Texte intégral
Je suis très heureux de cette journée et très heureux que le pari qui a été fait, c'est-à-dire de réunir la Convention « Agriculture et pêche » en vue des élections européennes en plein milieu du marais vendéen, à des kilomètres de toutes habitations, soit un pari réussi.
Je suis très heureux de votre présence : 300 à 400 personnes sont venues participer à cette rencontre et ont prouvé que c'était un pari gagnant. Je veux vous dire merci à vous d'avoir participé à cette journée.
Je veux ensuite dire merci, à mon tour, à tous les organisateurs... Peut-être, Marielle de Sarnez n'a pas encore été applaudie, elle mérite de l'être puisqu'elle a animé toute cette campagne, toute cette réunion et aussi bien sûr l'ensemble de la campagne européenne... Merci à tout le Mouvement départemental de Vendée qui a pris en charge une partie de l'organisation ; merci à tous ceux qui se sont exprimés, femmes et hommes de terrain, agricultrices et agriculteurs, et pêcheurs qui sont venus participer à cette rencontre avec nous ; merci aux responsables associatifs et syndicaux du monde de la pêche et du monde de l'agriculture ; et merci aux experts, aux agronomes et aux spécialistes de la pêche qui sont venus réfléchir avec nous tout au long de cet après-midi ; et merci au département de Loire-Atlantique.
Permettez-moi de dire un mot particulier sur ceux qui ont participé à la rencontre avec nous et qui vont conduire notre liste aux élections européennes.
Merci à Sylvie Goulard d'avoir été là, merci à Bruno Joncour d'avoir été là, merci à Elisabeth Delorme, à Laurent Gérault, ainsi qu'à tous les autres candidats sur la liste qui étaient là. Ils sont aussi dans mon esprit.
Les citoyens ont adopté l'Europe, aujourd'hui la veulent démocratique et transparente
Je voudrais commencer par un sentiment de surprise. On aurait pu aborder la plupart des questions que nous avons traitées il y a cinq ans. On l'a souvent fait, par exemple, avec Marcel Mazoyer. Il est vrai qu'il y a cinq ans, Frédéric, on n'aurait pas été loin d'avoir la même réflexion, mais il y a une chose que l'on n'aurait pas entendue, il y a cinq ans. C'est ce que les représentants des pêcheurs disent -j'ai pris la phrase entre guillemets- : « Nous sommes maintenant des Européens convaincus », et ce que l'ensemble des organisations agricoles qui étaient là demandent, c'est plus de pouvoir pour le Parlement européen.
Moi qui suis un militant européen depuis toujours, depuis mon premier engagement, je me suis dit que c'était un formidable changement des esprits, et pour moi ce formidable changement des esprits est relié à la crise, c'est-à-dire que la plupart, je crois l'immense majorité des citoyens français ont compris, et je crois que c'est vrai aussi ailleurs en Europe, que tous seuls on ne pouvait rien. C'est le premier enseignement, à savoir que le « chacun pour soi » ne marchait pas, et on voit bien que ce sont des phénomènes si universels qui balaient la planète que l'on ne peut y apporter que des réponses collectives et que, pour un pays comme la France, la clef de l'universel, c'est l'Europe. C'est le premier enseignement.
Il y en a une autre surprise que je vous demande de noter. C'est que les citoyens ont compris que, si l'Europe était nécessaire, si elle était vitale pour notre avenir, il fallait qu'elle vive une conversion profonde et qu'elle devienne démocratique, c'est-à-dire que ce n'est plus l'affaire des initiés, ce n'est plus l'affaire des experts, ce n'est même pas l'affaire des gouvernants. C'est l'affaire des citoyens et ce changement que, nous, nous allons porter dans cette élection, exige que toutes les décisions de l'Union soient l'objet d'un débat public avant d'être prises, et exige que les véritables décideurs se prononcent publiquement et non pas en secret.
C'est une exigence, que l'on a entendue tout au long de la journée, que les élus du peuple européen, les parlementaires européens prennent une part plus importante de la responsabilité des décisions. C'est une exigence que nous portons.
J'ai été très frappé, tout au long de la journée, par ce que les experts ont dit : on sait bien qu'en matière de pêche, par exemple, ce sont les ministres, c'est-à-dire les gouvernements -et pas les institutions européennes- les ministres et les gouvernements nationaux qui prennent la décision en faisant croire que c'est une décision européenne.
Je dis cela, en pensant à ce qui se passe dans les ports du Nord qui sont bloqués par les pêcheurs, notamment pour le quota de cabillauds. Ils savent bien, maintenant, que ce sont leurs gouvernants français qui ont signé la décision et que s'ils ne l'avaient pas signée, elle n'aurait pas été prise.
Il y a donc une exigence de transparence qui m'a paru être vitale, tout au long de cette journée.
* Le désarroi du monde agricole et du monde de la pêche
Deuxième sentiment : je suis très frappé, et vous aussi sans doute, par le sentiment d'abandon qui règne dans beaucoup de milieux de l'agriculture et de la pêche. Et c'est un sentiment, pour moi, extrêmement lourd.
Tout à l'heure, notre ami a dit qu'il n'y avait plus d'élus du monde agricole, mais il y en a encore quelques-uns parmi les Français qui sont nés dans le monde agricole dont les racines sont dans le monde agricole, dont l'enfance a été une enfance dans le monde agricole, qui en connaissent toutes les limites.
Moi aussi j'appartiens au monde agricole. La retraite de ma mère est de 638 euros par mois, elle a 92 ans, elle est dans un état de santé naturellement précaire. 638 euros par mois... Je voudrais que l'on me dise comment on peut vivre avec 638 euros par mois, quand on a travaillé toute sa vie, comme femme d'agriculteur, veuve, c'est-à-dire quand on a donné sa vie à cette activité-là. Comment pourrait-elle faire si elle était seule, au lieu d'être avec ses enfants ?
Ceci, c'est aussi une dimension de la réalité de l'agriculture à laquelle on ne pense pas ou sur laquelle on ne s'exprime pas.
Je veux rappeler que des promesses avaient été faites et c'est le moment de dire, ici, que ces promesses n'ont pas été respectées. Nous avons des exigences aussi en matière de respect des promesses, lorsqu'elles sont faites au moment, par exemple, des grandes élections.
Donc, je reviens à ce sentiment de désarroi. Ce n'est probablement pas le même dans le monde de la pêche et dans le monde agricole. Il y a des différences de sensibilité.
Je vais vous dire ce que je ressens dans le monde agricole. Ce sentiment de désarroi-là est beaucoup plus grave chez les agriculteurs de base que chez les responsables associatifs, syndicaux, parce que ces responsables se battent. Il y a un engagement et cet engagement est une manière de saisir l'avenir, de bâtir de l'optimisme, de s'investir. Je vous le dis, en tout cas, c'est comme cela parmi mes concitoyens, dans ma circonscription des Pyrénées-Atlantiques.
D'où vient ce très grand sentiment de désarroi ? Premièrement, de l'impression que, ne serait-ce qu'en regardant le compte en banque à la fin du mois, c'est de plus en plus dur, et deuxièmement du fait qu'il n'y a pas d'horizon.
Que disent la plupart des agriculteurs ? « Il me reste huit ans à faire avant la retraite. Je vais essayer de finir les huit ans, j'aurai remboursé mes emprunts et à ce moment-là, on verra... ». Ils ont le sentiment que c'est la fin de quelque chose.
