Texte intégral
Travailleuses, travailleurs,
Oui, je commence par ces mots, comme le fait Arlette depuis toujours et pour les mêmes raisons.
Nous nous adressons avant tout à la classe sociale qui, aujourd'hui, fait marcher l'économie, fait vivre toute la société et qui représente son seul espoir de transformation pour demain.
Nous nous adressons en priorité à cette classe sociale non seulement parce qu'elle est exploitée mais parce que c'est elle, et elle seule, qui est porteuse d'un autre ordre social que le capitalisme.
Elle est la seule classe sociale qui a la capacité de mettre fin à la domination de la bourgeoisie sur la société et de permettre à l'économie de se développer sans propriété privée des moyens de production, sans recherche de profit individuel, sans concurrence et sans crise.
Au-delà de tous les changements survenus depuis Marx, la société reste divisée en deux classes fondamentales, antagonistes, la bourgeoisie et le prolétariat, porteuses, chacune, d'une organisation économique différente, le capitalisme pour la première et le communisme pour la seconde.
La classe sociale des travailleurs est bien plus variée qu'au temps de Marx. Les progrès scientifiques et technologiques, le développement et la diversification de l'économie ont fait surgir de nouvelles branches, des industries nouvelles. Mais les ouvriers sur chaîne dans l'industrie automobile ou les caissières de supermarchés, les travailleurs du bâtiment ou les cheminots, les ingénieurs, les pilotes d'avion ou les bagagistes, les employés de banque ou les manoeuvres, les chimistes ou les informaticiens, ils ont tous en commun d'être exploités. Ils ne touchent sous forme de salaire qu'une partie de la valeur qu'ils créent, la plus grande partie de cette valeur va grossir les profits de la classe bourgeoise.
Les infirmières, les enseignants, les postiers et, dans l'ensemble, les salariés des services publics font partie de cette même classe sociale. Sans être exploités par un patron privé, ils n'ont eux aussi que leur salaire pour vivre et contrairement à tant de riches parasites, ils mènent une activité indispensable à la société.
C'est à cette classe sociale que nous nous adresserons en priorité aux prochaines élections européennes où, comme l'a rappelé ma camarade, nous nous présenterons dans les sept circonscriptions de métropole.
Ces élections européennes qui se dérouleront au mois de juin interviennent dans une période difficile pour toute la société et catastrophique pour les travailleurs. La crise frappe toute l'économie mondiale sans que les maîtres de l'économie sachent y faire face, comme s'il s'agissait de catastrophes naturelles.
Le fait même que la société soit aussi désarmée devant des catastrophes issues de sa propre activité que devant les catastrophes naturelles est la pire condamnation de l'organisation actuelle capitaliste de l'économie.
Nous ne nous présenterons pas pour proposer une recette quelconque, un programme particulier pour l'Europe qui lui permettrait d'échapper à la crise. Une telle recette n'existe pas.
Nous dénoncerons, au contraire, un système économique dont le fonctionnement conduit périodiquement à de telles catastrophes économiques et sociales.
En effet, l'économie capitaliste porte en elle-même les crises et la seule façon d'y mettre fin pour toujours, c'est de mettre fin au capitalisme lui-même.
Nous affirmerons l'actualité, et je dirais même, l'urgence d'une transformation sociale profonde en un système économique basé sur la propriété collective des richesses et des moyens de les produire et l'urgence d'une économie rationnelle sous le contrôle démocratique de la population.
Nous dirons que seule la classe ouvrière a la puissance sociale pour entreprendre et réussir cette transformation.
La campagne se déroulant dans le cadre national, nous nous adresserons évidemment aux travailleurs de ce pays quelle que soit leur origine, quelle que soit leur nationalité. Mais la classe ouvrière est présente dans tous les pays d'Europe, composée partout de travailleurs d'origines diverses, d'Europe bien sûr, mais aussi d'Afrique du nord, d'Afrique noire, de Turquie, du sous-continent indien, voire d'Asie orientale.
Par delà la variété de ses composantes, c'est cependant une seule et même classe ouvrière !
Les travailleurs de l'Union européenne sont confrontés partout à la même offensive de la classe capitaliste et, souvent, aux mêmes groupes financiers et industriels.
Peugeot-Citroën tire ses profits de l'exploitation des travailleurs de ses usines de Montbéliard, d'Aulnay-sous- Bois, de Rennes ou de Poissy en France, mais aussi des travailleurs de son usine de Trnava en Slovaquie. Renault ne s'enrichit pas seulement grâce au travail de ses ouvriers de Flins, de Cléon ou du Mans, en France, mais aussi de ceux de Slovénie ou de Roumanie. Et Total prélève sa prébende sur tous ceux qui forent, produisent, transforment, transportent ou commercialisent du pétrole, non seulement dans tous les pays d'Europe, mais dans des dizaines et des dizaines d'autres pays au monde.
Les capitaux qui sont derrière ces grandes entreprises n'ont pas plus de nationalité que d'odeur, si ce n'est l'odeur du sang et de la sueur d'ouvriers. Alors, ceux qui essayent de dresser les travailleurs les uns contre les autres, en fonction de la nationalité, de la langue ou de la couleur de la peau, sont nos pires ennemis !
Nos ennemis ne sont pas nos frères et soeurs du monde du travail de quelque nationalité qu'ils soient. Notre ennemi, c'est la classe capitaliste qui nous exploite.
Nous critiquerons l'actuelle Union européenne et ses institutions parce qu'elles sont toutes des instruments de la bourgeoisie capitaliste.
Mais nous la critiquerons aussi au nom de l'idée européenne elle-même car l'actuelle Union européenne, créée pour régler les petites et grandes affaires de la classe capitaliste, n'a rien à voir avec une véritable unification du continent européen. L'Union européenne actuelle laisse en dehors de ses frontières près de la moitié du continent, de la Russie à une partie des Balkans, en passant par la Turquie.
Nous défendrons l'idée d'une Fédération socialiste intégrant tous les pays qui désirent adhérer, où les frontières entre pays seront purement administratives tant que les différents peuples le souhaiteront, avant qu'elles ne disparaissent complètement. Cela fait plus d'un siècle que le mouvement communiste a mis dans son programme les États-Unis socialistes d'Europe.
Le morcellement de l'Europe était déjà un anachronisme au temps où on a inventé l'automobile ou l'électricité. Et, à infiniment plus forte raison, aujourd'hui, à l'époque où les satellites artificiels peuvent faire en quelques minutes le tour complet de la planète.
Mais la bourgeoisie n'a effacé, un peu, les frontières entre les peuples à l'intérieur de l'Union européenne que pour les renforcer autour d'elle. Nous nous servirons donc de la campagne des européennes pour dénoncer cette Europe forteresse, l'Europe de la chasse eux immigrés, l'Europe des expulsions.
Nous dénoncerons tout cela parce que c'est humainement inacceptable.
Mais par delà la simple solidarité avec les travailleurs de tous pays et de toutes origines, nous dirons que c'est ensemble, en tant que classe sociale, que les travailleurs d'Europe pourront se défendre face à l'offensive de la bourgeoisie. C'est en tant que classe sociale consciente de ses intérêts politiques que la classe ouvrière d'Europe saura briser ses chaînes, s'émanciper de l'exploitation et libérer par là-même tout le société du poids du capitalisme !
C'est au nom de la propriété privée que la classe capitaliste s'approprie et concentre entre ses mains une part importante du travail social, ne laissant aux salariés que le minimum nécessaire pour vivre.
C'est cette classe numériquement minoritaire qui, en dominant l'économie, domine la vie sociale et la vie politique. C'est sa vision du monde qui est répercutée par la télévision, par la radio, par la presse, par les grands moyens d'information qui sont en général sa propriété, et c'est sa vision du monde qui est même enseignée à l'école.
L'économie capitaliste est une économie qui reproduit sans cesse et aggrave les inégalités sociales, concentrant les richesses à un pôle et développant la pauvreté à l'autre. C'est une économie qui produit en fonction du marché, c'est-à-dire uniquement en fonction de la consommation solvable. Elle ne produit que pour ceux qui peuvent payer. C'est aussi une économie dont le fonctionnement est chaotique, irrationnel, imprévisible car chaque capitaliste décide en fonction de ses seuls intérêts ce qu'il produit et comment, sans que quiconque organise et coordonne la production globale.
La bourgeoisie et l'ordre économique dont elle est porteuse, le capitalisme, ont une longue histoire. L'économie capitaliste s'est imposée d'abord dans quelques pays d'Europe occidentale, l'Angleterre bien sûr, mais aussi la France, les Pays-Bas ou l'Allemagne.
La domination de la bourgeoisie a reposé, dès ses débuts, sur « l'exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale ». Son histoire depuis ses débuts est une succession de pillages, de guerres, de crimes, du trafic des esclaves au travail d'enfants de 8 ans dans les usines de textile de la révolution industrielle, du massacre de peuples entiers à la conquête des colonies.
Malgré tout cela, le capitalisme a représenté à ses origines un progrès formidable pour l'humanité. Pour reprendre l'expression de Marx dans le Manifeste Communiste : « La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire ». Et il expliquait : « C'est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l'activité humaine : elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d'Égypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques ; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades ».
Eh bien, aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Le capitalisme n'est plus ce facteur de progrès qu'il a été à ses origines, où il a mis fin à la stagnation séculaire des modes de production antérieurs, lorsqu'il a libéré les forces productives de l'humanité, lorsqu'il a fait exploser les capacités scientifiques et techniques. Aujourd'hui, le capitalisme est devenu un cancer sur le corps social et un frein pour l'augmentation du niveau de vie.
Cela fait au bas mot un siècle et demi que, parti à la conquête du monde, le capitalisme ne supprime plus ce qui reste des anciennes formes d'oppression, même les plus archaïques. Il s'accommode des castes en Inde, des antagonismes ethniques, voire de l'esclavage, en Afrique et d'infinies variétés de formes d'oppression, notamment de l'oppression des femmes, un peu partout.
Sur le plan politique, il soutient les pires dictatures. Il ne vend pas de la nourriture aux peuples du tiers monde, mais des armes à ceux qui les oppriment.
Mais à tout cela, il a ajouté l'esclavage salarial et la loi du profit qui, aujourd'hui, dominent et conditionnent toutes les autres formes d'exploitation et d'oppression.
Cela fait près d'un siècle et demi que le monde entier est devenu capitaliste. Aujourd'hui, il n'y a plus aucune région de la planète où la vie des hommes ne soit pas entièrement dépendante de l'économie capitaliste, directement ou indirectement. Le capitalisme est un système mondial. Les États-Unis, la France, les grands pays industriels sont capitalistes. Et sont aussi capitalistes non seulement le Brésil et l'Inde, mais tout autant Haïti, le Mali ou le Zimbabwe.
