Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur le grand projet de ville de Lille métropole, notamment la rénovation des quartiers populaires et la lutte contre l'exclusion sociale, Lille le 17 mai 2001.

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Circonstance : Signature du Grand Projet de Ville de Lille Métropole, à Lille le 17 mai 2001

Texte intégral

Je tiens à vous exprimer toute ma satisfaction d'être présent aujourd'hui parmi vous, pour la signature de la convention du Grand Projet de Ville de Lille Métropole.
Ce projet constitue en effet le plus grand GPV de France.
Il concerne plus de 150 000 habitants dans les villes de Hem, Lille, Roubaix, Tourcoing et Wattrelos. Il mobilise des moyens d'action publique sans commune mesure avec ce qui a existé. Il réunit, aux côtés des cinq communes concernées et de l'Etat, la Communauté urbaine de Lille, le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, le Conseil général du Nord, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations, les bailleurs sociaux et le FAS. Au total, les engagements des partenaires s'élèvent à plus de 3,8 milliards de francs.
Le GPV de Lille Métropole s'inscrit dans le cadre du programme national de renouvellement urbain que le Gouvernement a lancé, lors du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999. Il a l'ambition de transformer en profondeur ces quartiers populaires particulièrement dégradés, devenus des symboles de l'exclusion dans notre société urbaine. Je rappelle que l'Etat a dégagé, pour ce programme, 6,2 milliards de francs de crédits spécifiques pour la période 2001-2006, en sus des crédits prévus pour les contrats de ville, dont plus de 5,5 milliards pour les Grands Projets de Ville et 650 millions pour les Opérations de Renouvellement Urbain.
L'enjeu du Grand Projet de Ville est de rendre de nouveau attractifs ces territoires aujourd'hui confrontés à d'importantes difficultés urbaines, sociales et économiques, de les intégrer dans l'agglomération, de donner à leurs habitants un cadre de vie normal et l'envie de rester dans leur quartier, même quand ils ont les moyens d'en sortir, de faire qu'ils bénéficient eux aussi du renouveau de la croissance économique.
La signature aujourd'hui de la convention du GPV marque l'aboutissement du travail de concertation entre les différents partenaires, mais surtout le début de la phase de mise en uvre opérationnelle du projet.
Comme le stipule la convention, un travail d'approfondissement du projet sera nécessaire, sur certains volets, et pour définir des stratégies d'intervention adaptées à chaque territoire, permettant de préciser les priorités d'affectation des moyens.
Mais l'essentiel est qu'une dynamique de projet soit engagée.
A cet égard, le GPV pourra bénéficier des acquis du GPU, qui a contribué de 1994 à 2000 au renouvellement de 13 quartiers dans les villes de Croix, Roubaix, Tourcoing et Wattrelos. Ce GPU est considéré à juste titre comme un de ceux qui a le mieux marché, mobilisant près de 1 milliard de francs tous partenaires confondus entre 1994 et 1999. Des premiers résultats concrets ont pu être obtenus.
Je pense à la requalification très avancée du quartier de l'Epeule à Roubaix, résultat de l'engagement de René VANDIEREDONCK. Je pense aux actions menées par Jean-Pierre BALDUYCK dans le quartier de la Bourgogne à Tourcoing. Je pense également aux aménagements réalisés à l'initiative de Dominique BAERT dans le quartier de la Mousserie à Wattrelos.
Le passage du GPU au GPV induit néanmoins un certain nombre de changements.
Pour renforcer la cohérence territoriale, le GPV intègre Lille et Hem, et concerne ainsi deux fois plus d'habitants. Mais pour aller plus vite, les moyens financiers sont multipliés par 4 par rapport au GPU. Ce sont plus d'une vingtaine de secteurs cibles qui ont été identifiés, regroupant des grands ensembles HLM, mais aussi des quartiers anciens marqués par une profonde dégradation urbaine et sociale.
Le GPV atteint en fait une dimension métropolitaine, illustrée par l'engagement massif de la Communauté urbaine voulue par Pierre MAUROY, aux côtés des communes.
Le GPV est marqué en outre par l'implication importante des autres partenaires, au premier rang desquels le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, qui a souhaité accompagner l'effort de l'Etat en ce qui concerne les investissements. Que Michel DELEBARRE et René VANDIERENDONCK, avocats inlassables de la politique de la ville, en soient remerciés, ainsi que Daniel PERCHERON qui a réaffirmé aujourd'hui cette volonté politique du Conseil régional.
Le Conseil général du Nord a également souhaité s'impliquer fortement sous l'impulsion de Bernard DEROSIER. Je tiens à souligner le rôle fondamental des conseils généraux en particulier dans les domaines de l'éducation, de la prévention, de l'action sociale, de l'aménagement.
