Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur le bilan de la négociation collective, notamment les accords conclus avec les partenaires sociaux et l'augmentation du SMIC au 1er juillet prochain, Paris le 22 juin 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion de la Commission de la négociation collective à Paris le 22 juin 2009

Texte intégral


* Intervention d'ouverture
Mesdames et Messieurs les secrétaires [Maryse DUMAS, secrétaire confédérale de la CGT ; Marcel GRIGNARD, secrétaire général adjoint de la CFDT ; Marie-Alice MEDEUF-ANDRIEU, secrétaire confédérale de FO ; Jean-Michel CERDAN, membre titulaire de la CFDT ; Alain LECANU, secrétaire national de la CFE-CGC], Madame et Messieurs les présidents [Benoit ROGER-VASSELIN, MEDEF ; Jean-François VEYSSET, CGPME ; Muriel CAILLAT, Professions agricoles ; Patrick LIEBUS, UPA ; M. Dominique PICARD, UNAPL]
Je suis très heureux de vous accueillir ce matin, dans cette salle chargée d'histoire que vous connaissez bien.
Je voudrais saluer, tout d'abord, les partenaires sociaux ici présents, qu'il s'agisse des organisations syndicales ou patronales. Vous retrouver autour d'une même table constitue toujours une bonne nouvelle pour notre démocratie sociale.
Je tiens, aussi, à saluer, les différents représentants de mes collègues du gouvernement, et les différents directeurs d'administration centrale. Chacun d'eux sait à quel point la volonté du Président de la République et du Gouvernement est de favoriser l'échange, le dialogue. C'est bien plus qu'une méthode de travail, c'est une philosophie d'action : en temps de crise, mais aussi de manière permanente et durable, le dialogue doit porter ses fruits.
Nous sommes réunis, ce matin, à la fois pour dresser un bilan de la négociation collective de l'année écoulée et pour examiner l'augmentation annuelle du SMIC.
Concrètement, je vous propose que notre séance se déroule de la manière suivante :
- après cette introduction où je commenterai le bilan de la négociation collective en 2008 ;
- je laisserai le soin à Mme Claire WAYSAND, qui représente le directeur général du trésor et de la politique économique, de nous présenter brièvement la situation conjoncturelle et les perspectives économiques ;
- j'aborderai par la suite le sujet de la revalorisation du SMIC au 1er juillet prochain ;
avant de laisser la parole à chacune de vos organisations et répondre à vos éventuelles questions.
Permettez-moi, d'abord, de partager avec vous le bilan que nous faisons de la négociation collective de l'année écoulée.
Vous avez été destinataires du bilan, qui vous a été fourni par la Direction générale du travail. Comme l'an passé et afin que vos analyses et vos appréciations soient effectivement prises en compte, le bilan de la négociation collective en 2008 a été enrichi de vos contributions. Elles permettent de mieux retracer l'analyse de chacun des acteurs du dialogue social sur cette période qui a été particulièrement riche.
L'année 2008 marque, en effet, l'aboutissement des évolutions engagées concernant la place de la négociation collective dans la construction du droit du travail. Mais cette année 2008 signait aussi le début d'une étape nouvelle : vous vous êtes clairement approprié les règles issues de la procédure de concertation prévues par la loi du 31 janvier 2007, et vous vous êtes saisis de l'opportunité de négocier sur les thèmes de réformes avant que le législateur n'intervienne.
Au niveau national, deux nouveaux accords majeurs ont été conclus :
- l'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail ;
- et l'accord du 2 juillet 2008 sur le stress au travail.
D'autres accords ont été conclus sur des sujets divers et complexes, comme la formation professionnelle et la gestion prévisionnelle des emplois (GPEC).
Si les négociations que vous avez engagées sur la démocratie sociale ne se sont pas, à proprement parler, conclues par un accord national interprofessionnel, la position commune, paraphée par 4 organisations professionnelles d'employeurs et de salariés, a, en revanche, été reprise dans la loi du 20 août 2008. Ce texte fondateur signe une première étape ; d'autres, indispensables, suivront pour parachever la modernisation du dialogue social et renforcer sa légitimité.
Dans le même temps, au-delà des mesures d'accompagnement de la loi du 20 août, vous aviez souhaité que nous réduisions le plus possible les délais d'extension des accords nationaux, interprofessionnels et de branche. Le directeur général du travail nous indique que le délai d'extension a été encore réduit, amplifiant le mouvement déjà amorcé les années précédentes. Il se situe à 102 jours en 2008 (actuellement ramené à 97 jours au premier semestre 2009), dont 61 jours pour les accords salaires, ce qui traduit bien, je crois, au regard des délais de procédure et de consultation incompressibles, la priorité du Gouvernement sur ces questions salariales.
