Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur la politique de la ville et le rôle des délégués des préfets dans les quartiers prioritaires, Paris le 16 mars 2009.

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Circonstance : Installation des 175 premiers délégués dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville à Paris le 16 mars 2009

Texte intégral

Je suis heureux de me trouver ce matin, parmi vous, à Saint-Denis, pour cette première rencontre. Ce n'est pas tous les jours qu'il m'est donné l'occasion de rencontrer des pionniers.
A ce jour, vous êtes déjà 175 à avoir fait le choix, tant personnel que professionnel, de répondre à l'appel lancé par le Président de la République et d'exercer à temps plein, pendant trois ans, la nouvelle mission de délégué du préfet.
Votre sens de l'engagement autant que du service public sera précieux pour incarner physiquement l'État dans des quartiers populaires que la puissance publique a pu, à d'autres époques, négliger, oublier et parfois même, disons-le, déserter.
Comme nouveau ministre de la Ville, je suis, comme le rappelle le décret définissant mes attributions, chargé de « définir et mettre en oeuvre la politique en faveur des quartiers en difficulté ». J'ai, parallèlement, « la charge de la rénovation urbaine », dont l'objet est de réduire les inégalités sociales.
Cette nouvelle mission est exigeante et passionnante. Elle est surtout utile et nécessaire à notre pays, à son équilibre social, et aux huit millions d'habitants des quartiers populaires. Avec Fadela AMARA et avec chacun de vous, je suis déterminé à mener à bien cette mission.
I. Aujourd'hui, où en sommes-nous ?
La situation de départ, nous la connaissons. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la politique de la ville concerne 751 zones urbaines sensibles (ZUS) et, plus largement, les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) s'appliquent à plus de 3 000 communes. Malgré les nombreux talents, toutes les énergies et les volontés qu'on y trouve, le taux de chômage des zones urbaines sensibles est, en moyenne, plus du double de la moyenne nationale, et une soixantaine d'entre elles dépassent même les 30% de chômage. Nous le savons tous, l'urgence est réelle.
Face à cette urgence, le Président de la République a souhaité une nouvelle dynamique pour les banlieues. Il en a confié la conception à Fadela AMARA qui, en acceptant d'entrer dans le Gouvernement de François FILLON il y a vingt-deux mois, a eu l'audace de mettre son expérience du terrain au service de la République.
Fadela AMARA a déjà accompli un travail formidable d'imagination, de conception et de relais sur le terrain, avec le corps préfectoral et en relation étroite avec les collectivités territoriales. J'en veux pour preuve qu'à ce jour :
* 43 200 démolitions, 30 000 reconstructions et 92 000 réhabilitations ont été réalisées dans le cadre des opérations de rénovation urbaine ;
* plus de 700 élèves ont été scolarisés dans des « Internats d'excellence » ;
* plus de 130 000 enfants et jeunes en difficulté ont bénéficié d'une aide individuelle dans les programmes de réussite éducative.
Si le cap a été fixé, si une dynamique a été créée et si un début de chemin a déjà été parcouru, beaucoup reste, pourtant, à faire. Le Président de la République l'a rappelé dans son discours du 17 décembre dernier, à l'École polytechnique : malgré le volontarisme et les efforts déployés, « cela ne va pas assez vite » dans notre pays. Certains chantiers ont même pris « un retard considérable ».
II. C'est pourquoi, après le temps de l'innovation et du début de la mise en oeuvre, nous entrons, aujourd'hui, dans une nouvelle phase : celle de l'accélération.
Pour nous donner les moyens de notre action, nous avons mis en place un nouveau pilotage institutionnel et administratif. C'est tout le sens des décisions prises ces dernières semaines.
(1) Je pense, tout d'abord, au rattachement du secrétariat d'Etat à la ville à un grand ministère social déjà chargé du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité que je dirige.
(2) Je pense, également, à la transformation de la délégation interministérielle à la ville en secrétariat général du comité interministériel des villes, avec sous sa tutelle 2 opérateurs : l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances [ACSé] et l'agence nationale pour la rénovation urbaine [ANRU].
(3) Je pense, enfin, à ce comité interministériel des villes [CIV] qui se réunira désormais tous les 3 mois, et non plus 1 fois par an comme c'était le cas jusqu'ici.
Dans son discours du 8 février 2008, le Président l'a clairement dit : « depuis que la politique de la ville existe, les habitants des quartiers n'ont eu qu'un seul ministre : celui de la ville. Les autres administrations s'en sont désintéressées et les services publics ont déserté les quartiers ».
Si nous voulons que cette politique réussisse, il faut donc impérativement cultiver, dans les faits et pas seulement dans les textes, sa nature interministérielle.
C'est pourquoi, par délégation du Premier ministre, je pourrai être conduit à présider le Comité interministériel des villes et m'assurerai, ainsi, que tous les ministères concernés jouent le jeu et concrétisent les engagements pris. Je vous le dis avec une certaine solennité : aux côtés de Fadela AMARA, j'entends être à la fois un appui, un soutien et un accélérateur de la dynamique « Espoir banlieues ».
