Interview de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à RMC le 4 mai 2009, sur les relations sociales et le plan de relance économique par l'investissement.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
 
 
J.-J. Bourdin.- B. Hortefeux est notre invité ; ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville.
 
Vous avez tout dit ! Vous avez tout dit, c'est bien !
 
Bah, j'ai tout dit là, B. Hortefeux, vous avez vu, hein ? Quelle liste d'ailleurs, bientôt Premier ministre ! Ça c'est une liste qui conduit au poste de Premier ministre !
 
Si vous avez eu des informations...
 
Non, je ne les ai pas !
 
Ne les diffusez pas, gardez-les pour vous, parce que vous savez il y a suffisamment d'observateurs !
 
Vous aimeriez d'ailleurs être Premier ministre ou c'est une tâche...
 
Non, mais j'avance moi, vous savez, dans la vie publique avec une position simple et une pratique simple : j'essaie d'être utile là où on souhaite que je travaille et je suis à la disposition du président de la République, point.
 
Donc si on vous propose, vous dites oui ?
 
C'est le président de la République qui propose et qui dispose, point.
 
Qui dispose, donc bon...
 
Mais, vous savez, c'est clair... Vous savez, vous recevez tous les matins, j'écoute naturellement ; vous recevez tout un tas de gens qui ont des plans de carrière, des idées, des pensées, des arrière-pensées, ce n'est pas du tout comme ça moi que je fonctionne. Le président de la République me confie une responsabilité, il me fixe des objectifs et je mets tout en oeuvre pour que ces objectifs soient atteints.
 
Lorsque vous parlez de plan de carrière, vous pensez à J.-F. Copé, B. Hortefeux ?
 
Je pense à beaucoup de monde, y compris parmi les amis.
 
Oui, donc à J.-F. Copé ! Pourquoi pas ?
 
C'est un ami.
 
Oui, il a un plan de carrière lui, hein ! Il est candidat en 2017.
 
Voilà, ça a le mérite de la franchise. Je ne suis pas sûr, à vrai dire, que faire des plans de carrière à aussi long terme, vous savez il y a tellement de choses qui peuvent interférer dans la vie, d'ailleurs tout simplement, mais en tout cas ça a le mérite de la clarté et de l'honnêteté.
 
 Il y en a d'autres, il y a X. Bertrand, c'est vrai il y en a beaucoup qui ont des plans de carrière.
 
Vous les connaissez tous, ma parole !
 
Mais vous aussi, mieux que moi sans aucun doute, B. Hortefeux ! Bien. Dieudonné. L'Elysée veut interdire les listes Dieudonné aux européennes ; est-ce démocratique ?
 
Ecoutez, il y a un problème incontestablement, c'est qu'en écoutant Dieudonné, on s'aperçoit que son combat est un combat anti communauté juive, antisioniste, donc il faut observer ce qui est la réalité d'une campagne électorale. Une campagne électorale, vous savez, dans notre pays elle est financée sur fonds publics. Est-ce que la vocation de l'Etat doit être de financer des listes qui pointent du doigt une communauté de manière aussi violente et aussi particulière ? La réflexion a été initiée par C. Guéant, elle doit être initiée juridiquement et il faudra attendre les conclusions de ces analyses.
 
Franchement, B. Hortefeux, il est temps !
 
Bah, il est temps...
 
Il est temps et il est peut-être même trop tard !
 
En tout cas c'est utile d'avoir posé la question.
 
Peut-être fallait-il la poser avant, non ?
 
Et peut-être cela peut-il entraîner aussi une plus grande modération de la part de ceux qui pratiquent ce pratique de communication.
 
Est-ce que vous ne trouvez pas qu'on lui offre une tribune ?
 
Ecoutez, c'est vous qui lui offrez aussi une tribune !
 
Non, ce n'est pas moi qui suis en charge des affaires de l'Etat !
 
La personne que vous citez en l'occurrence était connue bien avant d'être engagée en politique. Il y a eu ensuite une déviance, il est passé d'humoriste à contempteur d'une communauté bien particulière, une communauté de notre pays et ceci suscite une émotion très légitime. Donc il faut examiner quels sont les moyens juridiques, c'est ce qu'a eu le mérite de poser C. Guéant en s'interrogeant sur l'attitude que devaient avoir les pouvoirs publics. Je rappelle simultanément qu'il y a un financement public, est-ce que le financement public doit servir à une campagne pointant du doigt ainsi une communauté, je n'en suis pas convaincu.
 
Bien. B. Hortefeux, les surveillants de prison ne sont pas contents, ils demandent une amélioration de leurs conditions de travail avant tout ; la loi pénale a été durcie et la loi pénitentiaire n'a toujours pas été votée ; est-ce qu'on est allé trop vite en besogne ? Est-ce qu'on met trop de monde en prison, notamment avec, je ne sais pas, des hommes, des femmes qui se retrouvent en prison sur de petits délits qu'on pourrait, je ne sais pas moi, condamner à des travaux d'intérêt général ou...
 
La situation de la population carcérale on la connaît. Aujourd'hui vous avez un peu plus de
 
On est en surpopulation, oui.
 
