Texte intégral
C. Barbier.- J.-M. Ayrault, bonjour.
Bonjour.
Avant de parler du fond du discours de N. Sarkozy hier devant le Congrès, qu'avez-vous pensé de cet exercice ? N'y a-t-il pas une vertu démocratique finalement à voir le chef de l'Etat se confronter à la représentation nationale ?
On ne peut pas dire qu'il se confronte puisque à peine a-t-il fini de parler qu'il s'en va. Une vraie confrontation, c'est quand vous débattez avec l'orateur qui a parlé. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu participer à cette mascarade de débat. D'ailleurs nous avions raison parce que, une fois que le Président a parlé, il est parti et ceux qui sont restés pour prendre la parole, il n'y avait personne dans l'hémicycle. Je veux dire même les parlementaires de droite ne sont pas venus soutenir leurs orateurs. Donc ce n'est pas là que cela doit se passer et ça je le redis encore ce matin, il faut que le Premier ministre qui doit traduire en actions les paroles présidentielles vienne devant l'Assemblée nationale, fasse une déclaration de politique générale, accepte le débat avec les parlementaires de la majorité et de l'opposition, et puis de se soumette à un vote, un vote de confiance.
Si ce n'est pas le cas, si la semaine prochaine F. Fillon continue son travail comme si de rien n'était, déposerez-vous une motion de censure pour l'obliger à venir nous parler ?
Nous déciderons cela en fonction des enjeux politiques du moment, mais en tout cas moi je redemande que le Premier ministre vienne faire une déclaration de politique générale devant le Parlement avec un débat et un vote. Parce que si ce n'est pas le cas, ça voudra dire que ce qu'on nous a raconté sur la réforme de la Constitution il y a un an, ce n'est pas vrai. On avait dit on va renforcer les pouvoirs du Parlement ; d'un côté un président qui s'affirme encore davantage mais en même temps un Parlement qui retrouve des pouvoirs supplémentaires. Ca veut dire que c'est complètement le contraire qui se passe, parce que c'est là que ça doit se passer. Le Président a fait des généralités dans son discours, on ne peut pas dire que ça a été très précis et concret, c'est donc au Premier ministre de le faire, au Gouvernement de le faire. Le fera-t-il ? S'il ne le fait pas, ça veut dire que l'article 20 de la Constitution, qui n'a pas changé, je vous le rappelle, il y a un an, n'existe plus, qui dit : "le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation". Alors il fallait le changer cet article, ça n'a pas été fait. Maintenant, je pose la question : avons-nous changé de régime ?
Quelques éléments concrets quand même hier dans le discours, notamment ce grand emprunt national que veut lancer le Président. Comment réagissez-vous ?
Ecoutez ! Franchement, c'est la seule annonce précise, et encore on ne sait pas encore à quoi ça va s'appliquer. Si ce sera un emprunt auprès des Français ou auprès des banques.
Les deux, mon capitaine.
Oui peut-être. Mais enfin écoutez ! Aujourd'hui, tout le monde sait qu'il y a une dette énorme, une dette qui continue d'augmenter et que l'actuel Gouvernement et l'actuel Président ne cessent d'augmenter. Et ce n'est pas à cause de la crise, ce sont les choix budgétaires qui ont été faits depuis le début du quinquennat de monsieur Sarkozy. Par exemple, ce fameux paquet fiscal. Je prends un exemple concret, parce que ça, ça touche les gens : les heures supplémentaires. Quand vous êtes en crise, que le chômage augmente, si vous défiscalisez, si vous supprimez les cotisations sociales sur les heures supplémentaires qui coûtent presque moins cher que les heures normales, vous encouragez le chômage et ça coûte 3 milliards d'euros. Et comment c'est financé ? Vous savez comment c'est financé, C. Barbier ? Par la dette, par l'emprunt. Alors il faudrait que N. Sarkozy accepte d'abord de balayer devant sa porte. Moi je ne suis pas un adversaire d'un grand emprunt, nous l'avions proposé...
Vous l'aviez proposé, mais un grand emprunt européen.