C'est la première fois depuis que les siècles que les agriculteurs ont le sentiment, beaucoup d'entre eux, que c'est la fin de quelque chose. Avant, c'était la transmission de quelque chose. La fin était une renaissance. C'était un commencement. Maintenant, ils ont le sentiment que c'est la fin de quelque chose.
Pourquoi ont-ils ce sentiment ? C'est très étroitement lié aux discussions que nous avons eues, parce qu'on ne leur propose pas de modèle agricole, auquel on leur permette d'adhérer. Il y a un modèle qui est constamment démenti par la réalité, et les affirmations politiques sont en réalité le contraire de ce que l'on vit dans la réalité. Il n'y a pas d'horizon !
Il y a aussi, troisième facteur, quelque chose d'autre qui est un sentiment extrêmement douloureux de mise en accusation. Pendant des siècles, c'était les agriculteurs qui, aux yeux de leur entourage, de leurs concitoyens, étaient censés le mieux connaître et le mieux défendre la nature. Aujourd'hui, les agriculteurs ont le sentiment, pas seulement le sentiment d'ailleurs, ils savent qu'ils sont souvent mis en accusation, comme étant ceux qui ne connaîtraient pas et qui ne défendraient pas la nature. Passer du statut de défenseurs de la nature, de l'ordre naturel, au statut d'accusés d'être ceux qui ne respectent pas l'ordre naturel, c'est extrêmement douloureux pour le monde agricole.
Voilà un facteur supplémentaire et j'en ajoute un autre. Peut-être n'est-ce pas le même dans toutes les régions... Mais dimanche, un de mes anciens élèves est venu me voir. C'était un garçon tout à fait brillant. Il a fait le choix d'être agriculteur, il s'est lancé dans une exploitation agricole. Il est venu me voir et m'a dit : « Je viens vous parler. Il faut que je vous dise quelque chose. Je n'en peux plus de solitude. Autrefois, quand on était dans le champ, il y avait quelqu'un d'autre dans le champ voisin et, par-dessus la clôture, on pouvait parler et s'entraider. » Il est agriculteur tout près du chef-lieu, et dit-il : « Maintenant, il n'y a plus personne pour parler. Je passe toute la journée dans mon tracteur avec France culture ou France musique ou BFM, mais cela ne remplit pas une vie d'avoir une radio. »
Il m'a raconté les difficultés que l'on a quand on est agriculteur, avec une femme salariée. Parce qu'il dit : « Ma femme a prévu des vacances du 14 juillet au 1er août, mais moi je ne sais pas s'il fera beau entre le 14 juillet et le 1er août, si j'aurais fait mes foins ou pas, et si je n'ai pas fait mes foins je ne pourrai pas partir en vacances. Ce sera la troisième fois que je ne partirai pas. »
Ce sont des choses qui sont humaines. Ce n'est pas de la théorie politique. C'est quelque chose d'absolument vital pour le bien-être d'une population. Il y a là une des conséquences directes des phénomènes que l'on a décrits à la tribune et sur lesquels je reviendrai dans une seconde.
Au fond, ce malaise est le résultat d'une politique que l'on a affichée mais que l'on n'a pas respectée puisque, au fond, le tissu agricole est en train de se dissoudre complètement, et le nombre d'exploitations, comme vous le savez, est en train de chuter vertigineusement. Cette espèce de mutation, les agriculteurs la vivent très, très mal.
Ce sentiment de désarroi-là, c'est le résultat des politiques qui ont été suivies, depuis le début des années 1990. Le tournant, cela a été le début des années 1990, et je vais essayer de revenir sur ce sujet, pour tracer les axes de ce que, nous, nous allons défendre en matière de politique agricole et je dirai, ensuite, naturellement, en conclusion, quelques mots sur la pêche.
* Un monde en mutation qui a besoin d'une vision politique nouvelle et volontaire
Premièrement, nos élus au Parlement européen siégeront au Parlement avec la certitude que l'agriculture est un enjeu mondial, parce que l'équilibre de la planète dépend, comme cela a été admirablement et si souvent rappelé, de la situation des paysans du Tiers-monde.
Ce sont les paysans du Tiers-monde qui sont -si j'ose dire !- l'étalon-or de la pauvreté de la planète. Ce sont les paysans du Tiers-monde qui n'ont pas le niveau de vie élémentaire minimum, mais le plus bas que l'on puisse imaginer, pour pouvoir manger. Et c'est parce que les paysans du Tiers-monde, ce milliard de paysans actifs, donc, ces deux milliards de bouches à nourrir, ne réussissent pas à vendre leur production à des prix de subsistance que nous nous trouvons, en grande partie, dans la crise dans laquelle nous vivons.
Or, je le répète, il n'y a d'accès aux enjeux mondiaux pour un pays comme la France, que par une organisation de nations telle que l'Europe le permet. C'est donc avec la certitude que nous portons quelque chose d'essentiel pour le monde que nous siégerons au Parlement européen.
Deuxièmement, notre affirmation politique est celle-ci : lorsque l'on parle de politique agricole, on ne doit pas se contenter de parler de production agricole. Une politique agricole, c'est une politique qui pose la question de la production et des producteurs. Nous avons à poser la question des productions agricoles et celle des paysans.
Le but que nous nous fixons, c'est celui d'arrêter de voir le tissu agricole se défaire, se déliter et se dissoudre, pour défendre en effet un nombre de paysans et d'exploitations familiales suffisantes pour que la culture agricole de la France subsiste. Car si on laisse disparaître le nombre suffisant d'exploitations agricoles, alors on va avoir une conséquence, celle de créer de l'irréversible.
On ne peut plus revenir en arrière lorsque les exploitations ont disparu, parce qu'en même temps que les exploitations disparaissent, ce qui disparaît aussi c'est un savoir-faire, une culture, une présence, des habitudes, des gestes, des savoir-faire, dans la société, la commune dans laquelle on vit.
Cela est irréversible et nous avons donc le devoir d'y prendre garde. C'est ce qui fait une coupure à l'intérieur de l'Europe, entre deux visions de la politique agricole : entre d'un côté ceux qui ne s'intéressent qu'aux productions et donc qu'aux marchés, et de l'autre ceux qui s'intéressent aussi aux producteurs et donc à la défense du tissu agricole, et nous c'est là que nous serons.
Tous les élus qui sont avec nous, s'engagent autour de cette idée. Nous avons à défendre les exploitants et les exploitations autant que les productions. C'est la raison pour laquelle l'enjeu mondial et un enjeu de tissu agricole. Alors, nous nous prononçons clairement pour une orientation qui est, à mon sens, la seule défendable : c'est l'organisation des marchés et non pas l'abandon aux marchés.
Il y a deux options : ceux qui considèrent que l'on doit accepter l'abandon aux marchés, et ceux qui considèrent que l'on doit restaurer l'organisation des marchés, organisation qui, jusqu'à maintenant, était abandonnée depuis de nombreuses années. C'est là que nos élus se trouveront. C'est dans cette orientation qu'ils vont se battre.
Je voudrais dire pourquoi il faut défendre -comme vous l'avez dit Monsieur Limouzin- l'organisation des marchés. C'est parce que c'est le seul moyen d'avoir des prix rémunérateurs, sans avoir à faire appel aux contribuables pour obtenir des subventions compensatoires à la baisse des prix. Le seul moyen d'obtenir des prix convenables, d'avoir l'assurance de nourrir la population, c'est l'organisation des marchés.
