Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le doublement du déficit de la sécurité sociale entre 2008 et 2009 dû en partie à la crise économique et la nécessaire maîtrise des dépenses de santé (notamment les indemnités journalières et les transports sanitaires), Paris le 15 juin 2009.

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Circonstance : Présentation des comptes de la Sécurité sociale, à Paris le 15 juin 2009

Texte intégral

Madame la ministre,
Madame la secrétaire d'État,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs.
Je remercie tout d'abord le secrétaire général, Francois MONIER, pour sa présentation très claire des comptes de la sécurité sociale. Merci également au directeur de la sécurité sociale, Dominique LIBAULT, et à l'ensemble de ses équipes pour le travail accompli. Je pense que je peux associer à ces remerciements Roselyne BACHELOT et Nadine MORANO.
Je tire deux enseignements de la présentation des comptes 2008 et 2009 :
- le premier, c'est que le doublement du déficit de la sécurité sociale entre 2008 et 2009 est le reflet de la crise : sur les 20,1 milliards d'euros, la moitié, 10 milliards, est un déficit conjoncturel, lié à la chute brutale des recettes.
Il est normal que face à la crise économique inédite que nous traversons, la sécurité sociale joue un rôle d'amortisseur social.
- le deuxième enseignement, c'est que, même en période de crise, nous maintenons le cap de la maîtrise des dépenses. En 2008 comme en 2009, nous parvenons ainsi à stabiliser le déficit structurel.
La crise économique impacte fortement les comptes de la sécurité sociale, c'est une évidence. 20,1 milliards d'euros de déficit du régime général en 2009, le chiffre est impressionnant.
Cela signifie que, sur l'année, près d'un mois de dépenses de santé et un mois de pensions de retraite ne sont pas financées par des recettes courantes.
Mais ne nous y trompons pas, la moitié de ce déficit est un déficit de crise qui s'explique par trois types d'effets :
- 1ere manifestation de la crise : la chute de la masse salariale. Nous avons perdu 4 points de masse salariale entre la prévision de novembre dernier et celle d'aujourd'hui (de +2,75% à -1,25%). Et en novembre, nous avions déjà révisé l'évolution de la masse salariale à la baisse de 0,75 point. Cela se traduit par un effondrement de l'assiette des cotisations sociales. Au total, ce sont donc 8 milliards de recettes en moins pour 2009 ;
- 2e manifestation de la crise : la dégradation de l'emploi et des comptes de l'UNEDIC ne permet pas de réaliser la baisse des cotisations chômage qui était espérée, et qui aurait permis d'augmenter les cotisations retraite sans alourdissement de prélèvement global. C'est ainsi 1,7 milliards d'euros de recettes pour le régime général qui manquent à l'appel ;
- enfin, 3e manifestation de la crise, côté dépenses, près de 300 millions d'euros de prestations logement supplémentaires sont directement liées à l'accroissement du chômage et à la baisse des revenus d'activité.
Il est normal qu'en période de crise, nous acceptions un déficit plus important pour soutenir le revenu des Français. La sécurité sociale joue pleinement son rôle, grâce aux prestations qu'elle verse et à de moindres prélèvements. Le pouvoir d'achat des ménages progresse d'ailleurs en 2009 grâce aux transferts sociaux, notamment avec les revalorisations importantes des prestations :
+3% sur les prestations familiales pour 6 millions de familles,
+2,95% sur les allocations logement pour 5,7 millions de locataires,
+6,9% sur le minimum vieillesse pour 400 000 personnes.
Mais vous noterez que l'État sait prendre ses responsabilités et qu'aucune des mesures supplémentaires décidées par le gouvernement pour soutenir les revenus des ménages dans la crise n'est à la charge de la sécurité sociale :
- la prime de solidarité active de 200 euros versée à plus de 4 millions de ménages en avril,
- la prime de 150 euros versée début juin à 3 millions de familles modestes,
- les 200 euros de bons d'achats de services à la personne.
Toutes ces dépenses, plus de 1,6 milliard d'euros, sont financées par l'État. Elles s'ajoutent à l'effet puissant qu'a la progression mécanique des revenus de transfert pour amortir la crise et permettre à la France de mieux traverser cette période que la plupart des autres pays.
La crise explique donc la moitié du déficit global du régime général avec des impacts différenciés selon les branches.
Pour la branche famille, la crise est à l'origine de 2 milliards d'euros sur les 2,6 milliards de déficit.
Sur les 9,4 milliards de déficit de l'assurance maladie, environ la moitié, autour de 4,5 milliards d'euros, est due à la crise.
Le déficit structurel de l'assurance vieillesse est comparativement plus important : sur les 7,7 milliards d'euros, la crise n'explique que 30% du déficit et il reste près de 5,5 milliards d'euros de déficit structurel. Cela rend d'autant plus nécessaire le point d'étape que le gouvernement fera avec les partenaires sociaux en 2010, sans attendre le prochain rendez-vous sur les retraites.
C'est en effet sur le déficit structurel, les 10 milliards d'euros, que nous devons maintenir l'effort. Et nous le faisons : en 2008 et 2009, nous tenons le cap d'une maîtrise efficace de la dépense.
