Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- M.-O. Fogiel : J.-P. Elkabbach, vous recevez ce matin le secrétaire d'Etat chargé des Transports, D. Bussereau, et le ministre de la Défense, H. Morin.
Merci d'être ensemble tous les deux. H. Morin bonjour.
H. Morin : Bonjour.
D. Bussereau, bonjour.
D. Bussereau : Bonjour J.-P. Elkabbach.
Des débris auraient été repérés en surface de l'océan Atlantique dans la zone supposée de la catastrophe. Est-ce que vous pouvez le confirmer ce matin ?
H. Morin : Nous n'avons pour notre part aucune confirmation de ce type, notamment par les moyens qui ont été déployés sur zone. Et donc il s'agit d'une hypothèse mais qui, pour nous, n'est pas confirmée.
Il y a des avions français et brésiliens qui poursuivent depuis l'aube leurs investigations. Est-ce que vous avez des indices, des indications l'un et l'autre ?
H. Morin : Aucun indice. Comme vous le savez, nous avons déployé dès hier un avion de patrouille maritime... Pour donner un indice, une explication à vos auditeurs, ce sont des avions qui sont à la fois chargés de faire de la surveillance maritime et de la lutte anti-sous-marine avec des moyens radars et des moyens optiques qui leur permettent par exemple de pouvoir détecter un périscope à la surface de la mer. Donc ce sont des avions extrêmement performants.
Des équipages spécialisés ?
H. Morin : Des équipages spécialisés.
Qu'est-ce qu'on peut attendre d'eux ?
H. Morin : On peut attendre d'eux qu'ils repèrent des éléments sur la mer. Pour l'instant, ils n'ont rien repéré. Donc il y en a un qui a déjà fait une première patrouille, deux viennent de France pour compléter le dispositif, un avion de patrouille maritime et un Falcon 50 et en même temps nous avons dépêché sur zone un TCD, "La Foudre", qui part du Portugal pour rejoindre la zone.
"La Foudre", en plus. Il s'appelle comme ça. Bon il y a des hasards.
H. Morin : Oui c'est ainsi et deuxième élément, une frégate de surveillance, "Le Nivoz", qui faisait des opérations de narcotrafic qui vient des Antilles. Donc tous les moyens maritimes et aériens que nous pouvons mettre à disposition, nous l'avons fait.
La tragédie a eu lieu, D. Bussereau, en pleine nuit, en plein océan Atlantique. Combien de messages y a-t-il eu finalement ?
D. Bussereau : Il y a eu deux choses. Il y a eu d'abord la dernière communication avec le sol, avec les contrôleurs du sol brésiliens, qui a eu lieu à 3 heures 15, et à partir de 4 heures 14, se sont mis en marche des messages automatiques. Les messages automatiques - ça existe également sur les TGV -, c'est quand quelque chose ne va pas, ça part à la maintenance pour savoir qu'à l'arrivée de l'avion, il faut regarder telle et telle chose. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a une espèce d'emballement de ces messages, ce qui veut dire qu'il se passait quelque chose de grave puisque au fur et à mesure les circuits se débranchaient. Donc c'est ce qu'est en train de regarder Air France, Airbus, le Bureau Enquêtes Accident, pour voir ce qui se passait à ce moment-là, est-ce que c'était la perte de contrôle de l'avion, est-ce que c'était un des événements...
Est-ce qu'il y avait une chute, une explosion ? Une série d'explosions ?
D. Bussereau : Ça peut être lié à beaucoup de facteurs que nous ne connaissons pas. En tous cas, c'est les facteurs de perte de contrôle de l'avion, de perte de contrôle de l'avionique et c'est ça que le Bureau Enquêtes accident est en train de regarder. Mais ça c'est une heure quasiment après le dernier contrôle radio avec le sol brésilien.
Et il y a eu un message à un moment ou à un autre du commandant de bord ?
D. Bussereau : Non. Ce message n'a été entendu nulle part. On a bien sûr regardé toutes les communications, tous les enregistrements. Il n'y a eu aucun message de mayday, d'alerte qui a été entendu à ce moment connu par diverses autorités brésiliennes, sénégalaises ou autres, ou Air France.
