Texte intégral
Je suis venu saluer mes amis. Je ne suis pas de ceux qui viennent seulement quand cela va mal. Je viens aussi quand cela va bien et cela me fait plaisir. Et c'était bien de commencer par le concert d'Aznavour hier soir.
Maintenant, nous sommes dans la dimension politique et nous allons rencontrer, comme cela se fait habituellement, tous les groupes politiques au cours de la journée d'aujourd'hui et de demain.
Après m'être entretenu avec le président, je vais donc m'entretenir avec M. Siniora, puis M. Hariri, etc. J'étais très heureux de voir un président après des élections régulières, des élections législatives qui se sont bien passées. Les pourparlers entre le Premier ministre désigné, M. Hariri et tous les groupes politiques vont durer encore quelques temps. C'est normal. Est-ce que cela va durer plusieurs semaines ? Est-ce que cela va durer plusieurs mois ? Je n'en sais rien. Ce n'est pas à moi de former le gouvernement, ni à la France d'influencer en quoi que ce soit.
J'ai lu certains commentaires qui m'ont fait de la peine. N'accusez pas les amis du Liban de ne rien faire de spécial sinon d'être heureux quand le Liban va bien.
Nous n'avons pas, nous les Français, à former le gouvernement. Mais les Français et les Européens, et peut-être les Français dans l'Europe, ont à s'intéresser à la région et à s'intéresser au processus de paix nécessaire, indispensable. De ces deux points de vue libanais, cela va bien mieux.
Il y a un an, deux ans, aurait-on pu se parler comme cela ? Non. Du point de vue de la région, il y a des choses qui bougent, il y a des gens qui se parlent, il y a des pays qui n'avaient pas l'habitude de se rencontrer, sinon d'être hostiles l'un à l'autre, comme la Syrie et l'Arabie Saoudite qui ont l'air de se rapprocher. Avec l'Egypte, c'est vrai aussi. Avec l'ensemble des pays du Moyen-Orient, on a le sentiment que quelque chose bouge et avance.
Avec le processus de paix et les Israéliens, cela n'avance pas, au contraire, et cette situation nous préoccupe. En même temps, il faut constater du progrès. La France a donc un rôle à jouer avec l'Europe, puisque nous avons, avec la Présidence suédoise, beaucoup d'espoir pour que le processus de paix avance ; c'est-à-dire, pour la France, un Etat palestinien viable, indépendant, libre, qui vivrait en paix à côté de l'Etat israélien.
Pour cela il faut arrêter les colonisations. Arrêter la colonisation, c'est ce que la France demande depuis toujours et avec fermeté. Il faut également reprendre les négociations de paix, les négociations politiques. Voilà la ligne très claire dont nous avons parlé avec le président Sleiman.
Nous avons également évoqué les accords bilatéraux en termes d'échanges, d'aide et de coopération, ainsi que la visite d'Etat en France du président libanais qui a été un très grand succès de fraternité et d'échange.
Q - (Inaudible)
R - Les menaces et les paroles échangés dans ce coin du monde, comme vous le savez, ont toute une histoire. Je ne suis pas inquiet pour le moment.
Nous avons reçu le Premier ministre Netanyahu, j'ai moi-même reçu le ministre Liebermann : le langage n'est pas le même. Nous avons reçu M. Ehud Barak : le langage n'est pas le même non plus. Il y a une coalition en Israël, élue démocratiquement, et on doit tenir compte évidemment de cet avis.
Le président Sarkozy a été très ferme et très clair avec le Premier ministre israélien. Vous avez entendu ce qu'il a dit. La position de la France ne change pas. Il faut un Etat palestinien. Je ne vous dis pas que l'on va y arriver tout de suite. Hélas ! Je pense même que l'on recule un peu dans ce domaine. Mais il faut s'acharner. Il faut s'obstiner.
Je vous fais remarquer qu'il y a aussi quelque chose de préoccupant qu'on nous promet depuis longtemps : c'est l'entente entre les Palestiniens, entre l'OLP et le Hamas. On dit qu'il va se passer quelque chose en Egypte avant la fin du mois. Je l'espère, mais nous l'espérons depuis longtemps.
Q - Vous avez dit hier que les Libanais n'ont besoin de personne pour former leur gouvernement. Est-ce un constat ou un voeu ? Avez-vous évoqué la visite du président Sarkozy au Liban avec le président Sleiman ?
