Conférence de presse de M. Bruno Le Maire, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, notamment sur les principaux dossiers de politique étrangère de l'Union européenne et sur l'avenir de la construction européenne, à Bruxelles le 18 mai 2009.

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Circonstance : Conseil affaires générales et relations extérieures, à Bruxelles le 18 mai 2009

Texte intégral

Merci d'être là. Nous avons donc eu une séance du CAG consacrée à la fois à la préparation du Conseil européen et à un certain nombre de sujets d'actualité dont certains avaient été proposés par le gouvernement français. Sur le Conseil européen de juin prochain, j'ai tenu à rappeler deux points qui nous paraissent importants.
Le premier, c'est la nécessité de confirmer la volonté politique de l'Union européenne d'avancer vers davantage de régulation financière et ce, sur la base du rapport Larosière qui constitue pour le gouvernement français la meilleure base de travail possible pour renforcer la régulation financière en Europe et dans le monde. J'ai également parlé de la préparation du sommet de Copenhague et de la question du développement durable pour rappeler que l'Union européenne devait conserver des objectifs ambitieux qui avaient été fixés sous présidence française dans le cadre du paquet énergie-climat et que ces objectifs ambitieux devaient également faire l'objet de démarches diplomatiques et politiques auprès de tous les Etats qui participeront au sommet de Copenhague. Je pense en particulier aux Etats-Unis mais également aux nouveaux pays émergents et aux pays en voie de développement pour leur rappeler l'importance que nous attachons à des résultats concrets et ambitieux au prochain sommet de Copenhague en matière de développement durable.
S'agissant de la deuxième partie des sujets internationaux d'actualité, la France avait pris deux initiatives pour mettre à l'ordre du jour la question de la situation en Géorgie et la question de la lutte contre la piraterie maritime. Sur la Géorgie, nous avons demandé l'accélération des renforcements du lien entre l'Union européenne et la Géorgie car nous estimons que c'est le meilleur moyen de garantir la stabilité dans cette région. Ce renforcement passerait notamment par des liens économiques plus étroits avec un accord de libre-échange et une libre circulation des personnes qui serait facilitée. Sur la piraterie en haute mer, j'ai constaté que la mission Atalante était un succès - c'était d'ailleurs un avis partagé de manière unanime par les Etats membres de l'Union européenne - de la même façon, il y a eu un accord général pour dire qu'il fallait maintenant étendre l'opération Atalante géographiquement notamment jusqu'aux Seychelles pour tenir compte de l'évolution de la piraterie dans cette zone maritime.
Enfin, j'ai proposé, au nom du gouvernement français, une initiative européenne de formation des forces de sécurité somalienne, vous savez que la France a déjà pris une initiative dans ce domaine avec une formation qui devrait commencer à être assurée à partir du mois de septembre, nous souhaitons que cette initiative nationale devienne une initiative européenne parce qu'elle garantira là aussi la stabilité politique en Somalie et qu'elle permettra aux forces somaliennes elles-mêmes d'assurer leur sécurité et le contrôle des risques d'actes de piraterie dans la région. Je dois dire que l'initiative française a reçu un accueil très positif notamment des délégations allemandes et néerlandaises pour n'en citer que deux.
Sur les autres sujets internationaux, je ne citerai juste que trois éléments qui ont fait l'objet de débats importants. Le premier élément est l'aide aux réfugiés pakistanais, vous savez qu'à la suite des troubles à l'intérieur du Pakistan, un certain nombre de personnes ont été contraintes de se déplacer, ce qui pose des problèmes humanitaires importants notamment en dehors de la vallée de Swatt.
La France a débloqué 12 millions d'euros pour venir en aide à ces personnes déplacées, la Commission, par la voix de Benita Ferrero-Waldner a remercié la France de son soutien dans cette opération.
Deuxième sujet, c'est le Sri Lanka où des conclusions ont été adoptées par le Conseil qui vont dans le sens des observations qui avaient été faites par David Milliband et par Bernard Kouchner à la suite de leurs déplacements sur place pour réclamer qu'après la fin des conflits s'ouvre un processus politique le plus large possible qui garantisse la stabilité dans le pays et l'accès humanitaire pour venir en aide aux populations sur place.