Il faut voir les grands tournants historiques. Jusqu'à il y a cinq ans, l'affirmation que j'aurais faite devant vous en prononçant les mêmes phrases aurait été un voeu pieu, parce que... Je ne vais pas prendre la place de Marcel Mazoyer et faire un cours d'agronomie générale, mais je vais tout de même dire quelque chose :
Je reviens à cette réflexion générale, mais c'est une réflexion de très grande importance, à mes yeux... Si vous voulez avoir l'assurance de nourrir la population, et si la population consomme 100, vous ne pouvez pas programmer de produire 100, parce que si vous voulez être assuré d'avoir 100 dans vos greniers, il faut programmer de produire 120 ou 130 et pas 100, parce qu'il n'y a pas que des bonnes années. Il y a des aussi de mauvaises années, pour des raisons climatiques ou autres.
Jusqu'à maintenant, la question de l'organisation des marchés était donc empoisonnée par celle de la surproduction et c'était un cauchemar pour tous les gestionnaires politiques qui avaient à bâtir des politiques agricoles.
Que fait-on des surplus, notamment céréaliers ? Parce que les 20 ou 30 en plus, ce n'est pas dans la production de lait -on sait vaguement combien une vache produit de lait- mais en production de céréales. Là, vous ne pouvez pas garantir les résultats.
La question des surplus était une question invivable. Il fallait acheter les surplus, les stocker. On ne savait pas quoi en faire. Il fallait les bazarder dans les marchés. On était devant une situation impossible à gérer.
Depuis quelques années, à mon sens, cette question ne se pose plus car on a découvert qu'un certain nombre de productions agricoles pouvaient être utilisées, pour les surplus et pour les quantités que l'on voulait, de manière industrielle : agro-carburant, agro-industrie, demain biomasse comme vous l'avez très justement évoqué. On a devant nous, pour la première fois de l'histoire de l'humanité, la possibilité de gérer sans drame la question des surplus, notamment en matière céréalières, sans avoir à jeter, sans avoir à basculer des bennes dans les rivières. On a le moyen d'utiliser, pour le bénéfice de l'humanité, les surplus agricoles qui sont naturels, quand on veut garantir la sécurité alimentaire, d'une partie de l'humanité, en tout cas de notre partie de l'humanité.
Ceci est, pour moi, une révolution. Si l'on veut bien y réfléchir, on a désormais les instruments de la gestion. L'organisation des marchés, ce n'est donc plus désormais un rêve impossible à atteindre et qui coûte extrêmement cher. C'est une faculté qui nous est ouverte de manière à pouvoir garantir la sécurité alimentaire et les prix nécessaires pour les agriculteurs. Voilà le premier point.
Dans le même sens, deuxième élément... Je suis très fâché -je ne sais pas vous- contre la décision prise ou en gestation de mettre un terme aux quotas laitiers, parce que c'est toujours de l'organisation des marchés dont on parle.
Au début des années 80, j'étais au cabinet du ministre de l'agriculture de l'époque (cela ne nous rajeunit pas et lui non plus !)... Et, donc, je me souviens à quel point c'était révolutionnaire, les quotas laitiers, à quel point c'était sujet à émeutes presque, dans les campagnes. Heureusement que l'on a fait cela ! Cela a permis à un très grand nombre d'exploitations agricoles de vivre, de se transmettre, de se développer, notamment dans les zones les plus difficiles, je pense en particulier aux zones de montagne.
Abandonner l'organisation de la production que représentent les quotas laitiers avec garantie de survie pour les exploitations pour passer au marché, cela veut dire que vous rayez d'un trait de plume l'ensemble des petites exploitations laitières, notamment dans les zones les plus , et les zones les plus fragiles ce sont évidemment les zones de montagne.
On nous dit : « on donnera des compensations ». La vérité est que les compensations ne dureront pas et il se passera ce qui est arrivé dans d'autres secteurs : au bout d'un certain temps, les compensations deviennent des primes, des aides abusives. Les contribuables ont le sentiment qu'on les vole, en aidant la production et les exploitations.
Je considère que l'on doit se battre pour défendre la pérennité des exploitations que représente le système d'organisation de la production que l'on avait mis en place. Si c'est notre spécificité dans la campagne, cela le sera. Cela mérite qu'il y ait des gens qui se battent pour défendre les agriculteurs et pas seulement pour faire baisser les prix des produits, d'autant que, comme cela a été rappelé à très juste titre -par vous madame- la vérité est que les produits agricoles occupent une part assez faible dans le prix des produits alimentaires. Le prix de la matière première, c'est une part assez faible et il me semble que cela mérite que l'on défende des prix rémunérateurs par des systèmes d'organisation.
Je ne crois pas beaucoup à l'idée que les prix seront régulés à l'échelon international. En revanche, je crois à l'organisation des marchés qui s'autorégulent, et cela on l'a vu fonctionner depuis trente ans.
Je veux aller un peu plus loin sur une question qui a été posée, qui était celle de la spéculation sur les matières premières agricoles. J'ai entendu qu'on allait la supprimer. Je veux simplement alerter sur un point : les marchés à terme sont indispensables pour qu'un certain nombre de producteurs puissent vendre leurs récoltes avant que la récolte ne soit dans les silos. Vous avez donc besoin de marchés à terme, mais ces marchés à terme doivent être régulés pour éviter la spéculation.
Je pense que la régulation des marchés à terme -on en a beaucoup discuté avec Jean Peyrelevade encore cette semaine- est tout à fait accessible dès l'instant que l'on veut bien avoir une autorité internationale qui s'en occupe. On a fait une régulation des marchés à terme sur un certain nombre d'autres produits. Je pense qu'on peut ou que l'on devrait l'envisager aussi pour les produits agricoles afin d'éviter les pics et les effondrements que nous avons connus ces derniers temps. Donc, je suis pour la régulation des marchés à terme.
Je veux dire un mot de la question qui a été posée sur le « bio ». Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre chiffre. C'est vrai que la production « bio » représente une part faible de la production agricole totale. Je pense que c'est plutôt 3 pour cent, dans un pays comme la France, peut-être 2,8 pour cent ou quelque chose comme cela, mais pas 0,5.
Je veux attester de quelque chose qui me surprend : il y a dix ans, le « bio » c'était militant, c'était du militantisme et, parfois, dans les campagnes c'était regardé comme marginal.
Moi, je constate aujourd'hui que beaucoup d'agriculteurs conventionnels sont en train de se poser la question d'une conversion de leurs exploitations à des pratiques qui sont des pratiques d'un autre ordre, raisonnées pour les unes et, carrément « bio » pour les autres. Beaucoup d'entre eux affirment qu'ils ont trouvé un meilleur équilibre économique dans ces modes de production, alors qu'ils ne le trouvaient dans les modes de production antérieurs.
J'étais hier dans l'Ain. Pierre Cormorèche, un nom qui dira quelque chose à beaucoup d'entre vous, était un responsable agricole. Son frère Henri s'est mis à la production de blé « bio » et il parvient dans cette production à faire 60 quintaux à l'hectare, ce qui est stupéfiant pour quelqu'un qui vient de la pensée agricole traditionnelle ; et comme il perçoit environ 20 à 25 pour cent de plus, il trouve un rendement à son exploitation qu'il n'avait pas jusque-là parce que les intrants sont extrêmement limités -il met seulement des composts- et on se trouve dans une situation de production extrêmement changée.
Je crois -je veux le dire devant vous- que nous sommes devant une inflexion de la production agricole et que cette inflexion doit être accompagnée par la PAC et par les choix politiques nationaux. Il me semble qu'il y a, là, quelque chose de tout à fait positif et de tout à fait heureux pour les agriculteurs, pour les sols et pour l'équilibre économique.