Le passage du GPU au GPV se caractérise enfin par une ambition : celle d'intervenir globalement à la fois sur l'urbain, sur l'économique et sur le social. Le GPV de Lille Métropole affiche clairement la volonté d'articuler ces trois dimensions urbaine, sociale et économique.
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de dire qu'au-delà des opérations de démolition, de reconstruction, d'investissement dont ils permettront la réalisation, les Grands Projets de Ville doivent permettre d'amplifier le travail quotidien au plus proche des habitants, pour améliorer leurs conditions de vie. Il faut, dans nos quartiers populaires comme dans les autres quartiers de nos villes, des immeubles et des espaces communs propres, des services publics présents, des espaces extérieurs soignés.
L'objectif principal d'un Grand Projet de Ville est bien de répondre aux problèmes des femmes et des hommes qui vivent dans ces quartiers : un cadre de vie dégradé, le chômage, l'exclusion, l'échec scolaire, la violence sous toutes ses formes. Il s'agit de briser les logiques discriminatoires, pour donner à tous un accès à l'emploi, à l'éducation, au logement, à la santé, au droit, à la culture, à la qualité de vie.
Refaire la ville, c'est aussi aider ces femmes et ces hommes à se reconstruire.
Les résultats du dernier recensement montrent qu'entre 1990 et 1999, non seulement le chômage a fortement augmenté dans les quartiers classés en zone urbaine sensible, mais que l'écart entre ces quartiers et l'ensemble de la ville a continué de s'accroître. Fort heureusement, depuis un an, le chômage a commencé à baisser dans ces quartiers. Cela est dû à l'action de ce gouvernement. Puisque je parle du gouvernement, je tiens à saluer le travail réalisé par Martine AUBRY. Nous devons néanmoins encore intensifier nos efforts en faveur des publics les plus éloignés de l'emploi, et notamment les jeunes.
Comme le prévoit la convention du GPV, il s'agit de renforcer les actions conduites dans le cadre des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, de développer des formations adaptées et l'accès à ces formations, de permettre un retour vers l'activité des chômeurs et de nos concitoyens actuellement exclus du marché du travail.
Dans cette période de reprise économique, il est également indispensable de renforcer notre action dans la lutte contre les discriminations, notamment à l'embauche. La réunion de tables rondes locales avec tous les partenaires sociaux, comme nous l'avons fait avec Martine AUBRY au niveau national, peut être l'occasion de manifester la détermination des pouvoirs publics dans ce domaine.
S'il n'y a pas de lien automatique avec l'emploi des habitants des quartiers, la revitalisation économique des quartiers populaires contribue aussi à leur renouvellement, autant indirectement par le changement d'image qu'elle peut entraîner, que par la création de postes de travail.
J'appelle votre attention sur les nouveaux moyens dégagés par l'Etat en 2001 en faveur de cette revitalisation économique, pour aider à la réalisation d'investissements, à la création d'entreprises, pour soutenir le tissu économique existant, avec la création d'un fonds doté dès cette année de 500 MF et qui, sans être exclusivement destiné aux sites en GPV, leur est aussi destiné.
Je mentionnerai également l'évolution du dispositif des 44 zones franches urbaines. Vous savez que le pacte de relance avait prévu la fin du dispositif pour 2001. Le gouvernement a décidé de prolonger ce dispositif de façon dégressive sur trois ans, afin de prendre en compte les efforts d'équipement consentis et d'éviter aux entreprises nouvelles une rupture trop brutale de régime fiscal et social. Le dispositif ZRU, quant à lui, a été amélioré et prendra progressivement le relais dans 416 sites.
En outre, le Grand Projet de Ville est l'occasion d'aborder énergiquement les questions d'échec scolaire qui pèsent sur les jeunes et leurs familles. Il s'agit de développer des projets éducatifs, intégrant les temps scolaires, périscolaires, extrascolaires, et fédérant l'ensemble des acteurs concernés, pour améliorer la qualité de l'éducation, de l'accueil et de l'accompagnement des jeunes. Nous allons mettre en place prochainement, avec Jack LANG, une mission nationale conjointe à nos deux ministères, chargée de suivre, d'accompagner et d'animer l'élaboration et la mise en uvre de projet éducatifs dans le cadre des GPV. Cette mission pourra notamment venir en appui des réflexions et des dynamiques engagées dans l'agglomération lilloise.
Un autre défi à relever est celui de la sécurité. Aucune solution miracle n'existe en la matière. Beaucoup de mesures allant dans le sens d'un renforcement de la sécurité de proximité ont été prises par le conseil de sécurité intérieure depuis trois ans. Le Grand Projet de Ville doit permettre de renforcer encore l'implication des différents acteurs, tout particulièrement des maires, de développer des réseaux, pour lutter contre la délinquance, pour réduire le sentiment d'insécurité, pour améliorer l'accès au droit.
