Texte intégral
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les présidents,
Chers congressistes,
Cher Jean-Michel,
Je suis ravi, au nom des Jeunes Agriculteurs, d'intervenir devant vous, en cette période intense et charnière. Les débats d'idées demeurent essentiels dans ce brouhaha médiatique et professionnel.
[Unité syndicale et bilan de santé de la PAC]
Vos discussions de ces deux derniers jours ont prouvé à quel point nous devions, au sein de nos organisations professionnelles agricoles, construire un projet agricole et agroalimentaire partagé, cohérent et solidaire.
Et solidaire signifie bien gagnant-gagnant. Entre producteurs mais également entre producteurs et consommateurs.
Pour quoi ? Pour l'avenir de notre agriculture. Comme pour l'avenir de notre syndicalisme majoritaire, fortement éprouvé ces derniers temps.
Alors aujourd'hui, nous n'avons d'autres choix que d'être responsables et surtout de nous prendre en mains, en faisant jouer notre regard et notre vision de l'avenir.
Et puis, ne nous demandez pas, nous les Jeunes Agriculteurs, de ne pas imaginer notre avenir... Car tout ce qu'il faut nous souhaiter, c'est d'être encore paysan dans 20 ans. Et d'installer vos enfants s'ils le désirent !
Nous sommes tombés dans le piège des querelles syndicales au moment où nous avions le plus besoin d'unité.
Nous sommes tombés dans le piège des caricatures sans apporter la nuance nécessaire et représentative de notre agriculture. C'est-à-dire celle des Hommes, des territoires, de la diversité des filières.
Nous avons conçu des scenarios différents sur l'après 2013.
Nous sommes en tout état de cause au milieu du guet, ce qui n'est pas très confortable !
Mais, une chose est certaine : le débat sur le bilan de santé de la PAC doit nous faire comprendre l'interdépendance qui lie nos filières, nos économies régionales, nos équilibres de territoires.
Le reste n'est que méprise ou ignorance de courte échéance.
Le temps joue contre nous d'ici 2013. Cette période transitoire doit être utile et utilisée. Car l'Union européenne aura beau jeu d'imposer ses vues si nous ne réagissons pas.
Pas pour s'adapter au discours surréaliste de la Commission européenne qui imagine, qu'en envoyant des fonctionnaires européens faire des stages dans les exploitations, elle répondra aux critiques visant la pertinence et le réalisme de ses réformes.
Plus les cours du marché du lait chutent, plus elle augmente les quotas !
Que dire alors d'un DPU unique à l'hectare sur tout le territoire, sans différenciation entre productions ? C'est tout sauf pertinent, à part pour simplifier, je vous l'accorde !
La régionalisation des aides, c'est anti-installation à court terme mais également anti-diversité de notre agriculture à plus long terme. Et si la régionalisation a pour conséquence d'exacerber la concurrence entre producteurs, l'histoire dit toujours qu'il y a toujours plus compétitif que soi. Et là, la messe sera dite !
A l'opposé, il y a la préférence communautaire, notre souveraineté alimentaire, les outils de régulation des marchés, l'organisation des filières.
Nous les Jeunes Agriculteurs y croyons plus que jamais ! Je ne doute pas que vous aussi car cela vous concerne tous, quelles que soient vos productions !
[Projet JA]
Le premier projet de Jeunes Agriculteurs que nous avions imaginé il y a quelques mois tentait de répondre à une partie de ces objectifs en proposant un DPU flexible, en fonction des cours du marché. Cette idée n'a jamais été vraiment reprise par les pouvoirs publics mais demeure la solution.
Nous avons alors proposé un second projet 'plus européen compatible' pour l'instant, et qui mette particulièrement en valeur :
- la contractualisation entre acteurs, basée sur la dépendance entre les filières ;
- des actifs nombreux sur tous les territoires.
Car il y a les aides mais surtout l'économie des exploitations. Ne perdons pas de vue notre quête de prix rémunérateurs.
Premier axe : La contractualisation entre filières, entre régions pour tenter de redonner un peu de régulation à nos marchés agricoles ou du moins, pour commencer à répondre à la volatilité des prix et à la stabilisation de nos revenus.
La contractualisation à tous les échelons de la filière, et entre filières : voilà notre seule porte de sortie. Mais quel combat pour arriver à en persuader chacun des acteurs !
