Déclaration de Mme Fadéla Amara, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sur le rôle des préfets dans la politique urbaine, notamment au niveau départemental, dans la sécurité des quartiers, Paris le 9 avril 2009.

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Mesdames et messieurs les préfets,
Les nombreuses visites que j'effectue sur le terrain dans les quartiers populaires me confirment à chaque fois l'importance majeure de votre rôle pour la mise en oeuvre de la politique de la ville.
Vous êtes véritablement la cheville ouvrière de cette politique de réduction des écarts sociaux et territoriaux, qui demeurent encore criants. Vous le savez, cette politique qui s'attaque de front au logement, à l'emploi, à la mobilité, à l'éducation, à la santé, à la prévention, pour assurer un retour de la République dans les quartiers, est par nature une politique complexe. Elle nécessite une grande implication, une capacité de coordination interministérielle et une coopération continue avec les collectivités locales, les associations, le monde de l'entreprise et les bailleurs sociaux.
Le contexte actuel de crise économique et sociale que traverse notre pays rendent ces missions plus nécessaires que jamais et nous imposent encore plus d'implication, et encore plus de réactivité.
Dans un contexte très contraint pour les finances publiques et dans des conditions politiques locales quelquefois tendues, nous devons mettre en oeuvre des actions encore plus pertinentes et efficaces. Des actions construites « sur mesure » pour répondre à l'impatience des populations aux spécificités des territoires. Mesdames et messieurs les préfets, je sais que je peux compter sur votre engagement personnel pour assumer cette responsabilité importante pour l'avenir de notre pacte républicain.
* La politique de la ville : organisation au niveau départemental
Au niveau départemental, qui est le niveau de proximité pertinent de cette politique, je vous demande de vous appuyer sur une organisation adaptée de vos services, sur des représentants de l'Etat motivés et compétents dans l'animation interministérielle et partenariale avec tous les acteurs de la politique de la ville.
Vous le savez, et tous les acteurs s'accordent pour le dire, la politique de la ville a beaucoup souffert d'un manque de clarté dans la chaîne des responsabilités. C'est pourquoi j'ai souhaité construire une unité de commandement au niveau national avec un Secrétariat Général du Comité interministériel des Villes rénové et, au niveau local, sous la houlette du Préfet.
Or, les arbitrages rendus dans le cadre de la RGPP au niveau départemental qui rattachent la rénovation urbaine à la direction des territoires et la cohésion sociale à la direction des populations ou lorsqu'elle est prévue, à la direction de la cohésion sociale, font courir le risque d'une approche fractionnée de la politique de la ville et peuvent être source de difficultés pour les services de l'Etat. C'est pourquoi je vous demande de veiller à la meilleure coordination possible entre les piliers complémentaires de la rénovation urbaine et de la cohésion sociale.
Cette coordination unifiée de la politique de la ville est au coeur de la mission des « Préfets Délégués à l'Egalité des Chances » et des « Sous Préfets ville ».
Dans les départements qui ne bénéficient pas de ces fonctions, il m'apparaît essentiel que vous mettiez en place, si cela n'a pas encore été le cas, un responsable unique et bien identifié, rattaché par exemple au secrétaire général, capable de porter une vision d'ensemble des enjeux de la politique de la ville.
Quant aux délégués du préfet, ils participeront par leur action, à votre information directe et à la cohérence de cette politique.
Afin qu'ils puissent prendre toute leur place dans nos quartiers, je souhaiterais que vous organisiez une cérémonie officielle à l'occasion de leur installation afin d'asseoir leur légitimité auprès de l'ensemble des acteurs de la politique de la ville, et que vous les associez régulièrement aux réunions de vos services.
Je me tiens disponible pour assister à ces cérémonies d'installation des délégués du préfet.
Vous le savez, la politique de la ville nécessite un travail de pédagogie continu auprès des différents partenaires pour expliquer les enjeux, justifier les modes d'intervention. Elle nécessite de mailler les territoires par un tissu relationnel de grande qualité, mais elle exige aussi une grande fluidité et réactivité dans les échanges horizontaux avec les ministères.
* La réactivité et les remontées d'information attendues
Vous le savez, il a beaucoup été question ces dernières semaines de la question de la sécurité dans les quartiers.