Le GPV de Lille Métropole constitue un grand projet politique.
Pour le mener à bien, il apparaît nécessaire de mettre en place un système de pilotage associant tous les partenaires. Le groupement d'intérêt public constitué pour le GPV, et plus précisément son conseil d'administration, a vocation à porter cette fonction de pilotage, en s'appuyant sur une direction de projet chargée d'animer la mise en uvre des décisions. Je suis convaincu de l'importance, pour la réussite de la démarche, d'une direction de projet dotée de compétences de haut niveau et de moyens à la hauteur des ambitions affichées.
Enfin, le Grand Projet de Ville doit permettre de développer la participation des habitants. Il s'agit de dépasser les discours nombreux en la matière, pour construire l'exercice d'une véritable démocratie locale.
C'est avec cette ambition que j'organise demain à Paris une rencontre nationale des conseils de quartier et de la démocratie locale, avec en perspective l'examen par le Parlement à partir du mois de juin d'un nouveau projet de loi renforçant à la fois le rôle des élus et la légitimité des conseils de quartier.
C'est ainsi également que j'ai demandé que pour chaque Grand Projet de Ville, soit constitué un comité consultatif associant les habitants, qui permettra d'adapter, d'infléchir, d'enrichir le projet tout au long de son élaboration et de sa mise en uvre.
Au-delà de ce comité, il s'agit d'innover, d'expérimenter, à l'occasion de chaque action, de chaque opération, pour qu'un dialogue s'installe avec les habitants, les femmes et les hommes directement concernés.
Il faut dire qu'en la matière des initiatives très intéressantes ont déjà été prises dans la région Nord-Pas-de-Calais et plus particulièrement dans l'agglomération lilloise ; je pense notamment aux assises de la politique de la ville organisées en 1999 dans le cadre du GPU.
Mesdames, Messieurs,
Le Premier ministre a souhaité qu'avec la lutte contre l'insécurité et un effort accru de solidarité en faveur de nos concitoyens les plus démunis, l'amélioration de la qualité de la vie quotidienne figure parmi les trois priorités de l'action gouvernementale pendant la dernière année de cette législature.
Les trois lois votées depuis 1999, relatives au renforcement de l'intercommunalité, à l'aménagement et au développement du territoire, à la solidarité et au renouvellement urbains, les moyens dégagés par le gouvernement pour la ville, pour le logement, pour la lutte contre les exclusions et contre le chômage, les réformes engagées en matière d'emploi, d'éducation, de sécurité, permettent de faire progressivement des agglomérations françaises, dans un contexte de renouveau économique, des territoires de solidarité et de développement, dont tous les quartiers et tous les habitants seront partie prenante.
Au-delà de la mobilisation des moyens sans lesquels rien n'aurait été possible, au-delà de la construction de partenariats entre les différents acteurs, au-delà de la mise en place d'une véritable participation des habitants, cela suppose de s'inscrire dans une dynamique de modernisation de l'action publique.
Je pense tout d'abord à la nécessaire relance des programmes d'implantation de services publics dans les quartiers, et des "projets de services publics de quartier", qui permettront des améliorations sur la qualité d'accueil et les horaires d'ouverture.
Je pense aux adaptations à mener à bien dans l'organisation des administrations.
Je pense également à la simplification des procédures de la politique de la ville, notamment en direction des associations, qui me paraît un impératif absolu de crédibilité pour cette politique. Trop d'associations ou de collectivités locales se plaignent encore à juste titre de la lourdeur de nos procédures, dont l'allègement radical est possible. Le rapport parlementaire de M. SANDRIER sur le sujet, qui sera prochainement rendu public, montre que la simplification est en marche, mais encore trop lentement et trop timidement.
Mesdames, Messieurs,
De très nombreux observateurs ont relevé ce phénomène inquiétant d'une abstention croissante lors des dernières élections municipales, qui semble refléter un manque de confiance vis-à-vis de l'action politique et de notre capacité à faire évoluer, à améliorer les conditions de vie quotidienne.
Pour répondre à ce scepticisme, une mobilisation de tous les acteurs de la ville me paraît nécessaire : les services de l'Etat, les collectivités locales, les bailleurs sociaux, les gestionnaires de services publics, mais aussi les entreprises, les associations, les acteurs de terrain, avec la volonté d'associer les habitants.
Au travers du Grand Projet de Ville, nous pouvons tous ensemble relever ce défi, pour faire que l'agglomération lilloise, après avoir été le laboratoire de la nouvelle politique de la ville, en devienne la preuve que les choses peuvent changer.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 7 juin 2001)