P.-L. Arslanian qui dirige l'enquête pour Air France me disait cette nuit que jamais il ne s'était retrouvé devant une telle catastrophe, qui est la plus tragique et mystérieuse qu'ait connu Air France. L'A330 a été foudroyé, nous dit-on. Est-ce que c'est possible, alors que la plupart des experts ne croient pas que la foudre soit la cause de l'accident. Est-ce qu'on a une hypothèse un peu plus avancée ?
D. Bussereau : Monsieur Arslanian que je verrai tout à l'heure pour faire le point a désigné comme enquêteur A. Bouillard qui avait été l'enquêteur du crash du Concorde à Gonesse. C'est un de nos meilleurs enquêteurs du BEA. Le BEA, ce Bureau d'enquêtes - je dis à vos auditeurs - il est connu pour être un des meilleurs au monde ; il travaille pour tous les pays du monde et, bien sûr, pour la France. Le foudroiement est une hypothèse parmi d'autres mais on ne peut pas considérer qu'un simple foudroiement ait entraîné la perte de contrôle d'un avion puisque tous les circuits sont redondants, triplés, quadruplés. Donc, s'il y a perte d'énergie électrique liée à un foudroiement, il y a d'autres circuits. Donc on est, comme l'expliquaient très bien sur votre antenne tous les spécialistes, que j'ai entendus ce matin sur Europe 1 depuis 6 heures, on est certainement dans un ensemble de circonstances comme un accident de voiture, un accident de train. C'est souvent un ensemble de circonstances.
Donc il faut chercher toutes les causes.
D. Bussereau : Absolument.
Ce matin H. Morin, pour vous quelles sont les hypothèses possibles du côté de l'Armée, de l'Aviation, de l'origine de la tragédie ?
H. Morin : Je n'ai rien d'autre à ajouter à ce qu'a dit D. Bussereau bien entendu. Toutes les hypothèses doivent être examinées mais on ne peut rien dire de plus.
D. Bussereau : Ce que fait le Bureau Enquêtes accident, il est en train de travailler sur la zone qui est très vaste -j'ai entendu sur votre antenne - cinq fois la France c'est la réalité. On étudie les fonds, les courants, on va regarder tous les moyens, on va bien sûr travailler avec les moyens militaires. On va essayer de travailler avec des moyens civils. Je parlais à l'instant avec P.- L. Dreyfus qui est le président d'un de nos plus gros armements, qui sont des navires câbliers donc qui sont capables d'aller très bas pour voir s'il y a des navires sur zone. On va mettre tous les moyens à disposition et je remercie le ministère de la Défense, le Bureau Enquêtes accident et bien sûr tout ce que pourront nous dire les Américains et tous ceux qui sont dans la région.
Tous les deux, là, jusqu'à quand les recherches seront t-elles poursuivies ?
H. Morin : De toutes façons, elles sont poursuivies aussi longtemps que nécessaire, il n'y a aucun doute là-dessus. Les moyens sont déployés sur zone et nous les mettrons à disposition autant qu'il sera nécessaire.
Il faudra repêcher les boîtes noires. Je crois qu'il y en a deux. Elles résistent une trentaine de jours. Jusqu'à quelle profondeur sous-marine on peut aller ?
D. Bussereau : Les boîtes noires sont des enregistreurs. Il y en a deux. Il y en a une qui enregistre toutes les conversations dans le cockpit et l'autre qui enregistre tout ce qui se passe dans l'avion sur le plan technique. Elles peuvent émettre un message d'alerte, qu'on ne peut entendre qu'à un kilomètre autour - donc il faut vraiment aller dessus - pendant trente jours. Tout dépend de la profondeur. Au-delà de 3.000 mètres, les choses sont plus difficiles mais il faut d'abord aller mettre la main sur l'endroit où elles sont pour pouvoir commencer l'opération, 1 d'essayer de les repêcher et 2, de voir si elles sont exploitables et 3, de les exploiter.
Donc nous sommes partis pour une enquête qui va durer, longue.
D. Bussereau : Très longue.
C'est-à-dire quelques jours, quelques semaines ?
