Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Avant de parler du grand emprunt et de ce que vous pourriez faire dans votre domaine avec l'argent, une partie, pas tout, une partie de cet argent, V. Pécresse, faisons le bilan de cette année universitaire. Les examens sont en cours, année agitée. Ça a coûté combien ? Vous avez fait le bilan financier des grèves, des fermetures d'universités ?
En matière de dégradations on a un premier bilan. Est-ce que les mouvements ont causé des dégradations ? En réalité, très, très peu, très, très faibles. Quelque dizaines de milliers d'euros, parce qu'en réalité, on a, chaque que c'était nécessaire, à la demande des présidents d'université, procédé à l'évacuation des locaux. Donc il n'y a pas eu de locaux abîmés, de locaux dégradés. Les dégradations sont très faibles. Il y a un autre coût qui se voit moins, qui est plus difficile à chiffrer, de ce mouvement universitaire, c'est le coût, j'allais dire en terme d'image de l'université française vis-à-vis de ses partenaires étrangers. Et moi, j'ai reçu l'ensemble des ambassadeurs étrangers en France pour leur parler, pour leur expliquer, et puis pour voir avec eux comment les étudiants étrangers en France avaient vécu ce mouvement universitaire. Et c'est vrai qu'il y avait une grande incompréhension de la part des étudiants venants d'universités étrangères d'avoir eu, comme ça, leurs cours bloqués pendant plusieurs semaines, plusieurs mois. Alors, on a tout fait, et moi j'ai pris vraiment des mesures pour qu'ils puissent suivre les cours de rattrapage, rester plus longtemps en France parce que souvent, ils devaient rentrer au mois de juin. Donc, là, ils seront obligés de rester jusqu'au mois de juillet pour passer les examens, etc. Il y avait une grande incompréhension. Et ça, je crois qu'il faut qu'on y réfléchisse pour les années qui viennent. Je crois qu'il faut penser vraiment à l'image de l'université française. C'est un coût qu'on ne peut pas chiffrer mais c'est un coût aussi.
Les retenues sur salaire sont élevées à quel montant ?
On n'a pas encore le bilan total des retenus sur salaire, mais on a déjà un bilan partiel au 30 mai, donc qui ne tient pas compte du mois de juin. On a fait 1,2 million euros de retenues sur salaire cette année, c'est-à-dire six fois plus qu'il y a deux ans. Et donc, il y a eu des retenues sur salaire qui correspondent à peu près à 17.000 journées de retenues sur salaire dans l'université.
Autre question d'actualité, V. Pécresse, je quitte l'université, je vais y revenir à travers l'emprunt. Autre question d'actualité : vous seriez à Hénin-Beaumont, vous voteriez pour qui au second tour ? Pour le Front national ou le candidat de la gauche ?
Je serais à Hénin-Beaumont, je serais totalement dégoûtée. Je serais totalement dégoûtée et je me dirais...
Parce que j'ai vu que l'UMP avait fait un peu plus de 4 %, c'est pour ça.
Oui, mais je pense que c'est une situation totalement locale, qui est liée...
Mais vous voteriez pour qui ?
Moi, je vous dis, je serais complètement dégoûtée.
Vous n'iriez pas voter ?
Je crois que... comment voulez-vous choisir entre une gauche, qui a été quand même condamnée pour détournement de fonds et puis le Front national ? Moi, je vous dis... Vous n'iriez pas voter ? Ce serait un choix...
Attention à ce que vous dites, V. Pécresse !
Vraiment, je... Oui, je n'irais pas voter.
Vous n'iriez pas voter, bon.
Voilà, c'est un choix impossible à faire.
Parlons de cet emprunt, avec ce séminaire gouvernemental. D'abord, était-il utile ce séminaire, franchement ?
Ah oui, très utile !
Pourquoi ?
Parce qu'on a tous confronté nos visions et on s'est aperçus qu'elles étaient...
Vous êtes arrivé avec un dossier sous le bras, avec des propositions, ce qui est normal.
