Déclaration de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, sur les mesures gouvernementales de soutien à la filière automobile, Paris le 9 juin 2009.

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Texte intégral

Je voudrais tout d'abord vous dire le plaisir que j'ai à être parmi vous aujourd'hui. Il est profondément satisfaisant de voir que les travaux que nous avons menés depuis 5 mois ensemble aboutissent à des résultats concrets. Votre présence aujourd'hui témoigne aussi du fait que l'industrie automobile a su, dans une période de crise inédite, se serrer les coudes et montrer sa volonté d'inaugurer un nouveau mode de dialogue en son sein. Dans les périodes de crise, il y a toujours une tentation du « chacun pour soi ». Vous avez fait le choix inverse et je vous en sais gré.
A / Lorsqu'en décembre dernier, le PR m'a confié une mission sur l'avenir de l'automobile en France, cela marquait un choix politique fort. Le message était clair : « quelles que soient les difficultés de la conjoncture, quels que soient les handicaps structurels qui peuvent exister dans la filière, la France ne laissera pas tomber son industrie automobile ». C'est autant un choix de raison pour un secteur qui touche d'amont en aval près de 10 % de la population active française, qu'un choix de passion, de conviction. La conviction que le pays qui a inventé l'automobile est capable de la réinventer. La conviction que nous avons les atouts pour imaginer la voiture de demain, plus intelligente, plus propre, plus économe en énergie, plus adaptée aux besoins et aux envies des nouveaux consommateurs qui apparaissent chaque jour partout dans le monde.
B / Avec le pacte automobile, je crois que nous avons relevé ensemble un double défi.
. Le défi de l'immédiat, avec des mesures d'urgence de financement et de soutien du marché qui ont porté leurs fruits dans un contexte général encore très dégradé.
. Et le défi de l'avenir. Je crois que l'intérêt du « pacte automobile » réside dans le fait qu'il a montré, au-delà des questions stratégiques de financement, de technologies et de mutations des modèles économiques, que l'avenir de l'automobile en France ne pouvait s'inscrire que dans une refondation complète des modes de coopération et de relation au sein de la filière.
. Pour une filière plus solide, il nous faut une filière plus solidaire. Si à toute chose malheur est bon, la crise nous aura au moins convaincu de cela. La solidité de la chaîne dépend de la résistance et de la qualité de chacun de ces maillons : je crois que votre présence ici témoigne du fait que tout le monde a non seulement cette réalité à l'esprit, mais aussi la volonté de lui faire prendre corps.
C / Nous sommes aujourd'hui en mesure de tirer un premier bilan des mesures adoptées dans le cadre du pacte automobile. Ces résultats prouvent d'ailleurs - pour qui en douterait - que ce plan s'adresse bien à l'ENSEMBLE de la filière.
. Le fonds OSEO, qui s'adresse spécifiquement aux entreprises de petite et moyenne tailles, a ainsi accordé en trois mois 731 garanties, correspondant à 183 Meuros de risques, au bénéfice de 636 emprunteurs. 571 garanties supplémentaires, correspondant à 111 Meuros de risque, sont en cours d'examen.
. Le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, dont la création a été permise grâce à un investissement conjoint de la CDC et des constructeurs, est déjà intervenu dans Trèves, à hauteur de 55 Meuros, dans Michel Thierry pour 15 Meuros et dans Savoy International pour 4,3 Meuros. Dix autres dossiers sont aujourd'hui en cours d'examen. Ces interventions s'ajoutent à celles déjà réalisées par le Fonds stratégique d'investissement dans Valeo pour 19 Meuros et dans Farinia pour 20 Meuros. Avec ces investissements, il s'agit d'aider des groupes à passer le cap des mois difficiles qui s'annoncent, mais aussi et surtout de participer à la restructuration du tissu industriel, en faisant émerger des équipementiers compétitifs et aptes à réaliser des investissements d'envergure, notamment en matière de R&D.
. La compétitivité ne se joue pas seulement les coûts. Elle se joue aussi sur la capacité à produire vite et bien, avec des process de production optimisé. Aussi je me réjouis de voir que le Plan Qualité et Performance 2010 se met concrètement en oeuvre sur les territoires. A ce jour, nous avons lancé 30 opérations régionales de diffusion du Lean Management, dont 9 concernent spécifiquement l'industrie automobile.
. La compétitivité, c'est aussi bien sûr l'innovation. Le plan véhicule décarboné se décline rapidement. Le groupe de travail sur les infrastructures de charge installé avec Chantal Jouanno le 17 février 2009 rendra ses conclusions à la fin du mois. Et les prochaines semaines seront aussi marquées par la publication d'un cahier des charges commun pour la commande groupée de 100 000 véhicules décarbonés. Ce travail a été remarquablement orchestré par la Poste et son Président JP Bailly, qui a réussi à rassembler les grands comptes publics ou privés que sont EDF, Veolia, ou encore GDFSuez. Ces initiatives s'ajoutent à un effort budgétaire considérable de la part de l'Etat en faveur du véhicule électrique, de l'ordre de 400 Meuros.
II. L'installation officielle de la plateforme d'échange CCFA-CLIFA, quatre mois jour pour jour après son annonce par le Président de la République, marque le passage à une nouvelle phase du pacte automobile.