Les pays pauvres ne sont pas simplement en retard par rapport aux pays riches. La richesse des grands pays impérialistes, comme les États-Unis ou la France, et la misère, l'arriération économique, de la majorité pauvre de la planète sont l'expression d'une même intégration dans le même système capitaliste mondial qui a creusé, consolidé et aggravé sans cesse la dépendance des pays sous-développés par rapport aux pays impérialistes.
Même pendant ses périodes d'expansion, le capitalisme représente un énorme gâchis pour la société. Même pendant ses périodes d'expansion, il privilégie la production de biens inutiles par rapport aux besoins fondamentaux, parce que le capitalisme n'a que faire des besoins de ceux qui n'ont pas d'argent pour acheter.
Même dans ces périodes d'expansion et même dans les pays impérialistes où l'économie concentre ses plus grandes richesses, elle condamne une partie de la population à la misère matérielle et morale, à la régression, aux cités-dortoirs, quand ce n'est pas aux taudis, aux drogues et à la criminalité.
Même en période d'expansion, le capitalisme creuse l'écart entre les plus riches et les plus pauvres de la société, en même temps qu'il creuse l'écart entre les pays riches et les pays pauvres.
Le gâchis le plus important engendré par l'organisation capitaliste de l'économie, un gâchis humainement inacceptable, économiquement désastreux, c'est le gâchis du travail humain. Dans les pays capitalistes les plus développés, ceux d'Amérique du Nord ou d'Europe occidentale, plusieurs millions de personnes sont maintenues hors de la production. Ce sont pourtant ces pays qui concentrent sur leur sol l'écrasante majorité des usines, des machines, les moyens de produire, sans même parler du niveau culturel, de la recherche scientifique et technique.
Le chômage est, quand on y pense, une véritable aberration mentale. Il y a, d'un côté, des hommes capables de produire et des infrastructures matérielles pour le faire efficacement et, d'un autre côté, des besoins à satisfaire. Mais, entre les capacités de production de la société et les besoins, s'interpose la loi du profit.
Et le capitaliste ne met en oeuvre son capital productif et n'embauche des chômeurs qu'à condition que cela lui rapporte du profit. Et un profit suffisamment élevé pour que le capitaliste industriel puisse payer sa dîme à une multitude de ses congénères sans lesquels les entreprises ne pourraient pas fonctionner : banquiers, négociants, assureurs, publicitaires et bien d'autres.
Les capitalistes ont le monopole des moyens de production et sont les seuls habilités à les mettre en oeuvre. C'est ce monopole-là qu'il faut briser car un chômeur qui retrouve du travail crée la valeur qui permet d'assurer son salaire tout en permettant d'accroître la production sociale.
Le développement capitaliste est encore à la base de l'énorme gâchis de travail humain que représente le sous-développement. Il ne s'agit pas seulement du fait que, dans les pays pauvres, le chômage est en général bien plus élevé que dans les pays riches. Plus grave encore est le fait que tous ceux qui travaillent n'ont pas accès aux moyens de production qui démultiplient l'efficacité de leur travail à la mesure des capacité productives de notre époque.
Combien de paysans des pays pauvres travaillent du matin au soir avec une rentabilité dix fois, cent fois inférieure à celle de leurs semblables des pays développés ? Le paysan africain qui cultive la terre avec un daba, une sorte de petite pioche, n'est pas un chômeur. Mais le simple fait de ne pas avoir accès à un tracteur ou à une pompe à eau permettant un minimum d'irrigation, fait que toute une partie de son travail part en fumée, et pour lui-même, et pour la société.
Que d'efforts humains gâchés lorsque, faute de canalisations, l'approvisionnement en eau se fait à dos d'homme ou sur la tête des femmes, non seulement dans les villages mais aussi dans les quartiers populaires des grandes villes !
Que de gâchis aussi du fait de la transformation de l'agriculture locale ! Par la violence et par la force du pouvoir colonial dans le passé, par la pression économique aujourd'hui, un grand nombre de pays pauvres ont été contraints d'abandonner les cultures vivrières susceptibles de nourrir leurs populations, pour des cultures destinées au marché des pays impérialistes.
On a imposé au Sénégal la culture de l'arachide pour obliger les paysans à produire pour Lesieur. On a imposé au Tchad la culture du coton, traité ensuite en France, pour le plus grand profit des grands capitalistes du textile comme Boussac.
On intégrait ainsi dans un même processus de production les petits paysans du sud du Tchad cultivant le coton et les ouvrières des usines de textile des Vosges, dépendant les uns et les autres du même groupe capitaliste, celui de Boussac.
De la même manière, pour que puissent être produits tous ces cosmétiques vendus cher à des femmes qu'on cherche à convaincre qu'« elles le valent bien », il y a le travail et les efforts des ouvrières des usines cosmétiques de L'Oréal, mais il y a aussi le travail et les efforts des ouvriers agricoles qui, sur les plantations de Côte-d'Ivoire, s'échinent dans les palmeraies qui ont pris la place de la forêt.
La concurrence, qui a été le principal ressort du progrès capitaliste, a abouti à son contraire, à la concentration et à la centralisation du processus capitaliste. Le capitalisme est devenu l'impérialisme. Pour reprendre une expression de Trotsky, « de la concurrence (...) qui avait été le ressort créateur du capitalisme et sa justification historique sort irrévocablement le monopole malfaisant, parasitaire, réactionnaire ».
Ce sont ces monopoles, les Total, Exxon, les Nestlé, les Monsanto, les groupes financiers et industriels qui dominent aujourd'hui l'économie mondiale. Périodiquement, les adversaires des idées communistes prétendent que cette concentration des capitaux permet une régulation du fonctionnement du capitalisme et la disparition des crises.
On voit aujourd'hui qu'il n'en est rien. Aux dires même des dirigeants du monde capitaliste, la crise actuelle est une des plus graves que l'économie capitaliste ait connues depuis la grande crise qui a suivi l'effondrement de la Bourse de New York en 1929.
Déjà à cette époque, le capitalisme n'avait pu être sauvé que par l'intervention de l'État. L'Allemagne de Hitler comme les États-Unis du président démocrate Roosevelt sont alors massivement intervenus pour sauver le capitalisme en faillite avant que, avec la guerre, tous les autres États impérialistes en fassent autant.
Instruits par ce précédent, les dirigeants politiques les plus réactionnaires de la bourgeoisie, de Bush à Sarkozy, se sont brusquement mis à proclamer les vertus de l'intervention étatique.
Même avant la crise, cette économie capitaliste, porteuse de l'idée du « chacun pour soi », ne pouvait fonctionner sans une dose importante d'intervention de l'État. Pour mieux servir les intérêts généraux de la bourgeoisie, l'Etat est obligé d'échapper dans une certaine mesure à la logique du profit individuel et à ses impératifs. Sans l'État, il n'y aurait pas en France d'éducation, de routes, de chemins de fer, de réseau électrique, ni d'aménagement du territoire ou d'urbanisme, et le capitalisme ne pourrait exister.
Aujourd'hui, les pertes des banques sont étatisées alors que les profits, eux, demeurent privés.
Les travailleurs rejetés de la production par la folie du système sont traités d'« assistés » par les porte-parole de la bourgeoisie. Mais c'est le capitalisme qui ne peut survivre sans l'assistance de l'État.
De la même façon que pendant ses dernières décennies d'existence, la noblesse en France s'agglutinait à la cour de Versailles pour y être entretenue par le roi, la classe bourgeoise s'agglutine aujourd'hui autour de l'État pour être entretenue !
Le fait que l'État joue un rôle fondamental dans le fonctionnement du capitalisme, qu'il soit obligé d'intervenir périodiquement pour sauver ce système économique, exprime avant tout le caractère parasitaire, usuraire, néfaste du capitalisme d'aujourd'hui. Mais il exprime aussi la tendance fondamentale de l'économie à ne plus pouvoir fonctionner dans le cadre de la propriété privée.
En faisant appel à l'État, le marché rend en quelque sorte hommage à la centralisation et à la planification. C'est l'hommage du vice à la vertu !
C'est l'aveu que, même sous le capitalisme, le fonctionnement de l'économie dans son ensemble a besoin d'une coordination. La nécessité d'une planification rationnelle suinte par tous les pores de l'économie qui continue, cependant, à fonctionner sous commandement privé et pour produire du profit privé. La bourgeoisie n'est plus capable de gérer efficacement les forces productives modernes. Cette incapacité n'est pas due à l'incapacité des hommes, mais à l'incapacité de tout le système économique qui arrive « au bout du rouleau ».
Et, en fait, il y a dans l'étatisme de la bourgeoisie comme une expression déformée, grotesque, des fondements de notre programme communiste. Car, au fond, la première phase, sinon du communisme, du moins du cheminement vers le communisme, ce sera que toutes les grandes entreprises, toutes les banques, expropriées par la classe ouvrière, deviennent des services publics visant à satisfaire les besoins de la société.
L'un des apports fondamentaux de Marx aux idées socialistes a été de comprendre tout ce qui, au sein même de la société capitaliste, annonçait l'avenir communiste de la société et qui en prévoyait la possibilité.
Ce ne sont pas les communistes, mais le capitalisme lui-même qui a fait que la production moderne nécessite la coordination de milliers, de centaines de milliers de personnes. Il a fait surgir des multinationales dont les activités se déploient dans des dizaines de pays.
C'est le capitalisme qui a fait que la production est de fait socialisée, collectivisée, depuis longtemps. Elle l'est à une échelle de plus en plus vaste à notre époque. Elle l'est à l'échelle du monde. Mais ce travail socialisé reste soumis aux intérêts privés et c'est une des contradictions les plus graves du capitalisme de notre époque.
En cette période de crise grave, même chez les dirigeants du monde capitaliste, il est fréquent de parler d'insuffisance de régulation, de moralisation et d'étatisme.
Ce qui ne les empêche pas de s'en prendre violemment à l'économie étatisée de l'ex-Union soviétique. La bourgeoisie, ses économistes, ses politiciens, ses journalistes, présentent la dislocation de l'Union soviétique, non pas comme l'effondrement d'un régime politique, mais comme l'effondrement d'un système économique. Et, plus encore, comme l'échec des idées communistes, comme la preuve qu'il est vain de tenter d'organiser l'économie sur d'autres bases que le capitalisme, la propriété privée des moyens de production et la course au profit. Eh bien, c'est un mensonge grossier !
Parlons-en, donc, du bilan de l'économie soviétique !
Comme Arlette Laguiller l'a rappelé tout à l'heure, le courant politique dont nous nous réclamons, le courant trotskyste, est né dans le combat contre la bureaucratisation de l'Union soviétique et contre le stalinisme. Contrairement au PCF, nous n'avons jamais présenté l'Union soviétique de Staline, de Krouchtchev ou de Brejnev, comme une société communiste. Nous avons toujours dit qu'une société dominée par une bureaucratie s'imposant par la dictature et survivant en parasite de l'économie ne pouvait pas être une société communiste.