Absolument. Mais attendez ciblé, sur l'investissement notamment dans tout ce qui va préparer l'avenir, c'est-à-dire le développement durable, la croissance verte. Et moi ce qui me gène dans ce qu'a dit hier le Président de la République, c'est plutôt ce qu'il n'a pas dit et on n'entend pas de discours sur la nécessaire relance de l'activité économique aujourd'hui. Nous nous enfonçons dans la crise. Pas de mesures concrètes pour les chômeurs, pas de mesures concrètes pour les petites et moyennes entreprises qui ont des difficultés de trésorerie. La rentrée va être très, très difficile.
Une mesure concrète quand même pour les chômeurs, les licenciés économiques toucheront pendant un an l'intégralité de leur salaire pour se former.
C'est une hypothèse qui a été évoquée par le président de la République, mais pourquoi alors le 30 avril, lorsque les députés socialistes ont déposé une proposition de loi demandant d'étendre le contrat de transition professionnelle, c'est-à-dire l'absence de rupture de contrat de travail lorsqu'il y a licenciement, pour que les salariés se forment, pour qu'ils puissent après repartir au moment de la relance, pourquoi est-ce que cette proposition de loi qui envisageait d'étendre à deux ans ce contrat et le généraliser sur toute la France a été refusée par la majorité ? Là, je ne comprends pas. Il a parlé des parachutes dorés hier, nous avions proposé la suppression des retraites plafonds et des parachutes dorés et des stocks options, cela a également été refusé par la majorité. Alors il y a le discours, le grand discours, on va dire plutôt consensuel et puis il y a la réalité de la politique.
Alors il y a aussi une réorientation fiscale : moins de fiscalité sur la production et le travail ; aller le plus loin possible, dit-il, sur la taxe carbone. Vous êtes pour ?
Mais la taxe carbone, nous sommes pour mais à condition que tout cela s'inscrive dans une réforme générale d'un système fiscal qui ne vise pas à taper plus fort sur tout le monde mais à avoir une fiscalité plus juste et plus efficace. Et une fiscalité écologique ça en fait partie. Mais je vais prendre un autre exemple concret aussi qui est très inquiétant, c'est la réforme de la taxe professionnelle. Nous ne sommes pas contre une réforme de la taxe professionnelle, mais elle sera financée comment ? Si on en croit ce qui est dit par Bercy, par le ministre du Budget, ça va être financé en partie par l'emprunt. Par l'emprunt ! C'est-à-dire on supprime des recettes aux collectivités locales et pour compenser, on va peut-être emprunter par an 6 milliards d'euros, tous les ans. Quel est le sens de cette politique ? C'est ça que je n'arrive pas à voir. J'ai le sentiment après ce discours, ça va peut-être vous surprendre, d'un certain désarroi présidentiel. Parce que vous vous souvenez le grand discours sur "la rupture" : "notre système est dépassé, il faut le changer", "la rupture", "la rupture"... Avant la présidentielle, après la présidentielle. Et là, il nous a fait du Chirac. Il nous a sorti le discours qu'on entend depuis 30 ans des différents présidents de la République qui disent : ah le système français est formidable, il faut le sauver, il faut le défendre. C'est ce que j'ai retenu moi. J'appelle ça, vraiment, comment dire, un désarroi, oui un désarroi de N. Sarkozy face à la gravité de la crise, qui ne sait plus trop comment s'y prendre.
Le défendre mais le réformer, par exemple le débat sur les retraites sera ouvert au début 2010, tranché dans un an promet le Président. On sait que la droite envisage de repousser l'âge légal en départ en retraite. Que propose la gauche ?
Attendez ! La gauche propose qu'il y ait une vraie négociation et qu'elle soit totalement équilibrée parce que c'est vrai qu'il y a l'allongement de la durée de la vie, on ne va pas le nier, c'est vrai donc que se posera progressivement, pas cette année - il ne faut pas faire peur aux Français - le financement de notre régime de retraite. Mais attention au système que l'on va mettre en place. Et il faut commencer par traiter des problèmes qui sont là sur la table depuis des années. Par exemple le travail des seniors, ça il y a 35 % des seniors qui travaillent, c'est très, très peu, on a le taux le plus faible en Europe. Et par ailleurs, il y a un taux de chômage des jeunes qui est un des plus forts d'Europe et qui ne cesse d'augmenter, en particulier à cause de la crise. Et puis il y a une question qui avait été un engagement de la réforme Fillon et de F. Fillon lui-même : c'était une négociation sur la pénibilité, c'est-à-dire tenir compte pour le départ effectif à la retraite de la pénibilité du travail et de l'espérance de vie. Cette question n'a toujours pas été débattue, ni tranchée, ni négociée.