Les réticences sont marquées au sein même de notre profession. A croire que le bon sens paysan n'est plus d'actualité quand il s'agit de construire un partenariat gagnant-gagnant entre éleveurs et céréaliers.
Nous avions posé en préalable, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, que l'ensemble de la réorientation des aides soit liée à la contractualisation des débouchés, y compris en élevage. D'autres choix furent faits, un peu trop timides à notre gout, en tous cas pas assez percutants ou visionnaires pour le coup! Nous resterons vigilants dans les groupes de travail.
Second axe : les actifs qui sont les acteurs de notre agriculture et de notre performance économique. Des DPU plus forts sur les premiers ha : c'est un signe certain en faveur de l'installation des jeunes. Un signe qui doit récompenser les mêmes efforts dans l'ensemble des régions, en s'adaptant au contexte local. Un signe qui récompense les productions plutôt que les hectares. Un signe positif qui souligne que l'UE tient compte des actifs
L'installation de jeunes agriculteurs doit véritablement être possible partout. Dans toutes les filières, dans toutes les productions.
Privilégier les actifs en place, c'est ce qui motive nos décisions même si elles ne sont pas toujours comprises. Même si elles sont aussi interprétées en fonction de ceux qui les rapportent !
Privilégier les actifs, c'est aussi faire en sorte que nos outils de production soient transmissibles et viables, sans courir après les ha.
C'est tout l'objet du rapport d'orientation que nous proposerons à notre congrès cette année qui veut redonner de la rentabilité et de la lisibilité aux entreprises agricoles tout en évitant leur démantèlement lors de la cessation
Je ne vous cache pas que la réforme du bilan de santé proposée par le gouvernement nous a profondément déçus sur le volet végétal. Sur le volet animal, nous avons porté les orientations engagées sur le soutien aux ovins et à l'herbe.
Mais sur le reste, comment justifier un tel saupoudrage des crédits publics sur certaines aides sans aucune justification économique ? Quel est le sens de ces mesures pour l'avenir ?
Nous, les JA, avions misé sur un plan protéines ambitieux pour répondre aux enjeux agronomiques et environnementaux de demain. C'est bien de rotation des cultures dont nous parlons.
C'était aussi une façon de proposer un retour intelligent aux productions végétales, et de faire face aux importations en provenance des Etats-Unis.
Il semblerait que certains retardataires ou spéculateurs de DPU aient fait leur liste de course au tout dernier moment et que les caissiers publics aient été plus ou moins conciliants dans les transactions, je dirais même aveuglés ! Même dans les réserves consacrées aux jeunes agriculteurs.
Il n'en fallait pas plus pour semer la zizanie et douter de la légitimité de la réorientation des aides. Car le montant du prélèvement sur les agriculteurs est conséquent y compris pour les jeunes.
Nous sommes notamment inquiets pour les jeunes dont les Plans de Développement de l'Exploitation (PDE) ne pourraient pas être respectés.
Les 20 millions d'euros annoncés pour les jeunes dans le cadre de la réserve, n'est-ce pas du recyclage de crédits ?
Et qui peut savoir aujourd'hui si les jeunes pourront bénéficier d'une enveloppe à telle hauteur en 2010 ? C'est une supputation intéressante ! Tout comme parier sur le fait que le cours des céréales serait durablement élevé.
Souvenons nous que notre vrai combat doit être celui de 2013, de la réforme budgétaire européenne, de notre réactivité à inventer une nouvelle politique agricole commune : plus régulatrice et plus flexible.
Plus complémentaire également dans les financements publics et privés qu'elle proposera autour de nouveaux outils politiques.
Plus en phase également avec la réalité et les risques liés à notre activité : sur ce sujet, nous attendons beaucoup d'une assurance économique efficace pour les années à venir. Le Président de la République s'y est engagé.
Et en attendant, il faut que vous, dans la FNSEA, fassiez en sorte que la DPA soit accessible à des jeunes, faute de système assurantiel dans le domaine économique.
Nous devons sérieusement travailler à une proposition commune, en lien avec les autres partenaires du CAF. Un jeune récemment installé n'a pas la capacité à épargner, alors qu'il est encore plus vulnérable face aux risques économiques.