Naturellement, je sais que cela ne se fait pas d'un coup de baguette magique, mais je voulais le dire devant vous pour que le « bio » ne soit plus dans la marginalité qui était celle dans laquelle il était enfermé jusque-là. Voilà pour les grands choix agricoles.
* L'Europe doit rééquilibrer le marché en permettant l'organisation des producteurs
Je partage ce sentiment qui a été exprimé à la tribune, selon lequel il y a un changement à apporter d'urgence à la législation européenne : il faut donner aux producteurs ou rendre aux producteurs le droit de s'organiser, d'agir et de se défendre pour rééquilibrer le rapport de force qui existe, par exemple, entre les grandes centrales d'achats et eux.
Je considère que la pénalité, la punition, l'amende de plusieurs dizaines de millions d'euros que l'on a voulu infliger aux organisations agricoles parce que pendant l'affaire de la vache folle elles ont organisé les producteurs pour essayer de maintenir des prix qui ne soient pas trop effondrés, cette menace est un scandale.
Je considère normal que les agriculteurs s'organisent. Il n'y a pas là atteinte à la concurrence, il y a un rééquilibrage nécessaire. Je demanderai à nos élus européens de défendre cette idée que l'organisation des producteurs est un rééquilibrage nécessaire à l'intérieur du grand rapport de forces qui est celui du marché européen.
(Applaudissements...)
* Réconcilier les pêcheurs et les scientifiques par la co-responsabilité avec la co-expertise
Je voudrais pour terminer aborder le sujet de la pêche, en exprimant plusieurs préoccupations et orientations. J'ai écouté attentivement les réactions, tous ces jours-ci, et notamment celles des pêcheurs, ceux qui sont sur les bateaux, des armateurs, leurs réactions aux problèmes que rencontrent les pêcheurs du nord de la France dans le blocage ou l'organisation du blocage des ports pour protester contre une politique de quotas qui ne leur paraissait pas juste.
Je suis frappé d'une chose : les pêcheurs ont exactement le même intérêt que les associations écologistes les plus en pointe dans la préservation des espèces. Ils savent bien que, s'ils veulent survivre, il faut que les poissons survivent aussi. Autrement le désert des mers qui pourrait selon certains savants être lui aussi irréversible, serait pour eux une condamnation à mort.
Quelle est la question ? La question, selon moi, c'est que l'expertise scientifique est extérieure à la profession. L'expertise scientifique, c'est d'autres que les professionnels, elle tombe d'en haut et les pêcheurs discutent cette expertise scientifique.
Moi je voudrais plaider devant vous pour une orientation qui sera celle de la co-expertise. Je considère que toute expertise scientifique dans un domaine aussi sensible que celui de la pêche -c'est d'ailleurs une idée que j'avais défendue autrefois pour la chasse- doit réunir des scientifiques désignés par les autorités politiques et des scientifiques désignés par les professionnels.
Scientifiques désignés par les pêcheurs et scientifiques désignés par l'organisation européenne doivent être co-responsables de l'expertise. À ce moment-là, il me semble que nous aurons une perception différente des décisions qui tombent d'en haut, notamment pour ce qui est de la gestion des quotas.
Deuxièmement, on a besoin de gestion et on a besoin de stabilité. C'est la raison pour laquelle je plaide, comme les organisations qui se sont exprimées dans ce but cet après-midi, pour des plans glissants par exemple sur cinq ans, avec des marges de fluctuation limitées, pour que chacun sache quel est son horizon.
Vous êtes un patron pêcheur, vous avez un bateau. Il est légitime que vous sachiez, à deux ou trois ans, quels sont vos espoirs de production. C'est une gestion plus raisonnée, c'est une gestion programmée dans le temps, et pas une gestion qui tombe comme un couperet.
J'ai été heureux d'entendre, et je trouve que c'est éloquent, l'idée que, par un simple changement de calendrier, on trouve une gestion des quotas qui soit une gestion plus... j'allais dire « durable », plus équilibrée, plus responsable, qui fasse que les quotas partant au 1er avril, l'adaptation se fasse sur les grandes pêches du premier trimestre de l'hiver et pas sur la pêche des petits artisans locaux.
Je trouve qu'il y a là une idée intéressante, qui ne coûte pas un centime d'euro, une idée simple comme tout. J'imagine qu'il doit y avoir de très gros intérêts derrière cette affaire-là, je ne suis pas tombé de la dernière pluie, mais je trouve intéressant et utile de défendre une gestion des quotas qui aillent du début du printemps au début du printemps et permettent ainsi une adaptation plus raisonnable.
Troisième orientation : je crois très intéressant, comme cela a été dit, que la politique de la pêche européenne soutienne des expériences avec des nouveaux moyens de propulsion notamment l'hydrogène, des piles à combustible, plutôt que simplement des moteurs qui consomment du combustible fossile et qui sont de surcroît extrêmement polluants parce qu'ils doivent être extrêmement puissants.
L'idée que l'on puisse équiper un certain nombre de bateaux de pêche avec des moteurs contemporains et même d'avant-garde soutenus par une politique d'expérimentation financée par la politique de la pêche européenne me paraît très bonne, parce qu'en effet il est absurde de vivre ce que nous sommes en train de vivre. On a eu des années de subventions pour construire des bateaux, et maintenant on est entrés dans des années avec exactement les mêmes subventions, exactement les mêmes montants, pour détruire les bateaux que l'on avait construits.
Ceci n'est pas équilibré, ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas de bon sens et ce n'est pas durable. On a là peut-être un moyen d'éviter cette idée.
Je termine avec la certitude exprimée par plusieurs de nos intervenants selon laquelle, dans ces sujets si sensibles, l'Europe a désormais, comme ils l'ont dit, besoin de devenir une démocratie équilibrée. La clef de cette démocratie équilibrée, ce sont les pouvoirs du Parlement européen sur les décisions de l'Europe, afin que les décisions de l'Europe ne soient pas seulement enfermées dans le dialogue entre Commission et gouvernements nationaux, comme elle l'est aujourd'hui, mais que les représentants des peuples européens prennent leur part de responsabilité dans la prise de décision au vu et au su des citoyens européens qui les ont élus.
Nous considérons que l'Europe aura trouvé son équilibre quand elle sera devenue démocratique. Et la clef de la démocratie c'est la transparence. Pour que désormais tous les citoyens en ouvrant leur journal ou en consultant Internet puissent savoir ce qui se prépare dans le cadre des institutions européennes, dans le cadre de la démocratie européenne à laquelle ils participent, et pour qu'ils puissent savoir ce que ceux qui les représentent votent, quels sont leurs choix, de quelle manière ils se prononcent lorsque c'est leur destin à eux qui est en jeu.
Désormais l'Europe ce sera, sauf drames, sauf crises, une partie très importante du destin de chacun d'entre nous, et donc c'est un droit que nous avons à défendre, le droit des citoyens à être informés des décisions qui son prises en leur nom.
Ainsi nous aurons retrouvé, reconstruit, l'orientation profonde qui est celle de cette famille politique à vouloir offrir aux citoyens et aux générations qui viennent un nouveau moyen pour bâtir elles-mêmes, pour participer elles-mêmes à la définition de leur propre destin.
L'Europe c'est cette vocation, et c'est celle que nous avons l'intention de défendre devant les citoyens.
Je suis heureux que nous ayons pu, par cette réflexion sur l'agriculture et la pêche, montrer que précisément dans les domaines les plus sensibles, il existait un autre chemin pour l'avenir de l'Europe et des citoyens français.