Diviser par deux le nombre des élus locaux, passer de 6 000 à 3 000, est-ce que vous pouvez vous opposer à cette idée, on sait que le millefeuilles français...
Oui mais ça c'est... On ne sait pas quel est le projet réellement. Vous voyez ! Là, on a une affirmation : il faudrait moderniser notre organisation administrative locale. Mais nous les Socialistes nous avons toujours été pour ça parce que c'est nous qui avons été les créateurs de la décentralisation avec F. Mitterrand, P. Mauroy, G. Defferre. Et à chaque fois que nous étions au pouvoir, nous avons fait faire une nouvelle étape à la décentralisation, donc ce n'est pas nous qui iront contre une réforme, mais à condition que cette réforme soit claire. Aujourd'hui, je n'en connais absolument pas ni les contours, ni le calendrier, donc c'est une raison supplémentaire pour que le Gouvernement présente son programme. Ce n'est pas un programme ce qu'a dit le président de la République, c'est des grandes orientations.
Message présidentiel clair en revanche contre la burka, elle n'est pas la bienvenue en République. Est-ce que comme maire de Nantes, vous pourriez prendre un arrêté municipal pour interdire la déambulation...
Il n'aurait pas de valeur juridique. Il ne s'agit pas de faire croire qu'un maire peut tout, ça ne peut être que par la loi si on devait le faire.
Et vous souhaitez cette loi ?
Je pense que là où je suis d'accord avec le Président, c'est qu'il faut se laisser le temps de la réflexion, tout en affirmant que la burka n'est pas la bienvenue en France, c'est une évidence parce que c'est une soumission des femmes à l'évidence. Dire que ce n'est pas un problème religieux, moi je crois que c'est en partie un problème religieux, même si aussi c'est un problème culturel de certains pays d'origine, mais il y a quand même un problème religieux, c'est une forme d'intégrisme, qu'on retrouve dans toutes les religions. En même temps, moi je ne veux pas stigmatiser une religion qu'est l'Islam parce que ça heureusement c'est très très minoritaire et la quasi-totalité des musulmans ne se retrouvent pas dans cela. Donc d'en discuter, d'en débattre sans stigmatiser à l'Assemblée nationale, oui c'est un endroit, c'est le lieu du débat démocratique.
Si demain un socialiste ou un radical de gauche entre au Gouvernement, comment réagirez-vous ?
Ce sera une énième aventure individuelle. Il y a des gens comme ça qui sont obsédés par le pouvoir, vouloir à tout prix être ministre. Moi je suis socialiste, je pense qu'il faut qu'on travaille de plus en plus, et c'est notre devoir et l'élection du 7 juin nous l'a rappelé, à une alternative à la politique de N. Sarkozy. Les socialistes, les verts, les communistes, l'ensemble de la gauche et ce travail il faut... nous le faisons déjà à l'Assemblée nationale parce qu'on propose, mais il faut aller beaucoup plus loin, beaucoup plus...
Vous resterez à la tête du groupe ?
Si les députés socialistes me confient cette mission, bien sûr je continuerais parce que je crois que nous avons besoin de cohésion et d'unité.
Et la primaire présidentielle ?
Pardon ?
La primaire présidentielle, on en parle au PS...
Si, à la fin du processus que j'appelle de mes voeux, c'est-à-dire la préparation d'un projet alternatif à débattre au Parti Socialiste, avec l'ensemble de la gauche, on puisse le proposer aux Français, qu'à la fin il faut une candidature unique ou pas et qu'on ait un processus d'élargissement pour désigner notre candidat ou notre candidate, pourquoi pas. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Si on parle aujourd'hui de primaire, on voit tout de suite éclater un nombre considérable de candidatures. La question des personnes, ce n'est pas la première question du jour.
