Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
A une semaine des élections européennes, je voudrais commencer par dire que l'unification de l'Europe, nous sommes pour !
Le courant communiste révolutionnaire a même une très longue antériorité sur tous ceux qui se présentent comme de chauds partisans de l'unification européenne alors qu'ils ne sont parvenus qu'à une Union européenne qui n'est pas vraiment une union et qui est loin d'englober l'ensemble de l'Europe.
Trotsky a affirmé la nécessité d'unir les peuples de ce continent dans des Etats-Unis d'Europe en octobre 1914, au moment où commençait la Première Guerre mondiale. Au moment où les bourgeoisies française, britannique, allemande envoyaient des millions d'ouvriers, de paysans, de petites gens, tuer et se faire tuer ou pourrir dans les tranchées de Verdun et d'ailleurs.
De la part du communiste qu'il était, la position de Trotsky n'était pas seulement une prise de position humaniste et encore moins pacifiste. Elle reposait sur une compréhension solide du développement historique.
Déjà à cette époque, le capitalisme avait tissé une multitude de liens entre les différents pays d'Europe et même bien au-delà. Déjà à cette époque, le développement économique étouffait dans le cadre des anciens Etats nationaux.
Et contre les va-t-en guerre qui invoquaient la patrie, Trotsky affirmait -et je le cite- « pour le prolétariat européen, il ne s'agit pas de défendre la patrie nationaliste qui est le principal frein au progrès économique mais de créer une patrie plus grande, les Etats-Unis d'Europe, première étape sur la voie qui doit mener aux Etats-Unis du monde ».
Depuis, l'interdépendance des différents pays du monde a été poussée bien plus loin. Aujourd'hui, il est évident que bien des problèmes de l'humanité, la pollution des mers et de l'atmosphère ou même simplement la gestion rationnelle des grandes ressources énergétiques, ne peuvent être réglés qu'à l'échelle mondiale.
Tous ceux qui se cramponnent à des frontières nationales datant de l'époque des calèches et de la bougie sont des réactionnaires. Ils le sont même et surtout lorsqu'ils présentent ces frontières comme des protections pour les travailleurs.
Non, ces frontières qui morcellent l'Europe, établies au hasard des guerres et des rapports de forces, n'ont jamais protégé les classes populaires. Au contraire, ce sont les classes populaires qu'on envoyait à la boucherie au nom de la patrie. Comme l'a résumé si bien Anatole France, « on croît mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels » !
Alors, oui, l'unification de l'Europe est une nécessité depuis près d'un siècle. Mais les bourgeoisies qui dirigent la société ont été incapables de la réaliser. Les peuples d'Europe ont payé par deux guerres mondiales cette incapacité.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la nécessité d'unifier au moins le marché des principaux pays impérialistes d'Europe occidentale s'est imposée aux bourgeoisies nationales sous peine de disparaître dans la concurrence mondiale face aux grands pays, plus riches ou plus peuplés, comme les Etats-Unis ou le Japon, la Chine ou l'Inde.
Mais aujourd'hui, après cinquante ans de tractations, l'Europe des bourgeois reste une juxtaposition d'Etats, chacun avec son drapeau, son hymne, son armée. Surtout, chacun est au service de sa propre bourgeoisie.
C'est une Union européenne façonnée par les politiciens de la bourgeoisie à l'usage de la bourgeoisie, une Union européenne qui s'est fabriquée dans des marchandages secrets par des compromis entre les bourgeoisies des pays impérialistes d'Europe occidentale puis par l'absorption des pays d'Europe de l'est.
Le premier nom de ce qui s'appelle aujourd'hui l'« Union européenne » était le « Marché commun ». Eh bien, c'était une dénomination moins hypocrite que celle d'aujourd'hui. Elle mettait en évidence que ce qui intéressait chacun des pays capitalistes, c'était l'accession au marché du voisin, la diminution progressive des douanes et des taxes, la liberté de placer et déplacer les capitaux. Les retombées positives pour la population elle-même, comme une plus grande liberté de déplacement des personnes, ne sont venues que plus tard, en quelque sorte comme des sous-produits.
En même temps qu'on abaissait les frontières à l'intérieur de l'Union européenne, on les rehaussait vers l'extérieur. L'Union européenne s'entourait de barbelés, au sens moral et matériel.
