Texte intégral
Mesdames Messieurs les Ministres,
Chers collègues,
Le souci de l'Homme, de ses droits, de sa dignité, de sa liberté n'est pas d'une région, d'une civilisation ou d'un peuple. Les droits de l'Homme ne sont pas des droits occidentaux. Ce sont des droits universels parce nous partageons une même humanité. Cette aspiration universelle à la liberté, cette volonté de fonder en droit ce message humaniste ont été codifiées dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme dont nous avons célébré le 60ème anniversaire en décembre dernier.
Je suis profondément convaincue que les droits de l'Homme ont vocation à être évoqués dans toutes les rencontres internationales. Je m'inscris ainsi dans le droit fil de la déclaration de New York du Millénaire + 5, signée par tous les chefs d'Etat et de gouvernement en 2005. Selon ce texte important, nous reconnaissons tous "que le développement, la paix et la sécurité et les droits de l'Homme sont inséparables et se renforcent mutuellement". Cette équation est au fondement de la Charte des Nations unies depuis près de 60 ans.
Dans tous nos pays, des progrès peuvent être accomplis pour une meilleure protection des libertés fondamentales. Aucune région du monde ne peut se prévaloir d'une situation parfaite en matière de droits de l'Homme. Nous avons tous besoin d'un regard extérieur qui nous rappelle à nos engagements lorsque nous sommes défaillants.
Pour cette raison, nous devons travailler ensemble au nom de ces principes, sans arrogance, sans donner des leçons mais guidés par ces principes universels. Cette tâche de longue haleine comprend deux volets d'égale importance : d'une part, la promotion et la protection des droits de l'Homme dans nos pays ; dans les enceintes internationales, d'autre part.
Je commencerai par ce second volet. La conférence de Durban contre le racisme, par exemple, qui s'est tenue au mois d'avril, a montré qu'il était possible de travailler ensemble. Il est important, malgré les difficultés, de ne pas fuir nos responsabilités devant les questions les plus complexes. Le dialogue est toujours préférable, en particulier quand l'objet est un sujet aussi grave que le racisme, les discriminations, ou les violations des droits de l'Homme en général.
Alors que s'ouvre la 4ème année de fonctionnement du Conseil des droits de l'Homme, je souhaite que cet esprit de dialogue continue de prévaloir. Le Conseil des droits de l'Homme par exemple doit pouvoir traiter des situations les plus urgentes ou de celles qui mettent en cause les violations des droits de l'Homme les plus graves. Non pour dénoncer, mais pour redresser, non pour stigmatiser mais pour trouver les moyens, en commun, de mettre fin aux abus et aux violations les plus inacceptables.
C'est pourquoi l'Union européenne, aux côtés de plusieurs autres Etats non-européens, a demandé la convocation d'une session extraordinaire sur le Sri Lanka. Encore une fois non pour stigmatiser, mais pour garantir un accès inconditionnel des acteurs humanitaires aux milliers de déplacés internes, pour obtenir le lancement d'une enquête indépendante sur les allégations de violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire et enfin, afin d'assurer un suivi concret de la situation des droits de l'Homme sur le terrain. Il n'y aura pas de paix durable sans respect des droits de l'Homme, ni justice. Je ne peux que regretter que cette session spéciale n'ait pu déboucher sur un texte ambitieux, à la hauteur des enjeux et de la gravité de la situation sur le terrain. L'Union européenne pour sa part a pris ses responsabilités. Le Conseil des droits de l'Homme ne pouvait rester impassible.
Dans le domaine des libertés fondamentales, aucun sujet ne doit être passé sous silence. Ni l'impunité, ni la torture, ni les disparitions forcées, ni la peine de mort, ni les atteintes à la liberté d'expression, ni les atteintes aux droits des femmes. Le silence est souvent l'acquiescement à l'intolérable ; la parole la première sauvegarde contre les violations des droits de l'Homme.
Les droits de l'Homme n'appartiennent pas un pays, à une culture ou à une région particulière. Ils sont l'expression de notre dignité commune, d'une éthique universelle ; et c'est dans cette perspective que nous devons, pays d'Asie et pays européens, poursuivre un dialogue constructif et exigeant.
La question des droits de l'Homme comprend également un volet interne, la mise en oeuvre par chacun de nos pays de ses obligations internationales, telles qu'inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme et dans les pactes et conventions dans ce domaine.