Je vous le dis de manière extrêmement claire et déterminée, rien ne peut justifier la violence. J'ai depuis toujours la ferme conviction que l'ordre républicain est émancipateur, car vous le savez comme moi, c'est seulement dans un cadre paisible où il fait bon vivre que nous pouvons développer le vivre ensemble et que les talents peuvent s'épanouir.
Mesdames et messieurs, nous devons donc condamner fermement toutes les atteintes à la sécurité, toutes les formes de délinquance et d'économie parallèle qui bafouent les principes républicains et peuvent conduire à l'exploitation de l'homme par l'homme. La sécurité est le premier droit fondamental que l'Etat doit assurer à ses concitoyens, sans lequel il ne peut exister d'autres droits ou d'émancipation économique et sociale.
La responsabilité de l'Etat en la matière est d'oeuvrer concomitamment au renforcement de la sécurité, tout en développant des actions de prévention et de réduction des inégalités pour s'attaquer aux causes de cette violence sociale et donner aux habitants les mêmes chances que les autres de réussir.
Aussi, je vous demande dans vos contacts avec Madame Michelle Alliot-Marie et son cabinet, dont je connais l'énergie déployée dans ce domaine aux côtés des forces de police et de gendarmerie, d'être attentifs à l'évolution du climat dans les quartiers, en particulier pour prévenir l'apparition de nouvelles formes de délinquance dans un contexte socio-économique dégradé.
C'est à partir des remontées et de cette connaissance fine du terrain que nous pourrons adapter nos modes d'intervention de la manière la plus efficace possible.
De la même façon, je remercie ceux d'entre vous qui me font part de leurs observations et de leurs propositions pour les quartiers de leur département. C'est précisément dans cette recherche de réactivité et d'amélioration constante que j'ai souhaité impulser une dynamique, la « Dynamique Espoir banlieues », qui se nourrit des difficultés, des bonnes pratiques et des initiatives de tous les acteurs pour ancrer le retour de la République dans les quartiers.
Il relève aussi de notre responsabilité à tous de mettre en valeur les initiatives remarquables dans les quartiers. Cela correspond à une attente forte des jeunes, des associations, des élus. C'est également crucial pour opérer un changement des mentalités en profondeur de la société française, pour que ces quartiers ne soient plus considérés comme sensibles, mais simplement comme des quartiers populaires.
Mesdames et messieurs les Préfets, vous le savez, dans le contexte actuel de la crise, l'emploi est notre première priorité pour laquelle nous devons faire plus encore.
Aussi, je vous demande de bien mettre en oeuvre "les outils existants", notamment le contrat d'autonomie que nous devons accompagner vers un emploi durable, en construisant des passerelles en particulier avec les entreprises signataires l'Engagement national pour les jeunes des quartiers.
Enfin, j'invite les Préfets de Région à privilégier, dans leurs arrêtés, les habitants des quartiers prioritaires pour l'attribution de contrats aidés, le cas échéant en appliquant un taux de prise en charge préférentiel et élevé. Plus généralement je vous invite à toujours rechercher à traduire dans les faits la volonté du Président de la République de « donner plus à ceux qui ont le moins ».
* Les contrats urbains de cohésion sociale et la géographie prioritaire
C'est précisément la ligne de conduite qui nous animera jusqu'à la fin 2009, année charnière pour la réforme de la cartographie de la géographie prioritaire et l'élaboration de la prochaine génération des Contrats urbains de cohésion sociale.
Je souhaite donc vous faire part très clairement de mes orientations sur ces deux sujets d'importance qui achèveront la refondation d'une politique de la ville plus efficace.
Premièrement, concernant la prochaine génération des CUCS :
- La future appellation m'importe peu. Ce qui prime c'est qu'un nouveau dispositif contractuel pour la cohésion sociale sera bien reconduit pour les prochaines années. C'est une nécessité absolue dans le contexte économique et social actuel.
- Ce dispositif devra être construit sur la base d'un diagnostic approfondi du territoire élaboré avec l'ensemble des services de l'Etat et les collectivités locales, et s'appuyer prioritairement sur l'intercommunalité autour des ZUS révisées.
