Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur les mesures pour l'amélioration du pouvoir d'achat des personnes âgées et la prise en charge médico-sociale des personnes âgées et handicapées, Paris le 26 mai 2009.

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Circonstance : Salon Geront Expo - Handicap Expo à Paris du 26 au 28 mai 2009

Texte intégral

Je souhaite, tout d'abord, vous remercier pour votre invitation et vous transmettre, parallèlement, les regrets de Roselyne BACHELOT- NARQUIN, ministre de la Santé et des Sports, de n'avoir pu se joindre à nous pour l'ouverture de cette exposition.
En tant que ministre de la solidarité, je suis très heureux de participer à l'inauguration de ce salon qui se tient une fois tous les deux ans et ce, depuis 1995. Il s'agit d'un moment privilégié de rencontres, de débats et d'échanges, pour chacun des représentants de la filière médico-sociale et hospitalière (gérontologie et handicap). En 2007, vous aviez réuni 350 exposants et 12 000 visiteurs professionnels, j'espère que cette année, vous ferez encore davantage.
Face à la crise économique mondiale que nous traversons, le Gouvernement, et plus particulièrement le ministère dont j'ai la responsabilité, se mobilise pour mettre en oeuvre la politique voulue par le Président de la République en faveur des personnes âgées et handicapées. Cette politique, que nous menons avec Valérie LETARD, est tout entière guidée par un principe de justice à l'égard des millions de nos concitoyens. Je crois qu'elle peut se résumer en trois mots : solidarité, qualité, responsabilité.
I. Le Gouvernement fait, tout d'abord, preuve de solidarité à l'égard des personnes âgées et handicapées grâce à des mesures concrètes en faveur de leur pouvoir d'achat.
S'agissant des personnes âgées, je pense, en premier lieu, à la revalorisation, le 1er avril dernier, du minimum vieillesse de 44 euros par mois, celui-ci passant ainsi de 633 à 677 euros, soit une hausse de près de 7 %. Vous le savez, cette revalorisation qui a, d'ores-et-déjà, bénéficié à 400 000 de nos concitoyens, est la mise en oeuvre concrète de l'engagement pris par le Président de la République d'augmenter le minimum vieillesse de 25 % d'ici 2012.
Je pense, aussi, au taux de réversion qui sera, dès le 1er janvier 2010, et conformément à l'engagement de Nicolas SARKOZY, porté de 54 à 60 % pour les 600 000 veuves et veufs les plus modestes de notre pays.
Au-delà de ces augmentations prévues, de nombreux Français à la retraite bénéficient des mesures exceptionnelles en faveur des foyers modestes décidées par le Président de la République le 18 février dernier, comme, par exemple, les 200 euros de bons d'achats de services à la personne qui seront versés cet été à 660 000 personnes âgées dépendantes qui vivent à domicile. J'ajoute que cette mesure répond à un véritable défi : celui du développement de l'aide à domicile des personnes dépendantes. Il y a, dans ce domaine, de réels besoins et, en ces temps de crise du marché de l'emploi, je pense qu'elle constitue une réponse pragmatique et efficace.
A cela, s'ajoutent d'autres mesures ciblées, sur lesquelles nous avons travaillé avec Laurent WAUQUIEZ dans le cadre du plan de développement des services à la personne [annoncé le 24 mars 2009] :
- le relèvement du plafond annuel des dépenses déductibles de l'impôt sur le revenu, à compter de 2009, de 3 000 euros pour la première embauche d'un salarié à domicile ;
- ou encore, l'assouplissement des règles d'utilisation du chèque emploi service universel (CESU) préfinancé permettant désormais à tout bénéficiaire de régler, avec ses titres de paiement, les dépenses de ses ascendants, même si ceux-ci ne vivent pas à domicile sous le même toit.
D'autre part, la solidarité nationale s'exprime également à l'égard des personnes handicapées, à travers la réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), pour mieux les accompagner dans leur projet de vie.
Nous avons, en effet, engagé une revalorisation, sans précédent, de 25 % de l'AAH, qui va mobiliser la solidarité nationale à hauteur de près de 1,4 Mdseuros, en cinq ans. Concrètement, entre janvier 2008 et décembre 2009, l'allocation aura augmenté de 61 euros, soit une progression très supérieure à l'inflation. En 2012, les ressources des personnes concernées auront augmenté de 150 euros.
