Déclaration de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur la fréquentation de la haute montagne, le développement du tourisme en moyenne montagne et sur la situation des travailleurs saisonniers, Paris le 19 mars 1999.

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Circonstance : Conseil national de la montagne le 19 mars 1999

Texte intégral

Monsieur le Député Maire
Madame la Ministre
Messieurs les Ministres
Mesdames et Messieurs les parlementaires
I - Comment réagir au bilan qui vient d'être dressé par l'Instance d'évaluation de la Montagne
Je ne reviendrai pas sur ce qui vient d'être dit par M. BAZIN quant au rôle prépondérant joué par le tourisme dans l'aménagement de la montagne et sur tout ce qu'il a pu entraîner, et continue de générer en terme de retombées économiques. J'ajouterai deux chiffres le tourisme en montagne représente 15 % du tourisme français et génère 120 mille emplois.
Nous savons ce que le développement des loisirs a offert à la vie de nos régions montagnardes, notamment grâce à la démocratisation des sports d'hivers et à l'accès d'un plus grand nombre de nos concitoyens aux vacances et aux loisirs.
Le rapport de l'Instance d'Evaluation de la Politique de la Montagne le décrit très bien cela vient d'être rappelé.
Mais c'est sur la fracture qu'il décrit entre les grandes stations de haute montagne, qui vivent principalement autour des sports d'hiver, et les plus petites, sur lesquelles on a peut-être, un peu trop rapidement, tenté de plaquer des modèles, que j'aimerai réagir. Ainsi que sur l'effort à faire pour faire vivre la montagne autant en été qu'en hiver, en toutes saisons.
Un écart important s'est creusé qu'il me semble essentiel de bien analyser, car je suis vraiment de celles et de ceux qui pensent qu'en matière d'attraits touristiques, la France a tout à gagner à valoriser l'ensemble de ses massifs.
Pour cela, il faut regarder la réalité en face. Reconnaître, notamment, que la Montagne n'est pas un bloc. Qu'elle n'est pas uniforme.
II - Les enseignements sur la Haute Montagne
Ainsi, ces grandes stations que j'évoquais à l'instant ont parfaitement su tirer partie de leurs atouts, en drainant d'importants moyens en terme d'investissements, et en bénéficiant de l'aide de l'État à travers une politique d'aménagement touristique volontariste et originale, que je veux saluer.
Car si les procédures prévues par la loi et la politique d'aménagement n'ont pas toujours permis de contrôler totalement l'urbanisation de ces sites, je crois qu'elles ont au moins permis de contenir la pression exercée.
Comme le souligne le rapport, dans ces stations, nous avons, aujourd'hui, atteint les limites de ce qui était à la fois nécessaire et faisable en matière d'équipement et d'aménagement. Et ce d'autant plus que, le marché est arrivé à maturité et qu'on assiste à une relative stabilisation de la fréquentation.
Il faut continuer à soutenir et conforter la démarche touristique de ces stations, même s'il est nécessaire de revoir les priorités de la politique qui a été jusqu'à présent initiée.
Ainsi, dans ces zones de haute montagne, la priorité semble davantage être le renouvellement des équipements, et particulièrement la réhabilitation du parc immobilier de loisirs, qui a beaucoup vieilli et ne correspond plus forcément aux nouvelles exigences de la clientèle.
J'ai d'ailleurs proposé, l'an dernier, de mettre en place un nouveau dispositif, adopté dans la loi de Finances initiale. Il s'agit, vous le savez, à travers le concept des "Villages Résidentiel de Tourisme", d'inciter les propriétaires à améliorer la qualité et la mise en marché de leurs hébergements, en leur permettant de récupérer la T.V.A sur les travaux qu'ils entreprennent.
Mais au-delà de la nécessaire rénovation de ce patrimoine immobilier, je trouve que ce rapport doit aussi nous amener à réfléchir à préserver un certain équilibre.
Je crois, en effet, qu'il nous faut être extrêmement attentifs à ne pas trop focaliser sur la clientèle étrangère. Clientèle que je soutiens, bien entendu, au travers des campagnes de promotion menées à l'étranger par Maison de la France. Mais il faut bien être conscient que c'est une clientèle plus volatile par essence, et souvent dépendante pour les pays lointains, de la politique des grands TO étrangers.
Prenons garde, en effet, à ne pas se couper de ce qui constitue le socle même de notre fréquentation touristique : la fréquentation française.
Je crois qu'il y a là un véritable enjeu. Le besoin de réfléchir, au-delà de tout ce qui peut être entrepris pour améliorer la qualité de l'offre touristique, par des offres adaptées à des publics qui n'ont pas toujours les moyens dont disposent les clientèles étrangères là aussi est une affaire d'équilibre.
Je pense, par exemple, à la jeunesse, pour qui la destination montagne pose vraiment un problème. Toutes les enquêtes et études menées montrent, en effet, un tassement de la fréquentation des jeunes pour cette destination de vacances, quand dans le même temps on observe un vieillissement relatif de la population la fréquentant.