D. Bussereau : Ça peut être quelques jours, ça peut être quelques semaines, ça peut être quelques mois mais le président de la République a pris un engagement très clair, c'est que les familles soient informées en direct. Il leur a dit hier à Roissy, il les verra lundi prochain, vraisemblablement au Palais de l'Elysée avec nous tous pour les informer. Donc on va tenir bien sûr avec la compagnie Air France les familles au courant, jour après jour, parce qu'elles ont besoin d'avoir les informations dont nous disposons.
On peut avoir ce matin sur Europe 1, une pensée pour le commandant de bord aux 11 000 heures de vol, à ses copilotes, à son équipage et à tous les passagers. Est-ce qu'il y aura une cérémonie d'hommage par exemple ?
D. Bussereau : Je voulais d'abord dire que le commandant M. Dubois et ses deux copilotes étaient des pilotes très expérimentés et, bien sûr, sur cet avion, sur l'Airbus 340 qui a le même cockpit, qui a le même pilotage. Les victimes sont du monde entier : il y a nos compatriotes mais également 58 Brésiliens, il y a 26 Allemands. Donc beaucoup de ces passagers passaient simplement à Roissy pour repartir vers d'autres destinations par le réseau d'Air France. Nous verrons avec le président de la République et le Premier ministre quelles dispositions prendre sur le plan de l'hommage. Mais je le répète, le président veut que les familles soient informées en temps réel de tout ce que nous savons.
Le Parquet de Paris ne déclenche encore pas d'enquête, ce pourrait être le Parquet de Bobigny dont dépend l'aéroport Charles de Gaulle de Roissy. Mais est-ce que c'est le signe qu'il ne s'agit pas d'un acte terroriste ?
D. Bussereau : On n'en sait rien. Le ministre de la Défense est plus à même que moi de parler du terrorisme mais l'accident, toutes les hypothèses sont possibles. Ça ressemble plus, ce que nous dit monsieur Arslanian, ce que nous disent les gens de Air France, à une perte de contrôle de l'appareil, liée à toute une série de phénomènes mais rien n'est à exclure tant que nous n'avons aucun élément et ce matin nous n'avons aucun élément. Toute hypothèse serait fausse ou erronée.
H. Morin ?
H. Morin : On n'a pas le droit d'exclure par définition l'acte terroriste puisque le terrorisme, c'est la menace principale pour l'ensemble des démocraties occidentales. Mais nous n'avons aujourd'hui aucun élément qui permet de corroborer un tant soit peu que ce soit la cause de l'accident.
Est-ce qu'une information judiciaire peut être ouverte ?
H. Morin : Il s'agira de regarder cela avec le garde des Sceaux mais pour le moment, laissons l'enquête se dérouler et puis on verra ensuite.
H. Morin, la France a demandé hier l'aide du Pentagone, c'est-à-dire des satellites américains d'observation et d'écoute. Où ils sont, quels résultats, qu'est-ce qu'ils font ? D'autant plus que le Président Obama vient d'annoncer, là, ce matin, que les Etats-Unis accorderaient toute l'aide nécessaire à la France.
H. Morin : J'ai essayé d'appeler mon collègue hier qui était en vol, rentrant de Singapour. Et donc j'ai fait contacter le Pentagone pour leur demander de mettre en oeuvre l'ensemble de leurs moyens d'observation satellitaire. Les satellites ne sont pas capables de détecter un débris bien entendu sur la mer mais en revanche, ils stockent toute une série de données et notamment pour les satellites d'écoute et ces données ensuite, elles peuvent être traitées et analysées. Donc ce que j'ai demandé au Pentagone, c'est qu'on mette en place, qu'on puisse bénéficier de l'ensemble des informations stockées par ces moyens d'observation satellitaire pour qu'ils puissent être analysés et éventuellement qu'ils puissent nous aider pour déterminer les conditions de cet accident.
Justement le moment est-ce qu'il n'est pas venu pour la France et pour l'Europe de disposer de plusieurs satellites autonomes d'observation et d'écoute ?