La frontière de Schengen coupe en deux l'Europe elle-même, séparant des peuples que leur histoire unit. Elle coupe les rives nord de la Méditerranée de ses rives sud. Il n'a jamais été aussi difficile qu'aujourd'hui pour des travailleurs algériens, marocains, africains, de venir et faire venir leurs familles en France.
Eh bien, cette Europe, l'Europe forteresse, l'Europe qui, au lieu d'affaiblir le chauvinisme, la xénophobie, ne fait que les transposer à une autre échelle, cette Europe n'est pas la nôtre !
C'est aussi l'Europe des inégalités sociales à l'intérieur de chaque pays et entre pays européens. Elle était en ses débuts une alliance entre brigands impérialistes d'Europe occidentale, chacun ayant son arrière-cour sous-développée, colonie ou ex-colonie. Et si le capitalisme européen est riche et puissant, c'est évidemment par l'exploitation de ses propres travailleurs, mais c'est aussi du fait du pillage de ses colonies d'Afrique et d'Asie.
Sarkozy a eu le cynisme méprisant d'affirmer que le problème de l'Afrique, c'est qu'elle n'est pas entrée dans l'histoire. Mais que si !
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le capitalisme en train de se développer en Europe a fait entrer ce continent dans l'histoire par le trafic des esclaves, par la déportation de toute une partie de la population africaine vers les champs de cannes à sucre des Antilles et du Brésil, puis vers les champs de coton des Etats-Unis.
La saignée n'a jamais cessé depuis. Seules, ses formes sont passées du pillage colonial au pillage financier, plus subtil mais aussi dévastateur.
Oui, l'Europe et l'Afrique, et plus particulièrement la France et son empire colonial africain, ont une longue histoire commune ! Mais, pour l'Afrique, elle est fait de sang, de drames, de pillages.
Alors, lorsqu'aujourd'hui les Sarkozy, Hortefeux et autre Besson sont fiers d'avoir fermé les portes devant les descendants de ceux à qui la bourgeoisie française doit une partie de son enrichissement, c'est abject et cela soulève le coeur !
Les pays de l'Est européen ont été intégrés dans l'Union européenne avec toutes les apparences d'égalité entre pays. Mais, derrière cette façade, on retrouve le rapport pays impérialistes et semi-colonies. Derrière le conte de fée sur la libération des ex-Démocraties populaires après la fin de la mainmise soviétique et militaire, il y a une autre réalité. A peine l'oppression politique de la bureaucratie soviétique sur ces pays avait-elle cessé qu'ils subissaient une invasion, oh certes bien plus discrète qu'une invasion armée !
Les grands trusts d'Europe occidentale se sont jetés sur ces pays pour accaparer la quasi-totalité de leurs industries anciennement nationalisées, leurs banques, leurs chaînes de distribution. Les pays de l'Est sont devenus sur le plan économique totalement dépendants des banquiers et des industriels d'Europe occidentale.
On essaie de nous dépeindre les marchandages entre capitalistes que l'on appelle « construction européenne » comme un processus démocratique dont le Parlement européen, pour lequel on va élire des députés ce 7 juin, serait le plus beau fleuron.
Mais le Parlement lui-même n'a été élu pour la première fois au suffrage universel qu'en 1979, vingt-trois ans après la création du Marché commun !
Et puis, où en sont les droits démocratiques dans cette Europe dont plusieurs pays refusent aux femmes le droit à l'interruption volontaire de grossesse et, pour certains d'entre eux, même le droit au divorce ?
Cette Europe, où des politiciens poussent les hauts cris et évoquent le danger islamiste pour refuser d'intégrer la Turquie, se fait une raison de l'intégrisme catholique et de la mainmise de l'Eglise sur la société en Pologne, en Irlande et à Malte.
Les travailleurs ont intérêt à reprendre à leur compte un certain nombre de revendications démocratiques. Ils ont intérêt à exiger la suppression de toutes les lois particulières, de toutes les coutumes, inspirées ou non par l'Eglise, qui confortent l'inégalité entre hommes et femmes.
Ils ont intérêt à reprendre à leur compte cette revendication démocratique élémentaire qu'est le droit de vote à toutes les élections pour toutes celles et tous ceux qui vivent et travaillent dans l'Union européenne, quelles que soient leur origine et leur nationalité.
Ils ont intérêt à revendiquer la régularisation de tous les sans-papiers et la disparition même de la notion. Tous ceux qui vivent sur le sol européen doivent avoir le droit d'y vivre et d'y travailler dans la sécurité.