Enfin, troisième sujet que je souhaitais aborder et qui a fait là aussi l'objet de débats au CAG, c'est évidemment la question de la Birmanie, à la suite des décisions prises par la junte contre Mme Aung San Suu Kyi, nous avons été évidemment unanimes dans l'Union européenne pour condamner la décision prise à l'encontre de Mme Aung San Suu Kyi, condamner cette décision et également réclamer un examen des sanctions qui sont prises actuellement à l'encontre de la Birmanie pour voir comment ces sanctions pouvaient être plus efficaces et éventuellement pouvoir les renforcer, la décision devant être prise à la suite de cet examen et l'objectif étant naturellement d'avoir des sanctions qui soient les plus fermes, les plus efficaces possible contre le régime birman. Ces initiatives seront évidemment présentées et discutées avec les pays de l'ASEAN à l'occasion du sommet UE-ASEAN qui aura lieu dans les prochains jours. Voilà les éléments que je voulais porter à votre connaissance avant de répondre à vos questions.
Q - Sur l'initiative ''Somalie - Formation des soldats'' : tout le monde est-il d'accord pour une formation européenne comme cela se fait, par exemple, au Congo ?
R - J'ai constaté aujourd'hui un accord général sur le principe, c'est-à-dire que tous les pays membres de l'Union européenne sont d'accord pour reconnaître que si on veut véritablement mettre fin aux actes de piraterie dans cette zone maritime, il faut d'abord s'assurer de la sécurité en Somalie, de la capacité des forces somaliennes à garantir la sécurité sur place. Sur ce principe-là, il y a un accord général qui a été souligné notamment par Javier Solana. Ensuite, sur les modalités de mise en oeuvre de cette force, là aussi il y a un accord, il faudra voir ensuite qui est disposé à y participer, qui a les moyens nécessaires à mettre en oeuvre. C'est toujours évidemment le point qui fait difficulté lorsqu'on se lance dans ce genre d'opération mais l'initiative a été saluée très largement par les Etats membres sur son principe.
Q - Est-ce qu'en septembre cela pourrait démarrer ?
R - Septembre, c'est de toute façon le démarrage de l'initiative française puisque le président de la République a indiqué qu'il avait pris la décision et que cela lui paraissait indispensable pour être véritablement efficace sur le terrain, nous avons donc quelques mois pour regarder avec les autres pays membres de l'Union européenne qui est prêt à contribuer et à quelle hauteur.
Q - Le président Sarkozy a rencontré le Premier ministre macédonien la semaine dernière et il a notamment demandé de l'aide au sujet du nom. Quelle est la position de la France ? Que pense faire la France ?
R - Nous sommes toujours prêts à aider à résoudre les difficultés qui concernent l'Union européenne ou le voisinage immédiat de l'Union européenne mais la position de la France n'a pas changé, elle a été rappelée effectivement par le président de la République à l'occasion de son entretien de la semaine dernière.
Q - Sur la Birmanie : quand on voit la panoplie de sanctions déployées et notamment la pression qui a été mise en 2007, seriez-vous favorable à un type de sanctions par exemple en relation avec les intérêts pétroliers cf. Total ?
R - Je ne veux pas préjuger de ce que sera cette discussion, simplement quelques points de bon sens. Premier point de bon sens, le comportement de la junte birmane notamment au regard du respect des droits de l'Homme est inacceptable. Il est unanimement condamné par les pays membres de l'Union européenne.
Deuxième observation : face à ce comportement inacceptable qui ne cesse de se durcir, il faut donner des signaux qui soient des signaux de très grande fermeté politique et c'est le signal que nous avons voulu donner à 27 aujourd'hui.