En résumé, il nous faut des outils d'accompagnement au moment de l'installation, des outils économiques adaptés à des jeunes. Et pour cela, le maitre mot est le partenariat au sein des OPA.
[Communication]
La transition est toute trouvée pour parler de communication...
La FNSEA s'est récemment impliquée dans le domaine de la communication grand public, autour des métiers. Et donc de l'installation des jeunes agriculteurs si j'extrapolais.
Je vous l'avoue, nous n'avons pas compris pourquoi nous n'avions pas été associés à votre campagne d'envergure.
Les remontées au sein du réseau JA furent nombreuses. Les interrogations également dans votre réseau.
Je ne doute pas qu'à l'avenir nous puissions avoir une discussion sereine sur le sujet, basée sur notre complémentarité plus que sur nos divergences. Nous faisons le même métier, nous partageons les mêmes valeurs.
La communication, c'est pourtant notre marque de fabrique, le moteur de la jeunesse de nos adhérents. Un savoir faire que nous voulons préserver tant vis-à-vis du grand public que des 15-25 ans.
C'est dans ce cadre que nous avions signé un accord cadre entre le ministère de l'Education nationale, de l'Agriculture et les JA qui prévoyait que nous puissions intervenir dans les collèges pour parler de notre métier, de jeune à jeune.
Nous voulons rester chef de file sur le sujet et organiser très précisément notre partenariat. La complémentarité doit être le maitre mot !
Parce que nous avons besoin de nouveaux profils et de nouvelles compétences dans notre agriculture de demain, tendance confirmée par les chiffres de l'installation en 2008.
[RGA-ADASEA-Régions]
Nous misons pour cela sur le « plan de professionnalisation personnalisé » (le 3P) qui lance un nouvel accompagnement ou un nouveau parcours pour les jeunes porteurs de projets en agriculture.
Nous sommes fiers qu'il voie le jour cette année, après deux ans de dur labeur. Votre soutien moral nous est précieux pour faire en sorte que les JA puissent continuer à être le moteur de ce renouveau en département et en région.
Car nous devons être partenaires pour travailler au mieux avec les collectivités territoriales. Notre expérience récente sur le sujet nous a un peu échaudés en la matière, notamment concernant la présidence des Comités départementaux à l'installation comme des Comités régionaux.
Notre légitimité politique est entière sur le sujet de l'installation. Vous nous la reconnaissez aisément.
Mais quand l'on aborde la mise en oeuvre des politiques de l'installation au travers des ADASEA ou des chambres d'agriculture, les velléités sur le sujet reprennent le dessus. Au point d'en oublier de se battre ensemble pour tous les crédits qui accompagnent les jeunes et déclinés dans telle ou telle structure.
Nous avons créé un réseau de coordination intitulé Primevère dont l'objet est d'éviter les doublons. Vous devez vous y intégrer !
Nous avons tous à gagner à se répartir les rôles dans les missions plutôt qu'à se concurrencer sur le sujet. Nous devons tous travailler dans l'intérêt des candidats à l'installation !
[Conclusion]
Nous faisons partie de la même famille syndicale, nous avons une histoire commune.
Mais nous n'aurons d'avenir commun que si nous entretenons nos racines et un respect mutuel dans nos combats respectifs ou partagés.
Plus concrètement, nous devons retrouver des liens naturels dans notre travail au quotidien.
Et je dis retrouver car pour proposer et écouter des idées, d'où qu'elles viennent, est-t-il toujours nécessaire d'y mêler un rapport de force de structure ?
Les choses ne peuvent-elles pas se passer plus naturellement ?
Nous, les jeunes, ne voulons pas être les oubliés dans les rendez-vous qui nous concernent, vous ne voulez pas découvrir par hasard ce que nous pourrions proposer...
Nous ne sommes pas une association spécialisée, nous sommes un partenaire de travail et de combat professionnel, au-delà des élections aux chambres d'agriculture qui nous unissent tous les 6 ans.
Et en dépit du renouvellement fort de nos équipes, les JA doivent avoir leur place et demeurer un rien provocateurs, beaucoup prospectifs, et des défenseurs assidus de l'installation.
Nous en sommes persuadés, c'est toute la profession qui doit en être convaincue !
Source http://www.cnja.com, le 3 avril 2009