III. Nos objectifs, quels sont-ils ? J'en vois trois principaux.
(1) Tout d'abord, l'éducation et l'accès à l'emploi.
Ce volet de notre action est la condition indispensable aux réussites individuelles, à des vies familiales équilibrées et à la préservation des équilibres sociaux. Je pense, par exemple, au développement des internats d'excellence, à la lutte contre le décrochage scolaire et au déploiement des dispositifs de la deuxième chance, pour ceux qui ont eu des difficultés à l'école, qui sortent sans qualification du système scolaire ou qui n'ont pu poursuivre leurs études.
(2) Parallèlement, le désenclavement et la rénovation urbaine.
Il s'agit de faire en sorte, tant du point de vue de l'aménagement que du cadre de vie, que les territoires de la politique de la ville cessent d'être des quartiers défavorisés et deviennent, ou redeviennent, tout simplement des quartiers comme les autres.
La réussite des opérations de rénovation urbaine déjà engagées et la réalisation de celle prévues dans le Plan de relance, qui mobilise 350 millions d'euros dès cette année, sont impératives.
(3) Enfin, bien entendu, la sécurité.
Parce que c'est le premier droit de nos concitoyens, celui qui permet l'exercice de tous les autres, la sécurité doit être assurée et garantie partout, sur tous les territoires.
IV. Ces objectifs, c'est à vous qu'il revient désormais, sous l'autorité des préfets, de les mettre en oeuvre. Concrètement, en quoi doit consister votre mission et quelles sont vos priorités d'action ?
Mesdames et Messieurs les délégués du préfet, je ne vous le cache pas, vous avez fait le choix d'une mission exigeante : concrétiser, dans les quartiers, la politique du gouvernement en faveur des banlieues. Votre mission, je la résumerai en ces mots : agir, c'est-à-dire efficacement et vite.
Concrètement, vous mission repose sur 3 piliers.
(1) Premier pilier : marquer la présence de l'État dans les 350 quartiers les plus prioritaires, notamment ceux concernés par des opérations de rénovation urbaine importantes.
C'est la base de tout : vous devez assurer une présence physique, visible et quasi-permanente sur le terrain. Si vous disposerez naturellement d'un bureau en préfecture pour recevoir, rencontrer et travailler avec vos interlocuteurs des différents services de l'État, ne vous y trompez pas : la préfecture ne doit être que votre « résidence secondaire ». Vous devez être, avant tout, des acteurs de terrain.
En effet, votre mission exige que vous soyez le visage de l'État mais aussi le « local de l'étape ». L'essentiel de votre travail se passera donc dans le quartier dont vous avez la responsabilité. Vous devez en épouser le rythme, en connaître les protagonistes et en découvrir l'histoire.
Comment, sans cela, comprendre la réalité de ce qui s'y passe ? Comment en déceler les déceptions, les attentes et les besoins ? Et comment, aussi, être crédible auprès de la population si vous ne partagez pas, un tant soit peu, son quotidien ?
(2) Cela m'amène naturellement au deuxième pilier de votre mission : écouter les besoins des habitants.
Comprenez-moi bien : il ne s'agit pas d'ouvrir une permanence d'élu ou de vous substituer à eux. Vous avez un statut d'agent de l'Etat. Et j'attends que vous restiez à votre place : la place de la neutralité, du devoir de réserve et de l'action gouvernementale.
Pour autant, vous devez absolument vous impliquer dans la vie de la cité. Votre présence dans le quartier n'a de sens que si vous participez aux réunions avec les principaux acteurs concernés, c'est-à-dire les habitants, les associations, les élus municipaux, les professionnels ou encore les équipes de réussite éducative. Qu'il s'agisse des réunions de suivi des opérations de rénovation urbaine ou de bilan des actions déployées dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale, vous devez, non seulement y assister, mais y faire preuve de réceptivité et de réactivité.
Réceptivité, tout d'abord, puisque quels que soient vos capacités d'adaptation et votre ardeur au travail, vos interlocuteurs en sauront toujours davantage que vous sur la réalité de leur quotidien. En toute humilité, vous devez tirer profit de ce vécu, de ces connaissances et de cette expérience. Vous devez en faire une force et devenir l'interlocuteur connu, reconnu, accessible, disponible et efficace.
Réactivité, ensuite. Parce que plus proches du terrain, vous êtes, par conséquent, l'échelon pertinent pour recueillir l'information sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Vous devez identifier les signes avant-coureurs des problèmes, alerter le préfet et provoquer la réaction des services de l'État concernés dès que cela est nécessaire. En rendant l'État plus conscient de l'environnement qui l'entoure et en lui permettant, par conséquent, d'être davantage proactif, vous l'autorisez à être totalement opérationnel.
(3) Troisième pilier de votre mission : appliquer les décisions du Président de la République en mobilisant l'ensemble des services de l'État.