Il n'est pas impossible qu'au fil du temps, contraints par les événements, les grands Etats nationaux abandonnent une part de leur souveraineté au profit d'institutions européennes. Ils l'ont déjà fait pour l'euro. Une bureaucratie européenne pléthorique et incontrôlée existe déjà. Les grands Etats européens finiront peut-être par se donner une diplomatie commune, une armée commune. Il y a déjà des troupes européennes pour assurer le pillage de pays d'Afrique au profit en particulier de l'impérialisme français.
Autant dire que les travailleurs n'ont rien à attendre de cette Europe-là ! Mais, contrairement à ce que racontent les démagogues nationalistes, ils n'ont rien à en craindre non plus. Les coups qui pleuvent sur les classes populaires ne viennent pas de l'Europe, ils viennent de la classe capitaliste. Et lorsqu'il s'agit de décisions politiques, comme le démantèlement des services publics, ils ne viennent pas de Bruxelles mais de Paris.
On ne répète jamais assez que la Commission européenne n'est que l'exécuteur des décisions prises à l'unanimité par les gouvernements d'Europe. Et, derrière chaque gouvernement, comme derrière la Commission de Bruxelles, il y a le grand capital, il y a la finance, qui exercent leur dictature sur l'ensemble de l'Union.
Alors, les dirigeants politiques qui réclament dans cette campagne plus de protectionnisme au niveau national sont des démagogues doublés d'imbéciles réactionnaires. Car le temps des « souverainetés nationales » est révolu depuis très longtemps. Et y revenir ne pourrait se faire qu'au prix d'une régression catastrophique.
Mais repousser le protectionnisme aux frontières de l'Europe n'est pas mieux du point de vue des travailleurs. D'abord parce que, si les économies nationales sont aujourd'hui intégrées dans l'économie européenne, l'économie européenne elle-même est intégrée dans l'économie mondiale. Et puis, surtout, le protectionnisme quel qu'il soit n'est jamais fait pour protéger les peuples, il est toujours fait pour protéger les intérêts de la classe capitaliste.
Alors, oui, l'avenir dépend de la prise de conscience de la classe ouvrière, de ses intérêts de classe.
Le plus important acquis de l'Union européenne, aussi limitée qu'il soit, c'est qu'elle regroupe dans un même ensemble territorial une des plus nombreuses classes ouvrières du monde.
Dans cette Union européenne de quelque cinq cents millions d'habitants, il y a plus de deux cent dix millions de salariés. Plus ces travailleurs éparpillés entre 27 pays différents prendront conscience qu'ils subissent la même exploitation de la part des mêmes groupes économiques et financiers, plus ils réaliseront qu'ils représentent une force considérable.
La crise actuelle elle-même, avec les licenciements, la montée du chômage, les attaques contre la condition ouvrière, est en train d'unifier la classe ouvrière européenne. Unifier par le bas, pour le moment. Mais au fil des attaques de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, se dégagera l'idée que les travailleurs des différents pays d'Europe ne doivent pas se laisser opposer les uns aux autres. Les travailleurs ne doivent pas se laisser entraîner sur ce terrain, la concurrence, il faut la laisser aux capitalistes !
Devant la baisse du pouvoir d'achat des salaires, et il baisse partout en Europe, s'impose la revendication d'une augmentation générale des salaires et leur indexation sur les hausses de prix.
Devant la multiplication des licenciements et des suppressions d'emplois, et ils se multiplient partout en Europe, s'impose la revendication de la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire.
Mais ces exigences elles-mêmes posent pour ainsi dire naturellement une exigence plus fondamentale. Car la réponse des capitalistes est partout qu'ils ne peuvent pas augmenter les salaires et encore moins maintenir les emplois dans une entreprise dont le marché a diminué en raison de la crise.
Eh bien, qu'ils montrent donc leurs comptes ! Qu'ils montrent comment se réalisent leurs profits et à quoi ils les utilisent ! Qu'ils montrent donc quelle est, dans leurs prix de revient, la part des salaires et celle des dividendes des actionnaires, non pas tel que cela apparaît dans les documents officiels mais tel que cela se pratique compte tenu des dessous-de-table et des circuits occultes ! Et on verrait alors que les licenciements collectifs ne sont jamais une nécessité, mais un choix.