Troisième observation : nous avons un système de sanctions contre la Birmanie qui n'est pas aussi efficace que nous le souhaiterions, cela nous le savons. A partir de là, c'est la décision qui a été prise aujourd'hui, nous voulons regarder comment ce système peut être plus efficace, est-ce qu'il faut renforcer les sanctions ? Est-ce qu'il faut déplacer un certain nombre de sanctions vers d'autres secteurs pour que cela soit plus efficace ? Je ne veux pas préjuger de ce que seront les discussions techniques sur ce sujet. Mais notre objectif est d'être le plus efficace possible pour que les décisions qui sont prises par l'Union européenne aient un impact direct sur la junte birmane et sur les décisions prises par la junte birmane contre les droits de l'Homme.
Q - Qu'a donné la phase de préparation du Conseil européen ? Avez-vous notamment abordé la formation de la Commission européenne ? Avez-vous des informations notamment sur la reconduction de M. Barroso ?
R - Le point n'a pas été évoqué, ni en détail ni d'ailleurs de manière générale à l'occasion du Conseil, je ne peux donc pas vous donner de précisions aujourd'hui.
Q - Est-ce que la France est pour que le président de la Commission soit désigné au mois de juin ?
R - Le président de la République s'est déjà exprimé là-dessus. D'abord il y a un calendrier à respecter, le calendrier ce sont des élections européennes qui ont lieu le 7 juin et donc toute question préalable avant les élections du 7 juin sur les noms, soit des Commissaires soit du président de la Commission, sont des questions oiseuses parce que nous ne pourrons pas préjuger de ce que sera le choix des citoyens européens. Ce choix des citoyens européens a de l'importance parce que vous savez que la procédure de désignation de la Commission et du président de la Commission, le Parlement européen a un mot important à dire.
Deuxième remarque, il y a des conclusions du Conseil européen de décembre 2008 qui fixent les grandes orientations et donc l'idée est qu'il y ait une première décision qui soit prise au prochain Conseil européen de juin. Est-ce que ce sera une décision de nomination, une décision plus indicative ? Ce sera au Conseil européen de juin de le décider dans le cadre du principe général qui a été fixé en décembre 2008.
Q - Quelle est la position de la France ?
R - La position de la France est qu'il faudra donner une indication au mois de juin de 2009 à l'occasion de ce Conseil à la suite des élections européennes du 7 juin, en tenant compte naturellement du résultat de ces élections et de ce que les citoyens auront voulu exprimer à l'occasion de ces élections. Nous verrons ensuite jusqu'où il faut aller dans l'indication que donnera le Conseil le 18-19 juin.
Q - Sur ce point, hier, sur France inter, je crois, vous avez dit qu'il fallait attendre la première session du Parlement européen pour avoir l'aval ?
R - J'ai dit surtout qu'il fallait attendre le résultat des élections du 7 juin. Je pense que c'est très important, à un moment où on s'interroge beaucoup sur le taux de participation des Français et les autres Etats européens à ces élections de juin, de ne pas laisser entendre quelque chose qui d'ailleurs serait faux à savoir que tous les jeux sont faits à l'avance. Le Parlement européen aura son mot à dire sur la désignation du prochain président de la Commission et de la prochaine Commission. A partir du moment où il a son mot à dire, il faut savoir quelle est la composition de ce Parlement, quel sera le choix des citoyens européens avant d'ouvrir ce sujet.
Q - Cela veut dire que le candidat pressenti accepté par la plupart des gouvernements devra passer par l'approbation du Parlement européen ?
R - Mais de toutes façons, une fois encore, la nomination du président de la Commission européenne ou de la Commission européenne en tant que telle n'est pas le fait du prince, cela je tiens vraiment à le dire avec beaucoup de fermeté : ce n'est pas le fait du prince, et donc ce n'est pas le fait des Etats réunis en Conseil, il y a une décision d'approbation qui est prise par le Parlement, par conséquent les citoyens par l'intermédiaire de leurs parlementaires européens qu'ils désigneront le 7 juin prochain ont leur mot à dire, c'est important. M. Barroso, nous estimons, le président de la République l'a dit à plusieurs reprises, que c'est un bon président de la Commission, cela ce n'est pas le sujet mais ensuite il y a une procédure démocratique propre à l'Union européenne qui doit être respectée.
Q - Que répondez-vous à M. Bayrou qui a dit que Barroso était un ''zombie'' ?
R - Je réponds que M. Barroso est un bon président de la Commission et qu'il faut se méfier, en campagne électorale, des jugements à l'emporte-pièce.