J.-M. Ayrault, merci, bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 juin 2009
Bonjour.
Avant de parler du fond du discours de N. Sarkozy hier devant le Congrès, qu'avez-vous pensé de cet exercice ? N'y a-t-il pas une vertu démocratique finalement à voir le chef de l'Etat se confronter à la représentation nationale ?
On ne peut pas dire qu'il se confronte puisque à peine a-t-il fini de parler qu'il s'en va. Une vraie confrontation, c'est quand vous débattez avec l'orateur qui a parlé. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu participer à cette mascarade de débat. D'ailleurs nous avions raison parce que, une fois que le Président a parlé, il est parti et ceux qui sont restés pour prendre la parole, il n'y avait personne dans l'hémicycle. Je veux dire même les parlementaires de droite ne sont pas venus soutenir leurs orateurs. Donc ce n'est pas là que cela doit se passer et ça je le redis encore ce matin, il faut que le Premier ministre qui doit traduire en actions les paroles présidentielles vienne devant l'Assemblée nationale, fasse une déclaration de politique générale, accepte le débat avec les parlementaires de la majorité et de l'opposition, et puis de se soumette à un vote, un vote de confiance.
Si ce n'est pas le cas, si la semaine prochaine F. Fillon continue son travail comme si de rien n'était, déposerez-vous une motion de censure pour l'obliger à venir nous parler ?
Nous déciderons cela en fonction des enjeux politiques du moment, mais en tout cas moi je redemande que le Premier ministre vienne faire une déclaration de politique générale devant le Parlement avec un débat et un vote. Parce que si ce n'est pas le cas, ça voudra dire que ce qu'on nous a raconté sur la réforme de la Constitution il y a un an, ce n'est pas vrai. On avait dit on va renforcer les pouvoirs du Parlement ; d'un côté un président qui s'affirme encore davantage mais en même temps un Parlement qui retrouve des pouvoirs supplémentaires. Ca veut dire que c'est complètement le contraire qui se passe, parce que c'est là que ça doit se passer. Le Président a fait des généralités dans son discours, on ne peut pas dire que ça a été très précis et concret, c'est donc au Premier ministre de le faire, au Gouvernement de le faire. Le fera-t-il ? S'il ne le fait pas, ça veut dire que l'article 20 de la Constitution, qui n'a pas changé, je vous le rappelle, il y a un an, n'existe plus, qui dit : "le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation". Alors il fallait le changer cet article, ça n'a pas été fait. Maintenant, je pose la question : avons-nous changé de régime ?
Quelques éléments concrets quand même hier dans le discours, notamment ce grand emprunt national que veut lancer le Président. Comment réagissez-vous ?
Ecoutez ! Franchement, c'est la seule annonce précise, et encore on ne sait pas encore à quoi ça va s'appliquer. Si ce sera un emprunt auprès des Français ou auprès des banques.
Les deux, mon capitaine.
Oui peut-être. Mais enfin écoutez ! Aujourd'hui, tout le monde sait qu'il y a une dette énorme, une dette qui continue d'augmenter et que l'actuel Gouvernement et l'actuel Président ne cessent d'augmenter. Et ce n'est pas à cause de la crise, ce sont les choix budgétaires qui ont été faits depuis le début du quinquennat de monsieur Sarkozy. Par exemple, ce fameux paquet fiscal. Je prends un exemple concret, parce que ça, ça touche les gens : les heures supplémentaires. Quand vous êtes en crise, que le chômage augmente, si vous défiscalisez, si vous supprimez les cotisations sociales sur les heures supplémentaires qui coûtent presque moins cher que les heures normales, vous encouragez le chômage et ça coûte 3 milliards d'euros. Et comment c'est financé ? Vous savez comment c'est financé, C. Barbier ? Par la dette, par l'emprunt. Alors il faudrait que N. Sarkozy accepte d'abord de balayer devant sa porte. Moi je ne suis pas un adversaire d'un grand emprunt, nous l'avions proposé...
Vous l'aviez proposé, mais un grand emprunt européen.
