Déclaration de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur les mesures prises en faveur des économies d'énergie dans le secteur de l'artisanat du bâtiment, Paris le 17 avril 2009.

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Circonstance : Assemblée générale de l'artisanat du bâtiment à Paris le 17 avril 2009, sur

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Jean LARDIN disait qu'il était content de me voir ici à propos de l'éco-prêt à taux zéro, la raison principale de ma venue. Ce n'est pas vrai. La raison de ma venue, ce sont les combats que l'on a menés ensemble et le fait que j'aie toujours pu compter sur la CAPEB. Je me permets de rappeler les programmes de rénovation urbaine, de logements, nous avons fait 80 % d'augmentation de création de logements et de rénovation en France. Tous ces combat ne sont possibles que parce qu'il y a dans ce secteur des partenaires professionnels fiables, qui ont une parole, qui ne font pas du corporatisme imbécile, qui expliquent les problématiques et, surtout, qui dressent des perspectives d'avenir.
Je voulais d'abord vous remercier pour ce que nous avions fait pendant trois ou quatre ans, avant d'attaquer ce chantier de thermique du bâtiment. Nous avons eu cinq belles années dans nos secteurs et nous vous le devons largement.
Nous sommes sur une autre bataille aujourd'hui. Je regardais la tribune tout à l'heure et je me disais que ce sont toujours les mêmes qui sont à l'avant-garde.
Permettez-moi de remercier la CAPEB comme acteur du Grenelle. Le Grenelle n'a pas été simplement un accord entre les personnes, cela a été des programmes élaborés en commun. Et la CAPEB a été un acteur présent, il y a des milliers d'heures de travail, pour expliquer, proposer, comprendre la position des uns et des autres.
Je vois dans cette salle des personnes que je veux remercier sincèrement, saluer et applaudir. Evidemment le Président, cela va sans dire. Pour la CAPEB, Jean-Marie CARTON et Alain CHOUGIAT, qui ont honoré ce travail particulier. Je ne vais pas citer tous les représentants, tous les dirigeants de la CAPEB, mais ceux qui étaient là au quotidien avec nous. Evidemment, Dany BOURDEAUX, qui m'a beaucoup reproché de lui avoir gâché ses vacances quand elle était rapporteur d'un texte sur le logement et la cohésion sociale au Conseil économique et social, et qui a été en toutes circonstances un partenaire extraordinaire.
Alain GRISET, que j'ai vu tout à l'heure. Puis ceux qui nous ont, à certains moments, apporté de l'âme, redonné le moral ou ont eu des initiatives, je pense à la Fondation Nicolas Hulot, au Pacte écologique - peu importe comment on l'appelle -, le comité scientifique de la fondation. Celui qui, parmi eux, a le plus marqué ce pacte sur ces sujets, c'est Alain GRANDJEAN, que vous avez invité.
S'il n'y avait pas eu toute cette mobilisation préalable, je pense que le Grenelle aurait pu être autre chose que ce qu'il est.
Et Hélène JOURDA. Je me souviens du moment où j'étais un peu perdu entre des opinions diverses et variées d'un certain nombre de professionnels. Elle qui est une architecte connaissant plusieurs cultures, outre-Rhin notamment, est venue avec un certain nombre de professionnels du bâtiment nous expliquer que c'était vraiment possible, que l'on pouvait vraiment le faire, que c'était la seule voie. Et un rapport extrêmement dense qu'elle a bien voulu nous fournir nous a largement aidés à bâtir ce programme.
Ce programme, quel est-il ?
Philippe PELLETIER ou Hélène JOURDA disait tout à l'heure : « La France est un drôle de pays qui, pendant des années, peut ne pas s'occuper d'un sujet, peut prendre un retard considérable et, tout d'un coup, devenir d'une performance et d'une rapidité tout à fait extraordinaires. »
Ce qui est en train de se passer actuellement dans le domaine de l'industrie, dans le domaine du bâtiment, dans le domaine de l'urbanisme, dans le domaine de l'éco-conception des produits, dans le domaine de l'acte d'achat des différents citoyens, est absolument extraordinaire. La France est aujourd'hui le pays qui connaît un mouvement le plus rapide sur ces sujets et sur le point qui nous intéresse particulièrement du bâtiment et de vos métiers.
Nous sommes dans un pays au climat assez tempéré, avec une énergie peu chère, avec une autonomie énergétique, avec un service public devenu entreprise publique qui fonctionnait plutôt bien, ce n'était pas un enjeu aussi important que dans des pays à choc thermique extrêmement important.
Puis la France s'est mise en mouvement dans ce domaine.
Vous êtes aujourd'hui l'une des armées les plus importantes dans cette bataille significative. J'en suis absolument convaincu.