Merci beaucoup.
source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 17 avril 2009
Je suis très heureux de votre présence : 300 à 400 personnes sont venues participer à cette rencontre et ont prouvé que c'était un pari gagnant. Je veux vous dire merci à vous d'avoir participé à cette journée.
Je veux ensuite dire merci, à mon tour, à tous les organisateurs... Peut-être, Marielle de Sarnez n'a pas encore été applaudie, elle mérite de l'être puisqu'elle a animé toute cette campagne, toute cette réunion et aussi bien sûr l'ensemble de la campagne européenne... Merci à tout le Mouvement départemental de Vendée qui a pris en charge une partie de l'organisation ; merci à tous ceux qui se sont exprimés, femmes et hommes de terrain, agricultrices et agriculteurs, et pêcheurs qui sont venus participer à cette rencontre avec nous ; merci aux responsables associatifs et syndicaux du monde de la pêche et du monde de l'agriculture ; et merci aux experts, aux agronomes et aux spécialistes de la pêche qui sont venus réfléchir avec nous tout au long de cet après-midi ; et merci au département de Loire-Atlantique.
Permettez-moi de dire un mot particulier sur ceux qui ont participé à la rencontre avec nous et qui vont conduire notre liste aux élections européennes.
Merci à Sylvie Goulard d'avoir été là, merci à Bruno Joncour d'avoir été là, merci à Elisabeth Delorme, à Laurent Gérault, ainsi qu'à tous les autres candidats sur la liste qui étaient là. Ils sont aussi dans mon esprit.
Les citoyens ont adopté l'Europe, aujourd'hui la veulent démocratique et transparente
Je voudrais commencer par un sentiment de surprise. On aurait pu aborder la plupart des questions que nous avons traitées il y a cinq ans. On l'a souvent fait, par exemple, avec Marcel Mazoyer. Il est vrai qu'il y a cinq ans, Frédéric, on n'aurait pas été loin d'avoir la même réflexion, mais il y a une chose que l'on n'aurait pas entendue, il y a cinq ans. C'est ce que les représentants des pêcheurs disent -j'ai pris la phrase entre guillemets- : « Nous sommes maintenant des Européens convaincus », et ce que l'ensemble des organisations agricoles qui étaient là demandent, c'est plus de pouvoir pour le Parlement européen.
Moi qui suis un militant européen depuis toujours, depuis mon premier engagement, je me suis dit que c'était un formidable changement des esprits, et pour moi ce formidable changement des esprits est relié à la crise, c'est-à-dire que la plupart, je crois l'immense majorité des citoyens français ont compris, et je crois que c'est vrai aussi ailleurs en Europe, que tous seuls on ne pouvait rien. C'est le premier enseignement, à savoir que le « chacun pour soi » ne marchait pas, et on voit bien que ce sont des phénomènes si universels qui balaient la planète que l'on ne peut y apporter que des réponses collectives et que, pour un pays comme la France, la clef de l'universel, c'est l'Europe. C'est le premier enseignement.
Il y en a une autre surprise que je vous demande de noter. C'est que les citoyens ont compris que, si l'Europe était nécessaire, si elle était vitale pour notre avenir, il fallait qu'elle vive une conversion profonde et qu'elle devienne démocratique, c'est-à-dire que ce n'est plus l'affaire des initiés, ce n'est plus l'affaire des experts, ce n'est même pas l'affaire des gouvernants. C'est l'affaire des citoyens et ce changement que, nous, nous allons porter dans cette élection, exige que toutes les décisions de l'Union soient l'objet d'un débat public avant d'être prises, et exige que les véritables décideurs se prononcent publiquement et non pas en secret.
C'est une exigence, que l'on a entendue tout au long de la journée, que les élus du peuple européen, les parlementaires européens prennent une part plus importante de la responsabilité des décisions. C'est une exigence que nous portons.
J'ai été très frappé, tout au long de la journée, par ce que les experts ont dit : on sait bien qu'en matière de pêche, par exemple, ce sont les ministres, c'est-à-dire les gouvernements -et pas les institutions européennes- les ministres et les gouvernements nationaux qui prennent la décision en faisant croire que c'est une décision européenne.
Je dis cela, en pensant à ce qui se passe dans les ports du Nord qui sont bloqués par les pêcheurs, notamment pour le quota de cabillauds. Ils savent bien, maintenant, que ce sont leurs gouvernants français qui ont signé la décision et que s'ils ne l'avaient pas signée, elle n'aurait pas été prise.
Il y a donc une exigence de transparence qui m'a paru être vitale, tout au long de cette journée.
* Le désarroi du monde agricole et du monde de la pêche
Deuxième sentiment : je suis très frappé, et vous aussi sans doute, par le sentiment d'abandon qui règne dans beaucoup de milieux de l'agriculture et de la pêche. Et c'est un sentiment, pour moi, extrêmement lourd.
Tout à l'heure, notre ami a dit qu'il n'y avait plus d'élus du monde agricole, mais il y en a encore quelques-uns parmi les Français qui sont nés dans le monde agricole dont les racines sont dans le monde agricole, dont l'enfance a été une enfance dans le monde agricole, qui en connaissent toutes les limites.
Moi aussi j'appartiens au monde agricole. La retraite de ma mère est de 638 euros par mois, elle a 92 ans, elle est dans un état de santé naturellement précaire. 638 euros par mois... Je voudrais que l'on me dise comment on peut vivre avec 638 euros par mois, quand on a travaillé toute sa vie, comme femme d'agriculteur, veuve, c'est-à-dire quand on a donné sa vie à cette activité-là. Comment pourrait-elle faire si elle était seule, au lieu d'être avec ses enfants ?
Ceci, c'est aussi une dimension de la réalité de l'agriculture à laquelle on ne pense pas ou sur laquelle on ne s'exprime pas.
Je veux rappeler que des promesses avaient été faites et c'est le moment de dire, ici, que ces promesses n'ont pas été respectées. Nous avons des exigences aussi en matière de respect des promesses, lorsqu'elles sont faites au moment, par exemple, des grandes élections.
Donc, je reviens à ce sentiment de désarroi. Ce n'est probablement pas le même dans le monde de la pêche et dans le monde agricole. Il y a des différences de sensibilité.
Je vais vous dire ce que je ressens dans le monde agricole. Ce sentiment de désarroi-là est beaucoup plus grave chez les agriculteurs de base que chez les responsables associatifs, syndicaux, parce que ces responsables se battent. Il y a un engagement et cet engagement est une manière de saisir l'avenir, de bâtir de l'optimisme, de s'investir. Je vous le dis, en tout cas, c'est comme cela parmi mes concitoyens, dans ma circonscription des Pyrénées-Atlantiques.
D'où vient ce très grand sentiment de désarroi ? Premièrement, de l'impression que, ne serait-ce qu'en regardant le compte en banque à la fin du mois, c'est de plus en plus dur, et deuxièmement du fait qu'il n'y a pas d'horizon.
Que disent la plupart des agriculteurs ? « Il me reste huit ans à faire avant la retraite. Je vais essayer de finir les huit ans, j'aurai remboursé mes emprunts et à ce moment-là, on verra... ». Ils ont le sentiment que c'est la fin de quelque chose.
C'est la première fois depuis que les siècles que les agriculteurs ont le sentiment, beaucoup d'entre eux, que c'est la fin de quelque chose. Avant, c'était la transmission de quelque chose. La fin était une renaissance. C'était un commencement. Maintenant, ils ont le sentiment que c'est la fin de quelque chose.