Oui, enfin, à titre personnel, moi, je suis arrivée avec un document qui est un document pour moi de référence, qui va être rendu public bientôt, qui est ce qu'on appelle "la stratégie nationale de recherche et de l'innovation", qui est un document sur lequel 500 chercheurs publics, des chercheurs privés et puis des associations, des organisations non gouvernementales, des associations porteuses d'enjeux, écologistes, associations de malades, etc., se sont réunis pendant six mois et ont travaillé. Et donc, c'est un document qui est un document très utile puisque c'est toutes les priorités, les grands enjeux de société auxquels nous devons répondre dans les années qui viennent en termes de recherche et d'innovation. Alors, il a identifié, évidemment, des priorités...
Lesquelles par exemples ? Quelques-unes...
La santé, le bien-être et l'alimentation par exemple, comment avoir une alimentation plus sûre, comment suivre des cohortes de dizaines de milliers de Français pendant des années pour identifier les causes des grandes maladies - le cancer, Alzheimer... Alors, évidemment, l'énergie, l'énergie du futur, le nucléaire durable, les biocarburants, les piles électriques pour les voitures. Mais aussi l'Internet 3ème génération. Vous savez que dans les années qui viennent, tous nos objets vont devenir intelligents. Les voitures, par exemple, du futur seront des voitures qui pourront anticiper la présence d'une autre voiture sur la route et qui pourront freiner toutes seules. Donc c'est l'Internet 3ème génération, l'Internet des objets. Donc il y a toute une série - les nanotechnologies évidemment -, toute une série de priorités dans des grands domaines qui sont, j'allais dire qui vont changer la vie des Français. Et c'est ce document-là que j'ai apporté hier.
Vous travaillez sur ces recherches-là, enfin vous allez aider évidemment les chercheurs. Vous allez avoir besoin d'argent. Donc cet emprunt va servir à quelque chose, si j'ai bien compris. Est-ce que vous avez chiffré déjà vos besoins ?
Non, non, on n'en est pas du tout...
Vous ne savez pas de combien d'argent vous avez besoin pour...
Moi, j'ai une petite idée. Mais on n'en est pas...
J'étais certain que vous aviez une petite idée !
On n'en est pas là. L'important c'est la philosophie.
Non, on n'en est pas là. Vous avez une petite idée, vous avez besoin de combien, vous ?
Monsieur Bourdin, l'important c'est d'abord la philosophie de cet emprunt.
Mais ça, c'est de la philosophie...
Non, non, non, c'est crucial parce que, après, il faudra débattre.
Mais la philosophie, vous venez de me la donner.
Non, non, non, la philosophie de l'emprunt c'est... parce que, après, le montant de l'emprunt se déduit aussi du nombre de Français qui sont prêts qui sont prêts à y souscrire.
80 milliards on dit. 80 milliards d'euros cet emprunt ?
Ecoutez, on verra, ça c'est au Premier ministre...
Cela vous paraît un chiffre raisonnable ou pas ?
C'est au Premier ministre et au Président de fixer ce genre de montant, vous savez bien que ça n'est pas à un ministre. En revanche, ce qui est important c'est de savoir pourquoi faire cet emprunt.
Oui, mais justement...
Moi, je crois que cet emprunt auprès des Français n'aurait de sens...
Ce sont les Français qui prêteront à l'Etat ?
C'est le Président et le Premier ministre qui choisissent les modalités.
Oui, mais vous venez de me dire "auprès des Français" !
Non, non, non !
Tout le monde sait bien que ce sont les Français qui seront sollicités...
Non mais, je pense qu'il faut que ce soit aussi auprès des Français. Pourquoi ? Tout simplement parce que je pense qu'il y a en France de l'épargne disponible. Vous savez, nous sommes dans un pays où on épargne beaucoup, et en période de crise on n'est pas rassurés, et comme on n'est pas rassurés, eh bien on garde son épargne pour soi. Or, moi, je pense, et vraiment je viens le dire très solennellement, je pense qu'il y a aujourd'hui des dépenses d'avenir et que ces dépenses d'avenir sont cruciales pour le pays. Ce sont des dépenses qui peuvent nous permettre de faire un saut technologique et scientifique. Et pour moi, ce grand emprunt devrait permettre à la France de faire ce saut technologique et scientifique. Parce que ce saut technologique et scientifique, si on le fait, c'est plus de qualité de vie, c'est plus d'emplois, plus de croissance. Et donc, pour moi, ce serait - je mets des guillemets et des conditionnels parce que c'est le Premier ministre et le Président de la République qui décideront in fine - mais ce serait vraiment l'occasion pour la France de faire ce saut technologique, ce saut scientifique, de devenir l'un des pays les plus compétitifs en matière de recherche et d'innovation.
