Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du gouvernement, à RTL le 29 juin 2009, sur la mise en place de l'emprunt pour investir dans les secteurs de "sortie de crise", le plan de relance et les dossiers de l'éducation nationale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour, L. Chatel. Emprunt Sarkozy : vous en avez parlé, hier, à Matignon, le gouvernement était réuni au grand complet. Question du journal Libération à la une ce matin : "Emprunt Sarkozy, la France est-elle en faillite ?"
 
C'est quand même légitime que, après le discours du Président de la République au Congrès, après le remaniement du Gouvernement, le Premier ministre réunisse l'ensemble de son gouvernement pour mettre en perspective la feuille de route du Président de la République, parmi laquelle figure, effectivement, la mise en place d'un grand emprunt pour investir dans les secteurs de ce qu'on appelle" le sorti de crise".
 
Parce qu'il n'y a plus de sous dans les caisses ? Parce que la France est en faillite, dit Libération. ?
 
Alors, vous savez, le gouvernement est sur trois fronts en même temps. Le premier front, c'est la riposte à la crise. Ça, c'est le plan de relance. Il y a déjà dix milliards d'euros qui ont été engagés dans des projets locaux pour répondre à la crise. Le deuxième front, c'est la maîtrise des déficits et la poursuite des réformes - A. Duhamel l'a dit tout à l'heure. Ce n'est pas parce qu'il y a la crise qu'il ne faut pas continuer à réformer le pays. Rien ne serait pire que cela et ce n'est pas parce qu'il y a la crise, qu'il faut tirer un trait sur les déficits. Le Premier ministre a beaucoup insisté là-dessus. Et d'ailleurs, dans les prochaines années, les dépenses de l'Etat n'ont pas vocation à augmenter de plus de 1%. C'est un gros effort par rapport à ce qui a été fait précédemment. - Et puis, le troisième front, c'est celui de l'investissement dans des secteurs d'avenir. C'est l'idée de nous aider à sortir au plus vite de cette crise et à sortir renforcés. Vous savez, à la fin de cette crise, il y aura des gagnants, il y aura des perdants. Donc, la France doit miser sur les secteurs où elle a un avantage compétitif, qui pourront dans les années qui viennent, créer des emplois et de la croissance, et c'est l'objet précisément de ce grand emprunt.
 
Alors, la France est-elle en faillite ? Oui ou non ?
 
Alors, la France n'est pas en faillite parce qu'un Etat n'est pas en faillite.
 
On en a de la chance !
 
La France, par contre, est dans une situation budgétaire que l'on connaît tous : à savoir qu'en gros, les recettes couvrent environ deux tiers de nos dépenses. E. Woerth a eu l'occasion de le rappeler, hier. Cela justifie la réforme en profondeur de l'organisation de l'Etat et nous allons engager une deuxième phase de la révision générale de nos politiques publiques. C'est un terme un peu barbare, mais qui veut dire qu'on réorganise l'Etat pour qu'il soit plus efficace à moindre coût ; et le Premier ministre a beaucoup insisté sur la maîtrise globale des dépenses, encore une fois ce n'est pas parce qu'il y a la crise, ce n'est pas parce que la situation est difficile au niveau économique qu'on doit renoncer à l'orthodoxie budgétaire.
 
De combien d'argent avez-vous besoin pour financer ces dépenses d'avenir ?
 
Alors le Premier ministre - et d'ailleurs le Président l'avait dit lorsqu'il a lancé cette idée - a parlé de méthode. On ne va pas mettre la charrue avant les boeufs. On ne va pas dire : on a besoin de tant pour financer tel secteur. Nous avons choisi un calendrier, une méthode. Le président de la République va recevoir, mercredi, les partenaires sociaux. Ensuite, nous allons engager un certain nombre de consultations pendant l'été : les parlementaires, les responsables de la société civile, les responsables économiques, les communications...
 
Parce que vous ne savez ce que vous voulez faire ? Vous ne savez pas ce que vous voulez faire, en fait, c'est ça ?
 
Hier, naturellement, que nous avons évoqué un certain nombre d'orientations. Le Premier ministre a cité, par exemple, la croissance verte, l'amélioration de la compétitivité de l'économie française ; de manière générale, le défi de la connaissance, qui sont des secteurs sur lesquels nous avons envie de miser pour accélérer la sortie de crise. Maintenant, quant aux détails des mesures, nous voulons laisser la place à une vaste concertation. Le Président a évoqué trois mois de consultations, et c'est à l'automne que le Parlement se prononcera, à la fois sur les modalités de cet emprunt, sur son montant global et sur les secteurs qui seront accompagnés.
 
Ce matin, Le Figaro raconte que vous, L. Chatel, nouveau ministre de l'Education, vous avez dit, hier, en compagnie des autres membres du Gouvernement, vous avez dit que vous auriez voulu profiter, vous voudriez profiter de cet emprunt pour rénover les écoles ; et le Premier ministre vous a dit : "pas question" ! C'est vrai ?
 
Moi, j'ai évoqué plusieurs secteurs. Vous savez, c'était une réunion brainstorming où chaque ministre évoquait un certain nombre de pistes pour accompagner la sortie de crise ; et tout naturellement, moi j'ai évoqué l'école du futur, à savoir le numérique, comment faire en sorte que dans toutes les écoles de France, eh bien, on puisse moderniser les 65.000 établissements scolaires, les équiper avec l'économie du numérique. J'ai aussi évoqué les internats de l'excellence, c'est un projet important annoncé par le Président de la République. Donc, nous avons eu une réunion mais le Premier ministre...
 
