Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à RMC le 23 juin 2009, sur le lancement d'un emprunt national, annoncé par Nicolas Sarkozy, président de la République, au Congrès du Parlement.

Prononcé le

Circonstance : Congrès du Parlement à Versailles le 22 juin 2009

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Notre invite ce matin, J.-F. Copé, bonjour.

Bonjour.

Le président du groupe socialiste à l'Assemblée... Socialiste ! Socialiste J.-F. Copé ?

Non ! Je suis sûr que vous avez fait ça tout seul comme un grand.

Oui, comme un grand, je sais pas pourquoi. Président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, je sais pas pourquoi, ça va rester, tiens.

Oui, je crois que là il faut rectifier d'urgence parce que je voudrais pas...

... ou alors il y aura une dépêche urgente qui va tout à coup être éditée. [J.-F. Copé, président] du groupe UMP à l'Assemblée nationale, évidemment, mais surtout aussi ancien ministre du Budget. Donc, votre expertise nous intéresse ce matin, J.-F. Copé. Et nous allons entrer dans le concret tout de suite. La France va emprunter pour financer les investissements stratégiques de l'avenir, c'est ce que j'ai compris. C'est bien ça ? Vous avez ministre du Budget, faut-il, selon vous, faire appel au marché ou faire appel aux Français ?

C'est deux techniques différentes. Comment dire, l'emprunt sur le marché c'est quelque chose que l'Etat fait en permanence puisque tous les jours, en réalité, à travers une agence spécialisée qui gère ses participations et qui gère la dette, il y a une intervention tous les jours sur les marchés pour lever des fonds.

Oui, hier, l'Etat a emprunté 8 milliards d'euros, par exemple.

Et il faut savoir que de ce point de vue, la signature de la France est une des meilleures du monde parce que l'Etat français est connu pour être quelqu'un qui emprunte à de bonnes conditions et qui rembourse et qui honore ses engagements, ce qui n'est pas forcément le cas de tous les Etats.

Sauf que la dette qui s'alourdit ça ne va pas rassurer peut-être les marchés financiers.

Oui, mais, enfin, après tout puisqu'on se compare avec les autres pays, c'est-à-dire qu'aujourd'hui nous avons encore, il faut le savoir, même si le niveau de la dette commence à être très élevé, des niveaux d'endettement qui sont parfois un peu inférieurs à ce qu'ils sont dans d'autres pays européens. Mais enfin, cela dit, les indicateurs commencent à montrer qu'il faut y faire attention. La deuxième technique, c'est celle de l'emprunt direct aux Français et c'est un message plus politique, c'est un message de rassemblement, en réalité. On sait que traditionnellement, lorsque l'on fait ce type de démarche, c'est aussi un signal pour demander aux Français de se rassembler parce que c'est un moment difficile, voilà.

Mais, vous êtes favorable, vous préféreriez un emprunt auprès des marchés financiers ou auprès des Français, vous, franchement ?

Je vais vous dire, je n'ai pas d'avis aujourd'hui sur la question.

Non, vous n'avez pas d'avis !

Non, mais, bon...

Que feriez-vous ?

D'abord, je commencerais par consulter les uns et les autres. Vous savez, moi, je ne suis pas... je ne me sens plus obligé... je ne sais pas si je vous avais déjà dit ça un jour, mais depuis que je ne suis plus porte-parole de carrière, je me sens plus obligé d'avoir réponse à tout dans la journée. Alors, je pense que c'est des sujets difficiles...

... donc, vous consulteriez.

Ben, d'abord moi j'ai trouvé que dans le discours du Président, hier, il y a quand même quelque chose d'assez nouveau, c'est que sur de très nombreux sujets, il nous a dit, à nous, les parlementaires français, de gauche comme de droite, puisque ceux de gauche avaient bien voulu quand même être présents, qu'il nous invitait à discuter avec lui de tous ces sujets, marquant ainsi d'ailleurs ce tournant constitutionnel qui se met en marche progressivement vers un régime un peu à l'américaine, vous voyez.

Donc, votre avis se fera au cours de la discussion, si j'ai bien compris, J.-F. Copé.

