Texte intégral
R. Duchemin.- La France sera donc finalement à Genève, vous nous le confirmez ce matin ?
Oui, il y a eu trois jours de débats très longs entre les 27, et puis, hier soir encore, je consultais le président de la République - hier soir très tard -, nous serons représentés à Genève. Certains pays, comme l'Allemagne, seront observateurs ; nous, nous serons représentés au niveau des ambassadeurs. Je vais vous dire pourquoi, si vous me le permettez...
Je vous en prie, c'était ma question...
Merci, alors j'y réponds : l'Union européenne devait être très ferme sur ce que l'on appelle les lignes rouges, c'est-à-dire, vous vous souvenez de la première conférence qui avait dérapé dans un antisémitisme, dans une dénonciation des critiques de la religion, etc.
Tout à fait.
Donc nous avons travaillé ce texte, qui était très mauvais au début, et maintenant il est acceptable : Israël n'est pas stigmatisé, la diffamation des religions ne relève pas du domaine des droits de l'homme, mais n'est pas mentionnée. Il y a la liberté d'expression qui est affirmée, et on fait même mention, comme si c'était un exploit, de l'holocauste. Mais ce document ne va pas assez loin, par exemple sur les discriminations à l'égard des homosexuels, et puis, il y a d'autres formes de discrimination à l'égard des femmes, des minorités, des migrants qui sont abordées quand même. Alors voilà...
D'où votre décision d'y aller. Pourquoi est-ce que l'Allemagne a dit non et que la France dit oui ? Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas ce front européen que vous appeliez de vos voeux ?
C'est vrai que nous y avons beaucoup travaillé, c'était même un travail acharné. L'Allemagne sera là, elle sera comme observateur. Je crois que c'est une grande victoire et d'autres pays, peut-être, rejoindront ce statut d'observateur. Mais en tout cas, quatre ou cinq pays ne seront pas représentés dans la salle. Nous avons essayé, nous avons beaucoup essayé. Hélas, on ne peut pas toujours gagner. Ils ont le souvenir de ce qui s'était passé en 2001, des dérives et des provocations. Mais il faudra être très clair : nous ne tolérerons aucun dérapage, aucune provocation. Si le Président Ahmadinejad profère, veut rouvrir le texte qui a été difficilement accepté, ou s'il profère des accusations racistes ou antisémites, nous quitterons la salle immédiatement.
Précisément, il a dit hier soir que l'idéologie et le régime sioniste étaient les porte-drapeaux du racisme, juste avant l'ouverture de ce sommet.
Eh bien s'il était intelligent, il ne répèterait pas cela dans la salle. S'il répète cela dans la salle, tous les ambassadeurs européens présents se lèveront et sortiront.
Qui va représenter la France ?
Notre ambassadeur auprès des organisations internationales de Genève, monsieur Mattei.
R. Yade a dit sur son blog que Paris ne tolérerait effectivement aucun dérapage verbal. A partir de quel moment est-ce qu'on peut considérer que M. Ahmadinejad dérape ? Est-ce que les propos que j'ai cités il y a quelques instants, s'ils sont réitérés...
Je viens de vous le dire madame, les blogs sont le reflet des états d'âme et des cris de colère. La position arrêtée par le président de la République et le ministère des Affaires étrangère est ce que je vous dis.
Concrètement, le Président iranien sera donc présent, le Président des Etats-Unis, lui, n'a pas jugé bon de faire représenter les Etats- Unis ; vous pensez qu'il aurait été plus simple, finalement, d'agir sur cette politique contre le racisme, en venant, en ayant une présence aussi des Etats-Unis, qui tentent de renouer le dialogue avec l'Iran ?
