Interview de MM. Eric Besson, ministre de l'immigration (...) et secrétaire général adjoint de l'UMP et Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, dans "Les Echos" du 9 avril 2009, sur le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise.

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Média : Energies News - Les Echos - Les Echos

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L'UMP débat aujourd'hui du « partage de la valeur ajoutée » dans l'entreprise. Pourquoi se saisir de ce dossier alors que les partenaires sociaux ont été appelés à en discuter par l'Elysée ?
Frédéric Lefebvre. Il aurait été singulier que notre famille politique ne travaille pas sur le sujet alors que les gaullistes ont mis en place la participation, première grande étape du partage de la richesse. Nous voulons contribuer à la construction d'une nouvelle étape. Pas par souci du symbole, mais par recherche de l'efficacité pour changer la vie des gens.
Sur quel constat basez-vous vos réflexions ?
Eric Besson. Il y a, a priori, un hiatus entre les experts qui disent que la part de la rémunération des salariés dans la valeur ajoutée est stable depuis vingt ans, et les citoyens qui ressentent une dégradation de leur situation. En réalité, ces deux perceptions sont justes, car à l'intérieur de la part salariale, il y a bien eu captation d'une part significative des rémunérations par les rémunérations que se sont octroyées certains dirigeants. Nous avons tous contribué à dire que le marché « hors sol » des bonus ou des retraites chapeaux était marginal, or ça ne l'est plus. Il ne s'agit pas de contester le droit d'avoir dans les entreprises de hautes rémunérations, mais de mettre fin aux injustices. Il n'est pas acceptable que les salariés et les petits patrons aient le sentiment que quand ça va mal, ils en subissent les conséquences, alors que seuls les grands dirigeants en profitent quand tout va bien.
F. L. Notre préoccupation est de construire des lignes de force sur la gouvernance des entreprises - où les administrateurs indépendants n'ont d'indépendant que le nom -, sur les principes qui doivent guider les rémunérations variables liées à la performance de l'entreprise, des salariés et des dirigeants. Nous voulons que les mêmes principes s'appliquent désormais à tous : il est normal qu'un dirigeant de Valeo ayant vingt ans d'ancienneté parte avec quelque chose mais il doit être traité comme les autres salariés ! Ce sera, par exemple, la fin des retraites chapeaux pour quelques-uns. Les principes de la convention collective, de l'accord de branche ou la pratique récente doivent s'appliquer à tous dans l'entreprise.
Nicolas Sarkozy a estimé qu'en matière de partage des profits, le « compte » n'y était pas. Quelles sont vos propositions concrètes ?
F. L. Nous avions d'abord en tête un dispositif de « dividende salarial », sorte de prime réservée aux petites entreprises, mais nous évoluons désormais vers un dividende « chapeau ». Les entreprises auraient le choix des outils pour associer les salariés au profit (participation, intéressement, actions gratuites, stock-options, primes classiques, retraite...). Nous voulons également mutualiser les risques pour les salariés, notamment en cas de crise. Une partie des sommes pourrait ainsi être fléchée vers des fonds de garantie établis au niveau des branches, et serait destinée à protéger l'entreprise et ses salariés en cas de sinistre économique.
Le chef de l'Etat a évoqué la règle des trois tiers (actionnaires, investissement, salariés). Vous fixez-vous un objectif chiffré ?
E. B. Il ne faut pas avoir de vision notariale de ce qu'a dit le président de la République. Il faut d'abord préserver l'investissement, qui est la clef de la compétitivité pour les années qui viennent, puis répartir équitablement entre les parties prenantes.
Vous attendez-vous à des difficultés de la part du Medef ?
F. L. Le Medef est par principe contre. Il ne veut pas réfléchir tout seul au sujet. Nous allons l'y aider ! Et il prendra position après. La CGPME, elle, s'investit dans ces réflexions. Elle semble avoir compris que c'est l'occasion de redorer dans le pays l'image des patrons, abîmée par quelques comportements isolés irresponsables, mais surtout d'être plus efficaces et plus justes.
Compte tenu du faible développement qu'ont connu les dispositifs de participation dans les PME, n'est-il pas illusoire de proposer des mesures qui ne sont pas obligatoires ?
F. L. Les petites entreprises ne disposent pas encore des outils nécessaires. Elles hésitent par exemple, en cas de bénéfice, à verser des primes à leurs salariés qui, au bout de quelques années, sont requalifiées en salaires. Mais les mentalités changent. Pour la première fois, et depuis que nous avons mis en place une incitation financière dans le cadre de la loi « participation et intéressement », les PME se mettent à digérer le système de participation. Aidées par des initiatives comme celle de la CGPME, qui a créé des formulaires simples pour expliquer aux petits patrons comment ils peuvent profiter et faire profiter leurs salariés des dispositifs.
E. B. S'agissant des PME, je ne pense pas qu'une mesure obligatoire soit opportune. Un de nos constats de départ, je le rappelle, est qu'il existe sur la question du partage de la valeur ajoutée une grande différence entre les grands groupes cotés et les PME. La question du partage équitable de la performance collective se pose sans doute avec plus d'acuité dans les premiers que dans les secondes.
Source http://www.u-m-p.org, le 10 avril 2009