Donc, l'idée c'est quoi, ce que j'ai compris ? C'est que nous nous donnions, finalement, trois mois sur un certain nombre de sujets pour préparer les grands chantiers de la rentrée.

Cet emprunt entre autres.

Il y a bien sûr l'emprunt, mais vous avez vu qu'il y a aussi les retraites et puis il y d'autres grands sujets.

On va en parler, mais l'emprunt, j'y reviens quand même parce que vous vous souvenez de l'emprunt Giscard, vous vous souvenez de cet emprunt ?

Enfin, je sais qu'il a existé, pour tout vous dire.

Non, vous vous souvenez vaguement, oui, enfin, bon, il a existé.

Je me souviens de l'emprunt Balladur.

Vous savez combien il a coûté ? Il a rapporté 7 milliards d'euros, il a coûté 80 milliards d'euros à l'Etat.

Oui ! Mais enfin, excusez-moi, là, vous allez un peu vite. Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de faire un emprunt immobilier à titre personnel, mais le principe est toujours le même : un emprunt ça coûte beaucoup plus cher que si on achète ou si on paie comptant puisque on paie des frais d'intérêt.

Oui ! Mais attention au surendettement. Je suis un particulier, je fais attention au surendettement, J.-F. Copé.

Vous avez raison mais la différence entre l'Etat et vous...

... plus de recettes.

... c'est que l'Etat il a des garanties de recettes pour peu qu'il aille chercher la croissance. C'est la croissance qui ramène des recettes. C'est pour ça d'ailleurs que je suis totalement opposé aux augmentations d'impôts.

Oui, et s'il n'y a pas de croissance ?

En période de crise, il n'y a pas de croissance, c'est pour ça que...

...et si la croissance est lente, si la reprise est lente, si elle est plus longue que prévu, on fait quoi ?

Je voudrais vous dire là-dessus, moi j'ai une conviction : on est en période de crise et en période de crise, ce n'est sûrement pas un moment où on serre les boulons partout, parce que sinon on meurt guéri, bon, c'est complètement idiot. Il faut continuer de faire ce qu'on fait en séparant les dépenses de gestion qui pour beaucoup d'entre elles sont inutiles, et moi je pense par exemple qu'il faudrait engager des réformes de structures contre ça. Par exemple, l'idée de fusionner les départements et les régions. Alors, je sais que je suis un peu minoritaire parmi mes collègues politiques, mais enfin aujourd'hui c'est typiquement un domaine dans lequel on peut faire des vrais gains de productivité.

Là, il faut aller plus loin dans cette idée, dans ce chemin-là ?

Ah, moi je pense ! Je pense qu'on peut garder l'identité départementale et l'identité territoriale tout en regroupant les services, les compétences, les impôts, pour faire en sorte que on dépense un peu moins, un peu mieux, et qu'on prélève un peu moins d'impôts régionaux et départementaux. Aujourd'hui, les uns font les collèges, les autres font les lycées, tous ont des services économiques, etc.

Le Président de la République en a peu parlé hier, J.-F. Copé.

Oui, mais cela dit, vous avez vu qu'il avait ouvert le débat. Moi, je veux dire que j'ai été quand même très sensible au fait qu'il nous invite à discuter de tout ça et à faire des propositions. C'est l'esprit de la nouvelle Constitution, c'est pour ça que je parle de Ve République bis. Aujourd'hui, on est invité à faire des propositions.

Donc, c'est l'une des propositions que fera J.-F. Copé dans les semaines qui viennent.

Absolument ! Je l'ai déjà faite...

... je sais que vous êtes déjà engagé, mais vous allez...

Et d'ailleurs, nous avons constitué un groupe de travail, nous, les parlementaires, avec D. Perben, avec les sénateurs, pour que justement on ait sur ce sujet, sur la base aussi de ce qu'avait fait Monsieur Balladur, des propositions innovantes. Deuxième idée : la croissance, il faut qu'on aille la chercher. Moi, je pense que la crise qu'on vit aujourd'hui elle commande qu'on commence à réfléchir à l'après crise parce que beaucoup de gens nous disent « vous n'avez pas su prévoir la crise ». Réfléchissons ensemble à comment on fait après. Or, l'après crise, d'ailleurs on a travaillé...

