Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, à France Inter le 2 juin 2009, sur l'accident du vol 447 d'Air France sur la ligne Rio de Janeiro - Paris le 1er juin et sur les recherches entreprises pour en connaître la cause.

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Média : France Inter

Texte intégral

N. Demorand.- Que sait-on exactement ce matin sur les causes du drame d'hier ?
 
Pas plus qu'hier, très honnêtement. Il est indispensable de comprendre et de savoir. Indispensable évidemment pour les familles, mais indispensable aussi pour l'accidentologie et la compréhension de ces phénomènes-là. Il y a une course contre la montre qui est lancée. Vous savez que les boîtes noires, qui sont la seule information réellement disponible, émettent pendant 30 jours, qu'elles sont de toute façon dans une zone où il n'y a pas de plateau continental, avec des fonds de l'ordre de 3 à 6.000 mètres selon les endroits, avec des courants marins puissants, et c'est pour cela que des moyens considérables ont été mis en oeuvre par le Brésil, par la France, et avec le soutien des Etats-Unis, la solidarité des gens de mer et d'air fonctionne complètement, on le doit bien entendu aux familles. Enfin on... Lorsque le premier Breguet a décollé, c'est aussi dans l'hypothèse où il y aurait une chance de vie et de survivants, on fait les deux en même temps bien entendu. Mais c'est indispensable. On est dans un cas inédit, assez inédit : la plus grande compagnie du monde, sûr, un appareil très fiable et solide, il n'y a jamais eu d'accident technique sur un A 300, il y en a plus de 600 qui volent dans le monde, avec son frère il y en a plus de 1.000 ; 5 millions de passagers, plus un million de vols, un appareil de 2005, révisé il y a trois semaines, un équipage extraordinairement expérimenté ; le commandant, M. Dubois et tout son équipage, 11.000 heures de vol, deux copilotes, 6.000, deux fois 3.000 heures, enfin, bon. On est dans des conditions optimales de navigation. Et puis on a cet enchaînement d'informations : "nous rentrons dans une zone de turbulences", sans que ça soit un appel de détresse. Puis des messages automatiques adressés à la maintenance, et non pas de messages de détresse non plus, pour la réparation au sol, lors des escales : circuit électrique, "très violente ou très rapide dépressurisation". Et puis rien, rien, un équipage peut-être concentré dans l'action, et toutes les hypothèses aujourd'hui sont ouvertes. On a besoin de savoir et de comprendre. Il y a à l'évidence une aggravation des chocs climatiques, c'est certain, ce n'est pas de nature à expliquer l'accident, en tous les cas complètement, on est probablement dans un enchaînement. Enfin, bref, je voudrais remercier les autorités brésiliennes, qui ont mobilisé des moyens considérables ; les autorités américaines, les autorités sénégalaises.
 
Il va y avoir encore renforcement de ces moyens...
 
Oui, absolument.
 
...dès lors que il y a 30 jours pour retrouver les boîtes noires ?
 
Alors pour l'instant, on est, à cette heure-ci, tous pays confondus, une dizaine d'appareils survolent une zone qui est relativement déterminée maintenant, 10.000 nautiques de chaque côté, trois, quatre bâtiments, quatre navires sont également sur zone, les satellites américains essaient de reconstituer des images ex ante, essaient de déterminer le parcours météorologique et le parcours de l'avion. Enfin, on est dans une solidarité internationale tout à fait majeure. Les familles sont pour l'essentiel restées à Roissy, celles qui étaient en tous les cas en France ou en Europe, dans une forme de communion d'ailleurs entre elles qui est extraordinaire, dans un rapport entre l'espoir le plus infime et la détresse la plus absolue. Les équipages d'Air France, d'une manière générale, les équipages dans le monde entier sont meurtris aujourd'hui, sont dans l'interrogation. Voilà, c'est une catastrophe, c'est la plus importante qu'a connue notre compagnie, et elle est vraiment frappante par sa soudaineté et pour l'instant l'incompréhension.
 
Si c'était la foudre qui entraîne une série de conséquences incontrôlables, puis le drame qu'on connaît, ce serait donc inédit, nous disait dans le journal de 8 heures M. Polacco, spécialiste des questions d'aviation sur France Inter. Dans cette hypothèse-là, faudrait-il durcir encore, et Dieu sait qu'elles sont déjà dures, les certifications, les normes de sécurité ?
 
Je n'ai pas à faire de conjectures. On est probablement dans un... enfin peut-être dans un enchaînement d'événements eux-mêmes séparés ou aléatoires les uns des autres. Mais ma mission, le Gouvernement de la France, ce que veut le Président, c'est tous les moyens, pour l'hypothèse où il y aurait un canot quelque part, ne pas passer à côté, et surtout tous les moyens pour retrouver cette boîte noire, enfin ces boîtes noires, voilà c'est notre mission, une coordination internationale civile et militaire pour les retrouver. Après, on regardera si on les trouve, ce que je souhaite de tout coeur, on verra, on en tirera les leçons. Dans le drame de Charm el Cheikh, le lieu d'impact était identifié...
 
15 jours...
 
...les fonds étaient à 1.000 mètres...
 
15 jours pour retrouver les boîtes...
 
...voilà, on a mis 15 jours. La course contre la montre est lancée, 30 jours, les balises n'émettent que pendant 30 jours. Donc, s'il faut avoir des sous-marins articulés, je pense que tous les pays du monde, tous, souhaitent et ont intérêt à ce qu'on retrouve ces boîtes noires, donc c'est une véritable opération internationale et mondiale qu'il faut monter.
 
Dernière question : l'hypothèse de l'attentat est-elle définitivement exclue ?
 
Ecoutez, très franchement, il ne serait pas honnête de tout évacuer, mais on n'a pas les éléments, le début des éléments, ni sur les passagers, ni sur les circonstances, ni sur le moment ou la soudaineté puisque il y a quelques émissions techniques au lieu de maintenance qui ont été émises. Ce n'est franchement pas l'hypothèse privilégiée, mais il n'appartient pas à un Gouvernement de tirer des conclusions en l'état actuel, alors qu'on est en train de rechercher les boîtes noires, ça ne serait pas raisonnable. Enfin, le Président est très...très...on était à Roissy hier ensemble, il a longuement parlé aux familles en leur disant la vérité. La vérité c'est que je ne peux pas vous dire que c'est le désastre total mais il y peu d'espoir de retrouver des survivants. Voilà.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 juin 2009