Mais, en revanche, nous assumons pleinement le bilan de l'économie soviétique malgré les limites que lui a imposées la bureaucratie.
L'Union soviétique a été le premier pays où le prolétariat, après avoir pris le pouvoir politique et après avoir aboli complètement la propriété féodale et la propriété bourgeoise, a étatisé les moyens de production.
Les dirigeants de la révolution n'avaient pas l'intention de bâtir une société communiste dans le cadre d'un seul pays. Ils savaient que cela était impossible car c'est précisément la division internationale du travail, la « mondialisation » pour reprendre un vocable d'aujourd'hui, qui permet le haut niveau de développement des forces productives indispensables pour l'organisation socialiste de l'économie. .
Mais restés isolés après le reflux de la vague révolutionnaire dans d'autres pays, notamment en Allemagne, dans un pays industriellement développé, les dirigeants de l'Union soviétique durent faire fonctionner l'économie et la développer sur de tout autres bases que l'économie capitaliste, sans bourgeoisie, sans propriété privée des moyens de production, sans marché, sans concurrence et sans course au profit. Ils durent le faire dans des conditions particulièrement difficiles s'agissant certes d'un très grand pays, avec une multitude de ressources naturelles, mais aussi très pauvre, sous-développé sur le plan matériel comme sur le plan culturel.
De plus, la révolution connut un cours différent de ce qu'avaient espéré les communistes véritables. Car la révolution restant isolée, pour reprendre l'expression de Trotsky, « l'appareil d'État ouvrier a subi une dégénérescence complète, se transformant d'instrument de la classe ouvrière en instrument de violence bureaucratique contre la classe ouvrière et, de plus en plus, en instrument de sabotage de l'économie ».
Eh bien, malgré le sabotage de la bureaucratie et, contrairement aux mensonges répétés depuis, des livres scolaires jusqu'aux plus grands médias, l'économie étatisée s'est révélée bien supérieure à l'économie basée sur la propriété privée, le marché et la concurrence.
Cette Russie révolutionnaire, arriérée au départ, dévastée et épuisée par les guerres et les commotions révolutionnaires, mit près de dix ans pour se replacer au niveau économique où elle était en 1913, juste avant la guerre. C'était déjà une performance car elle y était parvenue malgré les interventions militaires des puissances capitalistes, puis malgré leur blocus économique.
Entre 1926 et 1938, c'est-à-dire en douze ans, la production industrielle de l'Union soviétique fut multipliée par huit alors que, pendant cette même période, l'économie capitaliste s'était effondrée dans la crise, y compris dans ses citadelles américaine et allemande. En 1935, elle devint le troisième producteur d'électricité du monde, derrière les États-Unis et l'Allemagne, alors qu'elle n'était quasiment pas électrifiée avant la révolution.
Cette période de croissance sans précédent ne fut que momentanément interrompue par la Deuxième Guerre mondiale, par l'invasion des troupes nazies, mais pas définitivement arrêtée. Pendant la guerre, l'Union soviétique fut capable de tenir tête à une des principales puissances capitalistes européennes, l'Allemagne, et, finalement, de l'emporter. Ce ne fut pas seulement une question de courage ou une question de motivation. Cela a compté, bien sûr, et ô combien, mais la guerre fut aussi une confrontation économique.
Combien de chars, combien de canons, les économies des deux pays en guerre pouvaient produire, et, donc, combien de tonnes d'acier ? Eh bien, malgré l'aveuglement de Staline, qui s'était laissé surprendre par l'attaque de Hitler, malgré la désorganisation de l'armée soviétique consécutive aux procès politiques qui l'avaient décapitée, l'Union soviétique et son économie, tout autant que son armée, sortirent victorieuses de cette confrontation.
Et ce qui donne toute sa valeur à cette performance, ce sont les conditions dans lesquelles elle a été réalisée. Les principales industries étaient concentrées dans la partie occidentale de l'Union soviétique, cette partie précisément qui fut rapidement envahie par les armées allemandes. Il fallut alors déménager au-delà de l'Oural, en quelques mois, plus de 2 600 usines, dix millions d'ouvriers. Il fallut construire plus de dix mille kilomètres de voies ferrées, et tout cela en plein hiver ! Une opération sans précédent dans l'histoire industrielle, qui n'aurait pas été possible ni même concevable sans l'étatisme !
Et la guerre finie, l'Union soviétique continua sur un cours ascendant son développement industriel au point que, de pays sous-développé du départ, comparable à l'Inde ou au Brésil, elle devint dans les années 1960 une puissance industrielle capable de se confronter dans la course à l'espace avec la principale puissance impérialiste du monde, les États-Unis. Et d'être en tête pendant une bonne dizaine d'années !
Sa production globale resta, certes, de loin inférieure à celle des États-Unis. Mais, alors que la production soviétique ne représentait que 28 % de la production américaine en 1937, elle en représentait la moitié en 1972.
Cela se fit sous la dictature mais, contrairement à ce que racontent bien des commentateurs aussi stupides que malveillants, ce n'est pas la dictature qui permit ces progrès fulgurants. Sinon, de Mobutu à Duvalier, de Bongo aux dictatures militaires d'Argentine et du Brésil, on aurait dû en voir, des pays qui se développent !
Non, la dictature de la bureaucratie a été un handicap pour l'économie planifiée, et non pas un avantage ! Comme a été un handicap la part croissante des richesses créées grâce à l'économie planifiée, qui a été détournée par la bureaucratie pour son usage de caste.
L'étatisation de l'économie donne de formidables moyens pour « produire » en fonction des besoins, encore faut-il que les besoins puissent être déterminés, mesurés, modifiés et éventuellement corrigés !
En réalité, pour qu'elle fonctionne au mieux de ses possibilités, la planification a besoin de la démocratie. Elle en a besoin pour exprimer la demande, pour la modifier au fur et à mesure de son évolution, pour critiquer aussi, le cas échéant, les défauts du plan en cours et la qualité des produits.
Une des raisons fondamentales pour lesquelles la bureaucratie ne pouvait pas admettre un contrôle démocratique de la population sur la production, c'est qu'elle voulait dissimuler ses propres prélèvements. Les dirigeants de l'Union soviétique, représentant les couches supérieures de la bureaucratie, pouvaient d'autant plus être négligents vis-à-vis de la consommation des masses populaires que leurs propres besoins, y compris d'articles de luxe, étaient assurés par l'intermédiaire du réseau de magasins spéciaux alimentés au besoin par les importations.
Mais ces méthodes n'étaient pas inhérentes à la planification. Et ces prélèvements honteux de la bureaucratie, que représentaient-ils à côté des prélèvements assumés au grand jour, à côté des dépenses de luxe les plus extravagantes et à côté du train de vie des milliardaires de la bourgeoisie ? Et pour douloureuse qu'ait été la gabegie bureaucratique pour l'économie soviétique, son coût social était sans comparaison avec ce que coûtent à la société l'immense gâchis de la course au profit, des rivalités économiques, la financiarisation de l'économie, le chômage de masse, sans même parler des crises.
Il faut aussi ajouter que, pour négligés qu'aient été les besoins des classes laborieuses, le progrès de leur niveau de vie n'était certainement pas inférieur à celui des masses populaires de pays au degré de développement comparable. Et, même sous l'angle de la consommation de masse, l'Union soviétique des années 1930 puis des années 1950 et 1960, ne pâtirait pas de la comparaison avec d'autres pays comme le Brésil ou l'Inde. Et ce d'autant plus si l'on tient compte non seulement des salaires individuels mais surtout aussi de l'accès à la santé, à l'alphabétisation, à la scolarisation y compris jusqu'au niveau universitaire.
Alors oui, malgré toutes les conséquences néfastes de l'isolement économique, malgré le parasitisme de la bureaucratie, l'économie soviétique, basée sur la propriété étatique et la planification, a progressé plus fortement pendant un bon demi-siècle que n'importe lequel des pays bourgeois.
La preuve a été donnée qu'il était possible non seulement de faire fonctionner l'économie d'un grand pays en se passant complètement de la bourgeoisie mais encore de la développer sur cette base. Et la différence n'a pas été seulement dans le rythme de développement, mais aussi dans sa nature.
L'économie planifiée, même sous l'égide de la bureaucratie, avait pour objectif de réduire l'écart entre les régions développées et les régions les moins développées. La planification a fait surgir de nouvelles villes industrielles là où il n'y en avait pas avant et là où cela ne correspondait à aucune logique marchande.
Il n'y a eu que ce seul pays au monde où le prolétariat a tenté les méthodes économiques dont il est porteur, alors que le capitalisme fonctionne dans les quelque 200 pays enregistrés à l'ONU. La comparaison est probante entre cette seule et unique tentative prolétarienne et toute la variété de fonctionnements capitalistes.
Trotsky affirmait, dans la Révolution Trahie : « Si la révolution d'Octobre n'avait apporté que cette accélération d'allure, elle serait déjà justifiée du point de vue historique ... », quand bien même « le prolétariat russe a fait la révolution en vue de fins beaucoup plus élevées ».
Et ajouta Trotsky dans son oeuvre la Révolution Trahie : « Il n'y a plus lieu de discuter avec MM. les économistes bourgeois : le socialisme a démontré son droit à la victoire, non dans les pages du Capital, mais dans une arène économique qui couvre le sixième de la surface du globe ; non dans un langage de la dialectique, mais dans celui du fer, du ciment et de l'électricité ».
Alors oui, tout dans l'histoire récente nous conforte dans la conviction que le capitalisme a fait son temps et qu'il doit céder la place à une forme d'organisation économique et sociale supérieure.
Et j'ajouterais que l'on peut choisir n'importe quelle décennie dans l'histoire de l'Union soviétique et la comparer avec les dix ans qui ont suivi son écroulement, la comparaison est éloquente ! Lors de l'éclatement de l'Union soviétique en 1991, l'effondrement de l'économie de la Russie apparaît dans les chiffres : la production nationale a reculé de 50 %, et jusqu'à la population qui a diminué régulièrement d'un ou deux millions de personnes par an ! Et, dans les autres États de l'ex-Union soviétique, plus pauvres, cela a été pire.
Mais telle est la puissance de la propagande du monde capitaliste que ce recul catastrophique, cet appauvrissement considérable du pays, ont été transfigurés en une marche triomphante vers le bien-être à l'occidentale et vers la liberté ! Comme si l'enrichissement de quelques millions de bureaucrates et de nouveaux bourgeois par le pillage de la propriété collective, comme si l'invasion de la Côte d'Azur ou de stations de sports d'hiver huppées par des milliardaires russes étaient le signe du développement du pays. Et comme si la liberté pouvait se résumer au régime tout à la fois policier et mafieux de Poutine !
