Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, J.-P. Raffarin. Le 18 mars dernier, les députés ont adopté le projet de loi gouvernemental réformant l'hôpital ; fin avril, après le vote à l'Assemblée nationale donc, des médecins ont défilé dans la rue demandant au gouvernement de revoir son texte. Ce que le gouvernement a accepté. Depuis mardi, ils demandent aux sénateurs de modifier le projet voté par les députés. Ce qui fâche bien évidemment ces derniers. Vous êtes ancien Premier ministre. Avec votre expertise du fonctionnement gouvernemental, c'est une bonne manière de réformer la loi en procédant ainsi ?
Ecoutez, vous l'avez dit, "c'est le bazar". Ce n'est pas le bazar ! Je dois vous corriger sur ce point.
Et c'est quoi ?
C'est le débat.
Non ...
Mais si, c'est le débat !
C'est un peu le désordre. C'est un peu le désordre quand même !
Le problème est que, quand on a l'urgence, le texte met du temps à descendre dans le pays. Donc quand il y a eu le débat à l'Assemblée nationale, toutes les professions n'étaient pas informées exactement de ce qui a été proposé. Et donc avec le débat avec l'Assemblée nationale, les gens se sont mobilisés, et naturellement quand on arrive au sénat, les médecins, les infirmières, les aides-soignants, les directeurs, tout le monde s'est bien mobilisé, tout le monde connaît le texte. Là, il y un débat qui devient public. Le Gouvernement est obligé de s'adapter à ce débat et donc fait des propositions nouvelles et naturellement, comme il n'y a qu'une seule lecture : une lecture à l'assemblée et une lecture au sénat, c'est au Sénat que se passent les choses.
Mais pourquoi est-ce que le Gouvernement n'a pas fait le débat avant d'écrire son texte ?
Le débat a eu lieu dans la concertation. Le problème est le débat public. Et le débat public, il ne se fait vraiment dans le pays que si on prend le temps entre l'Assemblée et le Sénat ; c'est-à-dire... C'est pour ça qu'on avait inventé la navette. Et toute la difficulté de la gouvernance aujourd'hui, c'est de faire vite, de suivre la méthode Sarkozy, qui est efficace, qui est rapide, qui est nécessaire, mais en faisant cette urgence et donc en décidant qu'il y ait qu'une seule lecture, on va très vite et le débat, donc, bouscule un peu les choses. Et donc, nous sommes dans cette situation-là. Il faut aller vite.
On vous entend presque le dire : "on va trop vite" ! On vous entend presque le dire, mais vous résistez un peu.
Mais franchement, je suis, sur ce sujet, partagé. Je vois l'intérêt d'aller vite, mais je sais que quand on bouscule le temps, le temps se venge. Et donc je mesure bien qu'il est difficile d'aller vite.
"Le temps se venge" ! C'est une belle formule.
Mais le Gouvernement doit bien mesurer qu'aujourd'hui, on ne discute pas au Sénat du texte du Gouvernement. On discute maintenant, après la réforme constitutionnelle, du texte de la commission.
C'est une réponse à F. Fillon qui dit : ce texte ne bougera plus ? C'est ça ?
En tout cas, nous, sénateurs, nous souhaitons qu'on ne bouge plus sur le texte de la commission. Les amendements ont été votés par la commission. Le rapporteur A.Milon a fait un gros travail : plus de 200 auditions. Nous sommes arrivés à un équilibre, l'équilibre qu'a trouvé le Sénat. Nous souhaitons que cet équilibre soit entendu par le Gouvernement. Sur ce, je suis optimiste, car R. Bachelot me semble attentive.
C'est votre nature d'être optimiste. C'est bien.
Absolument. Mais c'est aussi la vôtre. Avec l'accent que vous avez, vous ne pouvez pas être pessimiste !
Merci beaucoup. Du coup, les députés, puisqu'on modifie leur texte, disent -c'est B. Accoyer qui le disait hier - : "On veut revoir un coup le texte après le Sénat". A-t-il raison ou tort ?
Moi, je serais député, je comprends naturellement que d'avoir à discuter d'un texte sans que le rapport qui réforme les CHU soit sur la table et qu'il n'arrive simplement qu'avant le débat au Sénat, c'est vrai qu'ils ont été frustrés d'une partie du débat. Mais ça, c'est la procédure d'urgence. Et comme il faut aussi aller vite, je comprends la procédure d'urgence ; mais la procédure d'urgence a des inconvénients, il faut les accepter.
Oui, voilà ! Donc "le temps se venge" ! On retiendra la formule.
Mais vous savez, c'est vrai dans toutes les activités humaines. Il faut souvent aller vite, mais quand on va vite, eh bien quelquefois, on bouscule.
