Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur la politique familiale, notamment les aides consacrées aux gardes d'enfants, l'égalité salariale entre les hommes et les femmes et le RSA, Paris le 19 mai 2009.

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Circonstance : Conférence nationale des Caisse d'allocations familiales à Paris le 19 mai 2009

Texte intégral

Madame la Ministre, chère Nadine [MORANO],
Monsieur le Président de la caisse nationale des allocations familiales [Jean-Louis DEROUSSEN] et Monsieur le directeur [Hervé DROUET],
Mesdames et Messieurs les présidents [des caisses d'allocations familiales],
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de remercier le président de la Caisse nationale d'allocations familiales, M. Jean-Louis DEROUSSEN, pour son aimable invitation. Si depuis notre premier échange au lendemain même de ma prise de fonctions en janvier dernier, le Gouvernement et la CNAF avancent main dans la main, c'est grâce à votre esprit de dialogue et votre sens des responsabilités.
La « branche famille » a été, en effet, un partenaire privilégié de l'Etat dans la mise en oeuvre des réformes sociales de ces dernières années.
Cette réunion, aujourd'hui, des présidents des caisses d'allocations familiales se tient à un moment-clé pour la politique familiale conduite par le Gouvernement, et ce, pour trois raisons :
- tout d'abord, parce que nous avons signé, le 9 avril dernier, la 4ème convention d'objectifs et de gestion avec la CNAF ;
- ensuite, parce que nous sommes à la veille d'une grande date de l'histoire sociale : la création et la généralisation du RSA, qui sera effective à compter du 1er juin prochain ;
- enfin, et surtout, parce que jamais les pouvoirs publics n'ont autant compté sur vous, jamais l'action de la « branche famille » n'a été aussi présente au coeur de la vie quotidienne des Français, jamais l'ensemble des prestations que vous gérez n'ont été aussi nécessaires à l'ensemble de nos compatriotes, en particulier les plus modestes.
I. Pour résister à la crise économique que nous traversons actuellement, nous ne sommes, heureusement, pas partis de rien. Vous le savez, et vous pouvez en être fier, notre modèle de politique familiale prouve, chaque jour, son efficacité.
Notre pays fait preuve, en effet, d'un véritable dynamisme démographique. Avec 834 000 naissances en 2008, et un taux de fécondité de 2,02 enfants par femme, nous progressons par rapport à 2007, lorsque ce taux était de 1,98. Nous confortons, ainsi, notre première place au niveau européen, en contribuant à hauteur de 65 % à la croissance naturelle de la population européenne et en assurant le renouvellement des générations. Récemment encore, un rapport de l'OCDE nous plaçait parmi les taux de fécondité les plus élevés des pays développés, juste derrière l'Islande et la Nouvelle-Zélande.
Quelle est l'explication ? J'y vois une forme de confiance dans l'avenir, qui est notamment due à la politique familiale volontariste du Gouvernement et des acteurs que vous représentez. En effet, la France consacre, chaque année, un effort très important à la politique de la famille, soit près de 90 milliards d'euros, c'est-à-dire près de 5 % de notre PIB. A titre de comparaison, c'est le double de ce que mobilisent nos voisins européens.
Avec le Président de la République, le Gouvernement de François FILLON en est totalement convaincu : les familles de France sont un véritable atout pour notre pays. Elles sont le coeur de la société, et elles en sont le socle.
II. En tant que ministre de la famille, je veux donc préserver ce modèle, mais surtout le valoriser et le renforcer. Pour cela, nous relevons trois défis :
- Premier défi : nous nous donnons les moyens d'agir. C'est ce que nous avons fait en signant le 9 avril dernier la convention d'objectifs et de gestion, que j'évoquais il y a quelques instants, avec Eric WOERTH, Nadine MORANO et le président DEROUSSEN. Concrètement, avec cette convention, nous portons le budget de l'action sociale de la branche famille de 3,7 milliards d'euros à 5 milliards d'euros [en 2012]. Cela représente en moyenne une augmentation de 7,5% par an !
- C'est cet effort financier sans précédent qui nous permettra de relever notre deuxième défi : permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle. Ce n'est pas un hasard si j'ai effectué mon premier déplacement sur le terrain, comme ministre du travail, de la famille et de la solidarité, le lendemain même de ma prise de fonctions, dans une crèche d'entreprise [Thalès] à Vélizy.
Conformément à la volonté du Président de la République qui l'a exprimée à nouveau récemment, lors de son discours du 13 février dernier sur la politique familiale, notre objectif est simple : permettre aux femmes, et plus globalement aux jeunes couples, de ne pas avoir à choisir entre vie familiale et vie professionnelle. Il s'agit, non pas d'opposer, mais bien de concilier l'une et l'autre tant on observe que, dans les pays occidentaux, plus le taux d'emploi des femmes est important, plus le taux de natalité est élevé. Concrètement, il nous faut donc permettre aux familles de faire garder leurs enfants pendant les heures de travail.