Cette revalorisation s'ajoute aux mesures déployées pour améliorer l'accès à l'emploi des personnes handicapées. Depuis le mois de janvier, si celles-ci perdent leur emploi, elles peuvent bénéficier de l'AAH sans attendre le délai d'un an qui leur était jusque là imposé. De plus, tous les demandeurs bénéficient, depuis cette date, d'un bilan professionnel pour faciliter leur orientation. Là encore, il s'agit d'engagements présidentiels, dont la mise en oeuvre était très attendue.
II. Le Gouvernement garantit, parallèlement, la qualité du secteur médico-social par l'amélioration de son fonctionnement au service des Français.
Permettez-moi de vous dire quelques mots sur les articles du projet de loi HPST (portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et au territoire) qui concernent notre système médico-social, et qui sont défendus par Valérie LETARD devant la représentation nationale. Ces articles ont une raison d'être, un objectif précis et un pilier opérationnel.
La partie concernant le volet médico-social a, tout d'abord, une raison d'être en cela qu'elle n'autorise pas seulement une réforme administrative, comme certains peuvent le penser, mais aussi une révolution culturelle.
Il s'agit de passer d'une administration centrée sur la santé, entendue comme la prise en charge des soins aigus et de la maladie, à un service public qui impulse une conception globale de la santé, envisagée, selon l'Organisation mondiale de la santé, comme « un état de complet bien-être physique et mental ». Il s'agit très précisément du « décloisonnement » dont vient de parler M. Claude EVIN. A ce titre, l'accompagnement des personnes en situation de perte d'autonomie sera bien, tout comme la prévention, au coeur de cette réforme.
Cette réforme a, ensuite, un objectif essentiel pour le secteur médico-social : celui de l'efficacité en mettant notamment un terme à l'augmentation sans fin, et sans perspectives, des listes d'attente qui découragent les porteurs de projets de maison de retraite ou de services d'aide à domicile. Il faut permettre à ce secteur de se doter de mécanismes efficaces pour assurer l'autorisation des projets répondant le mieux aux besoins de la population, à vos besoins, et c'est là un des points clés de la réforme qui est actuellement discutée au Parlement.
Cette réforme instaure, enfin, un pilier opérationnel : les agences régionales de santé. Elles sont une chance pour le secteur médico-social. Mais cela suppose :
1) de préserver les acquis de ce secteur, comme la prise en charge globale et personnalisée ou la place privilégiée des usagers et associations ;
2) de préserver et développer les moyens financiers consacrés à ce secteur, ce qui a été obtenu avec la mise en place de ce qu'on appelle « la fongibilité asymétrique ». Celle-ci a deux objectifs :
- s'assurer d'abord que les crédits votés par le Parlement en faveur du financement des établissements et services médico sociaux sont bien intégralement affectés à ces derniers ;
- et permettre de développer des établissements médico-sociaux afin d'accompagner les évolutions démographiques en cours.
3) de consacrer des fonds à l'innovation de ce secteur pour répondre au défi de pathologies nouvelles ou encore mal couvertes :
Je pense, d'abord, aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Aujourd'hui, 850 000 personnes sont directement concernées par cette maladie ; 1,3 million le seront en 2020 et 2,1 millions en 2040. En dotant le plan Alzheimer 2008-2012 de 1,6 milliard d'euros, le Président de la République a pris un engagement fort pour améliorer la prise en charge de cette maladie, permettre un meilleur accompagnement des aidants et changer le regard sur les personnes malades.
Je pense également aux personnes autistes. Avec le plan Autisme 2008-2010, nous avons voulu ouvrir un espace de liberté pour expérimenter de nouvelles méthodes de prises en charge, encore peu pratiquées en France mais mises en oeuvre depuis de nombreuses années à l'étranger. Il s'agit, bien sûr, de répondre à l'attente légitime des familles. De façon très concrète, des appels à projet ciblés sur les pratiques innovantes seront, ainsi, la règle dans le cadre des futures agences régionales de santé.