Q - Sur la préparation du sommet UE-Russie : Qu'est ce que la France attend de ce sommet ? y'a t-il eu des décisions concrètes ?
R - Il n'y a pas de décisions concrètes qui ont été prises aujourd'hui. L'idée est de considérer que la Russie est un partenaire stratégique majeur pour l'Union européenne et qu'il faut donc explorer toutes les voies et moyens qui nous permettent à la fois sur le plan économique, sur le plan politique et sur le plan stratégique de renforcer nos liens avec la Russie de façon à ce que nous ayons avec la Russie un partenariat qui soit serein et constructif dans les années à venir et cette idée-là a fait l'objet aussi d'un très vaste consensus à l'intérieur de l'Union européenne.
Q - A-t-il été fait allusion au Sri-Lanka et à la Birmanie au sujet du Sommet UE-Chine ?
R - Non, il y a effectivement un sommet UE-Chine dans deux jours mais il n'a pas été fait allusion à la Chine lorsqu'on a parlé du Sri Lanka et de la Birmanie. La Chine peut évidemment jouer un rôle, puisque c'est un acteur majeur de la région, mais nous nous sommes concentrés d'abord sur l'action de l'Union européenne, les messages politiques qu'elle entendait faire passer sur ces pays, davantage que sur l'approche régionale des difficultés.
Q - Sur un point de détail : avez-vous un commentaire à faire sur le petit incendie qu'il y a eu au Berlaymont ? Alors l'Europe part en fumée ?
R - Soyons positifs, l'incendie est circonscrit et éteint.
Q - Sur les élections européennes : on a l'impression que tous les sujets qui font débat sont sortis du chemin ... Tout a été dilué ... Ne trouvez-vous pas que cela est préjudiciable pour le débat paneuropéen ?
R - Il faut un débat dans l'Union européenne pour avoir une forte participation des citoyens aux élections du 7 juin. C'est le débat qui fait l'intérêt de l'élection, ce débat, dans la majorité présidentielle avec le président de la République et le Premier ministre et nous l'avons posé sur des questions que précisément d'habitude on essaie de cacher sous le tapis. Ces questions-là nous avons voulu, au contraire, les mettre sur la table pour les présenter aux Français et pour leur dire exactement quelles étaient nos positions et nos choix.
Sur la question de l'élargissement qui est une question qui préoccupe beaucoup les Français, nous avons dit pour la première fois, de manière très claire, que l'Europe avait besoin de frontières et qu'il n'y aurait pas de projet politique européen s'il n'y avait pas de frontières. Nous avons pris une position très claire, en disant que nous étions très naturellement prêts à accueillir les Balkans, qui pouvaient apporter beaucoup à la stabilité en Europe, mais qu'ensuite il fallait arrêter l'élargissement. De ce point de vue là, nous estimions que la Turquie n'avait pas sa place dans l'Union européenne, c'est un vrai sujet de débat, c'est un sujet essentiel, nous l'avons posé.
Sur la question des institutions qui font débat, cela ne nous a pas échappé, un certain nombre de formations politiques, en France, s'interrogent encore sur l'opportunité de souscrire au Traité de Lisbonne ou non... Nous avons dit que le Traité de Lisbonne est un bon traité, nous ferons tout pour que le Traité de Lisbonne soit ratifié dans le courant de l'année 2009 et comme responsable des Affaires européennes, je peux vous dire que je me bats quotidiennement pour faire en sorte que ce Traité de Lisbonne soit ratifié dans le courant de l'année 2009.
Sur les questions économiques, là aussi, je crois que nous avons ouvert le débat et posé les choses très clairement, nous estimons que la concurrence ne doit plus être l'alpha et l'oméga de la doctrine économique européenne. Nous avons besoin à côté de la concurrence d'une stratégie de coopération entre les Etats membres pour faire en sorte qu'émerge une industrie européenne compétitive, performante, qui crée des emplois, plutôt que d'en détruire.