A / A l'aune des résultats que je viens de vous indiquer, on peut voir que l'Etat a respecté son engagement, qu'il a tenu ses promesses en déclinant rapidement et en profondeur les mesures qui étaient de son ressort. Désormais la « balle est dans votre camp », ce sont les partenaires de la filière eux-mêmes qui doivent prendre le relais de l'Etat pour la déclinaison du pacte automobile. En soi, l'installation de la plateforme est un signe positif mais on ne pourra parler de succès que si elle aboutit à des résultats concrets, que si l'ensemble des participants acceptent de jouer le jeu.
La plateforme est aujourd'hui opérationnelle et vous vous êtes déjà accordés sur la constitution de quatre groupes de travail : lean management, TIC, stratégie à moyen et long terme, hommes et compétences. Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur Cham, Président de la Fiev, qui en assurera la présidence et M. Blain, qui sera chargé du secrétariat opérationnel. Cet engagement de la part de personnalités reconnues est en lui-même significatif : il témoigne de la volonté des participants, notamment des constructeurs, de s'impliquer pleinement dans ce nouvel outil.
B / Que peut-on, ou plutôt que doit-on attendre de cette plateforme d'échanges ?
Nous parlons depuis des mois de refondation des relations au sien de la filière. Pour que celle-ci n'en reste pas au stade des belles paroles, il faut qu'il y ait véritablement un « avant » et un « après ».
. Avant, les rapports entre les acteurs étaient bilatéraux, conditionnés par des relations d'affaires et les tensions qui en découlent inévitablement. Désormais, la plateforme offre un espace multilatéral, où les différentes parties prenantes pourront s'exprimer et échanger, en tenant mieux compte des intérêts et des points de vue de chacun pour aboutir à une vision plus large et plus équilibrée des rapports entre constructeurs, équipementiers, sous-traitants, sociétés d'ingénierie etc.
. Avant, les correspondants des fournisseurs dans les grands groupes étaient toujours des acheteurs. Désormais, les grands donneurs d'ordre auront chacun des médiateurs, indépendants des services achats, qui seront chargés des relations avec les fournisseurs et du respect de l'application du code de bonnes pratiques. Ils auront la mission, dans l'intérêt des deux parties, de prévenir et éventuellement de régler les tensions. Pour les fournisseurs, ils seront un point de contact accessible et soucieux de prendre en compte la situation spécifique de chacun.
. Avant, la visibilité des fournisseurs et équipementiers sur les volumes de production et sur les défis technologiques étaient limitées. Elle découlait d'un processus très vertical. Désormais la relation d'affaires devra être davantage dictée par un échange et une réflexion commune pour aboutir à une vision stratégique partagée et réaliste sur les évolutions technologiques, les évolutions du marché et les volumes prévisionnels de long terme. Je suis convaincu que c'est une démarche gagnant-gagnant. Avec une visibilité renforcée, les équipementiers et les sous-traitants pourront mieux anticiper les besoins, réaliser les investissements les plus pertinents, et au final mieux répondre aux besoins de leurs donneurs d'ordres. Ils pourront aussi être davantage force de proposition et contribuer à la valeur ajoutée de leurs clients.
. Avant, les acteurs du secteur ne se souciaient de la santé et de la compétitivité de leurs interlocuteurs que pour s'assurer qu'ils seraient capables d'honorer leur contrat. Désormais, l'ensemble des acteurs devra s'engager dans des démarches solidaires en étant plus sensible à la pérennité de long terme des partenaires, en étant conscient que quand une entreprise ferme, ce sont des années d'expérience et de savoir-faire qui partent avec elle. Ils devront s'affranchir des frontières naturelles qui existent pour diffuser leur savoir-faire et leur expérience. Dans le déploiement du Lean, j'attends notamment des grands groupes qu'ils poursuivent et renforcent leur action auprès de leurs fournisseurs. C'est à terme la compétitivité de l'ensemble de la filière qui est en jeu.
. Enfin, j'attends de la plateforme qu'elle participe à une vision prospective pour donner à l'Etat des éléments de visibilité de long terme sur la filière et ses évolutions. Je souhaite en particulier qu'elle noue des relations privilégiées avec les organismes de recherche comme l'Inrets, l'IFP, le CEA, avec des associations savantes comme la Société des Ingénieurs de l'Automobile et avec les Pôles de compétitivité, pour être capable de tracer la carte des grandes priorités technologiques et sociologiques des 10 ans à venir.
Conclusion : A une situation nouvelle, nous avons apporté ensemble une réponse nouvelle. Elle dessine un nouveau mode d'intervention de l'Etat. Un Etat qui ne se met pas en tête de faire le travail à la place des professionnels, mais qui joue un rôle de médiateur, de fédérateur. Un Etat qui joue aussi le rôle de détonateur en investissant dans des technologies qui ne sont pas encore mûres et en créant les conditions techniques, juridiques et économiques pour l'émergence de nouveaux marchés, comme nous le faisons pour les véhicules décarbonés. Bref, je crois en un Etat qui sait à la fois générer, voire imposer le dialogue, et à la fois faire confiance aux acteurs. Cette confiance, je sais que vous vous en montrerez dignes. C'est une page nouvelle de l'histoire de l'industrie automobile française qui s'ouvre aujourd'hui. Il vous appartient désormais de l'écrire.
Je vous remercie.
Source http://www.ccfa.fr, le 11 juin 2009