Absolument. Mais attendez ciblé, sur l'investissement notamment dans tout ce qui va préparer l'avenir, c'est-à-dire le développement durable, la croissance verte. Et moi ce qui me gène dans ce qu'a dit hier le Président de la République, c'est plutôt ce qu'il n'a pas dit et on n'entend pas de discours sur la nécessaire relance de l'activité économique aujourd'hui. Nous nous enfonçons dans la crise. Pas de mesures concrètes pour les chômeurs, pas de mesures concrètes pour les petites et moyennes entreprises qui ont des difficultés de trésorerie. La rentrée va être très, très difficile.
Une mesure concrète quand même pour les chômeurs, les licenciés économiques toucheront pendant un an l'intégralité de leur salaire pour se former.
C'est une hypothèse qui a été évoquée par le président de la République, mais pourquoi alors le 30 avril, lorsque les députés socialistes ont déposé une proposition de loi demandant d'étendre le contrat de transition professionnelle, c'est-à-dire l'absence de rupture de contrat de travail lorsqu'il y a licenciement, pour que les salariés se forment, pour qu'ils puissent après repartir au moment de la relance, pourquoi est-ce que cette proposition de loi qui envisageait d'étendre à deux ans ce contrat et le généraliser sur toute la France a été refusée par la majorité ? Là, je ne comprends pas. Il a parlé des parachutes dorés hier, nous avions proposé la suppression des retraites plafonds et des parachutes dorés et des stocks options, cela a également été refusé par la majorité. Alors il y a le discours, le grand discours, on va dire plutôt consensuel et puis il y a la réalité de la politique.
Alors il y a aussi une réorientation fiscale : moins de fiscalité sur la production et le travail ; aller le plus loin possible, dit-il, sur la taxe carbone. Vous êtes pour ?
Mais la taxe carbone, nous sommes pour mais à condition que tout cela s'inscrive dans une réforme générale d'un système fiscal qui ne vise pas à taper plus fort sur tout le monde mais à avoir une fiscalité plus juste et plus efficace. Et une fiscalité écologique ça en fait partie. Mais je vais prendre un autre exemple concret aussi qui est très inquiétant, c'est la réforme de la taxe professionnelle. Nous ne sommes pas contre une réforme de la taxe professionnelle, mais elle sera financée comment ? Si on en croit ce qui est dit par Bercy, par le ministre du Budget, ça va être financé en partie par l'emprunt. Par l'emprunt ! C'est-à-dire on supprime des recettes aux collectivités locales et pour compenser, on va peut-être emprunter par an 6 milliards d'euros, tous les ans. Quel est le sens de cette politique ? C'est ça que je n'arrive pas à voir. J'ai le sentiment après ce discours, ça va peut-être vous surprendre, d'un certain désarroi présidentiel. Parce que vous vous souvenez le grand discours sur "la rupture" : "notre système est dépassé, il faut le changer", "la rupture", "la rupture"... Avant la présidentielle, après la présidentielle. Et là, il nous a fait du Chirac. Il nous a sorti le discours qu'on entend depuis 30 ans des différents présidents de la République qui disent : ah le système français est formidable, il faut le sauver, il faut le défendre. C'est ce que j'ai retenu moi. J'appelle ça, vraiment, comment dire, un désarroi, oui un désarroi de N. Sarkozy face à la gravité de la crise, qui ne sait plus trop comment s'y prendre.
Le défendre mais le réformer, par exemple le débat sur les retraites sera ouvert au début 2010, tranché dans un an promet le Président. On sait que la droite envisage de repousser l'âge légal en départ en retraite. Que propose la gauche ?
Attendez ! La gauche propose qu'il y ait une vraie négociation et qu'elle soit totalement équilibrée parce que c'est vrai qu'il y a l'allongement de la durée de la vie, on ne va pas le nier, c'est vrai donc que se posera progressivement, pas cette année - il ne faut pas faire peur aux Français - le financement de notre régime de retraite. Mais attention au système que l'on va mettre en place. Et il faut commencer par traiter des problèmes qui sont là sur la table depuis des années. Par exemple le travail des seniors, ça il y a 35 % des seniors qui travaillent, c'est très, très peu, on a le taux le plus faible en Europe. Et par ailleurs, il y a un taux de chômage des jeunes qui est un des plus forts d'Europe et qui ne cesse d'augmenter, en particulier à cause de la crise. Et puis il y a une question qui avait été un engagement de la réforme Fillon et de F. Fillon lui-même : c'était une négociation sur la pénibilité, c'est-à-dire tenir compte pour le départ effectif à la retraite de la pénibilité du travail et de l'espérance de vie. Cette question n'a toujours pas été débattue, ni tranchée, ni négociée.