Dans la définition de nos réponses aux défis économiques, financiers, technologiques, scientifiques qui a bien des égards échappent aujourd'hui au contrôle des Etats, il nous faut nous inscrire dans un cadre éthique et normatif. La Déclaration universelle des droits de l'Homme et les autres instruments internationaux adoptés par la suite constituent ce cadre.
Les normes n'ont pas été écrites par les uns pour être imposées aux autres.
Relativisez aujourd'hui ces normes universelles, et alors surgiront demain des projets qui ignoreront, à dessein, la dignité humaine et ouvriront la voie à l'instabilité, aux excès, et à toutes les violences. Tous ici nous savons ce que, dans le passé, dans nos histoires pluriséculaires, l'émergence de telles forces a coûté en souffrances et en vies humaines.
Voilà pourquoi, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les Etats rassemblés ont souhaité, avec cette Déclaration universelle, édifier un rempart de droits et de principes, pour prévenir le retour de la barbarie: pour que cela ne se reproduise plus, pour que l'Homme demeure au coeur de notre projet collectif, et parce que s'il y a bien diversité de cultures et d'expression, nous savons aussi qu'il y a unité de la nature humaine et donc de destin.
En Asie, comme en Europe, soyons fidèles à nos héritages millénaires : l'Homme est au coeur de tout projet de civilisation. Toutes nos grandes philosophies sont fondées sur cette ambition de paix et d'équilibre.
C'est pourquoi nous devons regarder en face, lucidement, la situation en Birmanie ; nous ne pouvons accepter l'impasse politique et diplomatique actuelle.
La Birmanie a été au coeur de nos débats à la réunion ministérielle de l'ASEM, à Hanoi. La paix et la sécurité, le progrès économique, ne se construiront pas au XXIe siècle dans l'oubli des valeurs. Le rapprochement des Nations est intimement lié à l'épanouissement des peuples et des individus qui en façonnent le destin. Regardez la Corée du Nord : où conduit cet isolement ? Aux privations, à la famine, à la ruine et finalement à l'instabilité. La nuit du régime étend son ombre menaçante à toute une région.
Durant les 20 dernières années Aung San Suu Kyi a vécu 13 ans en résidence surveillée, 13 années indignes. Indignes du grand peuple birman, indigne du grand pays qu'est la Birmanie. La communauté internationale et les Nations Unies sont aux cotes du peuple birman. Nous avons condamne d'une seule voix la persécution dont est victime Aung San Suu Kyi ; nous réclamons d'une seule voix la libération de tous les prisonniers politiques et l'engagement d'un processus de réconciliation nationale ainsi que le retour a la démocratie.
Que les mots prononcés par Aung San Suu Kyi, la semaine dernière, dans sa prison, avec une dignité, un courage et une vision de l'intérêt national birman qui force l'admiration nous inspirent : Aung San Suu Kyi a dit qu'il ne fallait pas perdre espoir et qu'il était encore temps de trouver une solution positive.
A ce propos, j'aimerais revenir sur les propos du vice-Ministre birman qui justifiait la détention d'Aung San Suu Kyi. Il a dit : "les droits du Myanmar sont entre les mains de son peuple". Cette affirmation est fausse. Le peuple birman s'est exprimé en 1990 et son vote, 80% en faveur de la LND, le parti d'Aung San Suu Kyi, lui a été confisqué. Les droits de la Birmanie ne sont plus, depuis, entre les mains de son peuple.
Le vice-ministre birman a aussi plaidé pour le principe de "non-ingérence". Mais, à partir du moment où vous êtes membre d'une organisation internationale, vous devez accepter d'être jugé par vos pairs. Tous les jours, la France l'est par le Conseil de l'Europe ou l'ONU. Des rapporteurs de ces organisations internationales viennent régulièrement visiter nos prisons et nos centres de rétention. Des juges internationaux, comme ceux de la Cour européenne des droits de l'Homme, nous ont même condamnés. Cela ne nous plaît pas toujours mais c'est ainsi. Nous l'acceptons parce que nous reconnaissons notre perfectibilité et parce que nous avons souscrit des engagements internationaux qui nous obligent. Ce n'est pas une question d'ingérence.