Alors, en Union soviétique, ce n'est pas l'économie soviétique qui a fait faillite. Ce qui a fait faillite, c'est le pouvoir de la bureaucratie attirée par les charmes du capitalisme.
Le capitalisme constitue un frein devant tout essor de la civilisation humaine. Mais une organisation sociale peut se maintenir bien au-delà de sa légitimité historique.
Depuis la révolution russe et la vague révolutionnaire qui l'a suivie, faisant espérer la défaite du capitalisme, il s'est passé près d'un siècle. L'humanité a payé ce retard historique par la grande dépression de 1929, par le nazisme en Allemagne, par la Deuxième Guerre mondiale, et aussi par le stalinisme.
Elle le paie depuis la Deuxième Guerre mondiale par un développement économique aussi cahoteux qu'inégalitaire.
Elle le paie par les guerres innombrables menées par les grandes puissances impérialistes pour maintenir leur mainmise sur les richesses d'une région, directement ou par fantoches interposés.
Elle le paie par l'incapacité de l'humanité à mettre fin à la sous-alimentation et aux famines dans le monde, alors pourtant que les moyens matériels pour y parvenir existent largement.
Elle le paie par le fait que, même dans les pays les plus riches, on peut crever de froid dans la rue car on ne construit pas le nombre de logements accessibles qu'il faut, alors même que les bras qui existent pour le faire sont condamnés au chômage.
Mais cet ordre social même dépassé, ne disparaîtra que s'il y a une force révolutionnaire pour le faire disparaître. Les marxistes ont toujours considéré que la force révolutionnaire capable de détruire le capitalisme ne peut être que la classe ouvrière ou, si l'on veut, la classe salariale dans toute sa diversité.
Il n'y a pas lieu de s'étonner que cette classe sociale dont dépend en dernier ressort l'avenir de l'humanité n'apparaisse pas révolutionnaire en permanence. Les périodes révolutionnaires, lorsque la classe dominante ne croit plus en son propre avenir et lorsqu'il y a une classe nouvelle qui est prête à prendre sa place, sont extrêmement rares. Il n'y en eut guère que deux ou trois au XIXème siècle, et autant au XXème.
Mais c'est précisément dans ces périodes-là qu'il faut que la classe porteuse d'avenir soit prête à assumer son rôle. Et le prolétariat ne pourra l'assumer que s'il parvient à créer des partis révolutionnaires.
Les partis qui ont joué ce rôle à différentes époques historiques, les partis socialistes à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, ou les partis communistes pendant les quelques années qui ont suivi la révolution russe et avant que le stalinisme ne les transforme en instruments de la bureaucratie russe, ne jouent plus ce rôle depuis très longtemps. De partis ouvriers ayant pour objectif l'émancipation sociale, ils se sont transformés en instruments de la bourgeoisie, en défenseurs du capitalisme au sein de la classe ouvrière. C'est cela qui a permis à la bourgeoisie de prolonger son règne.
Mais, si on peut retarder la marche de l'histoire, on ne peut pas l'arrêter. Le communisme n'est pas une utopie qui peut disparaître. Sa nécessité résulte de la marche même du capitalisme.
Débarrassée de la domination de la bourgeoisie, du carcan de la propriété privée et des dégâts de la course au profit, l'économie connaîtra une nouvelle période d'essor, mais un essor maîtrisé.
L'économie sous le contrôle démocratique du prolétariat produira pour satisfaire les besoins de la population. Elle développera la production mais en respectant la nature. Karl Marx l'a annoncé dans Le Capital, « La société elle-même n'est pas propriétaire de la Terre. Il n'y a que des usufruitiers qui doivent l'administrer en bons pères de famille, afin de transmettre aux générations futures un bien amélioré ».
La révolution ouvrière supprimera les frontières nationales et toutes les barrières matérielles ou morales qu'elles impliquent. Le prolétariat dirigeant l'économie arrêtera immédiatement les productions nuisibles. En particulier l'industrie d'armement, qui concentre aujourd'hui bien souvent le meilleur des connaissances scientifiques et technologiques, pourrait être reconvertie à des technologies civiles. Les travailleurs au pouvoir chercheront à réduire l'inégalité criante entre les parties développées et les parties sous-développées de la planète.
La socialisation des moyens de production signifiera la mise en commun du savoir et des progrès de l'ensemble de la société. Aujourd'hui, les groupes capitalistes protègent par tous les moyens les fruits des recherches de leurs ingénieurs et de leurs chercheurs. Le secret industriel comme le système du brevet sont des armes dans la concurrence entre groupes capitalistes. Mais ils constituent un frein considérable au progrès scientifique et technique.
Débarrassée des barrières rétrécissant de la propriété privée. Tout progrès scientifique, toute amélioration d'ordre technique d'une usine quelconque, tout perfectionnement des méthodes deviendront « sans formalité aucune le bien commun de toutes les fabriques ou usines qui y sont intéressées ». Rien que cela constituera un progrès formidable.
Dès que disparaîtront les barrières de la propriété privée et de la concurrence, la centralisation créée par le capitalisme, une grande partie des circuits mis en place par les trusts pourront être transformés en de puissants organes de coordination visant à satisfaire au mieux les besoins des hommes.
Les progrès scientifiques et techniques hérités du capitalisme, les satellites pour surveiller la végétation et prévoir les récoltes, les moyens de communication puissants qui servent aujourd'hui à la spéculation boursière seront mis au service de la planification à l'échelle de la planète, dans les domaines où c'est à cette échelle qu'il faut planifier.
Mais cette planification sera en même temps extrêmement souple. Et s'il faut une collaboration à l'échelle de la planète pour combattre le réchauffement ou le trou de la couche d'ozone, ou encore pour prévoir les grandes catastrophes naturelles, une très large part de la production agricole ou industrielle pourra être planifiée à une échelle plus petite, régionale ou locale, sous le contrôle le plus direct de la population.
Et la hausse de la productivité que tout cela engendrera permettra de réduire le temps de travail et de faire en sorte que les hommes puissent se consacrer à d'autres choses qu'à la production des biens matériels nécessaires pour vivre.
L'éducation, la culture sous toutes ses formes pourront connaître alors un essor comme jamais dans l'histoire de l'humanité.
C'est alors qu'on pourra dire que l'humanité est en train de sortir de la barbarie.
Alors oui, le communisme se fraiera un chemin. C'est inscrit dans l'évolution de l'économie comme de la société. Il le fera au travers des hommes car ce sont les hommes qui font leur propre histoire.
Et lorsque la classe ouvrière aura conscience de cette nécessité, lorsque celle-ci aura collectivement repris confiance en elle-même, elle fera surgir inévitablement en son sein des femmes et des hommes qui lutteront pour l'émancipation de leur classe.
Mais alors il faudra qu'il y ait des militants qui transmettent une tradition politique et organisationnelle. Des militants qui ne confondent pas les succès électoraux avec la révolution sociale, l'anticapitalisme avec la destruction du pouvoir politique et économique de la bourgeoisie. Des militants qui ne confondent pas la critique de quelques aspects néfastes du capitalisme avec la nécessité d'une autre organisation de la société, le communisme.
Le capitalisme génère tant d'injustices, tant de formes d'oppression, tant de nuisances, dans le domaine social et écologique, qu'il y a largement la place pour une multitude de partis protestataires.
Mais ce qui manque, c'est un parti dont l'objectif ultime soit la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, non pas à l'intérieur des institutions de la bourgeoisie mais au contraire, par la destruction de ces institutions et leur remplacement par des organes démocratiques du pouvoir des travailleurs eux-mêmes. Comme l'ont été dans le passé la Commune de Paris, ou les conseils ouvriers, les « soviets », en Russie.
De telles situations signifient que les luttes sociales, que la lutte des classes, ont pris un caractère aigu, entraînant la majeure partie des classes exploitées et ébranlant toute la société.
Il faudra alors des partis qui soient déterminés et capables d'aller jusqu'au bout, soudé autour du programme communiste, afin de permettre à la classe ouvrière de prendre et d'exercer démocratiquement le pouvoir.
Et ce que j'entends par programme communiste, c'est, bien sûr, le formidable instrument de compréhension de la société capitaliste que constitue le marxisme, enrichi par les apports de Lénine et de Trotsky. Mais c'est aussi toute l'expérience du mouvement ouvrier du passé.
Comme l'a rappelé tout à l'heure Arlette Laguiller, l'histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire depuis près de deux siècles est une succession de combats, jalonnée de succès, parfois de victoires et, bien plus souvent, d'échecs ou de défaites. Il appartient aux partis communistes révolutionnaires de tirer les leçons du passé, de ses succès aussi bien que de ses défaites, et d'en faire bon usage lors des combats futurs.
Il ne s'agit pas d'une quelconque nostalgie du passé. Il s'agit de transmettre tout le capital d'expérience des luttes du passé à la classe ouvrière d'aujourd'hui pour qu'elle soit armée pour les luttes de demain.
Contrairement à certaines affirmations à la mode, les idées et les objectifs communistes ne constituent pas une page blanche sur laquelle élaborer le « socialisme du XXIème siècle », mélange d'écologisme, de féminisme, avec un peu de guevarisme et d'anarchisme.
Le programme communiste résulte de luttes de femmes et d'hommes en chair et en os, de leur enthousiasme comme de leurs souffrances. Il résulte de la lutte des classes elle-même. Ceux qui rejettent ce programme rejettent par la même occasion tous ceux qui, dans le passé, ont lutté pour le communisme. Ils rejettent donc le communisme lui-même.
Les partis communistes révolutionnaires qu'il reste encore à construire, à faire grandir et à aguerrir, ne pourront l'être que sur la base de la filiation avec le marxisme, le léninisme et le trotskysme, et surtout sur la base des expériences riches et variées que recouvrent ces mots.
Il faudra que ces partis méritent la confiance des travailleurs les plus combatifs dans les luttes quotidiennes et qu'ils les gagnent aux perspectives communistes.
Notre perspective, c'est la transformation révolutionnaire de la société par la classe ouvrière ayant conquis le pouvoir politique. « L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes ».
Les travailleurs au pouvoir exproprieront la bourgeoisie, briseront la dictature des groupes industriels et financiers sur l'économie mondiale, et transformeront en propriété collective les usines, les banques, les grands moyens de transport, les chaînes de distribution, les richesses naturelles. La société pourra enfin maîtriser ses conditions matérielles d'existence, produire en fonction des besoins et s'acheminer vers le communisme, une société sans exploitation, sans privilèges, sans classes sociales aux intérêts opposés.
Voilà notre programme, celui qui nous a été légué par les générations de communistes révolutionnaires qui nous ont précédés. Nous consacrons notre activité militante à construire, à renforcer un parti qui incarne ce programme.
Alors, amis et camarades, tous ceux qui partagent notre conviction que le communisme est l'avenir de la société, aidez-nous, soutenez-nous, rejoignez-nous !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 30 mars 2009
Oui, je commence par ces mots, comme le fait Arlette depuis toujours et pour les mêmes raisons.