Nous avons posé aussi la question de défense des intérêts européens. Comment fait-on pour défendre les intérêts européens face à la liberté de circulation des capitaux et la liberté d'investissement des capitaux en Europe ? Nous avons proposé que l'Union européenne se dote d'un moyen d'examen et de veto sur les capitaux étrangers qui viendraient s'investir dans les industries stratégiques européennes. Cela a fait débat, c'est un vrai sujet de débat et je peux vous en citer encore quelques-uns comme cela sur lesquels nous avons vraiment voulu mettre les sujets sur la table. Il ne s'agit pas de sujets consensuels. Lorsque je dis qu'il faut que l'on change de logiciel économique, que l'on arrête avec la concurrence absolue comme seul élément de la doctrine économique européenne effectivement ce n'est pas quelque chose qui est accepté très largement, c'est quelque chose qui fait débat, d'autres Etats ne sont pas d'accord, mais je crois que c'est justement tout l'intérêt de cette campagne européenne de mettre des grands sujets sur la table.
Q - Je ne parlais pas des Etats membres mais de la Commission qui démine le terrain pour qu'il n'y ait pas de sujets polémiques...
R - Oui mais je crois que l'intérêt de cette campagne ce n'est pas justement de sortir des petits sujets polémiques sur lesquels les uns et les autres vont s'écharper, ce qui nous empêchera de fixer une ligne stratégique et politique pour l'Europe. Aujourd'hui, nous sommes vraiment à un moment de l'histoire européenne, et de l'histoire du monde d'ailleurs, où il faut que nous nous fixions des lignes politiques. Tous les grands ensembles dans le monde se fixent de grands objectifs politiques, l'Administration américaine a fixé des grands objectifs politiques et stratégiques aux Etats-Unis. La Chine a proposé au G20 un certain nombre d'orientations pour le monde de demain qui sont des orientations stratégiques conformes aux intérêts chinois. Est-ce que l'Union européenne, demain, est capable à l'issue de ces élections du 7 juin, sur la base d'un nouveau Parlement européen, avec une nouvelle Commission, de fixer, elle-même, une stratégie politique et savoir ce qu'elle se fixe comme cap politique pour demain.
Nous, nous disons, voilà, le cap politique ce n'est plus d'élargissement. Le cap politique, c'est plus de politique économique intégrée. Plus de puissance économique européenne. Le cap politique c'est une vraie industrie européenne compétitive. Le cap politique c'est des critères obligatoires pour l'innovation et pour la recherche pour que nous soyons effectivement un grand ensemble compétitif demain. Le cap politique c'est d'avoir une véritable force politique européenne en matière de gouvernance, en matière de défense des intérêts européens. Voilà, nous, ce que nous fixons. Après il y a d'autres possibilités, d'autres options mais je crois que le mérite du gouvernement français et de la majorité qui soutient ce gouvernement, c'est d'avoir posé sans aucune ambiguïté les grands débats de l'Europe de demain.
Q - On n'a pas l'impression que cela mobilise les électeurs, par exemple, le vin rosé, les quotas de pêche sont des sujets qui mobiliseraient davantage les électeurs ?
R - Les quotas de pêche sont des sujets qui sont traités. On regarde comment est-ce qu'on peut faire des quotas de pêche pour faire en sorte qu'on réponde aux interrogations des pêcheurs français, donc ces sujets-là sont traités mais je crois qu'au-delà de ces sujets qui sont importants mais qui n'engagent pas l'avenir politique de l'Union en tant que tel, il y a un vrai besoin de la part des électeurs français de savoir quel type d'Europe on leur propose et l'Europe toute libérale, l'Europe sans frontières, l'Europe sans projet politique, c'est, à mon sens, ce qu'ils refusent. Et donc nous voulons leur proposer autre chose.
A partir de là, il faut ouvrir un débat, on le fait, j'ai l'impression que ce débat progresse, je suis peut-être exagérément optimiste, la majorité présidentielle a été la première à poser ces débats de fond. Je vois que toutes les autres formations politiques se sont concentrées sur des attaques contre le président de la République ou sur la préparation des prochaines ambitions présidentielles des uns et des autres ce qui n'est pas le sujet. Nous, nous avons eu le mérite que la liste conduite par Michel Barnier présente un programme qui est le plus clair et le plus cohérent possible pour l'Europe.