La première condition pour cela, c'est que soient supprimées toutes les lois qui protègent le secret bancaire et le secret des affaires. Toutes les opérations industrielles comme les opérations commerciales ou bancaires passent entre les mains des travailleurs, ouvriers, magasiniers dans les usines, employés de banque, employés de commerce, comptables. Eh bien, il faut que chacun puisse rendre public ce qu'il sait, que cela puisse être repris par les journaux qui s'y intéressent, la presse ouvrière en particulier, la presse syndicale ! On verrait ainsi la réalité derrière les mots.
Pour ne prendre que cet exemple d'actualité, on berce l'opinion publique avec des histoires à dormir debout sur la politique agricole commune. Elle est censée garantir un certain niveau de revenu aux paysans, en particulier les plus pauvres. Or, la publication récente de la liste des bénéficiaires des aides européennes a révélé que, parmi ceux qui touchent le plus d'argent en France, il n'y a pas un seul paysan, à moins de considérer que le prince de Monaco en est un ! Il y a surtout des entreprises agro-alimentaires avec, en-tête, les poulets industriels Doux.
Alors, il ne faut pas que les patrons puissent dissimuler derrière le secret des affaires les mauvais coups qu'ils préparent.
Voilà les exigences que nous mettons en avant. Nous savons, bien sûr, que ce n'est pas le Parlement européen, quelle que soit sa composition, qui pourrait leur donner un commencement de réalisation. Elles ne pourront être imposées que par de grandes luttes sociales, comme celles qui ont été provoquées par la grande crise précédente, celle des années 1930 ;
Tant que la classe ouvrière ne sera pas en situation de changer le rapport de force, rien ne changera, sauf en mal. Mais lorsque ces luttes d'envergure se produiront, il faut qu'elles ne soient pas détournées sur des voies sans issue.
Alors, travailleuses, travailleurs, camarades,
Il reste encore quelques jours pour mener notre campagne. Même si les résultats des listes Lutte Ouvrière sont modestes, les quelques centaines de milliers de femmes et d'hommes de l'électorat populaire qui voteront pour nos listes, montreront par là qu'ils partagent les idées et les objectifs que nous avons annoncés dans notre campagne. Ils ne pèsent peut-être pas beaucoup dans les urnes. Mais ils peuvent peser dans les luttes sociales d'aujourd'hui et de demain.
Les élections, ça va, ça vient. Aucune des élections qui se succèdent dans ce pays pour ainsi dire tous les ans n'a d'importance en elle-même. Ce qui est important, c'est que se manifeste et s'exprime à chacune d'entre elles un courant radical, un courant communiste dans la classe ouvrière.
Car, au-delà de notre activité militante quotidienne, notre objectif fondamental, c'est que la classe ouvrière, en contestant le pouvoir économique et politique de la classe capitaliste, parvienne à la conscience qu'il faut qu'elle prenne elle-même le pouvoir et qu'elle l'utilise pour transformer radicalement la société, en expropriant la grande bourgeoisie.
C'est la seule voie pour permettre à la société de se débarrasser des classes exploiteuses qui la conduisent à la ruine, et de réorganiser l'économie sans exploitation, sans propriété privée des moyens de production, sans concurrence, sans course au profit !
Et cette transformation ne pourra pas se produire à l'échelle d'un seul pays, mais seulement à l'échelle du monde.
Voilà le fondement de l'internationalisme des communistes. Il est même inconcevable que des mouvements sociaux, que des luttes révolutionnaires, c'est-à-dire visant cette transformation sociale, puissent se développer dans un seul pays. Depuis, au bas mot, un siècle et demi, les grands bouleversements révolutionnaires se produisent à l'échelle européenne. La révolution sociale à venir sera européenne.
Alors, mais seulement alors, pourra émerger une « Europe des travailleurs » qui accomplira dans le même mouvement ces deux objectifs nécessités par notre époque : exproprier la bourgeoisie capitaliste, rendre la collectivité propriétaire de toutes les richesses et de tous les moyens de les produire, et en même temps transformer les frontières nationales en Europe en simples limites administratives avant qu'elles ne disparaissent complètement.
Pour reprendre l'expression de Trotsky, « la patrie européenne » ne sera qu'une étape transitoire avant qu'émerge à l'échelle de la planète une société où les frontières qui séparent et opposent les hommes apparaîtront comme le souvenir d'un passé barbare, au même titre que l'exploitation de l'homme par l'homme et toutes les formes d'oppression qui en découlent. Le capitalisme aura cédé la place à une nouvelle organisation sociale, le communisme !