Demandez aux Français de participer justement à cette recherche, à cette innovation, c'est un geste de solidarité que vous attendez ?
Non, c'est un geste d'investissement dans l'avenir. Parce que le deuxième effet de cet emprunt, c'est que ça nous permettra de rebondir, de rebondir beaucoup plus vite, beaucoup plus fort, pour la sortie de crise. Et donc les Français en seront tous bénéficiaires.
Demander aux Français de participer justement à cette recherche, à cette innovation, c'est un geste de solidarité que vous attendez ?
Non, c'est un geste d'investissement dans l'avenir, parce que le deuxième effet de cet emprunt, c'est que cela nous permettra de rebondir, de rebondir beaucoup plus vite, beaucoup plus fort, pour la sortie de crise, et donc les Français en seront tous bénéficiaires.
C'est un plan de relance bis, quoi !
Pas du tout ! Pas du tout !
Mais on a peur des mots dans ce pays !
Non, non.
Et pourquoi ne pas dire c'est un plan de relance pour sortir plus vite de la crise ?
Parce que...
... c'est bien cela ?
Parce que je crois que les choix qui sont ceux que le Premier ministre a mis en avant, le capital humain, c'est-à-dire l'investissement dans la jeunesse et dans l'éducation, la compétitivité, la croissance verte, la recherche et l'innovation, ce sont des thématiques qui sont des thématiques d'investissement mais d'investissement dans la société de la connaissance, d'investissement technologique et scientifique, je le redis, d'investissement dans l'éducation de nos enfants. C'est une philosophie un peu différente de celle du premier plan de relance où il y avait surtout des volets, j'allais dire immobilier, des volets d'investissement d'infrastructures, etc. Donc, c'était plus immédiat.
Donc, dans quelques jours, vous, vous allez rendre public un document nous préparant à l'utilisation de cet argent ?
Non, ce n'est pas exactement ça.
Ce n'est pas ça ?
Enfin, plus exactement c'est une contribution que le Ministère de la Recherche et de l'Innovation va verser.
Voilà nos idées, quoi !
Exactement ! Mais ça tombe bien parce qu'en fait le Président de la République avait lancé le travail sur cette stratégie de recherche et d'innovation avant la crise en se disant : "il faut que la France se demande où elle a besoin d'investir". Et c'est la santé, je le répète, le bien-être et l'alimentation, c'est l'urgence environnementale avec toutes les questions énergétiques, et puis c'est tout ce qui est technologie de l'information et les nanotechnologies.
Alors, combien avez-vous besoin d'argent pour cela ?
Mais ça, vous le saurez plus tard.
Vous avez besoin de quoi, je sais pas moi, un dixième de la somme, par exemple, de l'emprunt ?
Non, mais, alors il y a ces priorités de recherche, et puis de mon côté j'ai aussi besoin de continuer à moderniser l'université et l'enseignement supérieur.
Oui, eh bien voilà ! Et là, vous aviez de l'argent, mais vous avez presque tout dépensé.
J'ai des besoins qui sont immenses parce que malgré 1,8 milliard d'augmentation budgétaire...
... mais il y a encore un chauffage coupé dans certaines universités l'hiver dernier, vous le savez.
Là, il fait 30°, donc...
Non, mais je vous parle de l'hiver dernier.
L'urgence, ce serait peut-être de les climatiser, les locaux.
Oui, c'est vrai !
Non mais, ça prouve effectivement, ce que vous dites, ça prouve que nous avons encore des urgences. Moi, avec 1,8 milliard de budget, avec 5 milliards d'euros sur l'opération Campus, j'ai encore des besoins à financer.
Vous avez besoin d'argent ?