Q - Le choix du président de la Commission sera-t-il fait en fonction de cette feuille de route ?
R - Nous, nous voulons de la responsabilité politique en Europe. La responsabilité politique cela veut dire quoi ? Vous savez je suis élu local, quand je suis élu à Evreux ou aux alentours d'Evreux, je dis que je vais me battre pour l'emploi, cela a été l'un des axes majeurs de ma campagne législative, lorsque GSK, qui est la grande entreprise d'Evreux, a perdu la moitié de ses emplois - 800 supprimés sur 1600 à cause de la crise économique - j'ai passé toutes mes semaines à me battre pour que l'on sauve le plus possible d'emplois à la suite de ces annonces parce que c'est l'engagement que j'avais pris dans la campagne.
Eh bien je pense qu'à une échelle beaucoup plus importante, à l'échelle européenne, il doit en aller exactement de la même façon, c'est-à-dire que l'on doit savoir ce que vont faire les parlementaires qui vont être élus, pourquoi ils vont se prononcer et cela on le sait pour la majorité parce que notre programme est clair, on ne le sait peut-être pas aussi bien dans d'autres formations politiques et on doit le savoir aussi pour la Commission parce qu'il se trouve que la singularité du pouvoir en Europe c'est qu'il repose sur un trio : les peuples représentés par le Parlement, les Etats représentés par le Conseil, l'intérêt général européen représenté par la Commission. Eh bien nous souhaitons savoir ce que la Commission va défendre comme programme au cours des cinq années de sa législature. Et, pour cela, nous avons demandé - nous sommes d'ailleurs la seule formation politique à l'avoir demandé - à mon initiative, que la Commission européenne présente une vraie déclaration de politique générale au moment où elle sera investie, je ne dis pas simplement comme elle le fait actuellement, et comme elle le fait d'habitude, qu'elle se soumette à un certain nombre d'auditions générales devant le Parlement, je dis qu'elle doit présenter un programme de politique générale, exactement comme le Premier ministre le fait en France devant le Parlement, pour dire, sur l'économie c'est cela notre doctrine. Sur l'industrie, c'est cela notre doctrine. Est-ce que sur l'industrie la doctrine de la Commission va être le laisser-faire absolu en disant la concurrence arrivera à trier le bon grain et l'ivraie, détruira les emplois qu'il faut et laissera se consolider ceux qui sont les plus forts ? Ou est-ce qu'au contraire elle favorisera une approche coopérative pour faire en sorte qu'il y ait une vraie industrie européenne qui émerge ? Les électeurs français ont besoin de le savoir à l'avance. Est-ce qu'en matière d'innovation et de recherche la Commission s'engage pour une vraie révision contraignante, convaincante, de la stratégie de Lisbonne, oui ou non ? Nous avons besoin de le savoir. Est-ce qu'en matière de régulation financière la Commission s'engage pour avoir de vraies règles de contrôle du système financier qui correspondent aux indications qui ont été fixées au G20 de Londres ? Nous avons besoin de le savoir.
Nous avons besoin de savoir devant ceux qui représentent les peuples, c'est-à-dire le Parlement européen, quelles vont être les grandes lignes que la Commission entend suivre sur les sujets stratégiques, majeurs, les grandes orientations politiques de l'Europe dans les cinq années à venir. C'est quelque chose de nouveau. J'espère que nous aurons gain de cause là-dessus parce que cela me paraît très important pour la démocratie en Europe et pour que le citoyen ne se sente pas floué dans son vote.
Q - Mais dans ce cas cela sera après le vote ... et M. Barroso ne fait pas campagne en annonçant le programme de la Commission, et la politique qu'il va défendre ?
R - Vous ne faites qu'ajouter de l'eau à mon moulin, c'est-à-dire que ce n'est qu'après le 7 juin qu'on pourra discuter de cette question du président de la Commission et de la nomination de la Commission parce que c'est précisément le Parlement européen qui aura un pouvoir fort pour donner son blanc-seing ou non à une Commission et au président de la Commission et, pour cela, je pense qu'il sera nécessaire que le président de la Commission et que la future Commission s'engagent sur des lignes politiques claires.