Vive le communisme !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 juin 2009
A une semaine des élections européennes, je voudrais commencer par dire que l'unification de l'Europe, nous sommes pour !
Le courant communiste révolutionnaire a même une très longue antériorité sur tous ceux qui se présentent comme de chauds partisans de l'unification européenne alors qu'ils ne sont parvenus qu'à une Union européenne qui n'est pas vraiment une union et qui est loin d'englober l'ensemble de l'Europe.
Trotsky a affirmé la nécessité d'unir les peuples de ce continent dans des Etats-Unis d'Europe en octobre 1914, au moment où commençait la Première Guerre mondiale. Au moment où les bourgeoisies française, britannique, allemande envoyaient des millions d'ouvriers, de paysans, de petites gens, tuer et se faire tuer ou pourrir dans les tranchées de Verdun et d'ailleurs.
De la part du communiste qu'il était, la position de Trotsky n'était pas seulement une prise de position humaniste et encore moins pacifiste. Elle reposait sur une compréhension solide du développement historique.
Déjà à cette époque, le capitalisme avait tissé une multitude de liens entre les différents pays d'Europe et même bien au-delà. Déjà à cette époque, le développement économique étouffait dans le cadre des anciens Etats nationaux.
Et contre les va-t-en guerre qui invoquaient la patrie, Trotsky affirmait -et je le cite- « pour le prolétariat européen, il ne s'agit pas de défendre la patrie nationaliste qui est le principal frein au progrès économique mais de créer une patrie plus grande, les Etats-Unis d'Europe, première étape sur la voie qui doit mener aux Etats-Unis du monde ».
Depuis, l'interdépendance des différents pays du monde a été poussée bien plus loin. Aujourd'hui, il est évident que bien des problèmes de l'humanité, la pollution des mers et de l'atmosphère ou même simplement la gestion rationnelle des grandes ressources énergétiques, ne peuvent être réglés qu'à l'échelle mondiale.
Tous ceux qui se cramponnent à des frontières nationales datant de l'époque des calèches et de la bougie sont des réactionnaires. Ils le sont même et surtout lorsqu'ils présentent ces frontières comme des protections pour les travailleurs.
Non, ces frontières qui morcellent l'Europe, établies au hasard des guerres et des rapports de forces, n'ont jamais protégé les classes populaires. Au contraire, ce sont les classes populaires qu'on envoyait à la boucherie au nom de la patrie. Comme l'a résumé si bien Anatole France, « on croît mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels » !
Alors, oui, l'unification de l'Europe est une nécessité depuis près d'un siècle. Mais les bourgeoisies qui dirigent la société ont été incapables de la réaliser. Les peuples d'Europe ont payé par deux guerres mondiales cette incapacité.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la nécessité d'unifier au moins le marché des principaux pays impérialistes d'Europe occidentale s'est imposée aux bourgeoisies nationales sous peine de disparaître dans la concurrence mondiale face aux grands pays, plus riches ou plus peuplés, comme les Etats-Unis ou le Japon, la Chine ou l'Inde.
Mais aujourd'hui, après cinquante ans de tractations, l'Europe des bourgeois reste une juxtaposition d'Etats, chacun avec son drapeau, son hymne, son armée. Surtout, chacun est au service de sa propre bourgeoisie.
C'est une Union européenne façonnée par les politiciens de la bourgeoisie à l'usage de la bourgeoisie, une Union européenne qui s'est fabriquée dans des marchandages secrets par des compromis entre les bourgeoisies des pays impérialistes d'Europe occidentale puis par l'absorption des pays d'Europe de l'est.
Le premier nom de ce qui s'appelle aujourd'hui l'« Union européenne » était le « Marché commun ». Eh bien, c'était une dénomination moins hypocrite que celle d'aujourd'hui. Elle mettait en évidence que ce qui intéressait chacun des pays capitalistes, c'était l'accession au marché du voisin, la diminution progressive des douanes et des taxes, la liberté de placer et déplacer les capitaux. Les retombées positives pour la population elle-même, comme une plus grande liberté de déplacement des personnes, ne sont venues que plus tard, en quelque sorte comme des sous-produits.
En même temps qu'on abaissait les frontières à l'intérieur de l'Union européenne, on les rehaussait vers l'extérieur. L'Union européenne s'entourait de barbelés, au sens moral et matériel.
