supplémentaires en période de forte croissance du chômage ?
D'abord, le problème, à mon avis, ne se pose pas exactement comme ça, les heures supplémentaires...
C. Roux : C'est comme ça qu'il vous le posent, lui...
Oui, mais moi, je vais vous expliquer comment précisément je le mets sur la table. Les heures supplémentaires, ça a été une initiative et un engagement d'abord de campagne de N. Sarkozy, et une initiative ensuite formidable, puisque ça a permis à un certain nombre de nos compatriotes de bénéficier d'un pouvoir d'achat supplémentaire, et c'était l'objectif, le pouvoir d'achat. En période de crise, la question ne se pose pas comme ça, puisqu'en période de crise économique, en réalité, il y a très peu d'heures supplémentaires, on va le voir dès qu'on connaîtra les volumes d'heures supplémentaires. En réalité, la question qui se pose, c'est la sortie de crise. Parce que, un jour, on va bien sortir de cette crise, et il y a une théorie qui est celle évoquée par F. Chérèque, c'est de dire : attention, quand ça va repartir, il faut éviter que les employeurs se tournent vers les heures supplémentaires pour répondre à la reprise, il faut, au contraire, embaucher. Mais vous avez des entreprises qui vous disent : attention, quand ça va repartir, il faut qu'on soit extraordinairement réactif, réactif à la demande. Et on n'aura pas formé suffisamment de personnes, parce qu'il faut cinq, six mois, sept mois pour former nos salariés...
C. Roux : La priorité, ce n'est pas de réagir à l'urgence, et donc au problème du chômage ?
Et donc pour réagir à l'urgence, ces employeurs, que j'ai consultés, ces employeurs me disent : mais attention, s'il y a des heures supplémentaires, ça veut dire, si on maintient de les payer, ça permet de réagir tout de suite à la demande. Donc voyez, le problème est beaucoup plus compliqué, il faut l'analyser très sereinement...
C. Roux : Ça veut dire que c'est un sujet...
J'entends ce que dit, parce que ma position, mon tempérament me poussent à écouter et entendre, donc j'entends ce que dit F. Chérèque, j'entends ce que dit un certain nombre d'organisations syndicales, j'entends aussi un certain nombre d'employeurs me dire : si on veut réagir au bon moment, il faut qu'on ait une main-d'oeuvre qui soit capable de répondre à la demande, et donc à des heures supplémentaires...
C. Roux : Vous ne fermez pas la porte...
En tout cas non, mais moi, si vous voulez, c'est très simple, il n'y a aucun sujet tabou, voilà, la réponse est précise ; la question était simple et la réponse, précise.
M. Biraben : On va voir ce qu'il en devient de celle-là, la question de téléspectateur avec Léon.
L. Mercadet : Bonjour Monsieur le Ministre. C'est un autre sujet, c'est une question de Vanessa, question pour l'ancien ministre de l'Immigration, dit Vanessa : pourquoi régulariser un boxeur clandestin et ne pas régulariser un autre clandestin qui travaille et paie des impôts, je ne comprends pas la logique.
Ecoutez, d'abord, il y a une logique assez simple, mais moi, je ne reviens pas sur le ministère qui a été le mien, mais je dis simplement une chose simple, c'est que dans notre pays, il y a des règles, et quand il y a des règles, il faut les respecter. Donc on ne vient pas sur le territoire français si on n'y est pas autorisé. C'est comme ça. Et il faut donc lutter pour éviter cela, lutter contre les filières, contre les pirates, contre ces esclavagistes qui, vous savez, gagnent des sommes énormes. On a beaucoup parlé de l'interview de L. Parisot dans Le Parisien, mais il y avait aussi, il y a quelques mois, une démonstration selon laquelle ces pirates gagnaient 15 à 16.000 euros par semaine, 15 à 16.000 euros par semaine. Donc ça veut dire qu'il faut lutter contre ces filières, c'est-à-dire décourager l'immigration clandestine et organiser l'immigration légale...
L. Mercadet : Oui, mais il y a deux poids, deux mesures à ça...
Et puis, il y a des situations qui sont des situations individuelles, mais pendant seize mois ou dix-sept mois où j'étais ministre de l'Immigration, j'ai examiné des dizaines, des dizaines et des centaines de situations individuelles, il faut mesurer la volonté d'intégration, la conduite sur le territoire national ; ça peut être la connaissance de la langue, comme je l'ai déjà indiqué, pour favoriser l'intégration. Donc voilà, il n'y a pas deux poids, deux mesures, il y a simplement la volonté de respecter les règles dans un souci de justice et d'équilibre.