Le représentant birman a indiqué qu'en février 2009, "plus de 3.000 prisonniers politiques ont été libérés". Mais, depuis, 3.000 militants des droits de l'Homme et de la société civile ont été condamnés à de très lourdes peines. Il a ajouté : "nous préparons des élections libres et justes pour 2010". Alors, c'est quoi ce référendum organisé en plein milieu d'un cyclone ? Quel pouvait être le sens d'un référendum alors que des gens mourraient ? Je rappelle que le bilan du cyclone Nargis a été de 240.000 morts et disparus et que le référendum organisé pendant la catastrophe s'est soldé par une victoire du pouvoir birman de 92% et un taux de participation de 90%.
Enfin, le vice-ministre birman a qualifié Aung San Suu Kyi "d'élément subversif". Faut-il être qualifié de "subversif" parce qu'on a gagné une élection ? Et cela fait 13 ans qu'elle est assignée à résidence. Sachez que plus vous la harcèlerez, plus vous serez sûr de renforcer la mobilisation de la communauté internationale. Plus vous la maintiendrez en prison, plus vous en ferez un martyr, plus vous renforcerez son aura aux yeux du peuple birman. Souvenez-vous comment le pouvoir sud-africain, en maintenant Nelson Mandela en prison pendant 27 ans, en a fait un héros aux yeux du monde entier.
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères de Birmanie, Chers Collègues, la communauté internationale continue à tendre la main à la Birmanie, il est encore temps de la prendre. Libérez Aung San Suu Kyi, libérez les prisonniers politiques. Mettez fin à l'isolement de la Birmanie dont le peuple birman est la première victime.
Il n'y aura pas d'intégration régionale, l'ASEAN ne trouvera pas de stabilité durable, tant que la Birmanie ne retrouvera pas la maîtrise d'un avenir librement consenti. Je me félicite à cet égard de la position que l'Association a prise, par la voix de sa présidence thaïlandaise sur cette question.
Je souhaite à cette occasion saluer aussi les discussions en cours au sein de l'ASEAN pour la mise en place d'un mécanisme régional de promotion et de protection des droits de l'Homme. Au fondement de la construction européenne, il y a de la même manière un idéal commun, fondé sur le respect de la dignité humaine au moyen de mécanismes qui en assurent le respect collectif.
Chacun doit entendre les leçons de l'Histoire : je ne peux qu'encourager l'ASEAN à mettre en place un mécanisme de promotion et de protection des droits de l'Homme exigeant.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 2009
Chers collègues,
Le souci de l'Homme, de ses droits, de sa dignité, de sa liberté n'est pas d'une région, d'une civilisation ou d'un peuple. Les droits de l'Homme ne sont pas des droits occidentaux. Ce sont des droits universels parce nous partageons une même humanité. Cette aspiration universelle à la liberté, cette volonté de fonder en droit ce message humaniste ont été codifiées dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme dont nous avons célébré le 60ème anniversaire en décembre dernier.
Je suis profondément convaincue que les droits de l'Homme ont vocation à être évoqués dans toutes les rencontres internationales. Je m'inscris ainsi dans le droit fil de la déclaration de New York du Millénaire + 5, signée par tous les chefs d'Etat et de gouvernement en 2005. Selon ce texte important, nous reconnaissons tous "que le développement, la paix et la sécurité et les droits de l'Homme sont inséparables et se renforcent mutuellement". Cette équation est au fondement de la Charte des Nations unies depuis près de 60 ans.
Dans tous nos pays, des progrès peuvent être accomplis pour une meilleure protection des libertés fondamentales. Aucune région du monde ne peut se prévaloir d'une situation parfaite en matière de droits de l'Homme. Nous avons tous besoin d'un regard extérieur qui nous rappelle à nos engagements lorsque nous sommes défaillants.
Pour cette raison, nous devons travailler ensemble au nom de ces principes, sans arrogance, sans donner des leçons mais guidés par ces principes universels. Cette tâche de longue haleine comprend deux volets d'égale importance : d'une part, la promotion et la protection des droits de l'Homme dans nos pays ; dans les enceintes internationales, d'autre part.
Je commencerai par ce second volet. La conférence de Durban contre le racisme, par exemple, qui s'est tenue au mois d'avril, a montré qu'il était possible de travailler ensemble. Il est important, malgré les difficultés, de ne pas fuir nos responsabilités devant les questions les plus complexes. Le dialogue est toujours préférable, en particulier quand l'objet est un sujet aussi grave que le racisme, les discriminations, ou les violations des droits de l'Homme en général.