Nous nous adressons avant tout à la classe sociale qui, aujourd'hui, fait marcher l'économie, fait vivre toute la société et qui représente son seul espoir de transformation pour demain.
Nous nous adressons en priorité à cette classe sociale non seulement parce qu'elle est exploitée mais parce que c'est elle, et elle seule, qui est porteuse d'un autre ordre social que le capitalisme.
Elle est la seule classe sociale qui a la capacité de mettre fin à la domination de la bourgeoisie sur la société et de permettre à l'économie de se développer sans propriété privée des moyens de production, sans recherche de profit individuel, sans concurrence et sans crise.
Au-delà de tous les changements survenus depuis Marx, la société reste divisée en deux classes fondamentales, antagonistes, la bourgeoisie et le prolétariat, porteuses, chacune, d'une organisation économique différente, le capitalisme pour la première et le communisme pour la seconde.
La classe sociale des travailleurs est bien plus variée qu'au temps de Marx. Les progrès scientifiques et technologiques, le développement et la diversification de l'économie ont fait surgir de nouvelles branches, des industries nouvelles. Mais les ouvriers sur chaîne dans l'industrie automobile ou les caissières de supermarchés, les travailleurs du bâtiment ou les cheminots, les ingénieurs, les pilotes d'avion ou les bagagistes, les employés de banque ou les manoeuvres, les chimistes ou les informaticiens, ils ont tous en commun d'être exploités. Ils ne touchent sous forme de salaire qu'une partie de la valeur qu'ils créent, la plus grande partie de cette valeur va grossir les profits de la classe bourgeoise.
Les infirmières, les enseignants, les postiers et, dans l'ensemble, les salariés des services publics font partie de cette même classe sociale. Sans être exploités par un patron privé, ils n'ont eux aussi que leur salaire pour vivre et contrairement à tant de riches parasites, ils mènent une activité indispensable à la société.
C'est à cette classe sociale que nous nous adresserons en priorité aux prochaines élections européennes où, comme l'a rappelé ma camarade, nous nous présenterons dans les sept circonscriptions de métropole.
Ces élections européennes qui se dérouleront au mois de juin interviennent dans une période difficile pour toute la société et catastrophique pour les travailleurs. La crise frappe toute l'économie mondiale sans que les maîtres de l'économie sachent y faire face, comme s'il s'agissait de catastrophes naturelles.
Le fait même que la société soit aussi désarmée devant des catastrophes issues de sa propre activité que devant les catastrophes naturelles est la pire condamnation de l'organisation actuelle capitaliste de l'économie.
Nous ne nous présenterons pas pour proposer une recette quelconque, un programme particulier pour l'Europe qui lui permettrait d'échapper à la crise. Une telle recette n'existe pas.
Nous dénoncerons, au contraire, un système économique dont le fonctionnement conduit périodiquement à de telles catastrophes économiques et sociales.
En effet, l'économie capitaliste porte en elle-même les crises et la seule façon d'y mettre fin pour toujours, c'est de mettre fin au capitalisme lui-même.
Nous affirmerons l'actualité, et je dirais même, l'urgence d'une transformation sociale profonde en un système économique basé sur la propriété collective des richesses et des moyens de les produire et l'urgence d'une économie rationnelle sous le contrôle démocratique de la population.
Nous dirons que seule la classe ouvrière a la puissance sociale pour entreprendre et réussir cette transformation.
La campagne se déroulant dans le cadre national, nous nous adresserons évidemment aux travailleurs de ce pays quelle que soit leur origine, quelle que soit leur nationalité. Mais la classe ouvrière est présente dans tous les pays d'Europe, composée partout de travailleurs d'origines diverses, d'Europe bien sûr, mais aussi d'Afrique du nord, d'Afrique noire, de Turquie, du sous-continent indien, voire d'Asie orientale.
Par delà la variété de ses composantes, c'est cependant une seule et même classe ouvrière !
Les travailleurs de l'Union européenne sont confrontés partout à la même offensive de la classe capitaliste et, souvent, aux mêmes groupes financiers et industriels.
Peugeot-Citroën tire ses profits de l'exploitation des travailleurs de ses usines de Montbéliard, d'Aulnay-sous- Bois, de Rennes ou de Poissy en France, mais aussi des travailleurs de son usine de Trnava en Slovaquie. Renault ne s'enrichit pas seulement grâce au travail de ses ouvriers de Flins, de Cléon ou du Mans, en France, mais aussi de ceux de Slovénie ou de Roumanie. Et Total prélève sa prébende sur tous ceux qui forent, produisent, transforment, transportent ou commercialisent du pétrole, non seulement dans tous les pays d'Europe, mais dans des dizaines et des dizaines d'autres pays au monde.
Les capitaux qui sont derrière ces grandes entreprises n'ont pas plus de nationalité que d'odeur, si ce n'est l'odeur du sang et de la sueur d'ouvriers. Alors, ceux qui essayent de dresser les travailleurs les uns contre les autres, en fonction de la nationalité, de la langue ou de la couleur de la peau, sont nos pires ennemis !
Nos ennemis ne sont pas nos frères et soeurs du monde du travail de quelque nationalité qu'ils soient. Notre ennemi, c'est la classe capitaliste qui nous exploite.
Nous critiquerons l'actuelle Union européenne et ses institutions parce qu'elles sont toutes des instruments de la bourgeoisie capitaliste.
Mais nous la critiquerons aussi au nom de l'idée européenne elle-même car l'actuelle Union européenne, créée pour régler les petites et grandes affaires de la classe capitaliste, n'a rien à voir avec une véritable unification du continent européen. L'Union européenne actuelle laisse en dehors de ses frontières près de la moitié du continent, de la Russie à une partie des Balkans, en passant par la Turquie.
Nous défendrons l'idée d'une Fédération socialiste intégrant tous les pays qui désirent adhérer, où les frontières entre pays seront purement administratives tant que les différents peuples le souhaiteront, avant qu'elles ne disparaissent complètement. Cela fait plus d'un siècle que le mouvement communiste a mis dans son programme les États-Unis socialistes d'Europe.
Le morcellement de l'Europe était déjà un anachronisme au temps où on a inventé l'automobile ou l'électricité. Et, à infiniment plus forte raison, aujourd'hui, à l'époque où les satellites artificiels peuvent faire en quelques minutes le tour complet de la planète.
Mais la bourgeoisie n'a effacé, un peu, les frontières entre les peuples à l'intérieur de l'Union européenne que pour les renforcer autour d'elle. Nous nous servirons donc de la campagne des européennes pour dénoncer cette Europe forteresse, l'Europe de la chasse eux immigrés, l'Europe des expulsions.
Nous dénoncerons tout cela parce que c'est humainement inacceptable.
Mais par delà la simple solidarité avec les travailleurs de tous pays et de toutes origines, nous dirons que c'est ensemble, en tant que classe sociale, que les travailleurs d'Europe pourront se défendre face à l'offensive de la bourgeoisie. C'est en tant que classe sociale consciente de ses intérêts politiques que la classe ouvrière d'Europe saura briser ses chaînes, s'émanciper de l'exploitation et libérer par là-même tout le société du poids du capitalisme !
C'est au nom de la propriété privée que la classe capitaliste s'approprie et concentre entre ses mains une part importante du travail social, ne laissant aux salariés que le minimum nécessaire pour vivre.
C'est cette classe numériquement minoritaire qui, en dominant l'économie, domine la vie sociale et la vie politique. C'est sa vision du monde qui est répercutée par la télévision, par la radio, par la presse, par les grands moyens d'information qui sont en général sa propriété, et c'est sa vision du monde qui est même enseignée à l'école.
L'économie capitaliste est une économie qui reproduit sans cesse et aggrave les inégalités sociales, concentrant les richesses à un pôle et développant la pauvreté à l'autre. C'est une économie qui produit en fonction du marché, c'est-à-dire uniquement en fonction de la consommation solvable. Elle ne produit que pour ceux qui peuvent payer. C'est aussi une économie dont le fonctionnement est chaotique, irrationnel, imprévisible car chaque capitaliste décide en fonction de ses seuls intérêts ce qu'il produit et comment, sans que quiconque organise et coordonne la production globale.
La bourgeoisie et l'ordre économique dont elle est porteuse, le capitalisme, ont une longue histoire. L'économie capitaliste s'est imposée d'abord dans quelques pays d'Europe occidentale, l'Angleterre bien sûr, mais aussi la France, les Pays-Bas ou l'Allemagne.
La domination de la bourgeoisie a reposé, dès ses débuts, sur « l'exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale ». Son histoire depuis ses débuts est une succession de pillages, de guerres, de crimes, du trafic des esclaves au travail d'enfants de 8 ans dans les usines de textile de la révolution industrielle, du massacre de peuples entiers à la conquête des colonies.
Malgré tout cela, le capitalisme a représenté à ses origines un progrès formidable pour l'humanité. Pour reprendre l'expression de Marx dans le Manifeste Communiste : « La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire ». Et il expliquait : « C'est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l'activité humaine : elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d'Égypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques ; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades ».
Eh bien, aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Le capitalisme n'est plus ce facteur de progrès qu'il a été à ses origines, où il a mis fin à la stagnation séculaire des modes de production antérieurs, lorsqu'il a libéré les forces productives de l'humanité, lorsqu'il a fait exploser les capacités scientifiques et techniques. Aujourd'hui, le capitalisme est devenu un cancer sur le corps social et un frein pour l'augmentation du niveau de vie.
Cela fait au bas mot un siècle et demi que, parti à la conquête du monde, le capitalisme ne supprime plus ce qui reste des anciennes formes d'oppression, même les plus archaïques. Il s'accommode des castes en Inde, des antagonismes ethniques, voire de l'esclavage, en Afrique et d'infinies variétés de formes d'oppression, notamment de l'oppression des femmes, un peu partout.
Sur le plan politique, il soutient les pires dictatures. Il ne vend pas de la nourriture aux peuples du tiers monde, mais des armes à ceux qui les oppriment.
Mais à tout cela, il a ajouté l'esclavage salarial et la loi du profit qui, aujourd'hui, dominent et conditionnent toutes les autres formes d'exploitation et d'oppression.
Cela fait près d'un siècle et demi que le monde entier est devenu capitaliste. Aujourd'hui, il n'y a plus aucune région de la planète où la vie des hommes ne soit pas entièrement dépendante de l'économie capitaliste, directement ou indirectement. Le capitalisme est un système mondial. Les États-Unis, la France, les grands pays industriels sont capitalistes. Et sont aussi capitalistes non seulement le Brésil et l'Inde, mais tout autant Haïti, le Mali ou le Zimbabwe.