En 2008, les dépenses ont été maîtrisées, ce qui a permis de compenser en partie l'impact des moins values de recettes. Les dépenses de gestion ont été bien contrôlées : les caisses du régime général n'ont remplacé qu'un départ à la retraite sur deux, soit plus de 7 700 emplois non renouvelés sur la période 2006-2008, grâce à un effort de l'assurance maladie et des Urssaf. Je ne crois pas que le service public assuré par ces organismes ait eu à en souffrir. Je sais que cette période de crise exige un travail important de vos organismes, notamment dans les Urssaf pour accompagner les entreprises en difficulté et octroyer des délais de paiement, dans les CAF et les caisses de la MSA pour traiter les demandes sociales, verser de nouvelles aides tout en mettant en place le RSA. Je sais aussi pouvoir compter sur votre professionnalisme.
En 2008, l'ONDAM a progressé de 3,4%, ce qui confirme notre capacité à maîtriser la dépense par rapport au début des années 2000 : les dépenses ont augmenté de 6,2% par an entre 2000 et 2003 mais de 3,7% par an entre 2005 et 2008. Nous sommes parvenus à améliorer la productivité du système de santé sans porter atteinte à la qualité des soins. Cela montre qu'une croissance annuelle de l'ONDAM autour de 3% est possible et qu'elle doit permettre, en période de conjoncture économique "normale", un redressement progressif des comptes de la branche maladie.
C'est, dans un environnement global difficile, une leçon encourageante pour les années à venir.
En 2009, je veux, avec Roselyne BACHELOT, que l'ONDAM voté soit respecté. Le comité d'alerte a évalué le risque de dépassement entre 300 et 500 millions d'euros : c'est un niveau plus faible que les années précédentes ; nous pouvons tenir 'objectif si nous agissons dès maintenant avec les caisses d'assurance maladie.
1. D'abord, il faut stopper la dérive des deux postes qui progressent le plus fortement, les indemnités journalières et les transports sanitaires : +6,7% de hausse des indemnités journalières sur les 4 premiers mois de 'année 2009, + 7,4% pour les dépenses de transport sanitaire, cela appelle une action forte et rapide.
- On constate de fortes disparités des arrêts de travail sur le territoire qui ne sont pas liées à l'état de santé. Une partie de cette croissance s''explique par les "mauvaises habitudes" de certains assurés et professionnels de santé, comme le montrent les résultats des contrôles de la CNAM : 13% des arrêts de courte durée contrôlés s'avèrent injustifiés. Des actions de maîtrise médicalisée vont être lancées et Roselyne BACHELOT les présentera. Pour ma part, j''ai demandé à la CNAM de renforcer sa politique de contrôle. La CNAM adressera 1 000 lettres d''avertissement aux gros prescripteurs d'arrêts de travail et elle mettra sous accord préalable 150 médecins supplémentaires en 2009.
Je vais aussi proposer en PLFSS 2010 de généraliser l'expérimentation de la contre-visite de l'employeur faite dans une dizaine de départements depuis 2008. Cette meilleure coordination permet aux CPAM de tenir compte des contrôles faits par un médecin mandaté par l'employeur : c'est plus d'efficacité puisque ces contrôles viennent s''ajouter aux contrôles de l'assurance maladie qui sont déjà de 1 million par an.
- Dans le domaine des transports sanitaires, j''ai demandé, avec Roselyne BACHELOT, à la CNAM de renforcer les contrôles des gros prescripteurs: 100 médecins supplémentaires seront mis sous accord préalable et 'assurance maladie se rendra dans les 200 hôpitaux qui prescrivent le plus de transports.
2. Pour respecter l'ONDAM, nous serons aussi, avec Roselyne BACHELOT, attentifs à la bonne gestion des fonds publics. Je voudrais partager avec vous une règle du jeu simple : face au déficit, il est normal que si certaines dotations ont été surévaluées par rapport aux besoins, elles soient révisées à la baisse et viennent diminuer l'ONDAM. Nous y veillerons et nous en tirerons les conséquences dans le prochain PLFSS.
Notre priorité aujourd'hui est de garantir le financement de la sécurité sociale, garantir que toutes les prestations seront vers??es à temps malgré l'ampleur des déficits.
En 2009, la dégradation des comptes va nous conduire à relever par décret le plafond de trésorerie de l'ACOSS : il était de 18,9 milliards d'euros, nous l'augmenterons de près de 10 milliards d'euros d'ici début octobre.
Pour 2010, la question des besoins de trésorerie de l'ACOSS revêt une acuité particulière, vous le savez. Les différents scénarios du traitement de la dette sociale sont connus :
- une reprise de la dette sociale par la CADES rend nécessaire une augmentation des recettes affectées à la CADES ;
- une reprise de la dette sociale par l'Etat est juridiquement possible mais revient sur le principe vertueux du cantonnement de la dette sociale ;
- certains ont avancé comme option une reprise de « la dette de crise » dans un organisme spécifique de type « Caisse d''amortissement de la dette publique ».
Aucun de ces scénarios n''est pleinement satisfaisant ou suffisamment expertisé. En pleine tempête, je ne veux pas augmenter la CRDS ou transférer la dette à l'Etat ce qui serait une solution de facilité, et nous ferait renoncer à des principes fondamentaux des finances publiques. La croissance de la dette liée à la diminution brutale des recettes a des causes conjoncturelles. Nous avons donc choisi de la traiter quand le retour de la croissance le permettra.
Pour passer le cap difficile de l'année 2010, nous veillerons à ce que l'ACOSS dispose des moyens de trésorerie nécessaires. Cette solution, neutre financièrement sur l'ensemble des comptes publics, permettra de garantir le versement des prestations sociales en 2009 et 2010.
Notre priorité, mesdames et messieurs, c'est de tenir le cap dans la crise, de poursuivre nos efforts de maîtrise des dépenses, de ne pas abandonner en cours de route les principes de bonne gestion des finances publiques. L'objectif est d''être en mesure de redresser les comptes lorsque nous sortirons de la crise.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 16 juin 2009