Je pense que nous pouvons saluer les efforts de l'administration, comme évidemment ceux des membres de la sous-commission des accords qui appartiennent à vos organisations. La sous-commission a été réunie 5 fois et consultée 16 fois en 2008, dans le cadre de la procédure accélérée relative aux seuls accords de salaires.
S'agissant, enfin, des entreprises, à ce niveau comme à celui de la branche, le thème des salaires est resté prépondérant - avec 8 000 accords - , suivi par celui du temps de travail - près de 6 300 accords - puis, comme en 2007, par l'épargne salariale, qui bénéficie de modalités de ratification souples qui permettent un grand nombre d'accords signés : plus de 4 000.
Le Gouvernement dans son ensemble, et le ministère du travail en particulier, ont été très attentifs à ce que le dialogue social puisse progresser, notamment dans les négociations salariales. J'en veux pour preuve l'effort d'accompagnement de la négociation, avec la mise à disposition de plus de 100 présidents de commissions mixtes paritaires pour faciliter la conduite de réunions. J'en veux, aussi, pour preuve, l'intervention des agents du ministère, comme cette année en Guadeloupe avec la médiation conduite par MM. LOPEZ et BESSIERE.
Le rapport du député Jean-Frédéric POISSON sur la négociation collective et les branches professionnelles a déjà nourri des échanges et débats entre vous et son auteur. Nous aurons l'occasion d'en reparler, tant il est nécessaire que tous les salariés puissent bénéficier d'une couverture conventionnelle qui ait du sens au regard de leurs préoccupations comme de celui du bon fonctionnement des secteurs d'activité.
Nous procèderons, dans quelques instants, au tour de table sur le bilan de la négociation collective, en même temps que sur la revalorisation du SMIC. La proposition du Gouvernement sur ce sujet va être utilement éclairée par les éclairages macroéconomiques de la représentante de Madame la Ministre de l'économie, Mme WAYSAND. Ces précisions auront le mérite de compléter les éléments déjà communiqués par le groupe d'experts chargé d'éclairer la CNNC comme le Gouvernement sur la revalorisation du SMIC.
Madame, je vous laisse la parole.
* Seconde intervention de Brice Hortefeux
[Reprise de parole du ministre après l'intervention de Mme WAYSAND]
Je remercie la Direction générale du Trésor et de la politique économique pour cet utile éclairage.
S'agissant de la revalorisation du SMIC, vous le savez, la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a mis en place un nouveau cadre pour l'évolution du SMIC.
Cette loi a avancé la date de revalorisation annuelle du SMIC du 1er juillet au 1er janvier et ce, à compter de 2010. Cette revalorisation sera, ainsi, davantage en phase avec les négociations de branche et d'entreprise.
La loi du 3 décembre 2008 a également créé un groupe d'experts indépendants qui se prononce désormais chaque année sur l'évolution souhaitable du SMIC. Ce groupe est présidé par M. Paul CHAMPSAUR, l'ancien directeur général de l'INSEE dont chacun reconnait la rigueur professionnelle et le sens de l'Etat. Signe de son objectivité, ce groupe rassemble, autour de M. CHAMPSAUR, des économistes d'horizons variés, de sensibilités différentes, et appartenant tous à des institutions aussi reconnues que la Banque de France, l'OCDE, ou encore l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Le fait de recueillir l'avis d'experts indépendants, comme cela se pratique déjà dans différents pays, contribue à donner un autre éclairage et à nourrir nos échanges.
Je rappelle, toutefois, que les critères légaux de fixation du SMIC n'ont pas été modifiés. Il est de même du rôle du Gouvernement et de celui de la Commission nationale de la négociation collective, dont les responsabilités respectives sont restées inchangées.
Le groupe d'experts a rendu son premier rapport, le 5 juin dernier. Conformément à la loi, ce rapport vous a été adressé et a été rendu public.
Quelles ont été les conclusions de ce groupe d'experts ? A l'unanimité, ces économistes conseillent de ne pas procéder à une revalorisation au-delà des critères légaux. En clair, ils ne préconisent pas de procéder à ce qu'on appelle communément un « coup de pouce ».
Deux éléments ont emporté l'analyse.
1) Le groupe d'experts a considéré, tout d'abord, que la question du pouvoir d'achat devait être centrale pour l'ensemble des salariés, et non uniquement pour les 14% de salariés rémunérés au SMIC. Vous le savez, le SMIC concerne aujourd'hui, dans notre pays, 2,190 millions de salariés du secteur marchand non agricole, auxquels il faut ajouter 160 000 salariés de l'intérim, 100 000 salariés agricoles, 300 000 salariés des services à la personne et 620 000 agents publics. Le SMIC concerne donc, directement ou indirectement, 3,4 millions de salariés.
La priorité du Gouvernement est d'améliorer la situation de l'ensemble des salariés. C'est l'objectif des mesures de la loi en faveur du pouvoir d'achat de février 2008 comme de la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail. L'amélioration du pouvoir d'achat passe également par une revitalisation de la négociation salariale d'entreprise comme au niveau des branches, car seules ces négociations peuvent garantir une véritable progression salariale sur le long terme.
