Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, à France-Info le 4 mai 2009, sur l'épidémie de grippe A (H1N1), la prévention contre les risques viraux et les maladies contagieuses.

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Média : France Info

Texte intégral


 
 
C. Bayt-Darcourt.- C'est la ministre de la Santé qui est notre invitée, ce matin. Bonjour R. Bachelot et merci d'avoir accepté l'invitation de France Info, pour faire le point sur la grippe A qui sévit désormais dans 20 pays, dont la France. On en est à deux cas avérés, 28 suspects, 8 probables, c'est toujours ça ?
 
C'est toujours cela ce matin. Alors nous sommes dans une situation où, je veux répéter les deux mots d'ordre, de sérénité et de vigilance. Sérénité parce que l'on constate à un plateau dans le nombre de cas, une stabilisation du nombre de cas. Enfin, une légère décélération de l'augmentation. Toutefois, vigilance pour deux raisons. D'abord parce que nous voyons que le nombre de pays qui enregistre des cas confirmés augmentent. Donc nous avons des foyers probables de dissémination du virus. Et puis ensuite, il n'est pas du tout exclu, on l'a observé dans les autres épidémies de grippe, juste après la Première guerre mondiale...
 
La grippe espagnole...
 
La fameuse grippe espagnole en 1918 ou dans l'épidémie de 57, ou dans celle de 68, on a d'abord une première salve d'épidémie, elle se rétracte en quelque sorte et la période estivale va y aider. Et puis, il y a une deuxième salve d'épidémie en général plus virulente. C'est pour ça qu'il faut que nous soyons extrêmement en alerte, extrêmement vigilants.
 
Mais si la situation se présente, si l'épidémie revient, on parle de l'automne, ça laisse quand même le temps de préparer un vaccin ?
 
Exactement. Les spécialistes de l'industrie pharmaceutique qui fabriquent ce genre de vaccin. Le temps de mettre tout à fait au clair la carte d'identité du virus, puis de bâtir le vaccin, c'est entre 4 à 6 mois. Donc nous pourrions avoir un vaccin sur le plan technique. Il reste évidemment à résoudre, un certain nombre de problèmes logistiques, parce que les chaînes de fabrication du vaccin, sont aussi mobilisées pour fabriquer le vaccin de la grippe saisonnière, je dirais "banale", celle que nous connaissons bien. Donc il faudra faire, le Gouvernement, avec l'industrie pharmaceutique, et bien entendu les autorités sanitaires internationales, l'Organisation mondiale de la santé, il faudra faire des choix stratégiques. Il n'est pas exclu non plus que l'industrie pharmaceutique puisse nous proposer peut-être un vaccin combiné, le vaccin de la grippe saisonnière classique avec une petite partie qui permettrait de prendre en compte cette nouvelle souche H1N1.
 
On ne comprend plus très bien. On nous a parlé d'une grippe virulente puisque mortelle, notamment au Mexique. Est-ce qu'elle est vraiment si forte que ça, cette grippe A ?
 
Alors nous sommes en train, évidemment, avec les experts internationaux, de regarder cela. Et en particulier, nous travaillons avec ce qu'on appelle le Center Disease Control d'Atlanta, qui est spécialisé sur cette affaire pour bien comprendre les composantes qui sont responsables de la virulence du vaccin. Je réunis moi-même demain matin, au ministère de la Santé, une réunion d'experts pour que nous puissions faire l'analyse comparative de cette souche et tout à fait typer la gravité de l'épidémie, parce que finalement, ce vaccin, nous l'avons découvert, il y a maintenant une dizaine de jours, et nous sommes encore avec de grandes inconnues.
 
Est-ce que c'était judicieux de passer au niveau 5 ? Il y en a 6 au total...
 
