Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "RMC" le 26 janvier 2009, sur la mobilisation des services de l'Etat après la tempête dans le sud-ouest de la France et sur ses réactions à la journée d'action syndicale prévue pour la défense du pouvoir d'achat.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- L. Chatel est notre invité ce matin, porte-parole du Gouvernement. L. Chatel bonjour.

Bonjour J.-J. Bourdin.

Merci d'être avec nous. Vous êtes porte-parole du Gouvernement avant tout, mais aussi secrétaire d'Etat chargé de l'Industrie et de la Consommation, on va parler consommation tout à l'heure. L. Chatel, question directe : tempête dans le Sud-ouest, je ne vais pas oublier les Pyrénées orientales, l'Aude et les autres départements touchés. Quel va être l'effort de l'Etat sur le plan financier ?

L'effort d'abord, il est hyper réactivité de l'ensemble des services de l'Etat. Vous savez vu hier, le président de la République est allé rendre hommage à tous les services publics qui sont au côté de nos concitoyens qui souffrent fortement. J'observe que par rapport aux dernières grandes tempêtes, notamment celle de 99, il y a eu des efforts d'anticipation. Et je voudrais remercier les services de Météo France parce qu'ils nous avaient annoncé cette tempête...

C'est vrai.

Et dès samedi, on a pu prendre des dispositions. D'abord, informer les Français mais aussi anticiper les personnels de Sécurité civile, être présent sur le terrain. Deuxièmement, forte mobilisation, hyper réactivité ; hier le chef de l'Etat a annoncé la mobilisation de l'armée. Ensuite, il nous faut recenser l'ampleur des dégâts, vous comprenez qu'aujourd'hui c'est absolument impossible.

...Tout de suite ?

Si, le président de la République a déjà annoncé quelques millions d'euros de mobilisation...

Combien ?

Pour les fonds d'urgence, une vingtaine de millions d'euros, une mobilisation...

20 millions d'euros, fonds d'urgence tout de suite ?

Fonds d'urgence, mais vous savez J.-J. Bourdin, on l'a vu lors de la précédente tempête, il va falloir recenser l'immensité des dégâts. Je voyais les images comme vous de la tempête landaise, des forêts landaises, 60 % de dégâts, eh bien ! Ça, ça va peser pendant plusieurs années. Donc ça va nécessiter une analyse et puis de prendre des mesures...

Oui, pas pendant plusieurs années l'analyse, quand même, L. Chatel...

Non, l'analyse pas pendant plusieurs années mais vous savez, les forêts à se reconstituer, ça prend plusieurs années...

Je vous dis ça parce que j'entends depuis ce matin les auditeurs de RMC nous dire : il faut un plan d'urgence, il faut tout de suite dégager, alors vous me dites 20 millions d'euros, peut-être beaucoup plus, pour aider ceux qui sont dans la filière bois mais pour aider les sinistrés tout simplement, avant que les assureurs ne puissent rembourser. Je sais bien que les assureurs sont mobilisés, je sais bien que l'Etat est mobilisé mais enfin il y a des mesures d'urgence. On lève de l'argent très vite pour les banques, des milliards d'euros... Il faut aussi qu'on en lève très vite pour les sinistrés...

Bien sûr mais les mesures d'urgence, elles ont été prises instantanément, d'abord avec EDF, normalement...

Non, ce n'est pas parce que N. Sarkozy va sur le terrain que c'est une mesure d'urgence, L. Chatel.

Non mais N. Sarkozy, il est venu avec l'ensemble des services de l'Etat, il est venu avec les entreprises publiques. EDF a annoncé qu'environ 90 % du réseau seraient rétablis dans les 5 jours, dans la semaine. On était à plus de 3 semaines sur le dernier grand événement, donc il y a une vraie mobilisation de l'ensemble des services publics et des entreprises publiques...

Alors 20 millions d'euros, pas plus de fonds d'urgence ?

Ça c'est le fonds d'urgence J.-J. Bourdin...

20 millions d'euros.

Encore une fois, ce qui est important, c'est qu'on regarde quelle est la nature des dégâts. Et naturellement que l'Etat sera à la hauteur de la réponse aux sinistrés du Sud-ouest, naturellement parce que c'est une mesure de solidarité, vous ne pouvez pas imaginer qu'on ne soit pas au rendez-vous. Donc, nous le sommes en réactivité, nous serons présents en terme d'intervention, simplement il convient de regarder quelle est la nature des dégâts et leur ampleur.