C. Roux : Juste un mot sur l'homo-parentalité.
Oui.
C. Roux : Un mot.
Eh bien écoutez, le projet de loi qui sera examiné en Conseil des ministres en mars ou avril ne porte pas en réalité sur ce sujet, ça porte sur le statut des beaux-parents, c'est-à-dire adapter la réalité de notre société, dans les familles recomposées, eh bien, il faut qu'il y ait la personne tierce, qu'elle puisse avoir les moyens d'agir, l'inscription à la cantine... sous réserve de l'accord des deux parents, sous réserve de l'accord des deux parents.
M. Biraben : Dans quelques instants, vous allez retrouver C. Geoffroy, Marie, Léon et Elé. Merci beaucoup Caroline. Très bonne journée à vous, B. Hortefeux.
Merci de votre invitation.
M. Biraben : Et bravo pour la cravate.
Très bien, je m'en souviendrai pour la prochaine fois.
Source : Premier ministre, Service d' Information du Gouvernement du 9 mars 2009
M. Biraben : Bonjour B. Hortefeux.
Bonjour.
M. Biraben : Soyez le bienvenu. Merci. Est-ce que vous l'avez fait exprès pour la cravate ?
Ecoutez, non, mais j'ai eu un commentaire de C. Roux juste avant de rentrer sur le plateau, elle m'a encouragé à conserver cette tenue.
M. Biraben : Elle est très belle !
Ceci dit, j'aurais été très ennuyé si elle m'avait dit de changer, honnêtement.
M. Biraben : Mais elle est assortie surtout au plateau de « La Matinale », on pensait que c'était pour nous faire plaisir...
Exactement, c'est pour ça que j'ai trouvé que c'était...
M. Biraben : Bien...
Ça m'arrangeait bien...
M. Biraben : On va en venir à vos relations avec madame Parisot, est-ce que ça va bien, parce que quand on lit Le Parisien - Aujourd'hui en France, on est un petit peu inquiet, on se dit : que se passe-t-il ?
Bon, d'abord, chacun a le droit de s'exprimer. Moi, je suis chargé du dialogue, des relations sociales, donc je reconnais naturellement à chacun de mes interlocuteurs, que ça soit les organisations syndicales ou les organisations patronales, le droit de dire ce qu'elles souhaitent et ce qu'elles pensent. Ce que je dis simplement aujourd'hui, c'est que nous traversons une crise, une crise qui est une crise importante, difficile, sans doute la plus importante depuis 1929. Et donc face à cette crise, pour la surmonter, il faut qu'il y ait de la cohésion. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement, la cohésion ? Cela veut dire que l'effort doit être partagé. Et ceci est valable pour le Medef, comme pour tout le monde.
C. Roux : Alors, on va dire, on va préciser ce que dit L. Parisot ce matin dans Le Parisien à propos déjà du dossier de la Guadeloupe, elle dit : je ne m'explique pas comment l'Etat agit en Guadeloupe, je considère que l'Etat n'a pas joué son rôle d'arbitre dans ce qui était au départ un conflit du travail. Vous avez été de parti pris en Guadeloupe ?
Bon, d'abord, le ministère du Travail, puisque vous avez employé le mot, a été très présent et très actif...
C. Roux : Discret !
Non, très présent, très actif, avec un exemple simple, c'est qu'on a demandé des médiateurs, à ce que des médiateurs se rendent sur place, et les deux médiateurs qui ont été envoyés ont été proposés par le ministère du Travail au Premier ministre, c'était deux fonctionnaires du ministère du Travail. Donc on a été très présent dans la discussion et dans la négociation.
C. Roux : Est-ce que vous avez été de parti pris ?
Non, on a essayé, le secrétaire d'Etat en charge de l'Outre-mer a pris acte de la situation, a observé d'ailleurs une difficulté et une crise qui n'étaient pas simplement économiques, qui dépassent le cadre économique, et il a proposé un certain nombre de solutions qui ont été validées par le Gouvernement, ce qui est normal, parce qu'un secrétaire d'Etat propose, et ensuite, le Gouvernement prend les décisions et assume les choix, ce qui a été le cas. Aujourd'hui, on est en situation de sortie de crise. Simplement, ce que j'indique, c'est qu'il faut respecter la procédure. Il y a ce que l'on appelle une demande d'extension, qui a été formulée par le syndicat Force ouvrière. Cette demande d'extension de manière à ce que l'accord s'applique à tout le monde doit passer devant une commission, commission de conciliation en quelque sorte. Cette commission va se réunir le 20 mars. Et à l'issue des travaux de cette commission, comme ministre du Travail, j'indiquerai s'il y a possibilité d'extension ou pas. Donc voilà pour la procédure.