La frontière de Schengen coupe en deux l'Europe elle-même, séparant des peuples que leur histoire unit. Elle coupe les rives nord de la Méditerranée de ses rives sud. Il n'a jamais été aussi difficile qu'aujourd'hui pour des travailleurs algériens, marocains, africains, de venir et faire venir leurs familles en France.
Eh bien, cette Europe, l'Europe forteresse, l'Europe qui, au lieu d'affaiblir le chauvinisme, la xénophobie, ne fait que les transposer à une autre échelle, cette Europe n'est pas la nôtre !
C'est aussi l'Europe des inégalités sociales à l'intérieur de chaque pays et entre pays européens. Elle était en ses débuts une alliance entre brigands impérialistes d'Europe occidentale, chacun ayant son arrière-cour sous-développée, colonie ou ex-colonie. Et si le capitalisme européen est riche et puissant, c'est évidemment par l'exploitation de ses propres travailleurs, mais c'est aussi du fait du pillage de ses colonies d'Afrique et d'Asie.
Sarkozy a eu le cynisme méprisant d'affirmer que le problème de l'Afrique, c'est qu'elle n'est pas entrée dans l'histoire. Mais que si !
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le capitalisme en train de se développer en Europe a fait entrer ce continent dans l'histoire par le trafic des esclaves, par la déportation de toute une partie de la population africaine vers les champs de cannes à sucre des Antilles et du Brésil, puis vers les champs de coton des Etats-Unis.
La saignée n'a jamais cessé depuis. Seules, ses formes sont passées du pillage colonial au pillage financier, plus subtil mais aussi dévastateur.
Oui, l'Europe et l'Afrique, et plus particulièrement la France et son empire colonial africain, ont une longue histoire commune ! Mais, pour l'Afrique, elle est fait de sang, de drames, de pillages.
Alors, lorsqu'aujourd'hui les Sarkozy, Hortefeux et autre Besson sont fiers d'avoir fermé les portes devant les descendants de ceux à qui la bourgeoisie française doit une partie de son enrichissement, c'est abject et cela soulève le coeur !
Les pays de l'Est européen ont été intégrés dans l'Union européenne avec toutes les apparences d'égalité entre pays. Mais, derrière cette façade, on retrouve le rapport pays impérialistes et semi-colonies. Derrière le conte de fée sur la libération des ex-Démocraties populaires après la fin de la mainmise soviétique et militaire, il y a une autre réalité. A peine l'oppression politique de la bureaucratie soviétique sur ces pays avait-elle cessé qu'ils subissaient une invasion, oh certes bien plus discrète qu'une invasion armée !
Les grands trusts d'Europe occidentale se sont jetés sur ces pays pour accaparer la quasi-totalité de leurs industries anciennement nationalisées, leurs banques, leurs chaînes de distribution. Les pays de l'Est sont devenus sur le plan économique totalement dépendants des banquiers et des industriels d'Europe occidentale.
On essaie de nous dépeindre les marchandages entre capitalistes que l'on appelle « construction européenne » comme un processus démocratique dont le Parlement européen, pour lequel on va élire des députés ce 7 juin, serait le plus beau fleuron.
Mais le Parlement lui-même n'a été élu pour la première fois au suffrage universel qu'en 1979, vingt-trois ans après la création du Marché commun !
Et puis, où en sont les droits démocratiques dans cette Europe dont plusieurs pays refusent aux femmes le droit à l'interruption volontaire de grossesse et, pour certains d'entre eux, même le droit au divorce ?
Cette Europe, où des politiciens poussent les hauts cris et évoquent le danger islamiste pour refuser d'intégrer la Turquie, se fait une raison de l'intégrisme catholique et de la mainmise de l'Eglise sur la société en Pologne, en Irlande et à Malte.
Les travailleurs ont intérêt à reprendre à leur compte un certain nombre de revendications démocratiques. Ils ont intérêt à exiger la suppression de toutes les lois particulières, de toutes les coutumes, inspirées ou non par l'Eglise, qui confortent l'inégalité entre hommes et femmes.
Ils ont intérêt à reprendre à leur compte cette revendication démocratique élémentaire qu'est le droit de vote à toutes les élections pour toutes celles et tous ceux qui vivent et travaillent dans l'Union européenne, quelles que soient leur origine et leur nationalité.
Ils ont intérêt à revendiquer la régularisation de tous les sans-papiers et la disparition même de la notion. Tous ceux qui vivent sur le sol européen doivent avoir le droit d'y vivre et d'y travailler dans la sécurité.