Pourquoi ont-ils ce sentiment ? C'est très étroitement lié aux discussions que nous avons eues, parce qu'on ne leur propose pas de modèle agricole, auquel on leur permette d'adhérer. Il y a un modèle qui est constamment démenti par la réalité, et les affirmations politiques sont en réalité le contraire de ce que l'on vit dans la réalité. Il n'y a pas d'horizon !
Il y a aussi, troisième facteur, quelque chose d'autre qui est un sentiment extrêmement douloureux de mise en accusation. Pendant des siècles, c'était les agriculteurs qui, aux yeux de leur entourage, de leurs concitoyens, étaient censés le mieux connaître et le mieux défendre la nature. Aujourd'hui, les agriculteurs ont le sentiment, pas seulement le sentiment d'ailleurs, ils savent qu'ils sont souvent mis en accusation, comme étant ceux qui ne connaîtraient pas et qui ne défendraient pas la nature. Passer du statut de défenseurs de la nature, de l'ordre naturel, au statut d'accusés d'être ceux qui ne respectent pas l'ordre naturel, c'est extrêmement douloureux pour le monde agricole.
Voilà un facteur supplémentaire et j'en ajoute un autre. Peut-être n'est-ce pas le même dans toutes les régions... Mais dimanche, un de mes anciens élèves est venu me voir. C'était un garçon tout à fait brillant. Il a fait le choix d'être agriculteur, il s'est lancé dans une exploitation agricole. Il est venu me voir et m'a dit : « Je viens vous parler. Il faut que je vous dise quelque chose. Je n'en peux plus de solitude. Autrefois, quand on était dans le champ, il y avait quelqu'un d'autre dans le champ voisin et, par-dessus la clôture, on pouvait parler et s'entraider. » Il est agriculteur tout près du chef-lieu, et dit-il : « Maintenant, il n'y a plus personne pour parler. Je passe toute la journée dans mon tracteur avec France culture ou France musique ou BFM, mais cela ne remplit pas une vie d'avoir une radio. »
Il m'a raconté les difficultés que l'on a quand on est agriculteur, avec une femme salariée. Parce qu'il dit : « Ma femme a prévu des vacances du 14 juillet au 1er août, mais moi je ne sais pas s'il fera beau entre le 14 juillet et le 1er août, si j'aurais fait mes foins ou pas, et si je n'ai pas fait mes foins je ne pourrai pas partir en vacances. Ce sera la troisième fois que je ne partirai pas. »
Ce sont des choses qui sont humaines. Ce n'est pas de la théorie politique. C'est quelque chose d'absolument vital pour le bien-être d'une population. Il y a là une des conséquences directes des phénomènes que l'on a décrits à la tribune et sur lesquels je reviendrai dans une seconde.
Au fond, ce malaise est le résultat d'une politique que l'on a affichée mais que l'on n'a pas respectée puisque, au fond, le tissu agricole est en train de se dissoudre complètement, et le nombre d'exploitations, comme vous le savez, est en train de chuter vertigineusement. Cette espèce de mutation, les agriculteurs la vivent très, très mal.
Ce sentiment de désarroi-là, c'est le résultat des politiques qui ont été suivies, depuis le début des années 1990. Le tournant, cela a été le début des années 1990, et je vais essayer de revenir sur ce sujet, pour tracer les axes de ce que, nous, nous allons défendre en matière de politique agricole et je dirai, ensuite, naturellement, en conclusion, quelques mots sur la pêche.
* Un monde en mutation qui a besoin d'une vision politique nouvelle et volontaire
Premièrement, nos élus au Parlement européen siégeront au Parlement avec la certitude que l'agriculture est un enjeu mondial, parce que l'équilibre de la planète dépend, comme cela a été admirablement et si souvent rappelé, de la situation des paysans du Tiers-monde.
Ce sont les paysans du Tiers-monde qui sont -si j'ose dire !- l'étalon-or de la pauvreté de la planète. Ce sont les paysans du Tiers-monde qui n'ont pas le niveau de vie élémentaire minimum, mais le plus bas que l'on puisse imaginer, pour pouvoir manger. Et c'est parce que les paysans du Tiers-monde, ce milliard de paysans actifs, donc, ces deux milliards de bouches à nourrir, ne réussissent pas à vendre leur production à des prix de subsistance que nous nous trouvons, en grande partie, dans la crise dans laquelle nous vivons.
Or, je le répète, il n'y a d'accès aux enjeux mondiaux pour un pays comme la France, que par une organisation de nations telle que l'Europe le permet. C'est donc avec la certitude que nous portons quelque chose d'essentiel pour le monde que nous siégerons au Parlement européen.
Deuxièmement, notre affirmation politique est celle-ci : lorsque l'on parle de politique agricole, on ne doit pas se contenter de parler de production agricole. Une politique agricole, c'est une politique qui pose la question de la production et des producteurs. Nous avons à poser la question des productions agricoles et celle des paysans.
Le but que nous nous fixons, c'est celui d'arrêter de voir le tissu agricole se défaire, se déliter et se dissoudre, pour défendre en effet un nombre de paysans et d'exploitations familiales suffisantes pour que la culture agricole de la France subsiste. Car si on laisse disparaître le nombre suffisant d'exploitations agricoles, alors on va avoir une conséquence, celle de créer de l'irréversible.
On ne peut plus revenir en arrière lorsque les exploitations ont disparu, parce qu'en même temps que les exploitations disparaissent, ce qui disparaît aussi c'est un savoir-faire, une culture, une présence, des habitudes, des gestes, des savoir-faire, dans la société, la commune dans laquelle on vit.
Cela est irréversible et nous avons donc le devoir d'y prendre garde. C'est ce qui fait une coupure à l'intérieur de l'Europe, entre deux visions de la politique agricole : entre d'un côté ceux qui ne s'intéressent qu'aux productions et donc qu'aux marchés, et de l'autre ceux qui s'intéressent aussi aux producteurs et donc à la défense du tissu agricole, et nous c'est là que nous serons.
Tous les élus qui sont avec nous, s'engagent autour de cette idée. Nous avons à défendre les exploitants et les exploitations autant que les productions. C'est la raison pour laquelle l'enjeu mondial et un enjeu de tissu agricole. Alors, nous nous prononçons clairement pour une orientation qui est, à mon sens, la seule défendable : c'est l'organisation des marchés et non pas l'abandon aux marchés.
Il y a deux options : ceux qui considèrent que l'on doit accepter l'abandon aux marchés, et ceux qui considèrent que l'on doit restaurer l'organisation des marchés, organisation qui, jusqu'à maintenant, était abandonnée depuis de nombreuses années. C'est là que nos élus se trouveront. C'est dans cette orientation qu'ils vont se battre.
Je voudrais dire pourquoi il faut défendre -comme vous l'avez dit Monsieur Limouzin- l'organisation des marchés. C'est parce que c'est le seul moyen d'avoir des prix rémunérateurs, sans avoir à faire appel aux contribuables pour obtenir des subventions compensatoires à la baisse des prix. Le seul moyen d'obtenir des prix convenables, d'avoir l'assurance de nourrir la population, c'est l'organisation des marchés.