C. Roux : Alors le Medef n'a pas signé l'accord. D'ailleurs, L. Parisot s'en explique toujours dans Le Parisien, on va beaucoup en parler de cette interview, parce que je pense qu'on va en parler d'ailleurs tout au long de la journée, elle dit que, en fait, c'est un accord qui est contraire aux valeurs fondamentales de la République française et auxquelles nous ne pouvons souscrire, donc le Medef. On y lit que l'économie de la Guadeloupe serait une économie de plantations... M. Biraben : Dans le texte...
Oui, bon, d'abord, L. Parisot a eu raison à un moment donné de la crise de demander au Medef guadeloupéen de revenir autour de la table... elle l'a demandé, et ça, c'était une bonne initiative, puisque s'il fallait discuter, naturellement, il fallait qu'il y ait des interlocuteurs. Maintenant, sur l'accord lui-même, je vous l'ai dit, il passera devant cette commission. Moi, je ne veux pas me prononcer, et j'entends ce qui est dit, à savoir qu'il y a deux difficultés, une première difficulté sur le préambule, et je ne suis pas sûr qu'il y ait une portée juridique du préambule, et sur l'article 5. Donc à ce stade, j'entends les observations, laissons la procédure se dérouler, il y aura une décision qui sera annoncée dans la foulée du 20 mars...
C. Roux : Vous êtes bon joueur, parce qu'elle dit que l'Etat n'a pas joué son rôle en Guadeloupe, vous dites finalement que le Medef s'est bien comporté pendant cette crise en Outre-Mer ?
Ecoutez, ce que je dis et ce que je répète, c'est que chacun est libre de dire ce qu'il veut, et que moi, je demande à ce que chacun, dans les difficultés, que ça soit sur les territoires d'Outre-Mer ou sur le territoire métropolitain, qu'il y ait un effort partagé. Et ce message s'adresse naturellement aussi au Medef.
C. Roux : Alors, chacun est libre de dire ce qu'il veut, est-ce qu'E. Domota peut dire ce qu'il veut, et en particulier, quand il s'adresse aux patrons qui n'ont pas signé l'accord en disant : soit ils appliqueront l'accord, soit ils quitteront la Guadeloupe - "nous sommes très fermes sur cette question, nous ne laisserons pas une bande de Békés rétablir l'esclavage". Il a le droit de dire ce qu'il veut, là aussi ?
Il faut, naturellement, éviter et condamner les excès de tous côtés, j'insiste bien, les excès de tous côtés, qui incitent à la violence dans un certain nombre de cas ou à la haine raciale. Là...
C. Roux : C'est le cas ?
Je le dis, de tous côtés, puisque vous me citez une déclaration, il y a eu des déclarations aussi d'un Béké, qui ont été publiées dans la presse qui étaient aussi choquantes. Donc, je dis, il faut éviter les excès de tous côtés. Et le rôle des responsables de la République, c'est précisément de le dire, de dire : nous condamnons tous les excès qui incitent à la violence dans certains cas, et même, à la haine raciale. Là, aujourd'hui, il y a une procédure qui est en cours, vous savez... cette procédure, en tout cas, est en cours, laissons-la se dérouler, laissons la justice se prononcer. Le pire serait, en réalité, vous le savez bien, même si vous m'y encouragez, que je vous donne un sentiment définitif sur un sujet comme celui-là. Non, je dis 1°) : il faut condamner les excès, condamner les incitations à la violence, condamner les incitations à la haine raciale, et laisser la procédure se dérouler.
C. Roux : "Dérapage verbal inadmissible" : ça, c'est Y. Jégo qui dit ça ce matin. Cela va trop loin, il n'aurait pas dû le dire ?
Comme secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, il a vécu cela de près, et il est naturellement tout à fait libre de dire ce qu'il en est. Comme ministre du Travail et des secteurs que vous m'avez indiqués, je dis : il faut condamner, mais laisser la procédure se dérouler, mais condamner fermement, mais laisser la procédure se dérouler.