Un peu plus de 60 000 détenus pour un peu plus de 50 000 places, en gros c'est à peu près ça cette proportion. Donc naturellement il faut prendre des mesures et c'est ce qui a été engagé pour améliorer, pour faire en sorte que les places soient plus nombreuses, que d'ailleurs elles soient de meilleure qualité, mais il n'en reste pas moins, et il y a une réalité simple, c'est que dans notre pays nous sommes dans un Etat de droit, dans un Etat de droit les lois sont faites pour être respectées et donc si la loi condamne à la prison, à une durée de prison, cette durée doit être effectuée. Sous réserve naturellement des modalités d'aménagement et ainsi de suite. C'est simplement ça le message. Maintenant, que l'on mette tout en oeuvre pour améliorer les conditions d'exercice professionnel en milieu carcéral c'est évident, c'est ce qui a été engagé, c'est ce qui a été engagé d'ailleurs depuis deux ans.
 
Il faut ouvrir des négociations très vite ?
 
Vous savez, moi je suis ministre du Dialogue, par définition je suis pour le dialogue.
 
Pour le dialogue, bien. Le mouvement social du 1er mai, est-ce que vous allez recevoir les organisations syndicales et patronales prochainement ?
 
Non, mais moi je suis en contact permanent, ça fait à peu près trois mois que je...
 
Non, mais, je ne sais pas, organiser un nouveau sommet social ou...
 
Par définition, les sommets sont des moments exceptionnels. Donc moi je suis le ministre du Travail et du Dialogue social, donc je dialogue en permanence avec les organisations syndicales. Je suis à leur écoute, ma porte est toujours ouverte et d'ailleurs il y a un dialogue qui est un dialogue constructif. Il ne faut pas croire qu'il y a face à face d'un côté le Gouvernement, de l'autre les organisations syndicales ou patronales. Je vous donne un exemple simple, dans les mesures pour répondre à la crise, il a été décidé la création d'un fonds d'investissement social, à l'origine c'est un dialogue avec les organisations syndicales. Je dialoguais avec la CFDT en l'occurrence, c'était à l'occasion de réunions bilatérales, CFDT et les autres ; c'est la CFDT qui la première a proposé ce fonds d'investissement social, j'ai observé que cela suscitait un intérêt de l'ensemble des organisations syndicales, ça a été évoqué avec le président de la République, qui a validé, qui a encouragé cette proposition. C'est la démonstration - et je pourrais citer d'autres exemples - c'est une démonstration que le dialogue ça sert à quelque chose. Simplement les organisations syndicales expriment ce qu'elles estiment être juste, le Gouvernement, lui, a comme mission l'action et ça veut dire que nous agissons. Nous dialoguons, mais nous agissons.
 
Est-ce que vous allez toutes les recevoir, donc vous dialoguez en permanence, donc pas de rendez-vous particulier d'ici l'été ?
 
Si, il y aura à l'été un rendez-vous...
 
A l'été ?
 
A l'été, c'est-à-dire ça peut être juste avant l'été...
 
Après le 22 juin, quoi.
 
...Un rendez-vous pour évaluer l'ensemble des mesures qui ont été initiées par le Gouvernement et qui ne sont pas des petites mesures. Je sais que généralement ça agace quand on dit "mais regardez tout ce qui a été engagé". Non, et je vous le dis moi, il y a une réalité simple ; on connaît une crise, qui est la crise la plus grave depuis 1929. Face à cette crise qui est une crise mondiale, qui n'est pas une crise française, on a décidé de prendre des mesures et des mesures fortes. Il y a d'un côté le plan de relance par l'investissement et puis il y a aussi les mesures d'accompagnement à l'égard de ceux qui sont les plus fragiles ou les plus modestes de notre pays.
 
Donc aucun infléchissement de la politique, B. Hortefeux ?
 
C'est très simple, notre politique c'est trois piliers ; un, le dialogue ; deux, la protection ; trois, la justice. Le dialogue, je vous le dis, on le pratique en permanence et il aura encore lieu avant l'été. Deuxièmement, la protection c'est à l'égard de ceux qui sont les plus fragiles et les plus modestes. Vous savez, ce ne sont pas des mots, ce ne sont pas des slogans, ce ne sont pas des postures, c'est 10 millions de personnes qui en ce moment même, depuis le 1er avril et jusqu'au mois de juin, vont bénéficier d'un concours de solidarité de l'Etat. 10 millions de personnes. Alors je vous donne deux, trois exemples. En ce moment même, vous avez 6 millions de contribuables qui sont exonérés de l'impôt, on pourrait dire ça pourrait être encore plus, oui, mais ça existe. Vous allez avoir 3 millions de familles qui vont recevoir un chèque de 150 euros au 1er juin, que nous adressons avec N. Morano, la secrétaire d'Etat à la Famille, et moi comme ministre de la Famille ; vous allez me dire 150 euros ça pourrait être plus, oui, mais ça a le mérite d'exister, c'est là. Et je pourrais comme ça vous décliner toute une série de mesures, ce sont des mesures de solidarité. Et puis enfin il faut des mesures de justice et la justice c'est un signal fort, pas au patronat, pas à l'ensemble des patrons, pas à l'ensemble des entrepreneurs, parce qu'il y a 2.700.000 entrepreneurs dans notre pays qui tous les jours se disent "comment je vais faire vivre mon entreprise, comment je vais préserver l'emploi", mais à quelques personnes qui avec leurs bonus, leurs stock-options, leurs retraites chapeaux, je ne savais même pas ce que ça voulait dire d'ailleurs, ainsi de suite, eh bien là on le moralise.
 
