Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, à RMC le 23 avril 2009, sur la nocivité des radiofréquences et la réforme des hôpitaux dans le cadre du projet de loi "Hôpital, patient, santé et et territoires".

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
 
 
J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin R. Bachelot, ministre de la Santé, bonjour.
 
Bonjour.
 
Merci d'être avec nous. La question est directe et je la pose ce matin aux auditeurs de RMC : oui ou non doit-on donner un téléphone portable à un enfant de 12 ans ?
 
Moi je déconseille évidemment formellement, je dis non ; il ne faut pas donner un téléphone portable à un enfant de moins de 12 ans. Alors j'ai d'ailleurs donné des préconisations tout à fait claires en ce sens en tant que ministre de la Santé. Evidemment l'interdiction de la vente serait sans doute facile à contourner parce qu'évidemment un adulte pourrait acheter un téléphone portable et le donner à un enfant. Néanmoins, je déconseille formellement aux parents d'acheter cette chose qui n'apporte aucune sécurité aux enfants et véritablement le principe de précaution doit jouer.
 
Alors est-ce que vous allez lancer des messages d'avertissement, une campagne d'avertissement ?
 
C'est déjà fait. Nous avons d'abord fait un certain nombre de messages par le biais de l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé. Le ministère édite des plaquettes qui sont largement diffusées et qui mettent en garde et demandent un certain nombre de précautions. Il n'y a pas seulement que pour les enfants, bien entendu ; j'invite aussi les utilisateurs adultes de téléphone portable d'utiliser toujours un kit main libre - ça c'est le deuxième point - ; de ne jamais utiliser le téléphone portable quand on est en déplacement, dans une voiture, même quand on n'est pas évidemment au volant où là c'est strictement interdit, mais même quand on est passager dans une voiture on n'utilise pas son téléphone portable parce qu'effectivement, pour capter les ondes électromagnétiques, le téléphone portable est obligé, contraint d'augmenter sa puissance. Alors non, ni dans une voiture, ni dans un train.
 
Alors est-ce qu'il est confirmé que les ondes des téléphones portables sont dangereuses ?
 
Les études sont fortement contradictoires. Donc il n'y a pas pour l'instant d'assurance que cette affaire soit nocive. Donc il convient de prendre un certain nombre de précautions.
 
Et les antennes ? Parlons des antennes puisqu'il y a cette grande table-ronde aujourd'hui autour de la téléphonie mobile. Les antennes, j'ai une question toute simple : qui décide de l'endroit où une antenne relais est implantée ?
 
Pour l'instant, ce sont les opérateurs qui négocient avec un certain nombre de propriétaires privés ou de collectivités l'implantation des antennes. Par exemple, vous pouvez installer, faire installer une antenne sur votre maison, par exemple, en passant un contrat avec un opérateur de téléphonie mobile qui vous donnera un loyer. D'ailleurs un loyer assez important. Certains sont donc intéressés à installer ces antennes. Il est certain - et ce sera peut-être une conclusion de ce Grenelle des antennes, même si ce n'est pas dans ma responsabilité, n'oubliez pas que je suis bien sûr cette affaire avec N. Kosciusko-Morizet, qui s'occupe d'économie numérique, et avec ma collègue C. Jouanno, qui s'occupe des problèmes d'écologie et d'environnement. Ce sera peut-être une des conclusions qui ressortira qu'il convient d'améliorer les procédures de concertation, d'études d'impact sur ce sujet mais je ne veux pas préempter sur les conclusions.
 
Concertations, études d'impact c'est-à-dire qu'on pourrait associer les citoyens, les maires, les collectivités locales à l'installation de ces antennes ?
 
Tout à fait. Qui ont en tous cas, ce qui est avéré, un impact paysager important.
 
Ca c'est évident. Pourquoi certaines associations disent, les antennes relais implantées en France sont trop puissantes, pourquoi ne pas installer plus d'antennes-relais mais beaucoup moins puissantes ?
 
Alors il faudra d'ailleurs que notre colloque d'experts et d'associations rende un avis sur cette affaire parce que méfions-nous des fausses bonnes solutions dans ce domaine. D'abord, nous sommes sur des normes qui sont les normes en France, qui sont retenues par l'Organisation mondiale de la santé et qui sont retenues par la très grande majorité des pays européens. Multiplier les antennes de plus faible voltage pourrait avoir un effet contreproductif parce qu'évidemment c'est au plus près des antennes que les ondes électromagnétiques sont les plus fortes. Donc d'abaisser le seuil des antennes conduirait justement à augmenter de façon indirecte les ondes électromagnétiques. De plus, lors d'un déplacement, vous le savez, évidemment, le téléphone mobile se met à chercher l'antenne responsable et augmenterait la puissance des téléphones mobiles pour rechercher sur un maillage d'antennes plus denses. Donc on pourrait avoir à ce niveau-là, un effet contreproductif et même augmenter avec des antennes, en les baissant par exemple à 0,6 volt par mètre, on pourrait curieusement et paradoxalement augmenter les ondes électromagnétiques reçues par le sujet. Méfions-nous des fausses bonnes solutions préconisées par certains.
 
Là encore on ne sait pas si les antennes-relais sont nocives ou pas pour la santé. Là encore, les études sont incertaines.
 
Non, l'ensemble des études qui sont à notre disposition vont quand même toutes dans le sens d'un impact réduit. Moi je dis que le problème en ce moment, le problème de santé publique est vraiment sur la question du téléphone mobile où on a...
 
Et des réseaux Wifi.
 