Pourtant, il ne faut pas oublier que les jeunes d'aujourd'hui sont les touristes de demain. Si nous ne faisons pas suffisamment maintenant pour leur rendre la montagne plus accessible, rien ne nous assure qu'ils aient, plus tard, envie de la découvrir.
C'est pourquoi je voudrai vous inviter à réfléchir à une politique volontariste d'accueil des enfants et des jeunes, comme cela s'est pratiqué dans le passé, en facilitant ou en confortant le travail des organismes de vacances de jeunes qu'il soit associatif ou privé, ou en leur proposant des produits adaptés et économiquement accessibles, pour leur budget ou celui de leurs parents.
Vous savez d'ailleurs, que j'ai souhaité, avec mon ami Louis BESSON, que les Journées de la Montagne, organisées en Juin, à Chambéry, le soient sur ce thème.
III - Les enseignements sur "l'autre montagne"
L'autre enseignement que je tire de ce rapport, c'est l'urgence de se tourner vers ce que j'appellerai "l'autre montagne", celle qui ne bénéficie pas du même niveau d'enneigement et qui n'a pas - comme je le disais tout à l'heure - pu bénéficier de la politique d'aménagement de la montagne qui a, jusqu'à présent, été menée.
Ces zones - où il existe à mon avis un tourisme plus diffus, plus proche du concept de tourisme rural, diversifié selon les massifs ne disposent pas des mêmes atouts pour développer de manière durable un tourisme de sports d'hiver.
Bien entendu, l'État, pas plus que les élus concernés, ne sont restés indifférents à ces situations. Des politiques de soutien et d'accompagnement ont été menées pour favoriser le développement de l'activité touristique et soutenir les initiatives locales.
En tout cas, j'ai le sentiment que la moyenne montagne, dont les atouts naturels, patrimoniaux, sociaux et culturels, sont au moins aussi attractifs que ceux des stations de haute altitude, devraient pouvoir bénéficier de moyens appropriés pour valoriser davantage la richesse et la diversité de ce qu'elle peut offrir à ses visiteurs.
Sachez que, pour moi, c'est une vraie préoccupation. Je souhaite activement m'engager dans un travail avec les différents acteurs, pour développer, dans ces zones, une offre touristique qui soit véritablement complémentaire à l'offre existante dans les autres massifs.
Si je souhaite d'autant plus le faire, c'est que je sais , mais vous le savez aussi - qu'il y a là un fort potentiel pour répondre à la nouvelle demande qui émerge. En effet, les comportements touristiques de nos concitoyens évoluent aujourd'hui. Ils préfèrent partir moins longtemps et plus souvent.
Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à s'inscrire dans une démarche à mi-chemin entre le besoin de détente, de découverte, de liberté, et l'envie de découvrir des populations, des traditions, des cultures différentes.
Cela devrait nous rendre plutôt confiants dans tout ce que l'on peut imaginer pour développer ces territoires, en tirant l'expérience du passé, et en nous attachant, cette fois davantage, à valoriser l'identité locale, qu'elle soit naturelle, patrimoniale ou culturelle.
De la même manière, les communes de montagne, comme d'ailleurs toutes celles qui bénéficient d'atouts pour développer une activité thermale doivent, à mon sens, être aujourd'hui davantage soutenues pour valoriser ce potentiel.
IV - Un mot sur les saisonniers
Vous me permettrez, pour finir, de dire quelques mots sur l'emploi en montagne, et en particulier sur la situation des travailleurs saisonniers, car, de mon point de vue, il est impossible de renforcer la qualité de notre offre touristique, sans tenir compte du fait qu'elle est intrinsèquement liée aux hommes et femmes qui uvrent dans ce secteur.
C'est de leur formation, de leur qualification professionnelle et de leurs conditions de travail que dépend la qualité des services rendus.
Or le rapport que vient de réaliser, à ma demande et à celle de ma collègue Martine AUBRY, Monsieur Anicet LE PORS, montre bien que la situation faite aux travailleurs saisonniers du tourisme - qui sont très nombreux en montagne, et représentent, en France, quasiment la moitié des salariés du Tourisme - est loin d'être satisfaisante.
Il y a deux jours, j'ai personnellement réuni les préfets des régions et des départements les plus concernés pour étudier avec eux les mesures pouvant être mises en uvre, à partir des propositions que m'a remises Monsieur LE PORS.
Mais je voudrai profiter du débat que nous allons avoir pour inviter les élus de la montagne, qui ne l'auraient pas déjà fait, à prendre toute leur place dans la réflexion que nous avons engagée pour remédier rapidement à cette situation pénalisante pour tous.
Sur cette question, comme sur toutes autres, j'espère que les travaux de cette journée, nous permettront de renforcer la complémentarité des actions de l'État et des représentants de la montagne que vous êtes, pour améliorer ainsi la situation économique de l'ensemble des massifs, en poursuivant leur développement et tâchant de mieux répartir, sur le territoire et tout au long de l'année, votre activité touristique de la montagne. La politique des contrats e plan devra permettre de favoriser l'action des acteurs du tourisme sur les zones de montagne avec l'appui actif, j'en suis sûre, de la DATAR.
(Source http://www.tourisme.gouv.fr, le 06 avril 1999)