Les pays pauvres ne sont pas simplement en retard par rapport aux pays riches. La richesse des grands pays impérialistes, comme les États-Unis ou la France, et la misère, l'arriération économique, de la majorité pauvre de la planète sont l'expression d'une même intégration dans le même système capitaliste mondial qui a creusé, consolidé et aggravé sans cesse la dépendance des pays sous-développés par rapport aux pays impérialistes.
Même pendant ses périodes d'expansion, le capitalisme représente un énorme gâchis pour la société. Même pendant ses périodes d'expansion, il privilégie la production de biens inutiles par rapport aux besoins fondamentaux, parce que le capitalisme n'a que faire des besoins de ceux qui n'ont pas d'argent pour acheter.
Même dans ces périodes d'expansion et même dans les pays impérialistes où l'économie concentre ses plus grandes richesses, elle condamne une partie de la population à la misère matérielle et morale, à la régression, aux cités-dortoirs, quand ce n'est pas aux taudis, aux drogues et à la criminalité.
Même en période d'expansion, le capitalisme creuse l'écart entre les plus riches et les plus pauvres de la société, en même temps qu'il creuse l'écart entre les pays riches et les pays pauvres.
Le gâchis le plus important engendré par l'organisation capitaliste de l'économie, un gâchis humainement inacceptable, économiquement désastreux, c'est le gâchis du travail humain. Dans les pays capitalistes les plus développés, ceux d'Amérique du Nord ou d'Europe occidentale, plusieurs millions de personnes sont maintenues hors de la production. Ce sont pourtant ces pays qui concentrent sur leur sol l'écrasante majorité des usines, des machines, les moyens de produire, sans même parler du niveau culturel, de la recherche scientifique et technique.
Le chômage est, quand on y pense, une véritable aberration mentale. Il y a, d'un côté, des hommes capables de produire et des infrastructures matérielles pour le faire efficacement et, d'un autre côté, des besoins à satisfaire. Mais, entre les capacités de production de la société et les besoins, s'interpose la loi du profit.
Et le capitaliste ne met en oeuvre son capital productif et n'embauche des chômeurs qu'à condition que cela lui rapporte du profit. Et un profit suffisamment élevé pour que le capitaliste industriel puisse payer sa dîme à une multitude de ses congénères sans lesquels les entreprises ne pourraient pas fonctionner : banquiers, négociants, assureurs, publicitaires et bien d'autres.
Les capitalistes ont le monopole des moyens de production et sont les seuls habilités à les mettre en oeuvre. C'est ce monopole-là qu'il faut briser car un chômeur qui retrouve du travail crée la valeur qui permet d'assurer son salaire tout en permettant d'accroître la production sociale.
Le développement capitaliste est encore à la base de l'énorme gâchis de travail humain que représente le sous-développement. Il ne s'agit pas seulement du fait que, dans les pays pauvres, le chômage est en général bien plus élevé que dans les pays riches. Plus grave encore est le fait que tous ceux qui travaillent n'ont pas accès aux moyens de production qui démultiplient l'efficacité de leur travail à la mesure des capacité productives de notre époque.
Combien de paysans des pays pauvres travaillent du matin au soir avec une rentabilité dix fois, cent fois inférieure à celle de leurs semblables des pays développés ? Le paysan africain qui cultive la terre avec un daba, une sorte de petite pioche, n'est pas un chômeur. Mais le simple fait de ne pas avoir accès à un tracteur ou à une pompe à eau permettant un minimum d'irrigation, fait que toute une partie de son travail part en fumée, et pour lui-même, et pour la société.
Que d'efforts humains gâchés lorsque, faute de canalisations, l'approvisionnement en eau se fait à dos d'homme ou sur la tête des femmes, non seulement dans les villages mais aussi dans les quartiers populaires des grandes villes !
Que de gâchis aussi du fait de la transformation de l'agriculture locale ! Par la violence et par la force du pouvoir colonial dans le passé, par la pression économique aujourd'hui, un grand nombre de pays pauvres ont été contraints d'abandonner les cultures vivrières susceptibles de nourrir leurs populations, pour des cultures destinées au marché des pays impérialistes.
On a imposé au Sénégal la culture de l'arachide pour obliger les paysans à produire pour Lesieur. On a imposé au Tchad la culture du coton, traité ensuite en France, pour le plus grand profit des grands capitalistes du textile comme Boussac.
On intégrait ainsi dans un même processus de production les petits paysans du sud du Tchad cultivant le coton et les ouvrières des usines de textile des Vosges, dépendant les uns et les autres du même groupe capitaliste, celui de Boussac.
De la même manière, pour que puissent être produits tous ces cosmétiques vendus cher à des femmes qu'on cherche à convaincre qu'« elles le valent bien », il y a le travail et les efforts des ouvrières des usines cosmétiques de L'Oréal, mais il y a aussi le travail et les efforts des ouvriers agricoles qui, sur les plantations de Côte-d'Ivoire, s'échinent dans les palmeraies qui ont pris la place de la forêt.
La concurrence, qui a été le principal ressort du progrès capitaliste, a abouti à son contraire, à la concentration et à la centralisation du processus capitaliste. Le capitalisme est devenu l'impérialisme. Pour reprendre une expression de Trotsky, « de la concurrence (...) qui avait été le ressort créateur du capitalisme et sa justification historique sort irrévocablement le monopole malfaisant, parasitaire, réactionnaire ».
Ce sont ces monopoles, les Total, Exxon, les Nestlé, les Monsanto, les groupes financiers et industriels qui dominent aujourd'hui l'économie mondiale. Périodiquement, les adversaires des idées communistes prétendent que cette concentration des capitaux permet une régulation du fonctionnement du capitalisme et la disparition des crises.
On voit aujourd'hui qu'il n'en est rien. Aux dires même des dirigeants du monde capitaliste, la crise actuelle est une des plus graves que l'économie capitaliste ait connues depuis la grande crise qui a suivi l'effondrement de la Bourse de New York en 1929.
Déjà à cette époque, le capitalisme n'avait pu être sauvé que par l'intervention de l'État. L'Allemagne de Hitler comme les États-Unis du président démocrate Roosevelt sont alors massivement intervenus pour sauver le capitalisme en faillite avant que, avec la guerre, tous les autres États impérialistes en fassent autant.
Instruits par ce précédent, les dirigeants politiques les plus réactionnaires de la bourgeoisie, de Bush à Sarkozy, se sont brusquement mis à proclamer les vertus de l'intervention étatique.
Même avant la crise, cette économie capitaliste, porteuse de l'idée du « chacun pour soi », ne pouvait fonctionner sans une dose importante d'intervention de l'État. Pour mieux servir les intérêts généraux de la bourgeoisie, l'Etat est obligé d'échapper dans une certaine mesure à la logique du profit individuel et à ses impératifs. Sans l'État, il n'y aurait pas en France d'éducation, de routes, de chemins de fer, de réseau électrique, ni d'aménagement du territoire ou d'urbanisme, et le capitalisme ne pourrait exister.
Aujourd'hui, les pertes des banques sont étatisées alors que les profits, eux, demeurent privés.
Les travailleurs rejetés de la production par la folie du système sont traités d'« assistés » par les porte-parole de la bourgeoisie. Mais c'est le capitalisme qui ne peut survivre sans l'assistance de l'État.
De la même façon que pendant ses dernières décennies d'existence, la noblesse en France s'agglutinait à la cour de Versailles pour y être entretenue par le roi, la classe bourgeoise s'agglutine aujourd'hui autour de l'État pour être entretenue !
Le fait que l'État joue un rôle fondamental dans le fonctionnement du capitalisme, qu'il soit obligé d'intervenir périodiquement pour sauver ce système économique, exprime avant tout le caractère parasitaire, usuraire, néfaste du capitalisme d'aujourd'hui. Mais il exprime aussi la tendance fondamentale de l'économie à ne plus pouvoir fonctionner dans le cadre de la propriété privée.
En faisant appel à l'État, le marché rend en quelque sorte hommage à la centralisation et à la planification. C'est l'hommage du vice à la vertu !
C'est l'aveu que, même sous le capitalisme, le fonctionnement de l'économie dans son ensemble a besoin d'une coordination. La nécessité d'une planification rationnelle suinte par tous les pores de l'économie qui continue, cependant, à fonctionner sous commandement privé et pour produire du profit privé. La bourgeoisie n'est plus capable de gérer efficacement les forces productives modernes. Cette incapacité n'est pas due à l'incapacité des hommes, mais à l'incapacité de tout le système économique qui arrive « au bout du rouleau ».
Et, en fait, il y a dans l'étatisme de la bourgeoisie comme une expression déformée, grotesque, des fondements de notre programme communiste. Car, au fond, la première phase, sinon du communisme, du moins du cheminement vers le communisme, ce sera que toutes les grandes entreprises, toutes les banques, expropriées par la classe ouvrière, deviennent des services publics visant à satisfaire les besoins de la société.
L'un des apports fondamentaux de Marx aux idées socialistes a été de comprendre tout ce qui, au sein même de la société capitaliste, annonçait l'avenir communiste de la société et qui en prévoyait la possibilité.
Ce ne sont pas les communistes, mais le capitalisme lui-même qui a fait que la production moderne nécessite la coordination de milliers, de centaines de milliers de personnes. Il a fait surgir des multinationales dont les activités se déploient dans des dizaines de pays.
C'est le capitalisme qui a fait que la production est de fait socialisée, collectivisée, depuis longtemps. Elle l'est à une échelle de plus en plus vaste à notre époque. Elle l'est à l'échelle du monde. Mais ce travail socialisé reste soumis aux intérêts privés et c'est une des contradictions les plus graves du capitalisme de notre époque.
En cette période de crise grave, même chez les dirigeants du monde capitaliste, il est fréquent de parler d'insuffisance de régulation, de moralisation et d'étatisme.
Ce qui ne les empêche pas de s'en prendre violemment à l'économie étatisée de l'ex-Union soviétique. La bourgeoisie, ses économistes, ses politiciens, ses journalistes, présentent la dislocation de l'Union soviétique, non pas comme l'effondrement d'un régime politique, mais comme l'effondrement d'un système économique. Et, plus encore, comme l'échec des idées communistes, comme la preuve qu'il est vain de tenter d'organiser l'économie sur d'autres bases que le capitalisme, la propriété privée des moyens de production et la course au profit. Eh bien, c'est un mensonge grossier !
Parlons-en, donc, du bilan de l'économie soviétique !
Comme Arlette Laguiller l'a rappelé tout à l'heure, le courant politique dont nous nous réclamons, le courant trotskyste, est né dans le combat contre la bureaucratisation de l'Union soviétique et contre le stalinisme. Contrairement au PCF, nous n'avons jamais présenté l'Union soviétique de Staline, de Krouchtchev ou de Brejnev, comme une société communiste. Nous avons toujours dit qu'une société dominée par une bureaucratie s'imposant par la dictature et survivant en parasite de l'économie ne pouvait pas être une société communiste.