C. Roux : Alors, comme ministre du Travail et des relations sociales, on en a un petit peu parlé plus généralement, si on fait deux pas en arrière, comment ça se passe en ce moment avec le Medef, on a le sentiment, en lisant cette interview, en voyant les déclarations des uns et des autres, que le ton est monté entre le Gouvernement et les patrons ; est-ce que c'est l'effet de la crise ?
Mais la crise, bien sûr que ça complique le dialogue, bien sûr que c'est difficile...
C. Roux : Avec le Medef en particulier ?
Mais bien sûr que cela complique, ça n'empêche pas la très grande franchise. Moi, je vais vous dire, j'arrive à ce ministère, ça fait maintenant un mois et demi, et j'arrive en quelque sorte avec des yeux neufs, moi, je n'ai pas d'a priori, il n'y a pas de posture idéologique. Je discute avec les interlocuteurs, que sont les organisations syndicales, toutes les organisations syndicales représentatives, et les organisations patronales. Comme vous le savez, il n'y a pas que le Medef, il y a la CGPME, et l'UPA. Donc je discute avec elles, et j'entends impérativement que le dialogue se poursuive toujours, ça signifie qu'il faut de part et d'autre de l'écoute et de la concertation, mais aussi la connaissance d'objectifs.
C. Roux : Quand elle dit que les mesures prises par le Gouvernement sur le volet social sont trop bureaucratiques, c'est le manque d'un plan de relance européen, etc., c'est du dialogue, c'est de la concertation ?
Non, mais il y a plusieurs choses, écoutez, je ne vois pas à quoi elle fait allusion, à quoi madame Parisot fait allusion, moi, je vous dis simplement que dans un certain nombre de secteurs qui dépendent du ministère, avec les secrétaires d'Etat, N. Morano, F. Amara et V. Létard, nous nous sommes engagés dans des mesures très importantes. Je vous donne un exemple simple, effectivement, il ne faut pas que ça soit bureaucratique. Le président de la République a décidé qu'il fallait qu'il y ait un coup de pouce fort, significatif pour les familles modestes, on va injecter 450 millions d'euros, si je vous dis 450 millions d'euros, personne ne comprend ce que ça veut dire en réalité. Quand je dis, c'est 150 euros qu'on souhaite mettre à la disposition des familles qui sont les familles modestes dès le 1er juin, ça veut dire quelque chose, eh bien, ça veut dire qu'il faut être tout sauf bureaucratique, parce que si on est bureaucratique, c'est impossible qu'on y arrive au mois de juin, impossible avant l'été, impossible. Comme ça ne doit pas être bureaucratique, on se bat, on bouscule, on agit, on imagine des pistes pour que cela puisse se faire et que ça puisse être utile aux catégories les plus défavorisées. C'est l'inverse d'une bureaucratie, l'inverse.
C. Roux : Alors, tout sauf bureaucratique, tout sauf dogmatique. On va parler d'un sujet qui est compliqué à gérer pour la majorité, celui des heures supplémentaires, certains de vos interlocuteurs, en particulier F. Chérèque, le patron de la CFDT, demandent de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires en disant : en période de chômage, ça n'a pas de sens, ce sont autant d'emplois ; il parle de 90.000 équivalents temps plein pour les heures supplémentaires. Est-ce que, oui ou non, il pourrait être question de faire un moratoire sur la défiscalisation des heures supplémentaires en période de forte croissance du chômage ?
D'abord, le problème, à mon avis, ne se pose pas exactement comme ça, les heures supplémentaires...
C. Roux : C'est comme ça qu'il vous le posent, lui...
Oui, mais moi, je vais vous expliquer comment précisément je le mets sur la table. Les heures supplémentaires, ça a été une initiative et un engagement d'abord de campagne de N. Sarkozy, et une initiative ensuite formidable, puisque ça a permis à un certain nombre de nos compatriotes de bénéficier d'un pouvoir d'achat supplémentaire, et c'était l'objectif, le pouvoir d'achat. En période de crise, la question ne se pose pas comme ça, puisqu'en période de crise économique, en réalité, il y a très peu d'heures supplémentaires, on va le voir dès qu'on connaîtra les volumes d'heures supplémentaires. En réalité, la question qui se pose, c'est la sortie de crise. Parce que, un jour, on va bien sortir de cette crise, et il y a une théorie qui est celle évoquée par F. Chérèque, c'est de dire : attention, quand ça va repartir, il faut éviter que les employeurs se tournent vers les heures supplémentaires pour répondre à la reprise, il faut, au contraire, embaucher. Mais vous avez des entreprises qui vous disent : attention, quand ça va repartir, il faut qu'on soit extraordinairement réactif, réactif à la demande. Et on n'aura pas formé suffisamment de personnes, parce qu'il faut cinq, six mois, sept mois pour former nos salariés...
