Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "Europe 1" le 20 mars 2009, sur les réponses du gouvernement au malaise social, sur la rémunération des chefs d'entreprise et le débat sur les stock options.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Vous êtes secrétaire d'Etat chargé de l'Industrie et de la Consommation et porte-parole du Gouvernement. Forte mobilisation hier, pour la journée d'action interprofessionnelle : entre 1 200 000 personnes et 3 000 000. Hier soir, F. Fillon était sur TF1, à 20 heures, il a écarté tout nouveau plan de relance et a défendu les mesures déjà mises en place. La sourde oreille, c'est vraiment la bonne méthode, vous voyez, dans un climat social aussi tendu, L. Chatel ?

Je n'ai pas le sentiment que le Gouvernement fasse la sourde oreille. Nous avons eu hier, un mouvement qui est globalement comparable à ce qu'il a été à la fin du mois de janvier. Moins de grévistes...

Beaucoup plus de manifestants.

Un peu plus de défilés et sensiblement le même nombre de manifestants.

Enfin depuis que N. Sarkozy est au pouvoir, jamais autant de monde n'est descendu dans la rue ?

Oui, il y avait une mobilisation qui traduit des inquiétudes et comme l'a dit le Premier ministre, hier, ces inquiétudes, elles sont absolument légitimes.

Mais vous les rassurez comment, ces inquiétudes ?

Eh bien, je vais vous dire. Moi, j'ai entendu, hier, un certain nombre de revendications, dans les défilés. J'ai entendu qu'il fallait faire attention à ceux qui allaient perdre leur emploi. Eh bien, dans 15 jours, le Gouvernement va verser à ceux qui vont perdre leur emploi, 500 euros de prime exceptionnelle.

Mais on le sait ça, déjà ?

Non, je ne pense pas que les 1 200 000 personnes, qui défilaient hier, le savaient. Ceux qui, par exemple...

Mais vous l'avez dit lors du sommet social. Vous voulez dire qu'ils sont sourds ?

Non, ça veut dire que, vous savez entre le moment où il y a une réunion de concertation, où il y a un certain nombre d'annonces et la mise en oeuvre effective des mesures, j'allais dire, dans le portefeuille des Français, eh bien, il y a un vrai décalage. La manifestation d'hier, elle avait été programmée avant le 18 février...

Oui, on le sait très bien ! Mais entre-temps, ils auraient pu l'annuler, et s'ils ne l'ont pas annulé, c'est bien qu'ils n'étaient pas satisfaits du sommet social ?

Oui, mais quand j'entends : "le Gouvernement ne fait rien, le gouvernement ne réagit pas". Ce n'est pas vrai. Hier, par exemple, j'ai entendu aussi, qu'il fallait être très vigilant, par exemple, aux ménages les plus modestes. Eh bien, dans 15 jours, les ménages les plus modestes, les 4 millions de foyers les plus modestes vont toucher une prime de solidarité active, de 200 euros. J'ai entendu aussi...

L. Chatel, donc ce que vous nous dites, la réponse à la manif d'hier, c'est de la communication gouvernementale, vous ré-expliquez ce que vous nous avez déjà dit, mais ce qu'on n'a pas entendu, c'est ça ?

Ce n'est pas de la communication gouvernementale, c'est au contraire...

Vous prenez de la pub dans les journaux !

C'est au contraire de la réaction à la situation des Français les plus fragiles. Hier, il y a aussi les salariés qui ont défilé, des Français qui sont très inquiets par cette crise. Ceux qui par exemple, sont les salariés les plus modestes, pour eux nous avons aussi prévu un certain nombre de dispositions. Pour les classes moyennes, par exemple...

Mais encore une fois, L. Chatel, ces dispositions, vous les aviez déjà prises, et vous les expliquez ce matin. Qu'est-ce qui a marché par exemple, dans ce que vous avez proposé ? Parce que l'impression des manifestants, hier dans la rue, c'est que vous leur réservez toujours la même chose, mais que ça ne marche pas. Est-ce qu'il y a quelque chose qui marche dans ce que vous avez proposé ?

D'abord, on ne leur sert toujours pas la même chose. Et l'objectif du Gouvernement, c'est : 1, de sortir le plus vite possible de la crise, il est totalement mobilisé, et j'observe que par rapport à nos voisins européens, nous avons toujours été en avance, dans les mesures, notamment du plan de relance que nous avons prises.

Alors soyons concrets ! Ce matin, est-ce que je ne sais pas, il y a quelque chose, que vous avez organisé, qui pourrait par exemple fonctionner ?