Mais, en revanche, nous assumons pleinement le bilan de l'économie soviétique malgré les limites que lui a imposées la bureaucratie.
L'Union soviétique a été le premier pays où le prolétariat, après avoir pris le pouvoir politique et après avoir aboli complètement la propriété féodale et la propriété bourgeoise, a étatisé les moyens de production.
Les dirigeants de la révolution n'avaient pas l'intention de bâtir une société communiste dans le cadre d'un seul pays. Ils savaient que cela était impossible car c'est précisément la division internationale du travail, la « mondialisation » pour reprendre un vocable d'aujourd'hui, qui permet le haut niveau de développement des forces productives indispensables pour l'organisation socialiste de l'économie. .
Mais restés isolés après le reflux de la vague révolutionnaire dans d'autres pays, notamment en Allemagne, dans un pays industriellement développé, les dirigeants de l'Union soviétique durent faire fonctionner l'économie et la développer sur de tout autres bases que l'économie capitaliste, sans bourgeoisie, sans propriété privée des moyens de production, sans marché, sans concurrence et sans course au profit. Ils durent le faire dans des conditions particulièrement difficiles s'agissant certes d'un très grand pays, avec une multitude de ressources naturelles, mais aussi très pauvre, sous-développé sur le plan matériel comme sur le plan culturel.
De plus, la révolution connut un cours différent de ce qu'avaient espéré les communistes véritables. Car la révolution restant isolée, pour reprendre l'expression de Trotsky, « l'appareil d'État ouvrier a subi une dégénérescence complète, se transformant d'instrument de la classe ouvrière en instrument de violence bureaucratique contre la classe ouvrière et, de plus en plus, en instrument de sabotage de l'économie ».
Eh bien, malgré le sabotage de la bureaucratie et, contrairement aux mensonges répétés depuis, des livres scolaires jusqu'aux plus grands médias, l'économie étatisée s'est révélée bien supérieure à l'économie basée sur la propriété privée, le marché et la concurrence.
Cette Russie révolutionnaire, arriérée au départ, dévastée et épuisée par les guerres et les commotions révolutionnaires, mit près de dix ans pour se replacer au niveau économique où elle était en 1913, juste avant la guerre. C'était déjà une performance car elle y était parvenue malgré les interventions militaires des puissances capitalistes, puis malgré leur blocus économique.
Entre 1926 et 1938, c'est-à-dire en douze ans, la production industrielle de l'Union soviétique fut multipliée par huit alors que, pendant cette même période, l'économie capitaliste s'était effondrée dans la crise, y compris dans ses citadelles américaine et allemande. En 1935, elle devint le troisième producteur d'électricité du monde, derrière les États-Unis et l'Allemagne, alors qu'elle n'était quasiment pas électrifiée avant la révolution.
Cette période de croissance sans précédent ne fut que momentanément interrompue par la Deuxième Guerre mondiale, par l'invasion des troupes nazies, mais pas définitivement arrêtée. Pendant la guerre, l'Union soviétique fut capable de tenir tête à une des principales puissances capitalistes européennes, l'Allemagne, et, finalement, de l'emporter. Ce ne fut pas seulement une question de courage ou une question de motivation. Cela a compté, bien sûr, et ô combien, mais la guerre fut aussi une confrontation économique.
Combien de chars, combien de canons, les économies des deux pays en guerre pouvaient produire, et, donc, combien de tonnes d'acier ? Eh bien, malgré l'aveuglement de Staline, qui s'était laissé surprendre par l'attaque de Hitler, malgré la désorganisation de l'armée soviétique consécutive aux procès politiques qui l'avaient décapitée, l'Union soviétique et son économie, tout autant que son armée, sortirent victorieuses de cette confrontation.
Et ce qui donne toute sa valeur à cette performance, ce sont les conditions dans lesquelles elle a été réalisée. Les principales industries étaient concentrées dans la partie occidentale de l'Union soviétique, cette partie précisément qui fut rapidement envahie par les armées allemandes. Il fallut alors déménager au-delà de l'Oural, en quelques mois, plus de 2 600 usines, dix millions d'ouvriers. Il fallut construire plus de dix mille kilomètres de voies ferrées, et tout cela en plein hiver ! Une opération sans précédent dans l'histoire industrielle, qui n'aurait pas été possible ni même concevable sans l'étatisme !
Et la guerre finie, l'Union soviétique continua sur un cours ascendant son développement industriel au point que, de pays sous-développé du départ, comparable à l'Inde ou au Brésil, elle devint dans les années 1960 une puissance industrielle capable de se confronter dans la course à l'espace avec la principale puissance impérialiste du monde, les États-Unis. Et d'être en tête pendant une bonne dizaine d'années !
Sa production globale resta, certes, de loin inférieure à celle des États-Unis. Mais, alors que la production soviétique ne représentait que 28 % de la production américaine en 1937, elle en représentait la moitié en 1972.
Cela se fit sous la dictature mais, contrairement à ce que racontent bien des commentateurs aussi stupides que malveillants, ce n'est pas la dictature qui permit ces progrès fulgurants. Sinon, de Mobutu à Duvalier, de Bongo aux dictatures militaires d'Argentine et du Brésil, on aurait dû en voir, des pays qui se développent !
Non, la dictature de la bureaucratie a été un handicap pour l'économie planifiée, et non pas un avantage ! Comme a été un handicap la part croissante des richesses créées grâce à l'économie planifiée, qui a été détournée par la bureaucratie pour son usage de caste.
L'étatisation de l'économie donne de formidables moyens pour « produire » en fonction des besoins, encore faut-il que les besoins puissent être déterminés, mesurés, modifiés et éventuellement corrigés !
En réalité, pour qu'elle fonctionne au mieux de ses possibilités, la planification a besoin de la démocratie. Elle en a besoin pour exprimer la demande, pour la modifier au fur et à mesure de son évolution, pour critiquer aussi, le cas échéant, les défauts du plan en cours et la qualité des produits.
Une des raisons fondamentales pour lesquelles la bureaucratie ne pouvait pas admettre un contrôle démocratique de la population sur la production, c'est qu'elle voulait dissimuler ses propres prélèvements. Les dirigeants de l'Union soviétique, représentant les couches supérieures de la bureaucratie, pouvaient d'autant plus être négligents vis-à-vis de la consommation des masses populaires que leurs propres besoins, y compris d'articles de luxe, étaient assurés par l'intermédiaire du réseau de magasins spéciaux alimentés au besoin par les importations.
Mais ces méthodes n'étaient pas inhérentes à la planification. Et ces prélèvements honteux de la bureaucratie, que représentaient-ils à côté des prélèvements assumés au grand jour, à côté des dépenses de luxe les plus extravagantes et à côté du train de vie des milliardaires de la bourgeoisie ? Et pour douloureuse qu'ait été la gabegie bureaucratique pour l'économie soviétique, son coût social était sans comparaison avec ce que coûtent à la société l'immense gâchis de la course au profit, des rivalités économiques, la financiarisation de l'économie, le chômage de masse, sans même parler des crises.
Il faut aussi ajouter que, pour négligés qu'aient été les besoins des classes laborieuses, le progrès de leur niveau de vie n'était certainement pas inférieur à celui des masses populaires de pays au degré de développement comparable. Et, même sous l'angle de la consommation de masse, l'Union soviétique des années 1930 puis des années 1950 et 1960, ne pâtirait pas de la comparaison avec d'autres pays comme le Brésil ou l'Inde. Et ce d'autant plus si l'on tient compte non seulement des salaires individuels mais surtout aussi de l'accès à la santé, à l'alphabétisation, à la scolarisation y compris jusqu'au niveau universitaire.
Alors oui, malgré toutes les conséquences néfastes de l'isolement économique, malgré le parasitisme de la bureaucratie, l'économie soviétique, basée sur la propriété étatique et la planification, a progressé plus fortement pendant un bon demi-siècle que n'importe lequel des pays bourgeois.
La preuve a été donnée qu'il était possible non seulement de faire fonctionner l'économie d'un grand pays en se passant complètement de la bourgeoisie mais encore de la développer sur cette base. Et la différence n'a pas été seulement dans le rythme de développement, mais aussi dans sa nature.
L'économie planifiée, même sous l'égide de la bureaucratie, avait pour objectif de réduire l'écart entre les régions développées et les régions les moins développées. La planification a fait surgir de nouvelles villes industrielles là où il n'y en avait pas avant et là où cela ne correspondait à aucune logique marchande.
Il n'y a eu que ce seul pays au monde où le prolétariat a tenté les méthodes économiques dont il est porteur, alors que le capitalisme fonctionne dans les quelque 200 pays enregistrés à l'ONU. La comparaison est probante entre cette seule et unique tentative prolétarienne et toute la variété de fonctionnements capitalistes.
Trotsky affirmait, dans la Révolution Trahie : « Si la révolution d'Octobre n'avait apporté que cette accélération d'allure, elle serait déjà justifiée du point de vue historique ... », quand bien même « le prolétariat russe a fait la révolution en vue de fins beaucoup plus élevées ».
Et ajouta Trotsky dans son oeuvre la Révolution Trahie : « Il n'y a plus lieu de discuter avec MM. les économistes bourgeois : le socialisme a démontré son droit à la victoire, non dans les pages du Capital, mais dans une arène économique qui couvre le sixième de la surface du globe ; non dans un langage de la dialectique, mais dans celui du fer, du ciment et de l'électricité ».
Alors oui, tout dans l'histoire récente nous conforte dans la conviction que le capitalisme a fait son temps et qu'il doit céder la place à une forme d'organisation économique et sociale supérieure.
Et j'ajouterais que l'on peut choisir n'importe quelle décennie dans l'histoire de l'Union soviétique et la comparer avec les dix ans qui ont suivi son écroulement, la comparaison est éloquente ! Lors de l'éclatement de l'Union soviétique en 1991, l'effondrement de l'économie de la Russie apparaît dans les chiffres : la production nationale a reculé de 50 %, et jusqu'à la population qui a diminué régulièrement d'un ou deux millions de personnes par an ! Et, dans les autres États de l'ex-Union soviétique, plus pauvres, cela a été pire.
Mais telle est la puissance de la propagande du monde capitaliste que ce recul catastrophique, cet appauvrissement considérable du pays, ont été transfigurés en une marche triomphante vers le bien-être à l'occidentale et vers la liberté ! Comme si l'enrichissement de quelques millions de bureaucrates et de nouveaux bourgeois par le pillage de la propriété collective, comme si l'invasion de la Côte d'Azur ou de stations de sports d'hiver huppées par des milliardaires russes étaient le signe du développement du pays. Et comme si la liberté pouvait se résumer au régime tout à la fois policier et mafieux de Poutine !