H. Morin : Nous avons des programmes d'observation, nous avons des moyens d'écoute militaire bien entendu mais des moyens d'observation sur l'ensemble de la planète, nous n'en aurons jamais parce que ce sont des moyens qui sont considérables et qui ne sont pas à la hauteur de nos capacités budgétaires bien entendu.
D. Bussereau, à 7 heures 30, M.-O. Fogiel nous le rappelait, une famille de victimes interpellait le ministre que vous êtes.
D. Bussereau : Oui j'ai entendu ce matin sur votre antenne.
Vous l'avez entendu, parce qu'il n'y avait en province aucune prise en charge et que l'accueil téléphonique était vraiment à côté de la plaque. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
D. Bussereau : Je réponds qu'hier, la compagnie Air France a bien fait son travail. Moi j'étais présent à Roissy en tout début d'après-midi, le président de la République est venu plus tard, J.-L. Borloo et B. Kouchner, les choses se passaient bien. Il est possible qu'il y a un certain nombre de passagers - on a entendu également sur votre antenne, votre correspondant à Bordeaux qui parlait d'une famille près de Bordeaux, il est possible qu'un certain nombre de personnes - qui partaient vers d'autres aéroports, que l'effort d'information n'ait pas été fait dans ces aéroports d'arrivée. Si c'est le cas, je demanderai à la compagnie Air France de présenter bien sûr ses excuses à ces passagers-là et à leurs familles. Mais je peux vous dire que l'ayant vu hier, le dévouement des équipes d'Air France, d'Aéroports De Paris, des médecins du SAMU, des gens de la DASS, des psychologies autour des familles était formidable, et vraiment, je peux vous dire que la rencontre entre le président de la République et les familles a été bigrement émouvante.
Le trafic aérien continue et même de manière spectaculaire et confiante puisque le premier vol commercial de l'A380, le plus grand avion de ligne du monde, a atterri ce matin à Paris Roissy. Donc ça continue. Est-ce qu'on est sûr que l'A380 ne craint pas la foudre, lui ?
D. Bussereau : L'A380, depuis qu'il est en service, est un excellent avion. Je voudrais vous dire aussi que les A330, il y en a 587 en service, que les A340 il y en a 240, donc 833 avions, qu'il n'y a jamais eu de perte de ces avions hormis des accidents dont les causes étaient hélas évidentes. Donc la compagnie Air France, sa sûreté, sa sécurité, la capacité de ses équipages, leur formation, tout ça est bien sûr excellent. Le taux d'accidents aériens dans le monde aérien est très faible par rapport au risque que l'on a en prenant sa voiture pour aller travailler le matin. On a beaucoup moins de risque que lorsqu'on va prendre un avion. Et ce matin l'Airbus 380, en un quart d'heure, tous les passagers ont pu quitter l'avion avec deux passerelles. La vie continue mais ça ne nous empêche pas d'avoir aujourd'hui une immense peine pour toutes ces familles, une immense peine pour les familles des 12 membres de l'équipage d'Air France et je comprends que les personnels d'Air France...
Et notre admiration.
D. Bussereau : Les personnels de Air France aujourd'hui sont très touchés.
Une question, qui est peut-être déplacée mais qui est peut-être nécessaire et qui est dans l'actualité : le Président Obama souhaite, paraît-il, maintenant, que la Reine Elisabeth soit invitée samedi aux cérémonies du Débarquement en Normandie. Est-ce qu'elle va être invitée directement ?
H. Morin : On a déjà eu l'occasion de répondre à ces éléments-là. La Reine d'Angleterre est la bienvenue, si elle souhaite venir, bien entendu.
C'est-à-dire qu'elle est invitée ?
H. Morin : Elle a toujours été invitée.
Et alors qui n'a pas compris ?
H. Morin : Eh bien, écoutez...
Non, mais ce qui est important, c'est que vous rappeliez que la Reine Elisabeth parce que ça a créé un incident et on veut savoir qui en est responsable.
H. Morin : L'Elysée a déjà eu l'occasion d'indiquer que la Reine d'Angleterre était bien entendu la bienvenue pour ces cérémonies-là, si elle souhaitait venir.
Merci d'être venus tous les deux.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 juin 2009