N. Sarkozy était à Nancy mardi, justement pour parler de l'hôpital. On a vu à la télévision, ces reportages qui décrivaient une zone sécurisée - 400 mètres - vidée de ces gens où se rendait le Président, pour assurer une sécurité comme s'il y avait une menace. Est-ce qu'il y a un problème aujourd'hui entre le Président de la République et les Français ?
Je ne le crois pas du tout. D'ailleurs, les études d'opinions montrent que, malgré la crise, le Président est dans une situation tout à fait satisfaisante. Je pense qu'il est le seul des Présidents de la République - ça ; je le dis, parce qu'on dit toujours : s'il est le premier, il est le premier, il est le premier... Quelquefois, je trouve qu'il n'est pas toujours le premier. Mais sur un point, il est le premier. Il va dans les usines. Il va dans les hôpitaux. Il va partout où il y a des difficultés. Et il y va avec détermination, courage et sérénité ; et il fait avancer comme ça beaucoup de débats sur le terrain.
Mais vous avez vu ces images où on vide le quartier... On tient les manifestants à très, très longue distance.
Oui, mais écoutez ! Mais bien sûr parce que naturellement il faut sécuriser le parcours du Président. Et quand il y a 2.000 personnes qui veulent naturellement troubler une réunion du Président, il vaut mieux que ces 2.000 personnes soient à un kilomètre plutôt qu'à 500 mètres, c'est du bon ordre public. Ma foi, ça ne me choque pas du tout. Il est clair que dans une République, on n'a pas à empêcher le Président de s'exprimer. Donc, les gens qui veulent manifester, qu'ils manifestent, mais qu'il y ait une certaine distance entre les deux, ça me paraît raisonnable.
Ce climat particulier autour du Président de la République vous fait-il craindre pour le résultat de l'UMP aux élections européennes ?
Très franchement non. Et très franchement, je crois que le PS est en train de faire la campagne de l'UMP. Vous allez comprendre. C'est parce que nous sommes dans un scrutin à un tour et dans un scrutin à un tour, comment est-ce qu'on gagne ? On gagne en mobilisant son camp ; c'est-à-dire que l'UMP fera un bon score si les sarkozystes vont voter. Les sarkozystes, ils étaient 31% au premier tour des présidentielles. Quand on a un vote à deux tours, au deuxième tour, il faut aller chercher des réserves de voix. Quand on a un vote qu'à un tour, qu'est-ce qui compte ? C'est mobiliser ses électeurs. Qu'est-ce que veut l'UMP ? Que les sarkozystes - ce tiers grosso modo de Français - qui ont voté pour le Président aillent voter. Et qu'est-ce qui fait mieux voter les sarkozystes que ces injustices, que ces attaques, que cet anti-sarkozysme en permanence que développe le PS ? Et le PS à chaque fois qu'il gronde, il croit qu'il fait des électeurs, mais ses électeurs se dispersent avec Bayrou, avec Besancenot, avec Mélenchon, avec les uns et avec les autres ; et au fond, en attaquant N. Sarkozy, on mobilise le camp de Sarkozy. Je dois vous dire que là, il y a une réflexion. Je pense vraiment que ce scrutin à un tour...
Cette question vous inspire !
Mais bien sûr. Parce que l'UMP, parti unique de la majorité, est en fait une structure bien adaptée au scrutin à un tour. La méthode Sarkozy est mieux adaptée à un scrutin à un tour comme en Angleterre, plutôt qu'à un scrutin à deux tours. Quand on avait deux partis (le RPR et l'UDF), on avait des réserves de voix au second tour ; maintenant qu'on a qu'un parti, on n'a plus de réserve de voix au second tour. Donc, on aurait intérêt à réfléchir à un changement de mode électoral et à réfléchir au scrutin à un tour. C'est la leçon des Européennes, et c'est le Parti socialiste qui nous la donne en poussant, finalement, par ses attaques.
Vous demandez, pour les régionales, la modification du mode de scrutin de l'année prochaine ?
Je demande une réflexion sur ce sujet parce qu'au fond...
Vous souhaitez sérieusement...
Sérieusement, monsieur Aphatie c'est toujours sérieux ce que je dis...
Franchement ?
Et franchement, aussi. Et sincèrement, j'ajoute.
Et clairement, vous souhaitez que le mode de scrutin soit modifié pour les prochaines élections régionales ?
Je souhaite qu'on réfléchisse à cela, parce que finalement, ça marche en Angleterre. Et pourquoi ça ne marcherait pas en France !
F. Bayrou, ça marche aussi son livre. 60.000 exemplaires déjà vendus de "L'abus de pouvoir". Vous l'avez lu ?
Pas encore, non ! Mais je le lirai. Je l'ai toujours lu.