Oui !
Vous avez besoin d'argent ! Ce matin, V. Pécresse dit à F. Fillon : "j'ai besoin d'argent" !
Non, non, non.
Mais c'est normal.
Non, non, Monsieur Bourdin, ce n'est pas comme ça que fonctionne le Gouvernement.
Mais attendez, c'est l'avenir de la France !
Laissez-moi un tout petit peu m'exprimer.
Alors, allez-y, V. Pécresse !
Ce n'est pas comme ça que fonctionne le Gouvernement. Le Premier ministre fait un séminaire gouvernemental de manière très collégiale et demande à chacun des ministres de participer à un effort qui est collectif. Et moi, ce qui m'a vraiment beaucoup intéressée dans cet exercice du séminaire gouvernemental hier, c'est que les priorités que j'ai apportées, les priorités que C. Lagarde a présentées en matière de compétitivité des entreprises, les priorités que J.-L. Borloo a présentées en termes de croissance verte, eh bien, toutes ces priorités-là se recoupent...
Voilà, trois grands ministères concernés !
Et celles de N. Kosciusko-Morizet en matière de technologie de l'information, nous avons tous, j'allais dire mis une petite pierre qui allait dans le même sens, c'est-à-dire l'idée que vraiment ce saut technologique, ce saut scientifique, ce saut de compétitivité, cette urgence environnementale, cette urgence en matière de nanotechnologies, de biotechnologies, d'infotechnologies, tout ça c'était les défis de demain et que ce serait une bonne utilisation éventuelle de cet argent.
Bon, on va en parler, on va y revenir encore. Mais l'argent de cet emprunt pourrait servir aussi à rénover des stades pour la candidature française à la Coupe d'Europe 2012, 2016, non ?
De toutes les façons, il va y avoir...
... c'est R. Yade qui a fait cette demande-là, le championnat d'Europe de foot.
Il va y avoir trois mois de débats sur les priorités à financer, et je crois que c'est très important que nous ayons un débat. C'est le Premier ministre et le Président de la République qui l'ont annoncé...
Moi, je dis ça avec ironie parce qu'il paraît qu'elle a été retoquée par F. Fillon sèchement hier, R. Yade.
Le Président de la République et le Premier ministre ont dit que nous allions débattre avec les Français des priorités et ça, cette pédagogie de l'utilisation de l'argent elle très importante.
Bien sûr !
Comment voulez-vous que les Français investissent dans un emprunt s'ils n'en voient pas la finalité, s'ils n'en voient pas le surcroît de qualité de vie et l'intérêt pour, j'allais dire l'économie française et l'emploi. Donc, je crois que ces trois de pédagogie de l'emprunt vont être cruciaux, et de ces trois mois de pédagogie, de ce choix réfléchi qui va être fait des priorités, de l'endroit où on investi, eh bien dépendra le succès de l'emprunt. Mais par exemple, je vais vous donner un autre exemple très concret, la grippe, la grippe A. On voit bien qu'elle va être plus virulente que prévu, eh bien dans la stratégie de recherche et d'innovation, mes chercheurs ont dit : "il faudrait qu'on ait davantage de laboratoires de biologie à haute sécurité pour étudier ces nouveaux virus émergents qui arrivent". Alors, là, aujourd'hui, c'est la grippe A, mais avant c'était le SRAS, c'était la grippe aviaire, etc. Nous avons des grandes pand??mies, nous avons besoin de nouveaux laboratoires, on les appelle des P4. Donc, vous voyez, on identifie des choses qui vont apporter un surcroît de bien-être aux Français et surtout qui vont les rassurer sur comment va se passer leur vie dans les dix ou vingt prochaines années. Nous allons les protéger contre les grandes pandémies.
Et vous avez besoin de combien ?
Vous verrez ! Il y a mes besoins et puis il y a ce que le Président de la République et le Premier ministre choisiront de me donner.
Non mais, vous, vous, je ne sais pas, quelques milliards d'euros.
Choisiront de me donner.
Oui, ça, c'est normal, mais vous vous avez besoin de quelques milliards d'euros.
On verra cela !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 juin 2009