Il n'est pas impossible qu'au fil du temps, contraints par les événements, les grands Etats nationaux abandonnent une part de leur souveraineté au profit d'institutions européennes. Ils l'ont déjà fait pour l'euro. Une bureaucratie européenne pléthorique et incontrôlée existe déjà. Les grands Etats européens finiront peut-être par se donner une diplomatie commune, une armée commune. Il y a déjà des troupes européennes pour assurer le pillage de pays d'Afrique au profit en particulier de l'impérialisme français.
Autant dire que les travailleurs n'ont rien à attendre de cette Europe-là ! Mais, contrairement à ce que racontent les démagogues nationalistes, ils n'ont rien à en craindre non plus. Les coups qui pleuvent sur les classes populaires ne viennent pas de l'Europe, ils viennent de la classe capitaliste. Et lorsqu'il s'agit de décisions politiques, comme le démantèlement des services publics, ils ne viennent pas de Bruxelles mais de Paris.
On ne répète jamais assez que la Commission européenne n'est que l'exécuteur des décisions prises à l'unanimité par les gouvernements d'Europe. Et, derrière chaque gouvernement, comme derrière la Commission de Bruxelles, il y a le grand capital, il y a la finance, qui exercent leur dictature sur l'ensemble de l'Union.
Alors, les dirigeants politiques qui réclament dans cette campagne plus de protectionnisme au niveau national sont des démagogues doublés d'imbéciles réactionnaires. Car le temps des « souverainetés nationales » est révolu depuis très longtemps. Et y revenir ne pourrait se faire qu'au prix d'une régression catastrophique.
Mais repousser le protectionnisme aux frontières de l'Europe n'est pas mieux du point de vue des travailleurs. D'abord parce que, si les économies nationales sont aujourd'hui intégrées dans l'économie européenne, l'économie européenne elle-même est intégrée dans l'économie mondiale. Et puis, surtout, le protectionnisme quel qu'il soit n'est jamais fait pour protéger les peuples, il est toujours fait pour protéger les intérêts de la classe capitaliste.
Alors, oui, l'avenir dépend de la prise de conscience de la classe ouvrière, de ses intérêts de classe.
Le plus important acquis de l'Union européenne, aussi limitée qu'il soit, c'est qu'elle regroupe dans un même ensemble territorial une des plus nombreuses classes ouvrières du monde.
Dans cette Union européenne de quelque cinq cents millions d'habitants, il y a plus de deux cent dix millions de salariés. Plus ces travailleurs éparpillés entre 27 pays différents prendront conscience qu'ils subissent la même exploitation de la part des mêmes groupes économiques et financiers, plus ils réaliseront qu'ils représentent une force considérable.
La crise actuelle elle-même, avec les licenciements, la montée du chômage, les attaques contre la condition ouvrière, est en train d'unifier la classe ouvrière européenne. Unifier par le bas, pour le moment. Mais au fil des attaques de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, se dégagera l'idée que les travailleurs des différents pays d'Europe ne doivent pas se laisser opposer les uns aux autres. Les travailleurs ne doivent pas se laisser entraîner sur ce terrain, la concurrence, il faut la laisser aux capitalistes !
Devant la baisse du pouvoir d'achat des salaires, et il baisse partout en Europe, s'impose la revendication d'une augmentation générale des salaires et leur indexation sur les hausses de prix.
Devant la multiplication des licenciements et des suppressions d'emplois, et ils se multiplient partout en Europe, s'impose la revendication de la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire.
Mais ces exigences elles-mêmes posent pour ainsi dire naturellement une exigence plus fondamentale. Car la réponse des capitalistes est partout qu'ils ne peuvent pas augmenter les salaires et encore moins maintenir les emplois dans une entreprise dont le marché a diminué en raison de la crise.
Eh bien, qu'ils montrent donc leurs comptes ! Qu'ils montrent comment se réalisent leurs profits et à quoi ils les utilisent ! Qu'ils montrent donc quelle est, dans leurs prix de revient, la part des salaires et celle des dividendes des actionnaires, non pas tel que cela apparaît dans les documents officiels mais tel que cela se pratique compte tenu des dessous-de-table et des circuits occultes ! Et on verrait alors que les licenciements collectifs ne sont jamais une nécessité, mais un choix.