La réflexion dans ce domaine sera, par ailleurs, encouragée : j'en veux pour exemple, dans le domaine des nouvelles technologies, la mission que le Premier ministre souhaite confier à un parlementaire sur la télésanté, en le plaçant en mission auprès de Roselyne BACHELOT, Christine LAGARDE et moi-même. L'un des objectifs sera de favoriser le maintien à domicile ou d'améliorer l'accès aux soins. Je salue d'ailleurs, à ce titre, la tenue conjointe de l'exposition Geront Handicap et du congrès sur les technologies de l'information et de la santé qui relève de la même démarche.
Vous le voyez, la qualité est un effort de tous. Elle repose sur un partage des bonnes pratiques. Je tiens, à cet effet, à saluer la création, en 2007, de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) qui oeuvre pour le développement d'une culture de la bientraitance dans une démarche d'amélioration continue des pratiques professionnelles, que ce soit à domicile ou en établissement.
Au-delà de la création de cette agence, le Gouvernement a souhaité :
1- contribuer à lever le tabou et à libérer la parole en lançant, en 2008, le numéro d'appel national 39 77 pour signaler les cas de maltraitance ;
2- développer les auto-évaluations et les contrôles ;
3- organiser des assises départementales de la bientraitance dès le mois prochain, comme Valérie LETARD et moi-même l'avons demandé ;
4- valoriser les métiers du secteur notamment au travers du plan des métiers actuellement expérimenté dans le Nord-Pas-de-Calais, l'Alsace et le Centre.
III. Enfin, le Gouvernement fait preuve de responsabilité par sa détermination à faire aboutir une meilleure prise en charge de la dépendance.
Nous ne devons pas nous en cacher, si l'augmentation de l'espérance de vie est une bonne nouvelle, le vieillissement de la population va avoir des conséquences importantes sur notre société. Il nous faut prendre la mesure de l'enjeu, pour aujourd'hui et pour les décennies qui viennent : dans seulement 4 ans, en 2013, les personnes de plus de 85 ans, les plus touchées par le risque de dépendance, seront 20 % de plus qu'aujourd'hui. Dans vingt ans, elles représenteront 2,2 millions de personnes.
Cette réalité rend urgente une prise en charge adaptée et renforcée pour les personnes concernées par la perte d'autonomie. Elle soulève la question difficile du maintien à domicile, à chaque fois que cela est possible, ou de l'accès à des établissements de qualité et accessibles financièrement. Car ce défi de société est aussi, vous l'aurez compris, celui du financement. Faut-il rappeler que 76 % des Français se disent dans l'incapacité d'assumer le coût d'une maison de retraite ? La réduction du « reste à charge » constitue un objectif majeur. Quand on sait qu'il est, en moyenne, de 1 600 euros par mois, on mesure le fardeau que cela représente pour les personnes âgées et leurs proches.
Le Gouvernement consacre déjà des moyens importants afin de développer des services adaptés et de soutenir la création de nouvelles places en établissement.
Vous avez rappelé dans votre introduction, M. EVIN, le changement de conception qui s'est opéré depuis les années 1970 sur la maison de retraite : dans les années 70, une personne entrait en maison de retraite vers l'âge de 65 ans parce qu'elle était pauvre et isolée ; depuis les années 90, une personne entre en maison de retraite vers l'âge de 85 ans parce qu'elle est dépendante. A ce changement de conception, correspond une évolution des politiques. Depuis les années 90, les politiques publiques s'attachent à répondre aux besoins collectifs liés au vieillissement de la société mais aussi aux aspirations individuelles qui s'expriment par un double souhait : celui de vivre le plus longtemps possible à domicile et celui de voir respecter sa dignité et son projet de vie.
Depuis 2003, ces politiques se sont considérablement développées à travers différents plans. La création, en 2005, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), a été une étape importante. Les résultats obtenus sont devenus de plus en plus visibles, et les chiffres en témoignent :
- nous comptons aujourd'hui, en France, plus de 10 000 établissements accueillant 685 000 personnes âgées. Parmi ces structures, 8 000 ont le statut d'établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) et ont, à ce titre, signé une convention tripartite par laquelle elles s'engagent dans une démarche qualité ;
- il y a, aussi, plus de 1 300 services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) pour 100 000 personnes prises en charge ;
- enfin, l'instauration, en 2002, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) a permis de prolonger le maintien à domicile : sur les 1 150 000 personnes percevant l'allocation en décembre 2008, 62 % vivent maintenant à domicile alors qu'elles n'étaient que 53 % en 2003.