Pour cela, vous vous appuierez sur le plan « Espoir banlieues » et les orientations du comité interministériel des villes en veillant à respecter les instructions données par votre préfet.
Pour réussir votre mission, il est, en effet, essentiel que vous receviez de votre préfet des instructions précises et que vous soyez mis en position d'établir des contacts sereins et efficaces avec vos interlocuteurs dans les services de l'État.
C'est pourquoi je demande aux préfets de profiter de l'installation de leurs délégués dans les quartiers pour rappeler aux services déconcentrés l'importance et le contenu du plan « Espoir banlieues ».
Je leur demande aussi, par des rencontres régulières avec vous, de veiller à ce que les services de l'Etat soient effectivement mobilisés pour mettre en oeuvre ce plan et vous apporter tout l'appui nécessaire.
Après avoir fixé le cadre de votre mission, je souhaite à présent attirer votre attention sur 3 priorités de votre action.
(1) Je pense, tout d'abord, aux opérations de rénovation urbaine. Il est impératif que vous contribuiez activement au suivi des réalisations des opérations en cours. C'est un axe majeur de la politique de la ville et la première étape vers la fin des ghettos urbains.
Une fois les avenants du « plan de relance » signés, là où il y en a, il vous faudra vous assurer, avec les services de l'État concernés, du respect des délais de réalisation. Il est impératif que les opérations du plan de relance se concrétisent dès cette année.
Au-delà de leur importance majeure pour le présent et surtout pour l'avenir des quartiers, ces travaux sont aussi l'une des réponses à la situation actuelle du marché du travail.
Je compte sur vous pour activer l'application des chartes d'insertion, mobiliser les associations et entreprises d'insertion et le service public de l'emploi afin de permettre l'accès ou le retour à l'emploi des habitants des quartiers concernés.
(2) Vous devrez aussi intervenir dans le registre de l'emploi.
Concrètement, cela passe, par exemple, par l'appui au déploiement des initiatives locales en matière d'accueil des jeunes enfants dans les quartiers.
Initiée par le ministère que je dirige, au titre de la politique familiale, cette action est dotée de 30 millions d'euros sur la période 2009-2011 et ces fonds serviront à financer la mise en place de 1 500 places d'accueil supplémentaires.
J'attache beaucoup d'importance à cette action qui permettra d'atteindre 2 objectifs complémentaires :
- permettre à des mères de famille de travailler sans avoir le souci de la garde des enfants ;
- ouvrir des perspectives d'emploi dans les services à la personne.
Dans le même sens, vous devez repérer les expériences réussies d'accompagnement vers l'emploi. Vous devez développer la coopération avec les entreprises et les chambres consulaires qui acceptent de s'investir dans la fourniture de stages et des recrutements de personnes issues des quartiers.
Il faut poursuivre le travail engagé avec les contrats d'autonomie, aider les jeunes prêts à créer leur entreprise, soutenir les activités d'insertion par l'économique à l'image de ce que réalise la société « L'Usine » qui nous accueille aujourd'hui. Plus que jamais dans la période actuelle, cette mobilisation est indispensable.
(3) Votre troisième priorité doit être de faire vivre et d'améliorer les contrats urbains de cohésion sociale.
Outils du préfet pour fédérer l'action des services de l'État et l'articuler avec celle des collectivités territoriales, ces contrats sont la preuve concrète de l'engagement des pouvoirs publics aux côtés des habitants dans le cadre de la politique de la ville.
Là où il y a des opérations de rénovation urbaine, ils sont le support du volet humain qui doit accompagner efficacement l'action sur le bâti et l'urbanisme.
En votre qualité de représentant de l'État dans les quartiers, je vous demande de participer activement à l'évaluation des contrats existants. Il faut, en effet, savoir où en est précisément l'exécution des contrats en cours, quels sont les résultats obtenus, quels sont les besoins non satisfaits et, ainsi, préparer l'échéance de leur renouvellement. Votre rôle d'animation des services de l'État devra permettre d'en améliorer le contenu. Une action mieux définie, mieux adaptée aux besoins, mieux coordonnée au quotidien doit permettre d'atteindre encore plus efficacement les résultats attendus du plan « Espoir banlieues ».
Mesdames et Messieurs,
Jean MONNET avait écrit : « Rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions ». Parce que vous êtes à la fois des femmes et des hommes de conviction et, désormais, des relais des institutions, vous disposez de la faculté d'amorcer l'action tout en creusant le sillon, d'améliorer le présent tout en préparant l'avenir.
Vous l'avez compris, il nous revient à tous et à vous, en particulier, d'impulser, d'oser, d'opérer, afin que l'égalité des chances ne soit pas seulement une priorité dans les mots, mais devienne, le plus vite possible, une réalité dans les faits. Il est urgent de passer, comme l'a rappelé le président de la République, « d'une République des droits formels à une République des droits réels ».
Représentants de l'Etat dans les quartiers :
Soyez les facilitateurs des réponses attendues par la population,
Soyez les animateurs des services publics,
Soyez les émissaires de la République dans les quartiers populaires.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 24 mars 2009