Ce n'est pas nous qui avons décidé le passage au niveau 5, ce ne sont pas les autorités sanitaires françaises, c'est l'Organisation mondiale de la santé, au vu d'éléments objectifs qui étaient le nombre de zone touchée par le virus. Il y a un certain nombre de zones qu'on appelle des zones OMS, il y avait donc plusieurs zones, ce qui est une des caractéristiques qui mérite le passage au niveau 5 et de la contamination interhumaine. Et pas seulement de la contamination entre l'homme et l'animal réservoir. Nous n'avons pas de contamination interhumaine en France, mais nous avons jugé nécessaire que le principe de précaution soit à l'oeuvre. Parce que c'est mon but, à ce moment précis de la pandémie, d'éviter qu'il ne diffuse dans notre pays, et de préparer la France à toute éventualité, et en particulier, peut-être à l'automne, à cette deuxième flambée épidémique.
 
A partir de demain, tous les vols en provenance du Mexique à destination de Paris, seront orientés dans une zone spéciale à Roissy, pour que les passagers n'entrent pas en contact avec les autres voyageurs. Ce n'est pas un peu tard ?
 
Alors, nous avons pris, évidemment, au fur et à mesure un certain nombre de positions. Je pense que nous avons eu une réaction qui a été graduée, et nous tirerons évidemment, toutes les conclusions de tout ce qui s'est passé. Moi, je crois que nous avons bâti un plan français extrêmement sophistiqué pour nous préparer à la grippe. Nous voyons bien qu'il y a des choses qui changent, évidemment, nous, nous étions préparés à une grippe qui venait du sud-est asiatique, avec un virus très virulent et peu disséminant. La grippe, elle vient maintenant, d'Amérique du Sud, elle est peu virulente mais elle a une grande capacité de dissémination. Moi, ce que je veux, c'est sans arrêt et en continu, adapter le plan, faire qu'il soit souple pour s'adapter à toutes les caractéristiques. C'est aussi une leçon de cette crise.
 
Vous parlez d'un plan sophistiqué, ce n'est pas ce que pensent les médecins libéraux. Ils vont se réunir aujourd'hui. Ils disent ne pas avoir reçu de moyen pour lutter contre cette maladie, notamment des masques de protection.
 
Alors je veux rassurer les médecins, je pense que c'est une critique qui est absolument infondée. Et nous avons donné des informations complètes et d'ailleurs, il y a un certain nombre de sites, aussi bien le site du ministère de la Santé, de l'Institut de veille sanitaire, et de l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé, ainsi que du Secrétariat d'Information du Gouvernement (sic), avec des coins dédiés, des parties dédiées aux professionnels de santé. Je rappelle qu'ils peuvent avoir accès aux masques, bien entendu, dans les centres de référence, dont les SAMU, dont les listes sont à disposition sur Internet. Et pour parfaire, s'il y avait, s'il en était besoin, je réunis demain au ministère l'ensemble des Unions régionales des professionnels de santé, des médecins libéraux, ainsi que les syndicats, ainsi que le Conseil et les Syndicats de médecins, ainsi que le Conseil de l'Ordre pour voir s'il est nécessaire de parfaire le dispositif. Mais bien entendu, les médecins ont depuis le début de l'épidémie, c'est-à-dire samedi dernier, accès à toutes les informations nécessaires. Je rappelle en particulier que le DGS urgent, le site DGS urgent, a envoyé dès le samedi matin - c'est-à-dire pas samedi dernier, l'alerte de l'OMS avait été lancée le vendredi soir -, samedi il y a huit jours, ont reçu les informations, toutes les informations nécessaires sur cette épidémie de grippe.
 
Et vous allez lancer demain, une campagne de prévention, dans les médias. Elle va rappeler les bons gestes pour ne pas contracter le virus de la grippe A. Rapidement, quels sont-ils ces bons gestes ?
 
Les bons gestes, c'est d'abord se laver les mains, plusieurs fois par jours. Et ça vaut pour la grippe A, mais c'est une mesure d'hygiène...
 
Pour toutes les maladies contagieuses...
 
Il faudra garder ces bonnes habitudes, ces gestes barrières. Se laver les mains plusieurs fois par jour. Se moucher ou éternuer dans un mouchoir en papier, jeter ce mouchoir en papier après. Troisièmement, quand on a des symptômes de grippe, on ne va pas aux urgences, on appelle le centre 15, on ne va pas dans la salle d'attente de son médecin, on l'appelle et là, il regarde si c'est un malade qu'il convient de prendre en charge par les mesures appropriées à cette épidémie de grippe.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 mai 2009