- Je souhaite que la durée de ces prochains contrats soit plus longue pour donner des perspectives à moyen terme aux collectivités locales, aux associations, et à l'ensemble des partenaires de la politique de la ville, tout en permettant un processus d'évaluation continu des objectifs et des moyens dans une culture du résultat. Ces contrats pourront donc être adaptés au moins une fois par an si nécessaire.
- Je vous demanderais de ne signer ce contrat que si vous êtes convaincu de sa pertinence pour répondre aux objectifs du territoire, et dans la mesure où il fait apparaître clairement la totalité des engagements financiers des administrations de l'Etat et des collectivités locales dédiées aux quartiers, c'est à dire les dotations de droit commun et les dotations spécifiques « politique de la ville ».
Je suis bien consciente du travail de préparation que représente l'élaboration de ces nouveaux contrats et des difficultés supplémentaires qui résulteraient de la conduite de négociations en période pré-électorale.
C'est pourquoi je serai sans doute amenée à proposer la prolongation des actuels CUCS pour une partie ou pour toute l'année 2010. Nous disposerions alors d'éléments de bilan exhaustifs sur trois ans et les services de l'Etat et les collectivités locales auraient un délai raisonnable pour établir un diagnostic territorial pertinent et négocier le nouveau dispositif.
Deuxièmement, concernant la révision de la cartographie de la géographie prioritaire, qui nous est imposée par le Parlement cette année, puis tous les cinq ans.
Le Comité interministériel des villes du 20 janvier dernier a validé une méthode et un processus de concertation en trois étapes :
- D'une part, une consultation des associations nationales d'élus et des têtes de réseaux d'associations et de partenaires de la politique de la ville autour d'un livre vert.
- D'autre part, la désignation de deux parlementaires en mission parue au Journal Officiel le 3 avril dernier. Monsieur le député Gérard Hamel et monsieur le sénateur Pierre André sont chargés de formuler des propositions pour la révision du dispositif actuel, et en particulier des ZUS et des CUCS.
- Enfin, par la circulaire du 13 mars dernier, il vous a été demandé d'organiser une concertation au niveau local associant très largement les services de l'Etat, les élus, les associations, et l'ensemble des partenaires locaux du monde économique et social. L'objectif n'est pas à ce stade, de redéfinir les zonages mais bien de recueillir un bilan et des propositions sur l'évolution de la géographie prioritaire de la politique de la ville.
Si elle peut s'avérer être un exercice délicat politiquement, cette concertation ouverte et dynamique est souhaitée par tous et essentielle pour la pertinence et l'efficacité des nouveaux dispositifs qui seront mis en place.
Sur la base des avis et propositions recueillis et synthétisés, le gouvernement arrêtera ensuite rapidement les nouvelles dispositions applicables.
Ma conviction est entière et mes objectifs sont précis :
Cette réforme est nécessaire pour rendre moins nombreux et plus lisibles les périmètres administratifs de la politique de la ville et pour concentrer les moyens en direction des habitants des territoires les plus en difficulté, lorsque les ressources locales sont insuffisantes.
Le nouveau dispositif devra continuer à s'adapter régulièrement à l'évolution des territoires et des publics de la politique de la ville.
Voilà, mesdames et messieurs les Préfets, les orientations dont je souhaitais vous faire part concernant la politique de la ville.
L'écrivain Silone disait : « le gouvernement a un bras long et un bras court, le long sert à prendre et arrive partout, le court sert à donner mais il arrive seulement à ceux qui sont tout près ».
Mesdames, messieurs les Préfets, le jour où le gouvernement, quel qu'il soit, aura retrouvé, grâce à notre action commune deux bras identiques, la politique de la ville n'aura plus de raison d'être !
Nous le savons, ce défi est immense, mais il est stimulant.
Je sais que vos fonctions vous amènent à être sollicités sur de nombreux dossiers, à devoir gérer des urgences et mener de front de nombreuses batailles.
Oui, je parle de bataille car si la situation est préoccupante et nous devons nous mobiliser pour faire vivre le projet républicain et la justice.
C'est un travail de chaque jour, c'est une tâche difficile, mais sachez que vous pouvez compter sur ma détermination et sur mon soutien permanent.
Je vous remercie.
Source http://www.espoir-banlieues.fr, le 20 avril 2009