Déclaration de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des Citoyens, sur la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite des Noirs et de l'esclavage en tant que crimes contre l'humanité, à l'Assemblée nationale le 18 février 1999.

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Circonstance : Examen de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite des Noirs et de l'esclavage en tant que crimes contre l'humanité, à l'Assemblée nationale le 18 février 1999

Texte intégral

L'examen d'une proposition de loi tendant à qualifier de crime contre l'humanité la déportation et l'exploitation massive de populations africaines est aujourd'hui opportune. Il ne s'agit pas d'un débat ordinaire. L'inscription de ces faits barbares dans la mémoire collective de la république est une façon d'approfondir et de renforcer la citoyenneté, en particulier chez ceux de nos concitoyens dont les ancêtres furent victimes du système esclavagiste. Dans ce cas, le caractère d'atteinte à la dignité humaine ne fait aucun doute car la traite et l'esclavage ne furent que la cruelle et terrible manifestation du préjugé inégalitaire qui avait cours alors. D'autre part, la France ne serait pas fidèle à son histoire i elle s'interdisait de faire référence à la situation actuelle dans certaines régions du monde, où si le mot "esclavage" est banni pas les textes internationaux, sa réalité économique parfois persiste.

Aujourd'hui que la République s'apprête à nommer et à reconnaître le crime, nous invitons plus que jamais nos compatriotes descendants d'esclaves à participer à la vie de la communauté. La République, si elle reconnaît désormais le crime contre l'humanité ne distingue pas plus qu'hier les citoyens selon leurs origines. Que serait cependant la citoyenneté sans la possibilité de l'exercer? Pourquoi voter ce texte si ce n'est aussi pour condamner les esclavagistes contemporains? Les deux questions ne font qu'une. Il y a encore des esclaves. L'actualité le montre, au Pakistan, au Soudan, ailleurs dans le monde.
Les responsables sont toujours les mêmes : la féodalité, la misère. Rien ne sert de s'insurger en paroles quand la quête forcenée du coût du travail le plus bas sert de mobile à l'exploitation dans les pays dont la main d'uvre est sous-payée. Une conception pleine et entière de la citoyenneté implique évidemment une dimension sociale. Le vote de ce texte inscrit dans la loi qu'au delà de la reconnaissance des faits historiques, la condamnation de l'esclavage vaut en tous temps et en tous lieux. Aujourd'hui, honorer la mémoire des victimes, être de notre temps, c'est permettre l'accès à la citoyenneté des jeunes, des 2 millions de jeunes français issus de l'immigration. C'est notre devoir d'homme, c'est notre devoir impératif de républicain.

(Source http://www.mdc-france.org, le 6 mars 2002)