Diviser par deux le nombre des élus locaux, passer de 6 000 à 3 000, est-ce que vous pouvez vous opposer à cette idée, on sait que le millefeuilles français...
Oui mais ça c'est... On ne sait pas quel est le projet réellement. Vous voyez ! Là, on a une affirmation : il faudrait moderniser notre organisation administrative locale. Mais nous les Socialistes nous avons toujours été pour ça parce que c'est nous qui avons été les créateurs de la décentralisation avec F. Mitterrand, P. Mauroy, G. Defferre. Et à chaque fois que nous étions au pouvoir, nous avons fait faire une nouvelle étape à la décentralisation, donc ce n'est pas nous qui iront contre une réforme, mais à condition que cette réforme soit claire. Aujourd'hui, je n'en connais absolument pas ni les contours, ni le calendrier, donc c'est une raison supplémentaire pour que le Gouvernement présente son programme. Ce n'est pas un programme ce qu'a dit le président de la République, c'est des grandes orientations.
Message présidentiel clair en revanche contre la burka, elle n'est pas la bienvenue en République. Est-ce que comme maire de Nantes, vous pourriez prendre un arrêté municipal pour interdire la déambulation...
Il n'aurait pas de valeur juridique. Il ne s'agit pas de faire croire qu'un maire peut tout, ça ne peut être que par la loi si on devait le faire.
Et vous souhaitez cette loi ?
Je pense que là où je suis d'accord avec le Président, c'est qu'il faut se laisser le temps de la réflexion, tout en affirmant que la burka n'est pas la bienvenue en France, c'est une évidence parce que c'est une soumission des femmes à l'évidence. Dire que ce n'est pas un problème religieux, moi je crois que c'est en partie un problème religieux, même si aussi c'est un problème culturel de certains pays d'origine, mais il y a quand même un problème religieux, c'est une forme d'intégrisme, qu'on retrouve dans toutes les religions. En même temps, moi je ne veux pas stigmatiser une religion qu'est l'Islam parce que ça heureusement c'est très très minoritaire et la quasi-totalité des musulmans ne se retrouvent pas dans cela. Donc d'en discuter, d'en débattre sans stigmatiser à l'Assemblée nationale, oui c'est un endroit, c'est le lieu du débat démocratique.
Si demain un socialiste ou un radical de gauche entre au Gouvernement, comment réagirez-vous ?
Ce sera une énième aventure individuelle. Il y a des gens comme ça qui sont obsédés par le pouvoir, vouloir à tout prix être ministre. Moi je suis socialiste, je pense qu'il faut qu'on travaille de plus en plus, et c'est notre devoir et l'élection du 7 juin nous l'a rappelé, à une alternative à la politique de N. Sarkozy. Les socialistes, les verts, les communistes, l'ensemble de la gauche et ce travail il faut... nous le faisons déjà à l'Assemblée nationale parce qu'on propose, mais il faut aller beaucoup plus loin, beaucoup plus...
Vous resterez à la tête du groupe ?
Si les députés socialistes me confient cette mission, bien sûr je continuerais parce que je crois que nous avons besoin de cohésion et d'unité.
Et la primaire présidentielle ?
Pardon ?
La primaire présidentielle, on en parle au PS...
Si, à la fin du processus que j'appelle de mes voeux, c'est-à-dire la préparation d'un projet alternatif à débattre au Parti Socialiste, avec l'ensemble de la gauche, on puisse le proposer aux Français, qu'à la fin il faut une candidature unique ou pas et qu'on ait un processus d'élargissement pour désigner notre candidat ou notre candidate, pourquoi pas. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Si on parle aujourd'hui de primaire, on voit tout de suite éclater un nombre considérable de candidatures. La question des personnes, ce n'est pas la première question du jour.
J.-M. Ayrault, merci, bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 juin 2009