Alors que s'ouvre la 4ème année de fonctionnement du Conseil des droits de l'Homme, je souhaite que cet esprit de dialogue continue de prévaloir. Le Conseil des droits de l'Homme par exemple doit pouvoir traiter des situations les plus urgentes ou de celles qui mettent en cause les violations des droits de l'Homme les plus graves. Non pour dénoncer, mais pour redresser, non pour stigmatiser mais pour trouver les moyens, en commun, de mettre fin aux abus et aux violations les plus inacceptables.
C'est pourquoi l'Union européenne, aux côtés de plusieurs autres Etats non-européens, a demandé la convocation d'une session extraordinaire sur le Sri Lanka. Encore une fois non pour stigmatiser, mais pour garantir un accès inconditionnel des acteurs humanitaires aux milliers de déplacés internes, pour obtenir le lancement d'une enquête indépendante sur les allégations de violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire et enfin, afin d'assurer un suivi concret de la situation des droits de l'Homme sur le terrain. Il n'y aura pas de paix durable sans respect des droits de l'Homme, ni justice. Je ne peux que regretter que cette session spéciale n'ait pu déboucher sur un texte ambitieux, à la hauteur des enjeux et de la gravité de la situation sur le terrain. L'Union européenne pour sa part a pris ses responsabilités. Le Conseil des droits de l'Homme ne pouvait rester impassible.
Dans le domaine des libertés fondamentales, aucun sujet ne doit être passé sous silence. Ni l'impunité, ni la torture, ni les disparitions forcées, ni la peine de mort, ni les atteintes à la liberté d'expression, ni les atteintes aux droits des femmes. Le silence est souvent l'acquiescement à l'intolérable ; la parole la première sauvegarde contre les violations des droits de l'Homme.
Les droits de l'Homme n'appartiennent pas un pays, à une culture ou à une région particulière. Ils sont l'expression de notre dignité commune, d'une éthique universelle ; et c'est dans cette perspective que nous devons, pays d'Asie et pays européens, poursuivre un dialogue constructif et exigeant.
La question des droits de l'Homme comprend également un volet interne, la mise en oeuvre par chacun de nos pays de ses obligations internationales, telles qu'inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme et dans les pactes et conventions dans ce domaine.
Dans la définition de nos réponses aux défis économiques, financiers, technologiques, scientifiques qui a bien des égards échappent aujourd'hui au contrôle des Etats, il nous faut nous inscrire dans un cadre éthique et normatif. La Déclaration universelle des droits de l'Homme et les autres instruments internationaux adoptés par la suite constituent ce cadre.
Les normes n'ont pas été écrites par les uns pour être imposées aux autres.
Relativisez aujourd'hui ces normes universelles, et alors surgiront demain des projets qui ignoreront, à dessein, la dignité humaine et ouvriront la voie à l'instabilité, aux excès, et à toutes les violences. Tous ici nous savons ce que, dans le passé, dans nos histoires pluriséculaires, l'émergence de telles forces a coûté en souffrances et en vies humaines.
Voilà pourquoi, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les Etats rassemblés ont souhaité, avec cette Déclaration universelle, édifier un rempart de droits et de principes, pour prévenir le retour de la barbarie: pour que cela ne se reproduise plus, pour que l'Homme demeure au coeur de notre projet collectif, et parce que s'il y a bien diversité de cultures et d'expression, nous savons aussi qu'il y a unité de la nature humaine et donc de destin.
En Asie, comme en Europe, soyons fidèles à nos héritages millénaires : l'Homme est au coeur de tout projet de civilisation. Toutes nos grandes philosophies sont fondées sur cette ambition de paix et d'équilibre.
C'est pourquoi nous devons regarder en face, lucidement, la situation en Birmanie ; nous ne pouvons accepter l'impasse politique et diplomatique actuelle.
La Birmanie a été au coeur de nos débats à la réunion ministérielle de l'ASEM, à Hanoi. La paix et la sécurité, le progrès économique, ne se construiront pas au XXIe siècle dans l'oubli des valeurs. Le rapprochement des Nations est intimement lié à l'épanouissement des peuples et des individus qui en façonnent le destin. Regardez la Corée du Nord : où conduit cet isolement ? Aux privations, à la famine, à la ruine et finalement à l'instabilité. La nuit du régime étend son ombre menaçante à toute une région.