Je n'ai pas à juger de la présence ou de l'absence des Etats-Unis. Il y en a d'autres, il y a l'Australie, il y a le Canada, l'Italie, la Pologne - hier soir dans la nuit. Nous sommes très unis sur la lutte contre le racisme, la nécessaire lutte contre le racisme. Pour le reste, il y a eu des interprétations différentes en raison du scandale de 2001. Cela n'a pas été facile, nous avons essayé de maintenir l'Union européenne, cette unité de l'Union européenne n'est pas complète mais j'espère que les principaux pays seront là et qu'ils aient le statut d'observateur, ou surtout qu'ils soient en salle comme la France, nous serons très vigilants, nous ne tolèrerons aucun dérapage, aucune allusion, aucune grossièreté, aucune insulte.
Vous parliez justement de Durban 1 ; le risque, c'est effectivement que Durban 2 ne soit qu'une sorte qu'une sorte de chambre d'enregistrement. Le premier sommet avait été polémique ; beaucoup disent aujourd'hui que Durban 2 est mort-né ; partagez-vous cet avis ?
Non, je ne partage pas complètement cette opinion, d'abord parce que c'était les ONG et les manifestations secondaires qui avaient entaché Durban 1. Là, il n'y en aura pas. Il y en aura sûrement dans les rues, bien sûr, mais bon, on a le droit de faire ce que l'on veut dans les rues, sans violence. Mais le texte, je vous le dis, est bon, c'est un effort extraordinaire que nous avons accompli - je parle de l'Union européenne et de pays responsables - pour que nos lignes rouges, c'est-à-dire au-delà desquelles nous n'aurions pas participé, aient été prises en compte. Et je vous le dis, c'est quand même un document qui est bien meilleur, même s'il n'est pas parfait, même s'il ne reflète pas l'état actuel de nos avancées en matière de droit de l'homme, il n'est pas parfait mais il est acceptable, tout le monde le dit.
Deux questions d'actualité, sur la Turquie d'abord. Vous voyez dans 48 heures le négociateur en chef de la Turquie pour l'Union européenne ; vous avez dit que vous n'êtes pas contre l'entrée de la Turquie dans l'Union, vous avez fait valoir ce point de vue, je suppose, auprès de N. Sarkozy. Vous n'êtes visiblement pas sur la même longueur d'onde...
Vous savez, c'est un très grand débat, on ne va pas le faire en une minute. Certes... Moi, je pense que la Turquie est un pont vers les pays musulmans, vers le Moyen-Orient. J'ai été choqué - c'est un débat que j'ai eu avec le président de la République très souvent - par la manière dont ce débat s'était engagé et avait un peu pataugé au moment de la conférence de Strasbourg. J'ai pensé que la liberté d'expression était nécessaire, que le rappel des caricatures de Mahomet laissait mal augurer du débat. J'ai pensé aussi à la Turquie comme je l'aime, celle de la laïcité, celle du vote des femmes bien avant la France, etc. C'est un long débat mais franchement, la manière dont ils s'y sont pris m'a troublé.
Dernière question concernant S. Royal : vous lui dites quoi ce matin ? Faut-il qu'elle s'excuse de ces bêtises, comme le propose par exemple B. Hortefeux ?
On ne va pas faire les excuses des excuses des excuses des bêtises ! Qu'est-ce que c'est ! La politique internationale mérite mieux. Ce que je peux garantir, c'est que c'était une plaisanterie du Président, une façon de se moquer de ses interlocuteurs comme il le fait souvent. Mais surtout, ce que je peux garantir, cette nuit encore avec mon collègue des Affaires étrangères espagnol, M. Moratinos, il y a une très bonne entente, très, très bonne, une vraie camaraderie. Il y a peu de gens avec qui on s'entend si bien qu'avec les Espagnols. Depuis deux ans, nous avons toujours été sur les mêmes positions, monsieur Zapatero, M. Moratinos et le Président Sarkozy et moi-même.
Donc il n'y a pas d'affaire ?