Près de 80 % des lignes électriques sont enfouies en Allemagne, combien en France ?

Je ne peux pas vous dire quel est l'ordre de grandeur, je sais que c'est un débat qui ressurgit à chaque tempête. Il faut avoir en tête, J.-J. Bourdin, que l'enfouissement... d'abord l'enfouissement des lignes...

100.000 euros au km, ça coûte.

L'enfouissement des lignes à haute tension n'est pas possible globalement et le reste du réseau, c'est un investissement de l'ordre de 100 milliards d'euros, voilà. Donc, ça nécessiterait une mobilisation absolument considérable pour des événements qui sont absolument dramatiques pour ceux qui sont concernés, mais qui ont lieu une fois tous les 10 ans en gros. Donc, c'est un rapport coût/intérêt qu'il faut prendre en compte et les Français qui...

Mais alors comment ont fait les Allemands, ils sont plus riches que nous, ils sont plus...

Non, je pense que les Allemands... d'abord il y a très longtemps qu'ils ont investi en la matière... d'abord on ne fait pas rien en France, vous savez il y a des dizaines de syndicats d'électrification dans chaque département dont c'est le rôle. Je vois dans mon département de la Haute-Marne, chaque année, on effectue des travaux d'aménagement qui permettent à quelques villages, des communes qui sont excentrées dans le monde rural d'enfouir leur réseau. Donc, il y a un effort qui est fait par la collectivité publique, ce n'est pas uniquement l'Etat d'ailleurs, ce sont les communes, les collectivités locales. Simplement, l'ampleur du chantier c'est un ordre de grandeur de 100 milliards d'euros, c'est tout à fait considérable.

Bien. L. Chatel, parlons de la journée de jeudi. Ce matin, j'ai reçu un mail que m'a envoyé Fatima, Fatima est retraitée, elle a 800 euros par mois de retraite, elle m'écrit : "je serai dans la manif, pour la première fois de ma vie je serai dans la rue". Est-ce qu'il y aura beaucoup de monde jeudi selon vous ?

Ecoutez, il ne m'appartient pas de faire « madame Soleil »...

Non, mais vous savez, vous avez des prévisions, vous avez des informations des Renseignements Généraux L. Chatel. Vous avez à votre disposition.

Quand on appelle à se mobiliser pour le pouvoir d'achat et pour la défense de l'emploi, eh bien ! Ça doit interpeller les Français. Encore une fois, nous traversons une crise...

Ça interpelle les Français mais à juste raison ?

Oui, oui, à juste raison. Et d'ailleurs, le droit de grève est un droit constitutionnel et donc, qu'il y ait des gens qui se mobilisent en la matière, ça n'est pas anormal...

Mais je croyais que...

Ce qui est important de la part du Gouvernement, c'est de dire aux Français que dans une période de crise absolument sans précédent - N. Sarkozy l'avait dit dès le mois de septembre à Toulon - la priorité du Français... la priorité du Gouvernement c'est de veiller à ce que les Français les moins favorisés soient au coeur de la politique que nous menons. Je vais vous prendre quelques exemples, J.-J. Bourdin. Lorsque dès la rentrée, nous décidons de faire voter par le Parlement le Revenu de solidarité active, nous nous adressons aux Français qui sont laissés au bord du chemin et nous mettons en place un dispositif qui doit permettre de leur tendre la main. Lorsque le président de la République décide au mois de novembre de mettre en place une prime exceptionnelle de crise de 200 euros, eh bien ! Il s'adresse avant tout à ceux qui sont laissés au bord du chemin, aux Français les moins favorisés. Lorsque nous décidons d'anticiper la mise en oeuvre du RSA en versant le 1er avril une prime de 200 euros pour ceux qui, le 1er juillet, vont être les bénéficiaires du RSA, eh bien ! Nous prenons en compte cette donne-là...

Bon, L. Chatel j'ai des questions précises, L. Chatel...

Allez-y.

Premièrement, qui a dit : désormais lorsqu'il y a une grève en France, plus personne ne s'en aperçoit ?

Non mais écoutez, le président de la République...

C'était qui ?

Le président de la République...

C'était N. Sarkozy au mois de juin dernier.

Oui, il faisait référence à la mise en place du service minimum parce qu'effectivement, il y a eu un changement...

Plus personne ne s'aperçoit qu'il y a une grève !

Moi, je me souviens, J.-J. Bourdin, d'une époque où il y avait un blocage total des transports lorsqu'il y avait un mouvement de grève. Eh bien ! Effectivement, depuis qu'il y a la mise en place du service minimum, les salariés peuvent aller sur leur lieu de travail et revenir de leur lieu de travail. C'est à ça qu'il faisait référence...