Le bâtiment représente 42 % de l'énergie utilisée dans notre pays, il représente une part très significative des émissions de CO2. Inévitablement, le type d'énergie connue continuera à croître au-delà des aspects conjoncturels, Alain GRANDJEAN le disait tout à l'heure, si j'ai bien compris, avant que je n'arrive, et il a évidemment raison.
Une des phrases qui m'a le plus frappé hier à Gif-sur-Yvette, en discutant avec les premiers signataires de l'éco-prêt à taux zéro, a été : « Pourquoi ne l'avons-nous pas fait il y a 20 ans ? Quelles économies aurions-nous réalisées, quelle qualité sonore aurions-nous obtenue ! » C'est une
chose absolument évidente.
Deuxième point qui m'a frappé, les premiers signataires - peut-être est-ce l'effet du hasard, ce sont peut-être ceux qui étaient les plus concernés -, étaient en moyenne entre 600 et 900 kilowattheures du mètre carré. On est très loin des normes, même médiocres, du neuf des dernières années. Il y a aujourd'hui sur le territoire national, notamment dans le pavillonnaire mais pas seulement, des situations de passoires thermiques absolument extravagantes, pour lesquelles les gains de pouvoir d'achat pour les compatriotes peuvent être tout à fait élevés et développés.
Le troisième point qui m'a beaucoup marqué hier, c'est au fond, qui va être le tiers de confiance ?
C'est là, Président, que cette bataille est cruciale. Je rappelle les enjeux : pour améliorer les logements existants dans le cadre du Grenelle (propriétaires, bailleurs ou occupants), c'est un enjeu de 600 milliard d'euros. Pour les bâtiments publics qui démarrent l'année prochaine, c'est 400 milliards d'euros. Tel est l'enjeu en chiffre d'affaires, en activité et en emploi.
La grande question est : je suis seul, ou en famille, je veux faire des travaux, à qui dois-je m'adresser pour trouver les plus efficaces, les moins chers possible, les plus durables et de la meilleure qualité ? C'est un point absolument crucial.
C'est là que le rôle de la CAPEB, le rôle de l'autre grande fédération, le rôle de l'Eco-artisan, de ce que vous avez déjà réalisé sur le Fibat, est déterminant. Cette bataille va se jouer sur votre compétence, sur votre envie, mais elle va se jouer aussi sur votre réputation. C'est décisif. L'opinion publique va se forger un avis dans les six mois ou deux ans qui viennent : qui est celui à qui je fais confiance pour me donner un avis, pour me conseiller et pour faire des travaux ?
C'est crucial. Il n'y a aucune raison que 95 % des résidences principales françaises ne fassent pas l'objet d'un chantier thermique, petit pour certains, de quelques milliers d'euros, de beaucoup plus pour d'autres, puisqu'il s'agit d'arrêter de jeter l'argent par les fenêtres.
Où cela se joue-t-il ? Sur la confiance professionnelle du conseil, moins de dépenses et les plus efficaces possibles.
Je vous le dis, Président, nous continuerons à faire notre part de travail, nous mettons 20 millions d'euros pour que les Français s'approprient le prêt à taux zéro. Nous défendrons l'éco-label artisan. Vous pouvez compter sur nous !
Nous avons deux procédures pénales du parquet de l'Essonne sur les margoulins qui vont voir les personnes âgées pour leur proposer des produits...
Il faut être vigilant.
Il ne doit pas y avoir de contre-performance d'un artisan. Vous allez avoir deux métiers : le métier des travaux, mais également celui de la confiance, du conseil, qui est absolument décisif.
Je ne pense pas que les Français n'ont pas confiance dans les artisans, mais ils sont désemparés sur la performance particulière des travaux offerts. Nous avons connu cela avec les diagnostics de performance énergétique. Les DPE étaient une bonne idée. Mais des gens se sont installés sans formation, de manière aléatoire. Il y a eu des contre-performances. On s'en est rendu compte et l'on est en train de rectifier le tir. On sait bien que ce sujet est extrêmement compliqué.
Vous avez devant vous un marché évident : tout le monde a envie de faire des économies. Tout le monde. On met en place le lissage financier pour que ce soit amorti sur les économies. C'est cumulable avec l'avantage fiscal qui, dans le cadre du Grenelle, a été étendu à la main-d'oeuvre et pas seulement aux produits.
Pour la première fois, on fait en sorte que deux avantages soient cumulables : l'avantage fiscal et l'avantage PTZ (avantage fiscal donné aux banques). La bataille a été difficile. Je vous remercie de nous y avoir aidés, avec vos délégués qui ont vu les députés et les sénateurs. Le premier vote n'était pas favorable. Au second, nous avons réussi à passer.