Vous connaissez l'engagement du Président de la République : créer 200 000 nouvelles places de garde d'enfants d'ici 2012. Pour y parvenir, avec Nadine MORANO et avec vous, nous allons créer 100 000 places supplémentaires d'accueil collectif pour les jeunes enfants, soit la moitié de l'objectif, l'autre moitié étant constituée de gardes par des assistantes maternelles.
Au-delà des politiques en faveur de la petite enfance, en préparant la COG avec les partenaires sociaux, l'Etat a veillé à ce qu'un effort soit également fait en direction des jeunes. Ainsi, 340 000 jeunes supplémentaires pourront être accueillis dans les centres de loisirs. Des mesures spécifiques en faveur des adolescents seront, en outre, financées sur la période 2009-2012, afin de favoriser les actions en direction de la jeunesse et de renforcer le partenariat avec les collectivités locales.
- Ce deuxième défi, consistant à permettre aux femmes de concilier leur vie de mère et leur carrière professionnelle, doit s'accompagner d'un troisième défi : assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Quel est le constat ?
1) Je n'accepte pas, par exemple, que les écarts de rémunération entre hommes et femmes puissent perdurer comme c'est le cas actuellement.
Selon une étude de la DARES [Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère] datant d'octobre 2008 [mais portant sur 2006] : tous temps de travail confondus, les femmes sont rémunérées, en moyenne, 27 % de moins que les hommes, ou, vu autrement, les hommes gagnent 37 % de plus. Ce n'est pas acceptable.
2) Je n'accepte pas, non plus, les inégalités en matière de chômage, de précarité et de pénibilité. Les femmes connaissent un taux de chômage supérieur à celui des hommes : au quatrième trimestre 2008, le taux de chômage des hommes s'élevait à 7,6 %, celui des femmes continuant à progresser à 8,8 %.
Par ailleurs, les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel et à bas salaires. Elles comptent, par exemple, pour 83 % des travailleurs à temps partiel.
3) Je n'accepte pas, enfin, l'accès très limité des femmes aux postes de responsabilité. Une réalité reste, en effet, frappante : les femmes ne représentent que 36 % des « cadres et professions intellectuelles supérieures » et seulement 17 % des dirigeants d'entreprises.
Face à ce constat, quelle est notre politique et quels sont nos engagements ?
Nous devons passer de l'égalité de droit à l'égalité de fait, c'est-à-dire de l'égalité formelle à l'égalité réelle. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à ce que la question de l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes soit à l'ordre du jour de « l'agenda social » de 2009. Dans ce cadre, j'ai proposé aux partenaires sociaux qu'un dialogue s'engage au second semestre pour l'application, voire l'adaptation des règles actuelles pour déterminer les bonnes pratiques à valoriser, mais aussi pour préciser, si besoin est, les sanctions financières pour les entreprises qui ne respectent pas les règles du jeu, que ce soit en termes de rémunération ou d'obligation de négocier. Cette proposition a été retenue par le Premier ministre.
J'ajoute que nous avons missionné Mme Brigitte GRESY, inspectrice générale des affaires sociales, pour établir des propositions que j'examinerai avec la plus grande attention et qui serviront de base à la concertation prévue dans l'agenda social au deuxième semestre 2009. Le rapport de Mme GRESY devra notamment établir un bilan précis de l'adoption des plans de résorption des écarts salariaux entre les hommes et les femmes.
III. Outre ces défis pour la préservation et le renforcement de notre modèle familial, le devoir du Gouvernement est aussi de soulager le quotidien des nombreuses familles de France qui sont victimes de la crise économique mondiale.
Je vous confirme, ce matin, que le Gouvernement s'y emploie pleinement.
Nous le faisons, tout d'abord, avec les mesures de justice et de solidarité décidées par le Président de la République.
1) Je pense naturellement à la réforme majeure que constitue la création du RSA.
Dans maintenant moins de deux semaines, la France connaîtra une réforme qui marquera l'histoire de la protection sociale : la création de cette prestation radicalement nouvelle qui concernera 3,5 millions de nos concitoyens.
Désormais, celui qui reprendra un emploi n'y perdra plus financièrement. C'est là un changement profond dans nos politiques de solidarité. Plus qu'une évolution économique, c'est une révolution sociale.
C'est, bien entendu aussi, j'en suis pleinement conscient, un défi sans précédent pour vous. Chaque CAF est, je le sais, entièrement mobilisée, entièrement dévouée, à la réussite de cet objectif. En un temps record, vous avez pu vous préparer pour que les choses se passent au mieux. Je veux saluer l'action des personnels des CAF et vous remercier de votre appui.
Pour soutenir cet effort, nous avons donc décidé, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion, de vous donner les moyens nécessaires. Dès cette année, la CNAF pourra procéder au recrutement de 1 250 agents supplémentaires.
2) Outre le RSA, je pense, aussi, aux « mesures de justice » décidées, le 18 février dernier, par le Président de la République pour aider nos compatriotes les plus modestes à faire face à la crise économique mondiale.