Sur le plan budgétaire, cela se traduit par des chiffres relativement spectaculaires.
Je pense à deux exemples :
Premier exemple : l'APA. Son coût s'élève à 4,8 milliards d'euros en 2008, les deux tiers étant à la charge des départements.
Deuxième exemple : les dépenses de soins liées à la dépendance, c'est-à-dire les frais de personnels soignants. Ils sont passés de 3,2 milliards d'euros, en 2003, à 7,6 milliards d'euros, en 2009, soit plus du double en 7 ans. Rien qu'entre 2008 et 2009, ce sont 566 millions d'euros supplémentaires qui permettront la création de 15 000 emplois dans les établissements, soit 5 000 de plus que ce qui était initialement prévu.
Il n'y a donc pas de diminution de moyens, contrairement à ce que certains semblent dire à l'occasion des débats sur la question de la convergence tarifaire. Sur ce point, laissez-moi, d'ailleurs, vous dire qu'il s'agit, là aussi, d'être responsable.
Il existe, à services rendus comparables, d'importantes inégalités entre les établissements dans la répartition des crédits. Avec la convergence tarifaire, nous demandons des efforts modestes à 7 % des établissements beaucoup mieux dotés que les autres.
L'objectif est clair : il ne s'agit pas d'une convergence vers la moyenne - d'ailleurs 93 % des établissements verront entre 2007 et 2012 leur moyens augmenter de 30 % - mais de concentrer les moyens nouveaux sur les établissements qui nécessitent d'être renforcés en personnels. Une chose est donc certaine : aucun établissement pour personnes âgées ne verra ses moyens réduits en 2009.
Il n'y a pas, non plus, de diminution de moyens à cause du contexte économique actuel. La crise n'a en rien modifié la dynamique engagée ces dernières années, bien au contraire. En effet, dans le cadre du plan de relance, 50 millions d'euros de plus que ce qui était prévu, ont été consacrés à l'aide à l'investissement et nous avons décidé d'accélérer le rythme de création de places en établissement de 7 500 à 12 500 cette année.
Cet effort pour les personnes âgées est tout aussi majeur pour les personnes handicapées. Grâce au plan de création de places annoncé par le Président de la République, le 10 juin dernier, lors de la Conférence nationale du handicap, ce sont 50 000 places supplémentaires qui seront créées en 5 ans, pour un montant total de 1,45 milliard d'euros. Le plan de relance, là encore, permettra d'accélérer la construction de ces places, grâce à une aide à l'investissement portée à 85 millions d'euros pour 2009.
Au-delà de ces efforts, reste le défi du financement. Il pose une question de principe : la réponse à la dépendance relève-t-elle de la solidarité nationale, de la solidarité familiale ou de la responsabilité individuelle ? Je crois, pour ma part, qu'elle relève des trois. Aussi, avec Valérie LETARD, nous avons soumis au Président de la République et au Premier ministre un certain nombre de réflexions ou de propositions. Le Président a annoncé, lundi 11 mai, qu'il « s'impliquerait personnellement » dans ce chantier majeur et ce, dès la prochaine année scolaire.
Soyez certains de l'intention du Président de prendre les décisions dès que possible et soyez tout aussi certains de notre détermination, avec Valérie LETARD, à les mettre en oeuvre avec diligence, au service de tous ceux qui en auront besoin.
Mesdames, Messieurs,
J'en suis conscient, la définition d'une politique publique destinée à produire des effets sur une si longue période constitue un enjeu majeur.
En effet, au-delà des mesures gouvernementales visant à venir en aide aux victimes de la crise, de véritables défis structurels s'imposent à nous.
Il s'agit de défis très difficiles à relever, ne nous le cachons pas, mais il s'agit aussi de défis enthousiasmants puisqu'ils concernent notre capacité à préserver les valeurs essentielles de notre société, à commencer par celle de la solidarité.
Je mesure, par conséquent, toute l'exigence de responsabilité qu'il nous revient d'assumer.
Je souhaite à ce salon, par les échanges qu'il s'apprête à susciter, une très belle réussite et la plus grande utilité possible, au service des personnes âgées et des personnes handicapées de notre pays.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 28 mai 2009