Ce que vous avez fait depuis un an sur la formation est remarquable. Vous l'avez lancé à Perpignan, si ma mémoire est bonne. Nous continuerons à vous aider. Nous faisons notre part de travail sur les DTU. Il faut que nous ayons rectifié tout cela avant fin 2011.
Si vos prévisions sont justes, dans les douze à quinze mois, nous devrions réaliser 18 Mdeuros de travaux dans le secteur thermique, dont une grande partie effectuée par l'artisanat français. Je sais à quel point nous avons pu compter sur vous sur les programmes précédents. Je sais à quel point c'est votre intérêt. Mais ne vous y trompez pas, en plus du pouvoir d'achat des Français, il y a une dimension éthique et morale absolument majeure.
Je vais vous raconter une histoire pour vous donner le moral. Lorsque l'on a imaginé le bonus/malus écologique sur les voitures -on donne un avantage aux voitures qui émettent moins financé par un désavantage sur les voitures qui émettent plus-, les analyses des constructeurs et des distributeurs étaient que cette mesure déplacerait 2 ou 2,5 points de marché. C'est comme cela que l'on a lancé le programme. Cela a déplacé 50 % du marché. Au-delà de l'intérêt économique et de pouvoir d'achat, cela a rencontré quelque chose au plus profond du conscient et de l'inconscient humain : le fait de faire quelque chose de bien pour ses enfants et pour la planète.
Nous sommes la première génération de l'histoire de l'humanité à être en situation de la laisser aller vers l'irréversible très rapidement ; ce n'est pas dans vingt ans, ce sont des mesures de cette semaine, de la semaine prochaine, dans quatre ou cinq mois. Alors que l'on en est conscient, on laisse filer. Continuer à croître en n'utilisant que 35 % des ressources de ce que la planète peut produire, c'est juste impossible. Nous avons cela devant nous. Nous sommes la première génération qui réconcilie le futur et le progrès, qui décide d'être respectueuse de la planète, de ses ressources, des autres et de soi-même.
Quand on regarde l'évolution des achats des consommateurs, les trois derniers mois, nous constatons - 3 % sur l'ensemble de la distribution en grande surface, + 22 % sur les produits globalement durables.
Lorsque l'on fait des analyses plus fines, on se rend compte que les acquéreurs de ce type de produits, il y a trois ans, formaient le cercle restreint de ceux qui avaient conscience des enjeux de la planète. Cela s'est étendu à ceux qui le faisaient pour se respecter eux-mêmes. Maintenant, le troisième cercle est le respect des autres. Tous ces cercles concentriques font que la France est un pays en évolution extrêmement importante.
Je ne vais pas détailler les mesures techniques, ce que nous allons continuer à bâtir ensemble, président LARDIN. Vous avez été largement associés au Grenelle de l'environnement. Dans le chantier le plus important, celui du bâtiment, vous êtes l'armée la plus importante. Vous êtes des gens responsables, autonomes, à proximité immédiate des clients. Vous pouvez les convaincre facilement.
Je pensais à une idée en venant. J'aime bien l'histoire de la caméra thermique. Visuellement, pour le client, avoir une visualisation de son logement est extrêmement parlant. Une formule nous permettrait ensemble, avec un mode de financement à étudier, que tous les artisans de France soient dotés d'une caméra thermique.
Si cela permet de gagner dix ans, de déclencher les choses beaucoup plus vite, si cela crée un climat de confiance en plus, ces années gagnées seront tellement d'économies pour notre pays que, entre les certificats d'économie d'énergie qui vont être multipliés de manière considérable et les procédures à définir, nous pourrons construire un programme. J'espère que nous aurons des constructeurs suffisamment nombreux pour cela.
En conclusion, le rôle de l'artisanat dans cette bataille est absolument décisif. Je ne le dis pas parce que je suis à la CAPEB, mais parce que cela fait des années que nous travaillons ensemble. Vous avez un système d'évaluation, quand je vois les examens qui ont été passés. Vous êtes la principale armée de ce chantier. Une bataille ne se joue jamais exactement comme on la prévoit. Il y a des pièges, des difficultés en cours de route, telle ou telle contre-performance. Peu importe. Nous devons avoir en tête une seule chose : c'est le plus grand chantier pour la planète. C'est le plus grand chantier pour le pouvoir d'achat. C'est sûrement le plus grand chantier pour l'économie locale de notre pays dans cette nouvelle relation des territoires. C'est sûrement un des plus grands chantiers pour l'emploi. C'est surtout un des plus grands chantiers raisonnablement facile à faire pour honorer nos engagements à l'égard de nos descendants.
Merci d'être des acteurs aussi engagés, déterminés et compétents.
Source http://www.capeb.fr, le 20 avril 2009