Cela a été, d'abord, le versement de la prime de solidarité active de 200 euros à plus de 4,2 millions de foyers modestes, au mois d'avril. Ce sera, au mois de juin, le versement de la prime aux familles modestes ayant des enfants scolarisés, soit près de 3 millions de familles.
C'est aussi l'augmentation de 2,2 % de l'allocation adultes handicapés en avril et septembre pour 810 000 de nos compatriotes. Ce sera, également, le versement de bons d'achats de services à la personne à 1,3 millions de personnes dès le mois de juin, notamment aux familles qui travaillent et qui ont un besoin de garde d'enfant.
Faire preuve de justice, cela passe aussi par l'intensification d'un combat : celui contre les fraudes aux prestations sociales.
Dans une branche qui verse chaque année près de 44 milliards d'euros de prestations et tient les comptes de 17 millions de cotisants tout au long de leur carrière, la lutte contre les fraudes et, plus généralement, la maîtrise des risques, doit demeurer une préoccupation permanente.
Il ne s'agit pas, bien évidemment, de voir derrière chaque assuré un fraudeur potentiel. Il s'agit d'être déterminé à assurer la justice entre nos concitoyens et à prévenir le gaspillage d'argent public. Car cet argent perdu représente autant d'argent en moins pour aider nos concitoyens. Dans ce domaine, un grand nombre de mesures nouvelles ont été adoptées récemment concernant particulièrement la branche famille. Ainsi, depuis fin 2008, les CAF reçoivent les déclarations fiscales de revenu de tous les allocataires, ce qui a d'ores et déjà permis de détecter des anomalies pour plus de 20 000 bénéficiaires du RMI. Depuis 2008, également, est expérimenté le principe de suspension des allocations logement pouvant aller jusqu'à un an en cas de fraude. Un bilan sera fait pour décider ou non la généralisation de cette mesure.
Ces nouveaux outils créés doivent, aujourd'hui, être effectivement utilisés. Pour cela, nous devons progresser dans la coopération entre organismes, mais aussi appliquer rigoureusement l'arsenal des sanctions disponibles et les objectifs assignés à la branche famille. Ce chantier est pour moi fondamental, et j'y veillerai donc personnellement.
Je me réjouis que vous partagiez cet objectif, qui figure en bonne place au sein de la COG que nous avons signée avec le président DEROUSSEN.
Il faut nous attacher, maintenant, à mettre en oeuvre concrètement ces dispositions, en nous fixant des objectifs précis dans chaque CAF.
Faire preuve de justice, c'est, enfin, tout faire pour préserver et créer des emplois. C'est là l'une des raisons principales de notre volonté de mettre en place de nouveaux aménagements au principe du repos dominical.
Je le dis clairement : il n'est pas question, pour le gouvernement, de remettre en cause le principe du repos dominical. Celui-ci doit rester un moment de vie familiale, sociale et, pour un certain nombre de nos compatriotes, le temps de la pratique religieuse chrétienne. Je reste, à titre personnel, très attaché à ce principe du repos dominical.
Cependant, je le dis tout aussi clairement d'autant plus que ce n'est en rien contradictoire : qui peut contester qu'en période de crise, le devoir d'un gouvernement est de tout faire pour créer, ou au moins, préserver des emplois ?
Le secrétaire d'Etat à l'Emploi, Laurent WAUQUIEZ, a estimé que des dérogations ponctuelles et encadrées au principe du repos dominical pouvaient créer entre 5.000 à 10.000 emplois. Ces emplois, je ne peux encore les garantir, mais je promets, en tout cas, de tout faire pour y parvenir.
Je suis, par conséquent, favorable à deux mesures qui sont à la fois cohérentes, équilibrées et respectueuses :
- étendre l'ouverture des commerces, à l'exception des grandes surfaces alimentaires, dans les zones touristiques et thermales, soit seulement 400 communes sur 36.500. Ce n'est pas la révolution, mais c'est simplement du bon sens ;
- autoriser l'ouverture le dimanche dans certaines zones des agglomérations de Paris, Marseille et Lille, où il y a une habitude de consommation de fin de semaine. Partout ailleurs, nous n'irons pas au-delà des cinq dimanches du maire qui sont déjà autorisés.
Mesdames et Messieurs les Présidents, En ces temps de crise, il ne faut pas être Candide, mais il ne faut pas non plus être Cassandre. En effet, souvenons-nous, aussi, que notre pays bénéficie d'atouts considérables. Parmi eux, un est incontestable : le dynamisme de nos familles. Honoré de BALZAC ne l'avait-il pas lui-même déjà ressenti en écrivant que « la famille sera toujours la base d'une société » ?
Alors, si nous sommes solidaires, si nous sommes ambitieux et si nous respectons nos engagements, nous gagnerons vite un pari : sortir plus forts de cette crise. Mais soyons clair : ce pari, le Gouvernement ne le gagnera pas seul, ces défis, nous ne les relèverons pas seuls. Peut-être plus que jamais, nous avons besoin de vous, et nous comptons sur vous.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 25 mai 2009