Il faut voir les grands tournants historiques. Jusqu'à il y a cinq ans, l'affirmation que j'aurais faite devant vous en prononçant les mêmes phrases aurait été un voeu pieu, parce que... Je ne vais pas prendre la place de Marcel Mazoyer et faire un cours d'agronomie générale, mais je vais tout de même dire quelque chose :
Je reviens à cette réflexion générale, mais c'est une réflexion de très grande importance, à mes yeux... Si vous voulez avoir l'assurance de nourrir la population, et si la population consomme 100, vous ne pouvez pas programmer de produire 100, parce que si vous voulez être assuré d'avoir 100 dans vos greniers, il faut programmer de produire 120 ou 130 et pas 100, parce qu'il n'y a pas que des bonnes années. Il y a des aussi de mauvaises années, pour des raisons climatiques ou autres.
Jusqu'à maintenant, la question de l'organisation des marchés était donc empoisonnée par celle de la surproduction et c'était un cauchemar pour tous les gestionnaires politiques qui avaient à bâtir des politiques agricoles.
Que fait-on des surplus, notamment céréaliers ? Parce que les 20 ou 30 en plus, ce n'est pas dans la production de lait -on sait vaguement combien une vache produit de lait- mais en production de céréales. Là, vous ne pouvez pas garantir les résultats.
La question des surplus était une question invivable. Il fallait acheter les surplus, les stocker. On ne savait pas quoi en faire. Il fallait les bazarder dans les marchés. On était devant une situation impossible à gérer.
Depuis quelques années, à mon sens, cette question ne se pose plus car on a découvert qu'un certain nombre de productions agricoles pouvaient être utilisées, pour les surplus et pour les quantités que l'on voulait, de manière industrielle : agro-carburant, agro-industrie, demain biomasse comme vous l'avez très justement évoqué. On a devant nous, pour la première fois de l'histoire de l'humanité, la possibilité de gérer sans drame la question des surplus, notamment en matière céréalières, sans avoir à jeter, sans avoir à basculer des bennes dans les rivières. On a le moyen d'utiliser, pour le bénéfice de l'humanité, les surplus agricoles qui sont naturels, quand on veut garantir la sécurité alimentaire, d'une partie de l'humanité, en tout cas de notre partie de l'humanité.
Ceci est, pour moi, une révolution. Si l'on veut bien y réfléchir, on a désormais les instruments de la gestion. L'organisation des marchés, ce n'est donc plus désormais un rêve impossible à atteindre et qui coûte extrêmement cher. C'est une faculté qui nous est ouverte de manière à pouvoir garantir la sécurité alimentaire et les prix nécessaires pour les agriculteurs. Voilà le premier point.
Dans le même sens, deuxième élément... Je suis très fâché -je ne sais pas vous- contre la décision prise ou en gestation de mettre un terme aux quotas laitiers, parce que c'est toujours de l'organisation des marchés dont on parle.
Au début des années 80, j'étais au cabinet du ministre de l'agriculture de l'époque (cela ne nous rajeunit pas et lui non plus !)... Et, donc, je me souviens à quel point c'était révolutionnaire, les quotas laitiers, à quel point c'était sujet à émeutes presque, dans les campagnes. Heureusement que l'on a fait cela ! Cela a permis à un très grand nombre d'exploitations agricoles de vivre, de se transmettre, de se développer, notamment dans les zones les plus difficiles, je pense en particulier aux zones de montagne.
Abandonner l'organisation de la production que représentent les quotas laitiers avec garantie de survie pour les exploitations pour passer au marché, cela veut dire que vous rayez d'un trait de plume l'ensemble des petites exploitations laitières, notamment dans les zones les plus , et les zones les plus fragiles ce sont évidemment les zones de montagne.
On nous dit : « on donnera des compensations ». La vérité est que les compensations ne dureront pas et il se passera ce qui est arrivé dans d'autres secteurs : au bout d'un certain temps, les compensations deviennent des primes, des aides abusives. Les contribuables ont le sentiment qu'on les vole, en aidant la production et les exploitations.
Je considère que l'on doit se battre pour défendre la pérennité des exploitations que représente le système d'organisation de la production que l'on avait mis en place. Si c'est notre spécificité dans la campagne, cela le sera. Cela mérite qu'il y ait des gens qui se battent pour défendre les agriculteurs et pas seulement pour faire baisser les prix des produits, d'autant que, comme cela a été rappelé à très juste titre -par vous madame- la vérité est que les produits agricoles occupent une part assez faible dans le prix des produits alimentaires. Le prix de la matière première, c'est une part assez faible et il me semble que cela mérite que l'on défende des prix rémunérateurs par des systèmes d'organisation.
Je ne crois pas beaucoup à l'idée que les prix seront régulés à l'échelon international. En revanche, je crois à l'organisation des marchés qui s'autorégulent, et cela on l'a vu fonctionner depuis trente ans.
Je veux aller un peu plus loin sur une question qui a été posée, qui était celle de la spéculation sur les matières premières agricoles. J'ai entendu qu'on allait la supprimer. Je veux simplement alerter sur un point : les marchés à terme sont indispensables pour qu'un certain nombre de producteurs puissent vendre leurs récoltes avant que la récolte ne soit dans les silos. Vous avez donc besoin de marchés à terme, mais ces marchés à terme doivent être régulés pour éviter la spéculation.
Je pense que la régulation des marchés à terme -on en a beaucoup discuté avec Jean Peyrelevade encore cette semaine- est tout à fait accessible dès l'instant que l'on veut bien avoir une autorité internationale qui s'en occupe. On a fait une régulation des marchés à terme sur un certain nombre d'autres produits. Je pense qu'on peut ou que l'on devrait l'envisager aussi pour les produits agricoles afin d'éviter les pics et les effondrements que nous avons connus ces derniers temps. Donc, je suis pour la régulation des marchés à terme.
Je veux dire un mot de la question qui a été posée sur le « bio ». Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre chiffre. C'est vrai que la production « bio » représente une part faible de la production agricole totale. Je pense que c'est plutôt 3 pour cent, dans un pays comme la France, peut-être 2,8 pour cent ou quelque chose comme cela, mais pas 0,5.
Je veux attester de quelque chose qui me surprend : il y a dix ans, le « bio » c'était militant, c'était du militantisme et, parfois, dans les campagnes c'était regardé comme marginal.
Moi, je constate aujourd'hui que beaucoup d'agriculteurs conventionnels sont en train de se poser la question d'une conversion de leurs exploitations à des pratiques qui sont des pratiques d'un autre ordre, raisonnées pour les unes et, carrément « bio » pour les autres. Beaucoup d'entre eux affirment qu'ils ont trouvé un meilleur équilibre économique dans ces modes de production, alors qu'ils ne le trouvaient dans les modes de production antérieurs.
J'étais hier dans l'Ain. Pierre Cormorèche, un nom qui dira quelque chose à beaucoup d'entre vous, était un responsable agricole. Son frère Henri s'est mis à la production de blé « bio » et il parvient dans cette production à faire 60 quintaux à l'hectare, ce qui est stupéfiant pour quelqu'un qui vient de la pensée agricole traditionnelle ; et comme il perçoit environ 20 à 25 pour cent de plus, il trouve un rendement à son exploitation qu'il n'avait pas jusque-là parce que les intrants sont extrêmement limités -il met seulement des composts- et on se trouve dans une situation de production extrêmement changée.
Je crois -je veux le dire devant vous- que nous sommes devant une inflexion de la production agricole et que cette inflexion doit être accompagnée par la PAC et par les choix politiques nationaux. Il me semble qu'il y a, là, quelque chose de tout à fait positif et de tout à fait heureux pour les agriculteurs, pour les sols et pour l'équilibre économique.