C. Roux : La priorité, ce n'est pas de réagir à l'urgence, et donc au problème du chômage ?
Et donc pour réagir à l'urgence, ces employeurs, que j'ai consultés, ces employeurs me disent : mais attention, s'il y a des heures supplémentaires, ça veut dire, si on maintient de les payer, ça permet de réagir tout de suite à la demande. Donc voyez, le problème est beaucoup plus compliqué, il faut l'analyser très sereinement...
C. Roux : Ça veut dire que c'est un sujet...
J'entends ce que dit, parce que ma position, mon tempérament me poussent à écouter et entendre, donc j'entends ce que dit F. Chérèque, j'entends ce que dit un certain nombre d'organisations syndicales, j'entends aussi un certain nombre d'employeurs me dire : si on veut réagir au bon moment, il faut qu'on ait une main-d'oeuvre qui soit capable de répondre à la demande, et donc à des heures supplémentaires...
C. Roux : Vous ne fermez pas la porte...
En tout cas non, mais moi, si vous voulez, c'est très simple, il n'y a aucun sujet tabou, voilà, la réponse est précise ; la question était simple et la réponse, précise.
M. Biraben : On va voir ce qu'il en devient de celle-là, la question de téléspectateur avec Léon.
L. Mercadet : Bonjour Monsieur le Ministre. C'est un autre sujet, c'est une question de Vanessa, question pour l'ancien ministre de l'Immigration, dit Vanessa : pourquoi régulariser un boxeur clandestin et ne pas régulariser un autre clandestin qui travaille et paie des impôts, je ne comprends pas la logique.
Ecoutez, d'abord, il y a une logique assez simple, mais moi, je ne reviens pas sur le ministère qui a été le mien, mais je dis simplement une chose simple, c'est que dans notre pays, il y a des règles, et quand il y a des règles, il faut les respecter. Donc on ne vient pas sur le territoire français si on n'y est pas autorisé. C'est comme ça. Et il faut donc lutter pour éviter cela, lutter contre les filières, contre les pirates, contre ces esclavagistes qui, vous savez, gagnent des sommes énormes. On a beaucoup parlé de l'interview de L. Parisot dans Le Parisien, mais il y avait aussi, il y a quelques mois, une démonstration selon laquelle ces pirates gagnaient 15 à 16.000 euros par semaine, 15 à 16.000 euros par semaine. Donc ça veut dire qu'il faut lutter contre ces filières, c'est-à-dire décourager l'immigration clandestine et organiser l'immigration légale...
L. Mercadet : Oui, mais il y a deux poids, deux mesures à ça...
Et puis, il y a des situations qui sont des situations individuelles, mais pendant seize mois ou dix-sept mois où j'étais ministre de l'Immigration, j'ai examiné des dizaines, des dizaines et des centaines de situations individuelles, il faut mesurer la volonté d'intégration, la conduite sur le territoire national ; ça peut être la connaissance de la langue, comme je l'ai déjà indiqué, pour favoriser l'intégration. Donc voilà, il n'y a pas deux poids, deux mesures, il y a simplement la volonté de respecter les règles dans un souci de justice et d'équilibre.
C. Roux : Juste un mot sur l'homo-parentalité.
Oui.
C. Roux : Un mot.
Eh bien écoutez, le projet de loi qui sera examiné en Conseil des ministres en mars ou avril ne porte pas en réalité sur ce sujet, ça porte sur le statut des beaux-parents, c'est-à-dire adapter la réalité de notre société, dans les familles recomposées, eh bien, il faut qu'il y ait la personne tierce, qu'elle puisse avoir les moyens d'agir, l'inscription à la cantine... sous réserve de l'accord des deux parents, sous réserve de l'accord des deux parents.
M. Biraben : Dans quelques instants, vous allez retrouver C. Geoffroy, Marie, Léon et Elé. Merci beaucoup Caroline. Très bonne journée à vous, B. Hortefeux.
Merci de votre invitation.
M. Biraben : Et bravo pour la cravate.
Très bien, je m'en souviendrai pour la prochaine fois.
Source : Premier ministre, Service d' Information du Gouvernement du 9 mars 2009