Combien de milliards d'euros donnés pour aider les banques, donnés pour aider - on en parlera - l'industrie automobile, donnés pour aider les entreprises en difficulté, importante certes, et combien de milliards d'euros donnés pour aider les Français ?

J.-J. Bourdin, il n'y a pas de milliards d'euros donnés aux banques. Premièrement...

Bon...

Non mais c'est très important parce que j'entends ça à longueur de journée et il faut arrêter. Nous n'avons pas donné de l'argent aux banques, nous n'avons pas fait un cadeau aux banques...

Vous avez prêté, vous avez prêté !

D'abord, nous avons sauvé l'épargne des Français. J.-J. Bourdin, on a évité ce qui s'est passé en 1929 où les gens faisaient la queue devant les guichets pour récupérer leur épargne. Et sauver les banques, c'est d'abord ça. Deuxièmement, nous ne donnons pas de l'argent...

Vous prêtez.

Nous prêtons de l'argent et, permettez-moi de vous dire, ça rapporte de l'argent à l'Etat. Sur l'ensemble de l'année, ça pourrait rapporter pas loin d'un milliard d'euros, de l'ordre de 800 millions d'euros. Donc pour l'industrie automobile, nous allons procéder de la même manière, il y a une industrie en grande difficulté, on le voit au niveau mondial et on le voit sur les constructeurs européens...

Est-ce que les actionnaires vont toucher des dividendes ?

Non, nous avons indiqué...

Les actionnaires, non ?

Nous avons indiqué que... la règle à partir du moment où la collectivité publique, donc l'argent du contribuable, servait à soutenir une filière, eh bien ! Il faut qu'il y ait des contreparties. L'une de ces contreparties, c'est que priorité aux dividendes, s'il y en a parce que je vais vous dire, malheureusement la situation économique des entreprises fait qu'il ne serait pas surprenant qu'il n'y ait pas des résultats positifs dans cette période, mais s'il y en avait, il y ait une priorité absolue aux fonds propres et à l'investissement. On ne peut pas imaginer qu'il y ait un choix de la part des actionnaires, du conseil d'administration de dire « on va d'abord rémunérer nos actionnaires et puis ensuite, pour les fonds propres, pour l'investissement, on verra ». Deuxièmement, on a pris un engagement, on a demandé un engagement et nous l'avons fait pour les banques, nous allons le faire pour les constructeurs automobiles, sur la rémunération des dirigeants. On ne peut pas imaginer que les bonus...

Quels engagements donc...

Les bonus liés aux résultats, pas de bonus liés aux résultats à partir du moment où les résultats ne sont pas au rendez-vous et à partir du moment où l'Etat accompagne...

Ceci dit, s'il n'y a pas de résultats il n'y a pas de bonus hein !

Ben oui, c'est logique, c'est logique. Oui, mais il y a quelques jours on a entendu certains établissements bancaires, avant qu'ils ne prennent la décision d'y renoncer, qui l'avaient éventuellement envisagé.

Bien. L. Chatel, on va revenir sur cette journée de jeudi, j'ai un mot quand même, 70 % selon plusieurs sondages et notamment les auditeurs de RMC ce matin disent soutenir cette grève. Vous êtes étonné de ce chiffre, 70 % ? C'est rare de voir cela ?

Oui mais je ne suis pas étonné, encore une fois, j'ai vu le sondage qui est paru hier dans un quotidien national...

Oui, dans Le Parisien.

Quand vous voyez la question « soutenez-vous un mouvement qui défend le pouvoir d'achat et qui favorise l'emploi », je dirai l'immense majorité des Français est favorable au pouvoir d'achat et veut soutenir l'emploi. Simplement, le message que je veux faire passer c'est que dans cette crise que nous traversons aujourd'hui, la mobilisation générale du Gouvernement elle est en faveur de l'emploi. Pourquoi on va encourager, on va soutenir l'industrie automobile ?

Alors on va voir...

C'est pour soutenir l'emploi, J.-J. Bourdin.

Dans 2 minutes, dans 2 minutes après la pub, L. Chatel, je vais vous demander si vous allez faire un geste pour les Français les plus modestes, un nouveau geste, de nouveaux gestes. Je ne sais pas moi, un second plan de relance par exemple, on en reparle dans 2 minutes, à tout de suite. [...]

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 janvier 2009