Je vais vous dire, mon sentiment personnel, c'est que nous allons vers un renforcement du poids du Parlement européen, nous y allons au nom des institutions que nous avons choisies puisque avec le Traité de Lisbonne la partie de la codécision va être considérablement étendue et que ce sera sans doute 9 textes sur 10 qui seront examinés et modifiés par le Parlement. Et puis nous y allons aussi pour des raisons qui sont des raisons plus politiques : ces raisons plus politiques, c'est que les citoyens souhaitent avoir un contrôle - et cela me paraît tout à fait légitime - sur l'avenir de leur institution politique commune qui est l'Union européenne. Et pour cela ils réclameront que le Parlement européen ait un contrôle plus étroit et des engagements plus clairs pris par la Commission, par le président de la Commission, au moment de leur nomination.
Q - Mais les lignes que vous donnez sur l'élargissement, la Turquie ne sont pas celles de la Commission, alors y a-t-il une logique à soutenir Barroso ?
R - Mais nous verrons, je ne veux pas anticiper, une fois encore, j'estime que M. Barroso est un bon président de la Commission. Simplement il y a un renouvellement qui va s'opérer à partir du 7 juin, nous allons avoir un nouveau Parlement européen. Le PPE s'est déjà prononcé en faveur de M. Barroso. Je pense que le PPE demandera un certain nombre d'engagements à M. Barroso, ce sera aux parlementaires de le décider et puis à partir de là, ils prendront librement leur décision.
Q - Et si après, les réponses n'étaient pas au rendez-vous, seriez-vous prêt à soutenir d'autres noms ?
R - Vous savez, je ne suis que secrétaire d'Etat aux Affaires européennes donc je me garderai bien de répondre plus précisément à votre question.
Q - A voir vos lignes rouges, vous êtes plus près d'un M. Rasmussen que d'un M. Barroso ?
R - M. Barroso a été président de la Commission pendant cinq ans, j'estime qu'il a été un bon président de la Commission. Après le 7 juin, il y a une nouvelle histoire qui s'ouvre, qu'est ce que seront les élections du 7 juin ? Quels seront les résultats ? Quels engagements prendront les candidats à la présidence de la Commission, je n'en sais rien, donc c'est à partir de là que s'ouvrira cette nouvelle histoire.
Q - Y'aura-t-il plusieurs candidats ?
R - Nous verrons. Là aussi, chacun est libre d'être candidat à la présidence de la Commission. Vous savez, malheureusement ce qui passionne les médias français c'est cette question. Aujourd'hui il y a un candidat qui est M. Barroso qui a le soutien du PPE et qui est un bon président de la Commission. Voilà tout ce qu'on peut dire.
Q - Il va y avoir deux réunions importantes cette semaine avec la Chine et avec la Russie ... certaines délégations sont inquiètes sur, par exemple, le protectionnisme affiché par la Russie notamment après les propos de M. Poutine. Quelle est la position de la France, quels ont été les points discutés lors du Conseil ?
R - Le sommet UE-Chine n'a pas été abordé donc je n'en parlerai pas ici. Sur le sommet UE-Russie, je répète que notre souci est d'avoir avec la Russie, sur tous les plans, à la fois économique, stratégique, politique, une relation qui soit la plus sereine et la plus constructive possible. Ce n'est pas parce que nous sommes en situation de crise économique, qu'il y a des difficultés dans tous les pays voisins de l'Europe et en Europe même, qu'il faut que nous cédions à la tentation des irritations ici ou là. La Russie est un partenaire stratégique de l'Union européenne, un partenaire essentiel et donc tout ce que nous pourrons faire pour renforcer les liens avec la Russie, pour les rassurer sur certains sujets, notamment les questions liées à l'OTAN, les questions liées à la Défense et à la sécurité européenne, nous le ferons parce que nous estimons, surtout dans les circonstances actuelles, qu'il faut aller vers davantage de sérénité dans les relations entre l'Union européenne et la Russie, des relations qui soient les plus constructives possibles.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2009