Ce soir, je suis en Espagne à Cordoue pour une réunion qui se passera très bien. Dans la nuit, je parlais avec Miguel et la semaine prochaine, nous avons la réunion des deux gouvernements. Je vous assure, il n'y a pas l'ombre d'un nuage. Tout cela, franchement... Enfin, la politique telle que je l'imagine mérite mieux de la part de madame S. Royal, évidemment aussi.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 avril 2009
Oui, il y a eu trois jours de débats très longs entre les 27, et puis, hier soir encore, je consultais le président de la République - hier soir très tard -, nous serons représentés à Genève. Certains pays, comme l'Allemagne, seront observateurs ; nous, nous serons représentés au niveau des ambassadeurs. Je vais vous dire pourquoi, si vous me le permettez...
Je vous en prie, c'était ma question...
Merci, alors j'y réponds : l'Union européenne devait être très ferme sur ce que l'on appelle les lignes rouges, c'est-à-dire, vous vous souvenez de la première conférence qui avait dérapé dans un antisémitisme, dans une dénonciation des critiques de la religion, etc.
Tout à fait.
Donc nous avons travaillé ce texte, qui était très mauvais au début, et maintenant il est acceptable : Israël n'est pas stigmatisé, la diffamation des religions ne relève pas du domaine des droits de l'homme, mais n'est pas mentionnée. Il y a la liberté d'expression qui est affirmée, et on fait même mention, comme si c'était un exploit, de l'holocauste. Mais ce document ne va pas assez loin, par exemple sur les discriminations à l'égard des homosexuels, et puis, il y a d'autres formes de discrimination à l'égard des femmes, des minorités, des migrants qui sont abordées quand même. Alors voilà...
D'où votre décision d'y aller. Pourquoi est-ce que l'Allemagne a dit non et que la France dit oui ? Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas ce front européen que vous appeliez de vos voeux ?
C'est vrai que nous y avons beaucoup travaillé, c'était même un travail acharné. L'Allemagne sera là, elle sera comme observateur. Je crois que c'est une grande victoire et d'autres pays, peut-être, rejoindront ce statut d'observateur. Mais en tout cas, quatre ou cinq pays ne seront pas représentés dans la salle. Nous avons essayé, nous avons beaucoup essayé. Hélas, on ne peut pas toujours gagner. Ils ont le souvenir de ce qui s'était passé en 2001, des dérives et des provocations. Mais il faudra être très clair : nous ne tolérerons aucun dérapage, aucune provocation. Si le Président Ahmadinejad profère, veut rouvrir le texte qui a été difficilement accepté, ou s'il profère des accusations racistes ou antisémites, nous quitterons la salle immédiatement.
Précisément, il a dit hier soir que l'idéologie et le régime sioniste étaient les porte-drapeaux du racisme, juste avant l'ouverture de ce sommet.
Eh bien s'il était intelligent, il ne répèterait pas cela dans la salle. S'il répète cela dans la salle, tous les ambassadeurs européens présents se lèveront et sortiront.
Qui va représenter la France ?
Notre ambassadeur auprès des organisations internationales de Genève, monsieur Mattei.
R. Yade a dit sur son blog que Paris ne tolérerait effectivement aucun dérapage verbal. A partir de quel moment est-ce qu'on peut considérer que M. Ahmadinejad dérape ? Est-ce que les propos que j'ai cités il y a quelques instants, s'ils sont réitérés...
Je viens de vous le dire madame, les blogs sont le reflet des états d'âme et des cris de colère. La position arrêtée par le président de la République et le ministère des Affaires étrangère est ce que je vous dis.
Concrètement, le Président iranien sera donc présent, le Président des Etats-Unis, lui, n'a pas jugé bon de faire représenter les Etats- Unis ; vous pensez qu'il aurait été plus simple, finalement, d'agir sur cette politique contre le racisme, en venant, en ayant une présence aussi des Etats-Unis, qui tentent de renouer le dialogue avec l'Iran ?
Je n'ai pas à juger de la présence ou de l'absence des Etats-Unis. Il y en a d'autres, il y a l'Australie, il y a le Canada, l'Italie, la Pologne - hier soir dans la nuit. Nous sommes très unis sur la lutte contre le racisme, la nécessaire lutte contre le racisme. Pour le reste, il y a eu des interprétations différentes en raison du scandale de 2001. Cela n'a pas été facile, nous avons essayé de maintenir l'Union européenne, cette unité de l'Union européenne n'est pas complète mais j'espère que les principaux pays seront là et qu'ils aient le statut d'observateur, ou surtout qu'ils soient en salle comme la France, nous serons très vigilants, nous ne tolèrerons aucun dérapage, aucune allusion, aucune grossièreté, aucune insulte.