Mais ils ont raison de vous dire « vous n'avez pas su prévoir la crise ».

Mais oui, mais bien sûr ! Mais en même temps, notre boulot c'est aussi de commencer à anticiper pour la suite. Je réunis demain, avec Génération France, mon club, et le club de J.-P. Raffarin, on va parler de l'après crise. Alors, on nous dit « mais pourquoi vous en parlez maintenant ? », parce qu'en fait c'est maintenant, dans l'effort, dans l'inquiétude des gens, parce que les crises c'est beaucoup d'inquiétudes, beaucoup d'angoisses, c'est de dire voilà ce sur quoi on réfléchit pour le jour où on sortira de la crise. Un exemple concret : je pense que la réponse à cette crise elle n'est pas que technique, ce n'est pas juste de mettre de la liquidité dans les banques même si c'était important, sinon l'épargne des Français aurait coulé. Ce n'est pas seulement des réponses techniques, c'est une réponse sur les valeurs. Très concrètement, les gens demain ils vont chercher dans le monde les pays dans lesquels on se loge le mieux, on se nourrit le mieux, on se soigne le mieux, on éduque le mieux les enfants, on a le meilleur environnement, on a les meilleurs services publics. Ben, écoutez, si on est nous sur ce champ-là, ça veut dire que l'Europe en général et la France en particulier peuvent devenir des zones de compétitivité formidables. Eh bien, à nous d'y aller !

Mais dites-moi, voilà un discours de président de la République, J.- F. Copé.

Mais non...

... non mais, attendez, comprenez ce que je veux dire. Ce qui a manqué peut-être à N. Sarkozy, justement, ce souffle-là, J.-F. Copé, pardonnez-moi, peut-être ce souffle-là. Rien sur l'environnement, on aurait pu placer tous ces investissements futurs dans le cadre du développement durable, par exemple. Ca n'a pas été fait hier.

Sans doute, encore que... bon, je sais que c'est des exercices qui ensuite commandent des commentaires, etc. Mais, enfin, quand même, il a rappelé que jamais la France, ni aucun pays d'Europe, n'avait fait autant sur l'environnement qu'avec le Grenelle- il a totalement raison - en termes de croissance et d'emploi. Il l'a dit et il a structuré une partie de son discours là-dessus. En même temps, J.-J. Bourdin, moi, je vous dis, je vous le disais tout à l'heure en souriant, je ne suis pas là pour non plus être simplement...enfin, je suis porte-parole.

Mais vous êtes en marge, J.-F. Copé.

Non, pas en marge, mais pas du tout.

Enfin, en marge ! Dans une majorité mais libre, vous le dites vous-même.

Exactement ! Mais, moi, je soutiens à fond l'action qui est menée par le Président pour une raison simple : c'est que ce qu'il dit, ce qu'il fait, ça correspond profondément à mes valeurs, à mes convictions. En même temps, je suis en charge d'une majorité de 317 personnalités qui ont chacune leur tranche de vie, leur envie de faire des propositions. Et ce que j'ai beaucoup apprécié, hier, c'est que au-delà des grandes orientations qu'il a données, il nous a dit « à vous de jouer, on va travailler ensemble ». Et ce que j'aimerais, moi, c'est que sur ces sujets-là, je vous le dis même si ça va vous surprendre, j'aimerais que l'opposition travaille avec nous. C'est fou d'imaginer que dans une période aussi difficile, l'opposition soit à ce point absente du débat. Ok, j'ai compris qu'on avait des tas de défauts, et c'est normal, on fait ce qu'on peut, mais enfin c'est des moments où on aimerait être rassemblé, où on aimerait partager des mots. Le mot de générosité par exemple, le mot d'engagement. Ce sont des choses sur lesquelles on a des choses à se dire ensemble. Vous savez que demain à la réunion que je fais de Génération France sur l'après-crise, j'ai invité M. Valls. Il va venir. On va parler. On ne va pas être d'accord sur tout, mais on va parler d'avenir. A un moment comme celui-là, c'est essentiel. Essentiel !

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 juin 2009