Durant les 20 dernières années Aung San Suu Kyi a vécu 13 ans en résidence surveillée, 13 années indignes. Indignes du grand peuple birman, indigne du grand pays qu'est la Birmanie. La communauté internationale et les Nations Unies sont aux cotes du peuple birman. Nous avons condamne d'une seule voix la persécution dont est victime Aung San Suu Kyi ; nous réclamons d'une seule voix la libération de tous les prisonniers politiques et l'engagement d'un processus de réconciliation nationale ainsi que le retour a la démocratie.
Que les mots prononcés par Aung San Suu Kyi, la semaine dernière, dans sa prison, avec une dignité, un courage et une vision de l'intérêt national birman qui force l'admiration nous inspirent : Aung San Suu Kyi a dit qu'il ne fallait pas perdre espoir et qu'il était encore temps de trouver une solution positive.
A ce propos, j'aimerais revenir sur les propos du vice-Ministre birman qui justifiait la détention d'Aung San Suu Kyi. Il a dit : "les droits du Myanmar sont entre les mains de son peuple". Cette affirmation est fausse. Le peuple birman s'est exprimé en 1990 et son vote, 80% en faveur de la LND, le parti d'Aung San Suu Kyi, lui a été confisqué. Les droits de la Birmanie ne sont plus, depuis, entre les mains de son peuple.
Le vice-ministre birman a aussi plaidé pour le principe de "non-ingérence". Mais, à partir du moment où vous êtes membre d'une organisation internationale, vous devez accepter d'être jugé par vos pairs. Tous les jours, la France l'est par le Conseil de l'Europe ou l'ONU. Des rapporteurs de ces organisations internationales viennent régulièrement visiter nos prisons et nos centres de rétention. Des juges internationaux, comme ceux de la Cour européenne des droits de l'Homme, nous ont même condamnés. Cela ne nous plaît pas toujours mais c'est ainsi. Nous l'acceptons parce que nous reconnaissons notre perfectibilité et parce que nous avons souscrit des engagements internationaux qui nous obligent. Ce n'est pas une question d'ingérence.
Le représentant birman a indiqué qu'en février 2009, "plus de 3.000 prisonniers politiques ont été libérés". Mais, depuis, 3.000 militants des droits de l'Homme et de la société civile ont été condamnés à de très lourdes peines. Il a ajouté : "nous préparons des élections libres et justes pour 2010". Alors, c'est quoi ce référendum organisé en plein milieu d'un cyclone ? Quel pouvait être le sens d'un référendum alors que des gens mourraient ? Je rappelle que le bilan du cyclone Nargis a été de 240.000 morts et disparus et que le référendum organisé pendant la catastrophe s'est soldé par une victoire du pouvoir birman de 92% et un taux de participation de 90%.
Enfin, le vice-ministre birman a qualifié Aung San Suu Kyi "d'élément subversif". Faut-il être qualifié de "subversif" parce qu'on a gagné une élection ? Et cela fait 13 ans qu'elle est assignée à résidence. Sachez que plus vous la harcèlerez, plus vous serez sûr de renforcer la mobilisation de la communauté internationale. Plus vous la maintiendrez en prison, plus vous en ferez un martyr, plus vous renforcerez son aura aux yeux du peuple birman. Souvenez-vous comment le pouvoir sud-africain, en maintenant Nelson Mandela en prison pendant 27 ans, en a fait un héros aux yeux du monde entier.
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères de Birmanie, Chers Collègues, la communauté internationale continue à tendre la main à la Birmanie, il est encore temps de la prendre. Libérez Aung San Suu Kyi, libérez les prisonniers politiques. Mettez fin à l'isolement de la Birmanie dont le peuple birman est la première victime.
Il n'y aura pas d'intégration régionale, l'ASEAN ne trouvera pas de stabilité durable, tant que la Birmanie ne retrouvera pas la maîtrise d'un avenir librement consenti. Je me félicite à cet égard de la position que l'Association a prise, par la voix de sa présidence thaïlandaise sur cette question.
Je souhaite à cette occasion saluer aussi les discussions en cours au sein de l'ASEAN pour la mise en place d'un mécanisme régional de promotion et de protection des droits de l'Homme. Au fondement de la construction européenne, il y a de la même manière un idéal commun, fondé sur le respect de la dignité humaine au moyen de mécanismes qui en assurent le respect collectif.
Chacun doit entendre les leçons de l'Histoire : je ne peux qu'encourager l'ASEAN à mettre en place un mécanisme de promotion et de protection des droits de l'Homme exigeant.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 2009