Vous parliez justement de Durban 1 ; le risque, c'est effectivement que Durban 2 ne soit qu'une sorte qu'une sorte de chambre d'enregistrement. Le premier sommet avait été polémique ; beaucoup disent aujourd'hui que Durban 2 est mort-né ; partagez-vous cet avis ?
Non, je ne partage pas complètement cette opinion, d'abord parce que c'était les ONG et les manifestations secondaires qui avaient entaché Durban 1. Là, il n'y en aura pas. Il y en aura sûrement dans les rues, bien sûr, mais bon, on a le droit de faire ce que l'on veut dans les rues, sans violence. Mais le texte, je vous le dis, est bon, c'est un effort extraordinaire que nous avons accompli - je parle de l'Union européenne et de pays responsables - pour que nos lignes rouges, c'est-à-dire au-delà desquelles nous n'aurions pas participé, aient été prises en compte. Et je vous le dis, c'est quand même un document qui est bien meilleur, même s'il n'est pas parfait, même s'il ne reflète pas l'état actuel de nos avancées en matière de droit de l'homme, il n'est pas parfait mais il est acceptable, tout le monde le dit.
Deux questions d'actualité, sur la Turquie d'abord. Vous voyez dans 48 heures le négociateur en chef de la Turquie pour l'Union européenne ; vous avez dit que vous n'êtes pas contre l'entrée de la Turquie dans l'Union, vous avez fait valoir ce point de vue, je suppose, auprès de N. Sarkozy. Vous n'êtes visiblement pas sur la même longueur d'onde...
Vous savez, c'est un très grand débat, on ne va pas le faire en une minute. Certes... Moi, je pense que la Turquie est un pont vers les pays musulmans, vers le Moyen-Orient. J'ai été choqué - c'est un débat que j'ai eu avec le président de la République très souvent - par la manière dont ce débat s'était engagé et avait un peu pataugé au moment de la conférence de Strasbourg. J'ai pensé que la liberté d'expression était nécessaire, que le rappel des caricatures de Mahomet laissait mal augurer du débat. J'ai pensé aussi à la Turquie comme je l'aime, celle de la laïcité, celle du vote des femmes bien avant la France, etc. C'est un long débat mais franchement, la manière dont ils s'y sont pris m'a troublé.
Dernière question concernant S. Royal : vous lui dites quoi ce matin ? Faut-il qu'elle s'excuse de ces bêtises, comme le propose par exemple B. Hortefeux ?
On ne va pas faire les excuses des excuses des excuses des bêtises ! Qu'est-ce que c'est ! La politique internationale mérite mieux. Ce que je peux garantir, c'est que c'était une plaisanterie du Président, une façon de se moquer de ses interlocuteurs comme il le fait souvent. Mais surtout, ce que je peux garantir, cette nuit encore avec mon collègue des Affaires étrangères espagnol, M. Moratinos, il y a une très bonne entente, très, très bonne, une vraie camaraderie. Il y a peu de gens avec qui on s'entend si bien qu'avec les Espagnols. Depuis deux ans, nous avons toujours été sur les mêmes positions, monsieur Zapatero, M. Moratinos et le Président Sarkozy et moi-même.
Donc il n'y a pas d'affaire ?
Ce soir, je suis en Espagne à Cordoue pour une réunion qui se passera très bien. Dans la nuit, je parlais avec Miguel et la semaine prochaine, nous avons la réunion des deux gouvernements. Je vous assure, il n'y a pas l'ombre d'un nuage. Tout cela, franchement... Enfin, la politique telle que je l'imagine mérite mieux de la part de madame S. Royal, évidemment aussi.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 avril 2009