Et F. Fillon vous a dit "non" ?
 
Le Premier ministre a très bien dit qu'il ne s'agit pas de dire, de cerner à cette réunion au début de la concertation, ce qui sera dedans et ce qui ne sera pas dedans. Il a essayé de donner, en gros, des orientations en indiquant que des dépenses de fonctionnement ou des investissements courants, classiques ne pouvaient pas faire partie des dépenses liées à ce grand emprunt. Ce seront des investissements exceptionnels qui justifient un recours à l'emprunt exceptionnel.
 
G. Aschieri, secrétaire général de la FSU, à votre propos, puisque vous êtes ministre de l'Education depuis mardi soir : "C'est quelqu'un (il parle de vous) qui jusqu'ici n'a jamais manifesté d'intérêt pour l'Education nationale" ?
 
Parce que sans doute monsieur Aschieri me connaît mal et je vais remédier à ça puisque je vais le rencontrer après-demain. Donc vous voyez, vous savez ça fait plusieurs années que je suis parlementaire, puis membre du gouvernement et l'Education ça concerne tous les Français, chacun de nos concitoyens. Vous y êtes intéressé ? J'y suis intéressé, d'abord, comme tous les Français en tant que père de famille. J'y suis intéressé parce qu'un pays qui croit en son avenir, c'est un pays qui croit en l'avenir de ses enfants ; et donc, en son éducation.
 
Vous vous êtes déjà penché sur les dossiers de l'Education nationale, sur les difficultés ?
 
Il ne vous a pas échappé que j'ai été nommé par le président de la République et le Premier ministre, ministre de l'Education nationale. Donc oui, je me suis penché sur les dossiers. Simplement, encore une fois, ce qui est important, c'est qu'un pays - et le président de la République l'a rappelé dans son discours à Versailles, lundi dernier - qui croit en son avenir, c'est un pays qui mise sur l'Education nationale, et c'est la mission qu'il m'a confiée.
 
Alors, l'un des dossiers : c'est cette enquête confidentielle révélée par A. Lévy, ce matin, sur l'antenne d'RTL : 45% des professeurs des écoles, donc maternelles et élémentaires, ont posé un congé maladie en 2007-2008, c'est le double de ce que l'on constate dans le secteur privé. Savez-vous pourquoi les instituteurs sont plus malades que les autres ?
 
D'abord quand on parle d'absentéisme, il faut savoir de quoi on parle ? Ce n'est pas parce qu'un enseignant n'est pas devant un élève, que son absence n'est pas justifiée. Et d'ailleurs, tout à l'heure, vous l'avez dit dans votre reportage : un enseignant, il peut être en formation, il peut être en journée pédagogique.
 
Est-ce qu'il y a un problème d'absentéisme à l'école ?
 
Deuxième point : vous savez, on a plus de chance d'être malade lorsqu'on travaille en contact du public que lorsqu'on est seul dans son bureau. On n'attrape pas la grippe quand on travaille sur un ordinateur, toute la journée, tout seul dans son coin. Donc oui, quand on est au contact de 25 ou 30 enfants qui eux-mêmes voient beaucoup de monde, on a plus de chance effectivement d'être malade. Alors, le vrai sujet : c'est qu'il y ait continuité du service public, c'est-à-dire quand les enseignants sont amenés à être absents pour des mesures de formation ou bien tout simplement pour des mesures de maladie, eh bien il faut qu'il y ait des remplaçants et c'est sans doute sur ce point que X. Darcos avait avancé, mais il faut sans doute persévérer et il faut optimiser le niveau de remplacement des enseignants lorsqu'ils sont amenés à être malades.
 
Il n'y a pas d'abus ?
 
Non, moi vous savez, je refuse la stigmatisation, par principe, d'une profession. D'ailleurs, vous citiez tout à l'heure des chiffres. Neuf jours en moyenne dans le privé, onze dans l'Education nationale. Oui, dans l'Education nationale, on a des formations, on a des journées pédagogiques et on a plus de chance de tomber malade que quand on travaille tout seul dans son coin.
 
G. Aschieri de nouveau : "Je suis interpellé par le fait que L. Chatel reste porte-parole du gouvernement. C'est à ma connaissance la première fois pour un ministre de l'Education".
 
Il devrait considérer ça comme une chance. Moi vous savez, je suis porte-parole du gouvernement, c'est-à-dire que je suis chargé de mettre en oeuvre la pédagogie des réformes et d'expliquer aux Français la politique qui est mise en oeuvre par le Gouvernement. Vous savez, cette fonction de porte-parole a été exercée par des ministres qui ont occupé des fonctions très variées. Aujourd'hui, je suis en charge du ministère de l'Education Nationale, je considère ça plutôt comme une chance qu'autre chose.
 
L. Chatel, ministre de l'Education, qui a aussi beaucoup d'humour, il recevra ce soir le prix spécial de l'humour politique pour la phrase suivante : " Il arrive à Nicolas Sarkozy d'appeler B. Hortefeux pour ne rien lui dire. C'est vous dire la qualité de leurs relations !". C'est dire aussi que Nicolas Sarkozy a plus de temps qu'on imagine ! Bonne journée.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 juin 2009