La première condition pour cela, c'est que soient supprimées toutes les lois qui protègent le secret bancaire et le secret des affaires. Toutes les opérations industrielles comme les opérations commerciales ou bancaires passent entre les mains des travailleurs, ouvriers, magasiniers dans les usines, employés de banque, employés de commerce, comptables. Eh bien, il faut que chacun puisse rendre public ce qu'il sait, que cela puisse être repris par les journaux qui s'y intéressent, la presse ouvrière en particulier, la presse syndicale ! On verrait ainsi la réalité derrière les mots.
Pour ne prendre que cet exemple d'actualité, on berce l'opinion publique avec des histoires à dormir debout sur la politique agricole commune. Elle est censée garantir un certain niveau de revenu aux paysans, en particulier les plus pauvres. Or, la publication récente de la liste des bénéficiaires des aides européennes a révélé que, parmi ceux qui touchent le plus d'argent en France, il n'y a pas un seul paysan, à moins de considérer que le prince de Monaco en est un ! Il y a surtout des entreprises agro-alimentaires avec, en-tête, les poulets industriels Doux.
Alors, il ne faut pas que les patrons puissent dissimuler derrière le secret des affaires les mauvais coups qu'ils préparent.
Voilà les exigences que nous mettons en avant. Nous savons, bien sûr, que ce n'est pas le Parlement européen, quelle que soit sa composition, qui pourrait leur donner un commencement de réalisation. Elles ne pourront être imposées que par de grandes luttes sociales, comme celles qui ont été provoquées par la grande crise précédente, celle des années 1930 ;
Tant que la classe ouvrière ne sera pas en situation de changer le rapport de force, rien ne changera, sauf en mal. Mais lorsque ces luttes d'envergure se produiront, il faut qu'elles ne soient pas détournées sur des voies sans issue.
Alors, travailleuses, travailleurs, camarades,
Il reste encore quelques jours pour mener notre campagne. Même si les résultats des listes Lutte Ouvrière sont modestes, les quelques centaines de milliers de femmes et d'hommes de l'électorat populaire qui voteront pour nos listes, montreront par là qu'ils partagent les idées et les objectifs que nous avons annoncés dans notre campagne. Ils ne pèsent peut-être pas beaucoup dans les urnes. Mais ils peuvent peser dans les luttes sociales d'aujourd'hui et de demain.
Les élections, ça va, ça vient. Aucune des élections qui se succèdent dans ce pays pour ainsi dire tous les ans n'a d'importance en elle-même. Ce qui est important, c'est que se manifeste et s'exprime à chacune d'entre elles un courant radical, un courant communiste dans la classe ouvrière.
Car, au-delà de notre activité militante quotidienne, notre objectif fondamental, c'est que la classe ouvrière, en contestant le pouvoir économique et politique de la classe capitaliste, parvienne à la conscience qu'il faut qu'elle prenne elle-même le pouvoir et qu'elle l'utilise pour transformer radicalement la société, en expropriant la grande bourgeoisie.
C'est la seule voie pour permettre à la société de se débarrasser des classes exploiteuses qui la conduisent à la ruine, et de réorganiser l'économie sans exploitation, sans propriété privée des moyens de production, sans concurrence, sans course au profit !
Et cette transformation ne pourra pas se produire à l'échelle d'un seul pays, mais seulement à l'échelle du monde.
Voilà le fondement de l'internationalisme des communistes. Il est même inconcevable que des mouvements sociaux, que des luttes révolutionnaires, c'est-à-dire visant cette transformation sociale, puissent se développer dans un seul pays. Depuis, au bas mot, un siècle et demi, les grands bouleversements révolutionnaires se produisent à l'échelle européenne. La révolution sociale à venir sera européenne.
Alors, mais seulement alors, pourra émerger une « Europe des travailleurs » qui accomplira dans le même mouvement ces deux objectifs nécessités par notre époque : exproprier la bourgeoisie capitaliste, rendre la collectivité propriétaire de toutes les richesses et de tous les moyens de les produire, et en même temps transformer les frontières nationales en Europe en simples limites administratives avant qu'elles ne disparaissent complètement.
Pour reprendre l'expression de Trotsky, « la patrie européenne » ne sera qu'une étape transitoire avant qu'émerge à l'échelle de la planète une société où les frontières qui séparent et opposent les hommes apparaîtront comme le souvenir d'un passé barbare, au même titre que l'exploitation de l'homme par l'homme et toutes les formes d'oppression qui en découlent. Le capitalisme aura cédé la place à une nouvelle organisation sociale, le communisme !
Vive le communisme !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 juin 2009