Afin que cette négociation soit véritablement engagée, le Gouvernement a traduit, dans la loi du 3 décembre 2008, le souhait d'une majorité d'entre vous de voir le bénéfice des allégements de charges conditionné à cette négociation.
C'est également dans cet esprit que le président de la République vous a invités, le 14 mai, à engager des discussions à la suite du rapport du directeur général de l'INSEE, M. Jean-Philippe COTIS, sur le partage de la valeur ajoutée, les écarts de rémunération et le partage des profits dans notre pays. Il a souhaité que vous remettiez les conclusions opérationnelles de vos discussions avant le 15 juillet et le président de la République, comme le Gouvernement, y seront très attentifs.
2) Seconde raison avancée par le groupe d'experts pour renoncer à un « coup de pouce » : l'effet boomerang qu'aurait une telle augmentation. Je cite le rapport : « les hausses soutenues du SMIC ... ont surtout pour effet d'évincer de l'emploi les travailleurs les plus fragiles, à commencer par les jeunes, les parents isolés, qui sont souvent des femmes, et les personnes sans qualification, ce qui réduit le revenu auquel ils peuvent prétendre. »
Etant donné les conclusions unanimes du rapport du groupe d'experts, le Gouvernement préconise, pour la revalorisation du SMIC au 1er juillet 2009, l'application des paramètres légaux et ce, de manière à laisser toute sa place à la négociation et à la responsabilité des acteurs économiques et sociaux.
Ces paramètres, quels sont-ils ?
1) L'inflation. Compte tenu de l'inflation négative enregistrée à la fin du mois de mai, -0,2% sur un an, le Gouvernement ne souhaite pas que ce paramètre puisse jouer à la baisse dans la formule de revalorisation légale. Ainsi, le Gouvernement considère que cette baisse ponctuelle n'a pas à être prise en compte dans la formule de revalorisation légale.
2) L'autre composante de revalorisation est, comme vous le savez, la moitié de la progression de pouvoir d'achat du salaire horaire de base ouvrier. Ce salaire horaire avait augmenté de +2,9% de mars 2008 à mars 2009, alors que l'inflation n'était que de +0,4%, la moitié de +2,5%, soit +1,25%, doit être répercutée dans l'évolution du SMIC.
Ainsi, le SMIC, qui s'élève aujourd'hui à 8,71 euros brut de l'heure [soit 1321,02 euros / mois] pourra être porté au 1er juillet prochain à 8,82 euros, soit une augmentation de +1,3%, compte tenu des règles d'arrondi. Pour un salarié dont la durée de travail est la durée légale hebdomadaire, le salaire mensuel au niveau du SMIC sera donc porté de 1 321,02 euros à 1 337,70 euros par mois.
Avant de vous passer de parole, je terminerai mon propos en vous exprimant mon attachement à la redynamisation de la négociation salariale de branche.
Le travail de veille et d'accompagnement des revalorisations des grilles salariales des branches professionnelles, engagé par M. Gérard LARCHER et confié au comité de suivi dont vous aviez demandé la mise en place, a permis d'atteindre des résultats tout à fait encourageants.
D'ores et déjà, le bilan de cette négociation en 2008 et pour le premier semestre 2009 démontre que l'effort et l'accompagnement de l'État porte leurs fruits. Ainsi, sur 160 branches représentant 10,4 millions de salariés, 140, soit 88% d'entre elles, ont une grille des salaires démarrant au-dessus du SMIC au 1er juin 2009. Ce taux s'est nettement accru depuis mars 2005, où il n'était que de 47%. Chacun peut ainsi mesurer le chemin parcouru grâce aux efforts de tous.
Le progrès est donc continu et croyez-le bien, la vigilance du ministère du travail, qui est appelé en médiation dans 90 branches environ, ne faiblira pas. Cet appui à la négociation salariale de branche devra se poursuivre dans la perspective de la mise en oeuvre de la conditionnalité des exonérations. Je demande au Directeur Général du Travail de réunir, avant la fin de l'année, le Comité de suivi pour actualiser le diagnostic, examiner les branches en difficulté structurelle, et inviter les partenaires sociaux à débloquer ces situations. Je lui demande de faire porter ce suivi sur l'évolution des grilles salariales conventionnelles en veillant à ce que les revalorisations du SMIC n'entrainent pas un tassement des salaires, et ainsi à ce qu'il soit procédé à un ajustement régulier de ces grilles.
Je souhaite, maintenant, que notre réunion se poursuive par un échange. Je vous propose de procéder à un tour de table, en commençant par vous, Madame DUMAS, puisque, comme le veut la tradition, nous donnons d'abord la parole aux représentants des salariés, avant ceux des employeurs.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 23 juin 2009