Prenons par exemple, le plan automobile. Le plan automobile qui a été très décrié, il y a quelques semaines, il est aujourd'hui repris par l'ensemble des pays de l'Union européenne. Et il commence à obtenir des résultats...

Lesquels ?

Je sais que c'est difficile à dire, quand vous avez des grands plans sociaux ; dans les sous-traitants de la filière automobile, on est très mobilisé là-dessus. Mais en même temps, on commence à voir des résultats. Le marché automobile, depuis le début de l'année, il se tient mieux en France, que dans les pays voisins. Autre exemple, aujourd'hui, le groupe Renault va annoncer le rapatriement de la production d'un véhicule qui était jusqu'à présent réalisé hors de France, dans l'usine de Flins. Ce sera un surplus d'activité pour cette usine qui est estimé...

Vous nous annoncez la relocalisation de Renault en France ?

Oui, c'est-à-dire que le groupe Renault, est conscient qu'aujourd'hui, il y a un effort très important, en matière de compétitivité de notre industrie automobile. Eh bien, ça se traduit par une révision de leur organisation de la production.

Donc concrètement, ça veut dire qu'il y a maintenant des voitures françaises qui étaient produites à l'étranger, qui vont être produites à nouveau en France. C'est ce que vous nous dites ce matin ?

La réponse est oui ; à Flins, l'équivalent d'à peu près 400 emplois, pour cette production d'un véhicule, l'annonce sera faite devant les organisations syndicales, ce matin, et je ne peux pas vous en dire davantage.

Mais est-ce que vous ne craignez pas qu'on vous taxe alors de protectionniste ?

Non, parce que nous avons été très vigilants à ce que ce plan automobile, il soit accessible à l'ensemble des entreprises automobiles présentes sur le territoire français, y compris celles qui ne sont pas françaises. Moi, j'étais la semaine dernière à Lyon, chez Renault Trucks fabricant de camion, eh bien, leur actionnaire c'est Volvo. Et le Gouvernement accompagne, aide le groupe Renault Trucks, pour maintenir l'activité en France.

L. Chatel, en cette période de trouble, pour les Français, vous dites quoi par exemple aux dirigeants de la Société Générale, on en a parlé tout à l'heure avec A. de Tarlé, qui se versent 70 000 stocks options exerçables dans trois ans. Vous dites quoi, vous ?

Je vais vous dire et je le dis avec d'autant force, que je n'ai pas l'habitude d'hurler avec les loups ou de stigmatiser les uns et les autres. Quand j'ai entendu cela, j'ai trouvé cela indécent.

Indécent ! Vous dites ce matin à la Société Générale que leur décision, c'est indécent ?

Oui, oui, je trouve ça indécent. Indécent, parce que si vous voulez, dans le contexte actuel, où on a une crise d'une violence absolument inouïe et la mobilisation d'hier l'a montrée, les inquiétudes des Français qui sont frappés de plein fouet, eh bien on se doit, chaque acteur, chaque partenaire social, se doit d'envoyer des messages qui soient constructifs dans l'ensemble.

Mais est-ce que l'Etat peut récupérer l'argent prêté à une banque qui distribue bonus ou stocks options à ses dirigeants ?

Ecoutez, nous allons regarder. Ce que j'observe simplement, c'est que ce type d'attribution de stocks options, en ce moment, me paraît un peu contradictoire avec le code de gouvernance qui a été proposé par le Medef et par l'AFEP l'Association des Entreprises, il y a quelques semaines, qui avait été validé par 94 % des entreprises. Et qui prévoit, notamment, qu'on tienne compte de l'environnement économique du moment et qu'on tienne compte également en ce qui concerne des stocks options, de l'ensemble des salariés, c'est-à-dire que si les dirigeants s'en versent, eh bien, il y a un plan pour l'ensemble des salariés.

Pour terminer, vous dites quoi aux syndicats qui se réunissent tout à l'heure, pour éventuellement une nouvelle journée de mobilisation, un mot L. Chatel ?

Je leur dis que ce que nous attendons en ce période de crise, c'est que l'ensemble des acteurs et des partenaires sociaux, soit mobilisés pour sortir au plus vite de cette situation. Donc j'en appelle à leur responsabilité. Je pense que défiler ça fait partie de leur rôle, de canaliser les revendications et les attentes des Français. Mais en même temps, ce que nous attendons c'est une mobilisation totale sur les mesures du gouvernement. Nous sommes prêts à les évaluer, avec les organisations syndicales, nous attendons un vrai partenariat avec les organisations syndicales.

Merci, L. Chatel.

Merci à vous.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 mars 2009