Oui, on va en parler.
 
Vous voyez, donc c'est ça. Un triptyque : le dialogue, le concret, la justice.
 
On va parler de la justice. B. Hortefeux, vous parlez de 150 euros, mais moi je vais vous parler des cent gros contribuables français qui ont reçu, en moyenne, plus d'un million et demi d'euros ; était-ce bien nécessaire pour relancer l'économie, franchement ?
 
Ecoutez, c'est très simple, moi, vous savez, je suis auvergnat...
 
Bah, je sais !
 
Dans la plus petite commune de mon département, qui s'appelle Trets, il doit y avoir aujourd'hui une trentaine d'habitants. Je suis sûr, je vous le dis, je suis sûr qu'il n'y en a pas un qui puisse considérer comme normal - et pourtant ce ne sont pas les plus aisés de notre pays, croyez-moi - considérer comme normal que l'on puisse prélever plus de la moitié de ce que l'on gagne. C'est un principe simple : dans notre pays, personne ne doit reverser plus de la moitié que ce qu'il gagne. Et là aussi c'est une mesure de justice. Deuxième élément, notre ambition, et je vous le dis très clairement, ce n'est pas d'aller enrichir la Belgique, pas d'aller enrichir le Royaume-Uni, pas aller enrichir Londres, c'est de faire en sorte que les richesses de notre pays soient utiles à notre pays et soient sur place.
 
Vous pensez que l'argent est réinvesti ? Vous le pensez, franchement ? Vous avez les moyens de contrôler, de mesurer ?
 
Je pense qu'on a initié une mesure, qui est à l'inverse, fiscalement, de ce qui s'était pratiqué pendant de très longues années, nous nous disons : venez, restez en France, n'allez pas aider, enrichir les pays voisins. Vous savez, ce sont des principes qui sont des principes très sains.
 
Mais vous parliez de justice, il y a un instant, B. Hortefeux, mais où en est-on de la fameuse charte éthique du patronat, qu'on nous avait promis pour le 1er mai ?
 
Oui, bah, on y est, vous l'avez peut-être vu...
 
Nous sommes le 4.
 
Non, pas du tout ! La demande, vous savez c'est très simple là aussi, tout est transparent, moi je n'ai rien à cacher, nous avons dit au patronat : il faut faire un effort, au Medef en l'occurrence et à l'Afep ; il faut faire un effort de transparence, de justice, d'honnêteté. Ils nous ont fait une proposition, on leur a dit avec C. Lagarde : ça ne suffit pas ; on leur a donc signalé que la proposition qui avait été faite était intéressante, mais pas suffisante. Nous avons revu avec C. Lagarde et les responsables du Medef et de l'Afep, c'était jeudi soir, on a discuté d'ailleurs assez tard et nous leur avons demandé de mettre en place effectivement ce comité des sages. Et le comité des sages nous avons discuté sur un certain nombre de points, pour que ce soit efficace, pour que ce soit honnête, pour que ce soit utile, pour que certains aspects ne se reproduisent pas, ils ont donc décidé de mettre en place ce comité des sages qui sera présidé par C. Bébéar, ça a été annoncé avant le 1er mai, ce sera en cours en mai...
 
Et ça se passe quand ?
 
Cette semaine.
 
Dans la semaine... Pour entrer dans les détails, L. Parisot, la présidente du Medef, est en déplacement au Canada cette semaine, ce qui fait que ça modifie un peu le calendrier, mais il n'en reste pas moins que le principe est acté, le responsable est désigné et ce comité des sages sera en fonction, ce qui est une première dans notre pays. Ça signifie que lorsqu'il y aura des risques de déviance, lorsque, par exemple, pour être très clair...
 
Qui siègera au comité des sages, B. Hortefeux ?
 
Mais ça c'est un groupe qui sera, à mon avis, de cinq, six personnes, présidé donc, je vous dis, par C. Bébéar...
 
Chefs d'entreprises ?
 
Chefs d'entreprises, bah, oui, il faut que ce soit des personnes qui soient directement concernées et qui puissent exprimer un jugement. Et puis, vous savez, c'est intéressant pour vous parce que ce comité des sages s'exprimera, mais naturellement les journalistes, les médias s'y intéresseront et il y aura donc une éthique nouvelle du patronat. Et je pense que c'est effectivement une bonne chose pour notre pays. Et encore une fois, toujours nous avançons avec la même ligne, le souci de justice, le souci de protection et le souci de dialogue. On avance, on ne dévie pas de ce triptyque.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 mai 2009