....Où on a - par exemple sur le téléphone mobile on le sait parce que des mesures ont été faites - des taux 100 000 fois plus élevés pour les téléphones mobiles que pour les antennes. Néanmoins, je ne prends pas à la légère les inquiétudes qui sont exprimées par les uns et les autres. Les associations sont là. Elles ne seront pas instrumentalisées. Les experts qu'elles souhaiteront voir participer à ces travaux y sont bien entendu invités pour que les confrontations aient lieu de la façon la plus transparente possible.
 
Bien, premier dossier donc ouvert et refermé avec vous R. Bachelot. Le deuxième évidemment c'est ce projet de loi "Hôpital, Patient, Santé et Territoires" qui revient au Sénat la semaine prochaine. Alors j'ai deux, trois questions précises. Je résume vraiment succinctement ce qu'il y a dans ce projet de loi : le pouvoir donné plus largement aux directeurs d'hôpitaux avec sous contrôle de ces agences régionales de santé. Est-ce que vous allez mieux associer les médecins aux décisions de nomination les concernant ?
 
Alors je veux dire que nous souhaitons que la direction de l'hôpital relève d'un processus d'équipe entre un directeur, qui est évidemment responsable car dans toute structure humaine, il faut qu'il y ait un directeur évidemment responsable, mais qui s'appuie sur un directoire à majorité médicale. Le vice président de ce directoire et le président...
 
Sera un médecin ?
 
Absolument. Le président de la commission médicale d'établissement c'est forcément un médecin. Enfin quelquefois le président de la commission médicale d'établissement est un pharmacien mais enfin un homme ou une femme de santé, bien entendu. Le président de la commission médicale d'établissement, le directoire est à majorité médicale. Je tiens à ce que le directeur des soins infirmiers - parce qu'il n'y a pas que des médecins qui soignent à l'hôpital, il y a en particulier des infirmiers et des infirmières en soi membres de droit - c'est ce directoire à dominante médicale, à dominante soignante qui élabore le projet médical de l'hôpital, qu'ensuite le directeur met en oeuvre parce que c'est son travail.
 
Le directeur qui peut ne pas être un médecin ?
 
En général, ce n'est pas un médecin mais vous savez moi je souhaite diversifier les parcours des directeurs d'hôpitaux. Pourquoi un médecin ne serait pas intéressé pour diriger un hôpital ? Il y a des médecins qui sont d'excellents gestionnaires.
 
Alors est-ce que vous allez amender votre projet de loi au Sénat ?
 
Je l'ai déjà beaucoup amendé à l'Assemblée nationale. J'ai accepté 500 amendements de la majorité, de l'opposition. Bien sûr le texte est perfectible, bien sûr nous allons encore l'améliorer au Sénat.
 
Mais vous allez l'amender ?
 
Mais bien entendu.
 
Sur quel point ? Sur ce point précis, sur ce point de la direction des hôpitaux ?
 
Nous allons faire des avancées sur la direction des hôpitaux...
 
Parce que les médecins sont en colère.
 
...Je veux dire aux médecins que bien sûr le projet médical sera élaboré par ce directoire à dominante médicale. Je souhaite donc qu'ils soient entièrement rassurés sur ce sujet. Alors vous savez que la nouvelle règlementation, le nouveau règlement de l'Assemblée fait que c'est le projet du Sénat qui sera examiné. J'attends donc d'avoir le projet du Sénat. Il y a des discussions qui sont faites avec le rapporteur du Sénat et nous clarifierons les choses pour garantir que le projet d'un établissement hospitalier, c'est bien un projet médical.
 
Un projet médical et les médecins n'auront rien à dire sur l'aspect financier des choses ?
 
Bien sûr que si.
 
Ah ! Bon. Donc vous allez mieux associer les médecins ?
 
Le projet d'un établissement ce n'est pas d'un côté le projet médical et de l'autre côté le projet financier.
 
Parce que les médecins vous disent, de grands médecins, vous les avez lus, qui vous disent c'est une loi qui cale l'hôpital que l'entreprise.
 
Ecoutez ! Je crois qu'il ne faut pas dans ce domaine, ça affaiblit beaucoup les argumentations, il ne faut pas dans ce domaine faire des projets de caricature. L'hôpital public c'est un grand service public. Un grand service public il lui faut de l'organisation, une meilleure organisation. D'ailleurs, je rencontre ces médecins, je note qu'ils sont d'accord avec la majorité des points de la loi. Ils sont d'accord avec la création des agences régionales de santé, ils sont d'accord avec le fait qu'il y ait une meilleure mutualisation des moyens à l'hôpital à travers les communautés hospitalières de territoire. Ils sont d'accord pour des nouveaux statuts de praticiens hospitaliers à l'hôpital. Ils sont d'accord sur le fait qu'il faut profondément réorganiser la médecine de ville.
 
Mais ils ne sont pas d'accord pour qu'on baisse les effectifs.
 
Mais on ne baisse pas les effectifs et ça c'est très important. L'effectif dans l'hôpital ne cesse d'augmenter. Alors il y a des hôpitaux qui peuvent baisser d'effectifs, jamais de personnel médical. Mais on ne parle pas de ceux qui augmentent les effectifs parce que l'hôpital c'est un tissu vivant qui évolue dans son coeur et dans sa périphérie. Donc une meilleure organisation et puis bien entendu des moyens supplémentaires. Est-ce que je peux vous rappeler que nous sommes dans une période économique qui n'est pas facile, dans une période de crise, on peut même parler de récession. Un point, deux points, cinq points de récession ! J'ai augmenté globalement le budget de l'hôpital public dans notre pays de 3,1% et je fais une campagne d'investissement qui va mobiliser dans les trois prochaines années, qui va mobiliser 10 milliards d'euros d'investissement pour rénover notre hôpital public.
 
Bien ! On va parler des dépassements d'honoraires dans deux minutes avec vous. [...]]
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 avril 2009