Naturellement, je sais que cela ne se fait pas d'un coup de baguette magique, mais je voulais le dire devant vous pour que le « bio » ne soit plus dans la marginalité qui était celle dans laquelle il était enfermé jusque-là. Voilà pour les grands choix agricoles.
* L'Europe doit rééquilibrer le marché en permettant l'organisation des producteurs
Je partage ce sentiment qui a été exprimé à la tribune, selon lequel il y a un changement à apporter d'urgence à la législation européenne : il faut donner aux producteurs ou rendre aux producteurs le droit de s'organiser, d'agir et de se défendre pour rééquilibrer le rapport de force qui existe, par exemple, entre les grandes centrales d'achats et eux.
Je considère que la pénalité, la punition, l'amende de plusieurs dizaines de millions d'euros que l'on a voulu infliger aux organisations agricoles parce que pendant l'affaire de la vache folle elles ont organisé les producteurs pour essayer de maintenir des prix qui ne soient pas trop effondrés, cette menace est un scandale.
Je considère normal que les agriculteurs s'organisent. Il n'y a pas là atteinte à la concurrence, il y a un rééquilibrage nécessaire. Je demanderai à nos élus européens de défendre cette idée que l'organisation des producteurs est un rééquilibrage nécessaire à l'intérieur du grand rapport de forces qui est celui du marché européen.
(Applaudissements...)
* Réconcilier les pêcheurs et les scientifiques par la co-responsabilité avec la co-expertise
Je voudrais pour terminer aborder le sujet de la pêche, en exprimant plusieurs préoccupations et orientations. J'ai écouté attentivement les réactions, tous ces jours-ci, et notamment celles des pêcheurs, ceux qui sont sur les bateaux, des armateurs, leurs réactions aux problèmes que rencontrent les pêcheurs du nord de la France dans le blocage ou l'organisation du blocage des ports pour protester contre une politique de quotas qui ne leur paraissait pas juste.
Je suis frappé d'une chose : les pêcheurs ont exactement le même intérêt que les associations écologistes les plus en pointe dans la préservation des espèces. Ils savent bien que, s'ils veulent survivre, il faut que les poissons survivent aussi. Autrement le désert des mers qui pourrait selon certains savants être lui aussi irréversible, serait pour eux une condamnation à mort.
Quelle est la question ? La question, selon moi, c'est que l'expertise scientifique est extérieure à la profession. L'expertise scientifique, c'est d'autres que les professionnels, elle tombe d'en haut et les pêcheurs discutent cette expertise scientifique.
Moi je voudrais plaider devant vous pour une orientation qui sera celle de la co-expertise. Je considère que toute expertise scientifique dans un domaine aussi sensible que celui de la pêche -c'est d'ailleurs une idée que j'avais défendue autrefois pour la chasse- doit réunir des scientifiques désignés par les autorités politiques et des scientifiques désignés par les professionnels.
Scientifiques désignés par les pêcheurs et scientifiques désignés par l'organisation européenne doivent être co-responsables de l'expertise. À ce moment-là, il me semble que nous aurons une perception différente des décisions qui tombent d'en haut, notamment pour ce qui est de la gestion des quotas.
Deuxièmement, on a besoin de gestion et on a besoin de stabilité. C'est la raison pour laquelle je plaide, comme les organisations qui se sont exprimées dans ce but cet après-midi, pour des plans glissants par exemple sur cinq ans, avec des marges de fluctuation limitées, pour que chacun sache quel est son horizon.
Vous êtes un patron pêcheur, vous avez un bateau. Il est légitime que vous sachiez, à deux ou trois ans, quels sont vos espoirs de production. C'est une gestion plus raisonnée, c'est une gestion programmée dans le temps, et pas une gestion qui tombe comme un couperet.
J'ai été heureux d'entendre, et je trouve que c'est éloquent, l'idée que, par un simple changement de calendrier, on trouve une gestion des quotas qui soit une gestion plus... j'allais dire « durable », plus équilibrée, plus responsable, qui fasse que les quotas partant au 1er avril, l'adaptation se fasse sur les grandes pêches du premier trimestre de l'hiver et pas sur la pêche des petits artisans locaux.
Je trouve qu'il y a là une idée intéressante, qui ne coûte pas un centime d'euro, une idée simple comme tout. J'imagine qu'il doit y avoir de très gros intérêts derrière cette affaire-là, je ne suis pas tombé de la dernière pluie, mais je trouve intéressant et utile de défendre une gestion des quotas qui aillent du début du printemps au début du printemps et permettent ainsi une adaptation plus raisonnable.
Troisième orientation : je crois très intéressant, comme cela a été dit, que la politique de la pêche européenne soutienne des expériences avec des nouveaux moyens de propulsion notamment l'hydrogène, des piles à combustible, plutôt que simplement des moteurs qui consomment du combustible fossile et qui sont de surcroît extrêmement polluants parce qu'ils doivent être extrêmement puissants.
L'idée que l'on puisse équiper un certain nombre de bateaux de pêche avec des moteurs contemporains et même d'avant-garde soutenus par une politique d'expérimentation financée par la politique de la pêche européenne me paraît très bonne, parce qu'en effet il est absurde de vivre ce que nous sommes en train de vivre. On a eu des années de subventions pour construire des bateaux, et maintenant on est entrés dans des années avec exactement les mêmes subventions, exactement les mêmes montants, pour détruire les bateaux que l'on avait construits.
Ceci n'est pas équilibré, ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas de bon sens et ce n'est pas durable. On a là peut-être un moyen d'éviter cette idée.
Je termine avec la certitude exprimée par plusieurs de nos intervenants selon laquelle, dans ces sujets si sensibles, l'Europe a désormais, comme ils l'ont dit, besoin de devenir une démocratie équilibrée. La clef de cette démocratie équilibrée, ce sont les pouvoirs du Parlement européen sur les décisions de l'Europe, afin que les décisions de l'Europe ne soient pas seulement enfermées dans le dialogue entre Commission et gouvernements nationaux, comme elle l'est aujourd'hui, mais que les représentants des peuples européens prennent leur part de responsabilité dans la prise de décision au vu et au su des citoyens européens qui les ont élus.
Nous considérons que l'Europe aura trouvé son équilibre quand elle sera devenue démocratique. Et la clef de la démocratie c'est la transparence. Pour que désormais tous les citoyens en ouvrant leur journal ou en consultant Internet puissent savoir ce qui se prépare dans le cadre des institutions européennes, dans le cadre de la démocratie européenne à laquelle ils participent, et pour qu'ils puissent savoir ce que ceux qui les représentent votent, quels sont leurs choix, de quelle manière ils se prononcent lorsque c'est leur destin à eux qui est en jeu.
Désormais l'Europe ce sera, sauf drames, sauf crises, une partie très importante du destin de chacun d'entre nous, et donc c'est un droit que nous avons à défendre, le droit des citoyens à être informés des décisions qui son prises en leur nom.
Ainsi nous aurons retrouvé, reconstruit, l'orientation profonde qui est celle de cette famille politique à vouloir offrir aux citoyens et aux générations qui viennent un nouveau moyen pour bâtir elles-mêmes, pour participer elles-mêmes à la définition de leur propre destin.
L'Europe c'est cette vocation, et c'est celle que nous avons l'intention de défendre devant les citoyens.
Je suis heureux que nous ayons pu, par cette réflexion sur l'agriculture et la pêche, montrer que précisément dans les domaines les plus sensibles, il existait un autre chemin pour l'avenir de l'Europe et des citoyens français.
Merci beaucoup.
source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 17 avril 2009