Mais ça marche !
Ce qui est clair, c'est que F. Bayrou est en train d'essayer de prendre la place de la social-démocratie, ce qui pose un problème énorme au PS. F. Bayrou, aujourd'hui, n'est pas un problème pour la majorité, c'est un problème pour le PS.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 mai 2009
Ecoutez, vous l'avez dit, "c'est le bazar". Ce n'est pas le bazar ! Je dois vous corriger sur ce point.
Et c'est quoi ?
C'est le débat.
Non ...
Mais si, c'est le débat !
C'est un peu le désordre. C'est un peu le désordre quand même !
Le problème est que, quand on a l'urgence, le texte met du temps à descendre dans le pays. Donc quand il y a eu le débat à l'Assemblée nationale, toutes les professions n'étaient pas informées exactement de ce qui a été proposé. Et donc avec le débat avec l'Assemblée nationale, les gens se sont mobilisés, et naturellement quand on arrive au sénat, les médecins, les infirmières, les aides-soignants, les directeurs, tout le monde s'est bien mobilisé, tout le monde connaît le texte. Là, il y un débat qui devient public. Le Gouvernement est obligé de s'adapter à ce débat et donc fait des propositions nouvelles et naturellement, comme il n'y a qu'une seule lecture : une lecture à l'assemblée et une lecture au sénat, c'est au Sénat que se passent les choses.
Mais pourquoi est-ce que le Gouvernement n'a pas fait le débat avant d'écrire son texte ?
Le débat a eu lieu dans la concertation. Le problème est le débat public. Et le débat public, il ne se fait vraiment dans le pays que si on prend le temps entre l'Assemblée et le Sénat ; c'est-à-dire... C'est pour ça qu'on avait inventé la navette. Et toute la difficulté de la gouvernance aujourd'hui, c'est de faire vite, de suivre la méthode Sarkozy, qui est efficace, qui est rapide, qui est nécessaire, mais en faisant cette urgence et donc en décidant qu'il y ait qu'une seule lecture, on va très vite et le débat, donc, bouscule un peu les choses. Et donc, nous sommes dans cette situation-là. Il faut aller vite.
On vous entend presque le dire : "on va trop vite" ! On vous entend presque le dire, mais vous résistez un peu.
Mais franchement, je suis, sur ce sujet, partagé. Je vois l'intérêt d'aller vite, mais je sais que quand on bouscule le temps, le temps se venge. Et donc je mesure bien qu'il est difficile d'aller vite.
"Le temps se venge" ! C'est une belle formule.
Mais le Gouvernement doit bien mesurer qu'aujourd'hui, on ne discute pas au Sénat du texte du Gouvernement. On discute maintenant, après la réforme constitutionnelle, du texte de la commission.
C'est une réponse à F. Fillon qui dit : ce texte ne bougera plus ? C'est ça ?
En tout cas, nous, sénateurs, nous souhaitons qu'on ne bouge plus sur le texte de la commission. Les amendements ont été votés par la commission. Le rapporteur A.Milon a fait un gros travail : plus de 200 auditions. Nous sommes arrivés à un équilibre, l'équilibre qu'a trouvé le Sénat. Nous souhaitons que cet équilibre soit entendu par le Gouvernement. Sur ce, je suis optimiste, car R. Bachelot me semble attentive.
C'est votre nature d'être optimiste. C'est bien.
Absolument. Mais c'est aussi la vôtre. Avec l'accent que vous avez, vous ne pouvez pas être pessimiste !
Merci beaucoup. Du coup, les députés, puisqu'on modifie leur texte, disent -c'est B. Accoyer qui le disait hier - : "On veut revoir un coup le texte après le Sénat". A-t-il raison ou tort ?
Moi, je serais député, je comprends naturellement que d'avoir à discuter d'un texte sans que le rapport qui réforme les CHU soit sur la table et qu'il n'arrive simplement qu'avant le débat au Sénat, c'est vrai qu'ils ont été frustrés d'une partie du débat. Mais ça, c'est la procédure d'urgence. Et comme il faut aussi aller vite, je comprends la procédure d'urgence ; mais la procédure d'urgence a des inconvénients, il faut les accepter.
Oui, voilà ! Donc "le temps se venge" ! On retiendra la formule.
Mais vous savez, c'est vrai dans toutes les activités humaines. Il faut souvent aller vite, mais quand on va vite, eh bien quelquefois, on bouscule.
N. Sarkozy était à Nancy mardi, justement pour parler de l'hôpital. On a vu à la télévision, ces reportages qui décrivaient une zone sécurisée - 400 mètres - vidée de ces gens où se rendait le Président, pour assurer une sécurité comme s'il y avait une menace. Est-ce qu'il y a un problème aujourd'hui entre le Président de la République et les Français ?