Alors, en Union soviétique, ce n'est pas l'économie soviétique qui a fait faillite. Ce qui a fait faillite, c'est le pouvoir de la bureaucratie attirée par les charmes du capitalisme.
Le capitalisme constitue un frein devant tout essor de la civilisation humaine. Mais une organisation sociale peut se maintenir bien au-delà de sa légitimité historique.
Depuis la révolution russe et la vague révolutionnaire qui l'a suivie, faisant espérer la défaite du capitalisme, il s'est passé près d'un siècle. L'humanité a payé ce retard historique par la grande dépression de 1929, par le nazisme en Allemagne, par la Deuxième Guerre mondiale, et aussi par le stalinisme.
Elle le paie depuis la Deuxième Guerre mondiale par un développement économique aussi cahoteux qu'inégalitaire.
Elle le paie par les guerres innombrables menées par les grandes puissances impérialistes pour maintenir leur mainmise sur les richesses d'une région, directement ou par fantoches interposés.
Elle le paie par l'incapacité de l'humanité à mettre fin à la sous-alimentation et aux famines dans le monde, alors pourtant que les moyens matériels pour y parvenir existent largement.
Elle le paie par le fait que, même dans les pays les plus riches, on peut crever de froid dans la rue car on ne construit pas le nombre de logements accessibles qu'il faut, alors même que les bras qui existent pour le faire sont condamnés au chômage.
Mais cet ordre social même dépassé, ne disparaîtra que s'il y a une force révolutionnaire pour le faire disparaître. Les marxistes ont toujours considéré que la force révolutionnaire capable de détruire le capitalisme ne peut être que la classe ouvrière ou, si l'on veut, la classe salariale dans toute sa diversité.
Il n'y a pas lieu de s'étonner que cette classe sociale dont dépend en dernier ressort l'avenir de l'humanité n'apparaisse pas révolutionnaire en permanence. Les périodes révolutionnaires, lorsque la classe dominante ne croit plus en son propre avenir et lorsqu'il y a une classe nouvelle qui est prête à prendre sa place, sont extrêmement rares. Il n'y en eut guère que deux ou trois au XIXème siècle, et autant au XXème.
Mais c'est précisément dans ces périodes-là qu'il faut que la classe porteuse d'avenir soit prête à assumer son rôle. Et le prolétariat ne pourra l'assumer que s'il parvient à créer des partis révolutionnaires.
Les partis qui ont joué ce rôle à différentes époques historiques, les partis socialistes à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, ou les partis communistes pendant les quelques années qui ont suivi la révolution russe et avant que le stalinisme ne les transforme en instruments de la bureaucratie russe, ne jouent plus ce rôle depuis très longtemps. De partis ouvriers ayant pour objectif l'émancipation sociale, ils se sont transformés en instruments de la bourgeoisie, en défenseurs du capitalisme au sein de la classe ouvrière. C'est cela qui a permis à la bourgeoisie de prolonger son règne.
Mais, si on peut retarder la marche de l'histoire, on ne peut pas l'arrêter. Le communisme n'est pas une utopie qui peut disparaître. Sa nécessité résulte de la marche même du capitalisme.
Débarrassée de la domination de la bourgeoisie, du carcan de la propriété privée et des dégâts de la course au profit, l'économie connaîtra une nouvelle période d'essor, mais un essor maîtrisé.
L'économie sous le contrôle démocratique du prolétariat produira pour satisfaire les besoins de la population. Elle développera la production mais en respectant la nature. Karl Marx l'a annoncé dans Le Capital, « La société elle-même n'est pas propriétaire de la Terre. Il n'y a que des usufruitiers qui doivent l'administrer en bons pères de famille, afin de transmettre aux générations futures un bien amélioré ».
La révolution ouvrière supprimera les frontières nationales et toutes les barrières matérielles ou morales qu'elles impliquent. Le prolétariat dirigeant l'économie arrêtera immédiatement les productions nuisibles. En particulier l'industrie d'armement, qui concentre aujourd'hui bien souvent le meilleur des connaissances scientifiques et technologiques, pourrait être reconvertie à des technologies civiles. Les travailleurs au pouvoir chercheront à réduire l'inégalité criante entre les parties développées et les parties sous-développées de la planète.
La socialisation des moyens de production signifiera la mise en commun du savoir et des progrès de l'ensemble de la société. Aujourd'hui, les groupes capitalistes protègent par tous les moyens les fruits des recherches de leurs ingénieurs et de leurs chercheurs. Le secret industriel comme le système du brevet sont des armes dans la concurrence entre groupes capitalistes. Mais ils constituent un frein considérable au progrès scientifique et technique.
Débarrassée des barrières rétrécissant de la propriété privée. Tout progrès scientifique, toute amélioration d'ordre technique d'une usine quelconque, tout perfectionnement des méthodes deviendront « sans formalité aucune le bien commun de toutes les fabriques ou usines qui y sont intéressées ». Rien que cela constituera un progrès formidable.
Dès que disparaîtront les barrières de la propriété privée et de la concurrence, la centralisation créée par le capitalisme, une grande partie des circuits mis en place par les trusts pourront être transformés en de puissants organes de coordination visant à satisfaire au mieux les besoins des hommes.
Les progrès scientifiques et techniques hérités du capitalisme, les satellites pour surveiller la végétation et prévoir les récoltes, les moyens de communication puissants qui servent aujourd'hui à la spéculation boursière seront mis au service de la planification à l'échelle de la planète, dans les domaines où c'est à cette échelle qu'il faut planifier.
Mais cette planification sera en même temps extrêmement souple. Et s'il faut une collaboration à l'échelle de la planète pour combattre le réchauffement ou le trou de la couche d'ozone, ou encore pour prévoir les grandes catastrophes naturelles, une très large part de la production agricole ou industrielle pourra être planifiée à une échelle plus petite, régionale ou locale, sous le contrôle le plus direct de la population.
Et la hausse de la productivité que tout cela engendrera permettra de réduire le temps de travail et de faire en sorte que les hommes puissent se consacrer à d'autres choses qu'à la production des biens matériels nécessaires pour vivre.
L'éducation, la culture sous toutes ses formes pourront connaître alors un essor comme jamais dans l'histoire de l'humanité.
C'est alors qu'on pourra dire que l'humanité est en train de sortir de la barbarie.
Alors oui, le communisme se fraiera un chemin. C'est inscrit dans l'évolution de l'économie comme de la société. Il le fera au travers des hommes car ce sont les hommes qui font leur propre histoire.
Et lorsque la classe ouvrière aura conscience de cette nécessité, lorsque celle-ci aura collectivement repris confiance en elle-même, elle fera surgir inévitablement en son sein des femmes et des hommes qui lutteront pour l'émancipation de leur classe.
Mais alors il faudra qu'il y ait des militants qui transmettent une tradition politique et organisationnelle. Des militants qui ne confondent pas les succès électoraux avec la révolution sociale, l'anticapitalisme avec la destruction du pouvoir politique et économique de la bourgeoisie. Des militants qui ne confondent pas la critique de quelques aspects néfastes du capitalisme avec la nécessité d'une autre organisation de la société, le communisme.
Le capitalisme génère tant d'injustices, tant de formes d'oppression, tant de nuisances, dans le domaine social et écologique, qu'il y a largement la place pour une multitude de partis protestataires.
Mais ce qui manque, c'est un parti dont l'objectif ultime soit la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, non pas à l'intérieur des institutions de la bourgeoisie mais au contraire, par la destruction de ces institutions et leur remplacement par des organes démocratiques du pouvoir des travailleurs eux-mêmes. Comme l'ont été dans le passé la Commune de Paris, ou les conseils ouvriers, les « soviets », en Russie.
De telles situations signifient que les luttes sociales, que la lutte des classes, ont pris un caractère aigu, entraînant la majeure partie des classes exploitées et ébranlant toute la société.
Il faudra alors des partis qui soient déterminés et capables d'aller jusqu'au bout, soudé autour du programme communiste, afin de permettre à la classe ouvrière de prendre et d'exercer démocratiquement le pouvoir.
Et ce que j'entends par programme communiste, c'est, bien sûr, le formidable instrument de compréhension de la société capitaliste que constitue le marxisme, enrichi par les apports de Lénine et de Trotsky. Mais c'est aussi toute l'expérience du mouvement ouvrier du passé.
Comme l'a rappelé tout à l'heure Arlette Laguiller, l'histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire depuis près de deux siècles est une succession de combats, jalonnée de succès, parfois de victoires et, bien plus souvent, d'échecs ou de défaites. Il appartient aux partis communistes révolutionnaires de tirer les leçons du passé, de ses succès aussi bien que de ses défaites, et d'en faire bon usage lors des combats futurs.
Il ne s'agit pas d'une quelconque nostalgie du passé. Il s'agit de transmettre tout le capital d'expérience des luttes du passé à la classe ouvrière d'aujourd'hui pour qu'elle soit armée pour les luttes de demain.
Contrairement à certaines affirmations à la mode, les idées et les objectifs communistes ne constituent pas une page blanche sur laquelle élaborer le « socialisme du XXIème siècle », mélange d'écologisme, de féminisme, avec un peu de guevarisme et d'anarchisme.
Le programme communiste résulte de luttes de femmes et d'hommes en chair et en os, de leur enthousiasme comme de leurs souffrances. Il résulte de la lutte des classes elle-même. Ceux qui rejettent ce programme rejettent par la même occasion tous ceux qui, dans le passé, ont lutté pour le communisme. Ils rejettent donc le communisme lui-même.
Les partis communistes révolutionnaires qu'il reste encore à construire, à faire grandir et à aguerrir, ne pourront l'être que sur la base de la filiation avec le marxisme, le léninisme et le trotskysme, et surtout sur la base des expériences riches et variées que recouvrent ces mots.
Il faudra que ces partis méritent la confiance des travailleurs les plus combatifs dans les luttes quotidiennes et qu'ils les gagnent aux perspectives communistes.
Notre perspective, c'est la transformation révolutionnaire de la société par la classe ouvrière ayant conquis le pouvoir politique. « L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes ».
Les travailleurs au pouvoir exproprieront la bourgeoisie, briseront la dictature des groupes industriels et financiers sur l'économie mondiale, et transformeront en propriété collective les usines, les banques, les grands moyens de transport, les chaînes de distribution, les richesses naturelles. La société pourra enfin maîtriser ses conditions matérielles d'existence, produire en fonction des besoins et s'acheminer vers le communisme, une société sans exploitation, sans privilèges, sans classes sociales aux intérêts opposés.
Voilà notre programme, celui qui nous a été légué par les générations de communistes révolutionnaires qui nous ont précédés. Nous consacrons notre activité militante à construire, à renforcer un parti qui incarne ce programme.
Alors, amis et camarades, tous ceux qui partagent notre conviction que le communisme est l'avenir de la société, aidez-nous, soutenez-nous, rejoignez-nous !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 30 mars 2009