Je ne le crois pas du tout. D'ailleurs, les études d'opinions montrent que, malgré la crise, le Président est dans une situation tout à fait satisfaisante. Je pense qu'il est le seul des Présidents de la République - ça ; je le dis, parce qu'on dit toujours : s'il est le premier, il est le premier, il est le premier... Quelquefois, je trouve qu'il n'est pas toujours le premier. Mais sur un point, il est le premier. Il va dans les usines. Il va dans les hôpitaux. Il va partout où il y a des difficultés. Et il y va avec détermination, courage et sérénité ; et il fait avancer comme ça beaucoup de débats sur le terrain.
Mais vous avez vu ces images où on vide le quartier... On tient les manifestants à très, très longue distance.
Oui, mais écoutez ! Mais bien sûr parce que naturellement il faut sécuriser le parcours du Président. Et quand il y a 2.000 personnes qui veulent naturellement troubler une réunion du Président, il vaut mieux que ces 2.000 personnes soient à un kilomètre plutôt qu'à 500 mètres, c'est du bon ordre public. Ma foi, ça ne me choque pas du tout. Il est clair que dans une République, on n'a pas à empêcher le Président de s'exprimer. Donc, les gens qui veulent manifester, qu'ils manifestent, mais qu'il y ait une certaine distance entre les deux, ça me paraît raisonnable.
Ce climat particulier autour du Président de la République vous fait-il craindre pour le résultat de l'UMP aux élections européennes ?
Très franchement non. Et très franchement, je crois que le PS est en train de faire la campagne de l'UMP. Vous allez comprendre. C'est parce que nous sommes dans un scrutin à un tour et dans un scrutin à un tour, comment est-ce qu'on gagne ? On gagne en mobilisant son camp ; c'est-à-dire que l'UMP fera un bon score si les sarkozystes vont voter. Les sarkozystes, ils étaient 31% au premier tour des présidentielles. Quand on a un vote à deux tours, au deuxième tour, il faut aller chercher des réserves de voix. Quand on a un vote qu'à un tour, qu'est-ce qui compte ? C'est mobiliser ses électeurs. Qu'est-ce que veut l'UMP ? Que les sarkozystes - ce tiers grosso modo de Français - qui ont voté pour le Président aillent voter. Et qu'est-ce qui fait mieux voter les sarkozystes que ces injustices, que ces attaques, que cet anti-sarkozysme en permanence que développe le PS ? Et le PS à chaque fois qu'il gronde, il croit qu'il fait des électeurs, mais ses électeurs se dispersent avec Bayrou, avec Besancenot, avec Mélenchon, avec les uns et avec les autres ; et au fond, en attaquant N. Sarkozy, on mobilise le camp de Sarkozy. Je dois vous dire que là, il y a une réflexion. Je pense vraiment que ce scrutin à un tour...
Cette question vous inspire !
Mais bien sûr. Parce que l'UMP, parti unique de la majorité, est en fait une structure bien adaptée au scrutin à un tour. La méthode Sarkozy est mieux adaptée à un scrutin à un tour comme en Angleterre, plutôt qu'à un scrutin à deux tours. Quand on avait deux partis (le RPR et l'UDF), on avait des réserves de voix au second tour ; maintenant qu'on a qu'un parti, on n'a plus de réserve de voix au second tour. Donc, on aurait intérêt à réfléchir à un changement de mode électoral et à réfléchir au scrutin à un tour. C'est la leçon des Européennes, et c'est le Parti socialiste qui nous la donne en poussant, finalement, par ses attaques.
Vous demandez, pour les régionales, la modification du mode de scrutin de l'année prochaine ?
Je demande une réflexion sur ce sujet parce qu'au fond...
Vous souhaitez sérieusement...
Sérieusement, monsieur Aphatie c'est toujours sérieux ce que je dis...
Franchement ?
Et franchement, aussi. Et sincèrement, j'ajoute.
Et clairement, vous souhaitez que le mode de scrutin soit modifié pour les prochaines élections régionales ?
Je souhaite qu'on réfléchisse à cela, parce que finalement, ça marche en Angleterre. Et pourquoi ça ne marcherait pas en France !
F. Bayrou, ça marche aussi son livre. 60.000 exemplaires déjà vendus de "L'abus de pouvoir". Vous l'avez lu ?
Pas encore, non ! Mais je le lirai. Je l'ai toujours lu.
Mais ça marche !
Ce qui est clair, c'est que F. Bayrou est en train d'essayer de prendre la place de la social-démocratie, ce qui pose un problème énorme au PS. F. Bayrou, aujourd'hui, n'est pas un problème pour la majorité, c'est un problème pour le PS.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 mai 2009