R - Je vous rappelle que le président Sarkozy est venu il n'y a pas longtemps. Il reviendra certainement. Nous ne perdons pas de vue nos amis libanais. Nous les voyons souvent. Il n'y a pas de date pour le moment.
Est-ce un voeu ou un constat ? C'est entre les deux. Je dis que c'est aux Libanais de former leur gouvernement, ce n'est en tout cas pas à la France. Je ne viens pas former le gouvernement et nous laissons les Libanais entièrement libres. C'est à eux de le faire, entre Libanais.
Mais enfin, nous ne pouvons pas non plus ignorer qu'il y a une région qui évolue. Et nous sommes heureux - la France n'y est pas pour rien - que l'ambassadeur de Syrie soit venu s'installer au Liban et que l'ambassadeur libanais soit parti pour Damas. Nous avons beaucoup influencé, je crois, en reprenant des relations normales avec la Syrie. Nous ne sommes pas les seuls, les Américains entament le même mouvement avec M. Obama, qui a fait un discours très important au Caire. Nous sommes satisfaits de cela. Mais c'est aux Libanais de former leur gouvernement.
Q - On dit que, pour la France, le Liban n'est plus la priorité sur le plan régional. Qu'en dites-vous ?
R - Parce que vous êtes en paix et vous vous entendez bien avec la Syrie ? Ce qui est très urgent, c'est en effet le processus de paix entre les Palestiniens et les Israéliens. Cela ne veut pas dire que nous abandonnons les Libanais ; la preuve, je suis là. Quand je ne viens pas, on dit : "tout va bien". Quand je viens, on dit : "qu'est-ce qui se passe ?".
Q - (inaudible)
R - Il est normal qu'un pays démocratique, dans un autre pays démocratique, rencontre l'opposition. Je vous rappelle que ce n'est pas la première fois, ce n'est pas un secret. J'ai même - et c'était difficile - invité le Hezbollah à la conférence de la Celles-Saint-Cloud qui, je crois, a commencé un processus qui a été suivi par la Ligue arabe et qui s'est achevé à Doha. Le Hezbollah fait partie des groupes politiques qui ont participé aux élections. Il est normal que l'on rencontre ses représentants.
Q - Est-ce que vous avez encouragé le Premier ministre Hariri à faire une visite à la Syrie avant la formation du gouvernement ? Et quels sont les bienfaits de cette visite à votre avis ?
R - Ce n'est pas à moi de dicter au Premier ministre pressenti son emploi du temps. Il fait ce qu'il veut. J'ai compris qu'il ne souhaitait pas faire cette visite avant la formation du gouvernement. S'il change d'avis, ce sera son avis, et non pas le mien. Pour part, je me rends en Syrie.
Savez-vous pourquoi je vais en Syrie ? Personne ne m'a posé la question. Demain et durant deux jours, il y a une réunion importante à mes yeux, qui est la réunion des ambassadeurs français de toute la région. Les anciens et les nouveaux. C'est très important, parce que j'ai contribué à la nomination de nombreux ambassadeurs dans cette région. Je voudrais que les initiatives partent du terrain. Il y aura le consul de France à Jérusalem, il y aura Amman, il y aura Damas, le Caire, tout le monde est là.
Je vais rencontrer également M. Bachar El Assad. Je suis sûr que ce sera intéressant. Ne voyez pas d'arrière-pensées. Les arrière-pensées, on en a eu plein ici avec les uns avec les autres. Les choses vont mieux, laissez-nous être contents. Ce n'est pas fini. C'est difficile de former un gouvernement.
Q - Avez-vous su qu'un Français a été enlevé dans l'une des rues de Beyrouth pour quelques heures ?
R - Je ne le savais pas. Néanmoins, je sais qu'un citoyen français, Gad Elmaleh n'a pas pu venir à Beyrouth. Ce n'est pas bien. Je le condamne fortement. Cette pression, lorsque nous sommes entre personnes libres, entre égaux, entre démocrates, on ne peut pas l'accepter. Je proteste solennellement contre les empêchements qui ont été faits à cet artiste. Je vous remercie pour votre question, à partir d'un cas que je ne connaissais pas, j'ai pu évoquer ce cas. Et puis il y a quelque chose que je vous demande, entre amis, une jeune fille qui s'appelle Clotilde Reiss qui a 23 ans...
Q - En ce qui concerne cette jeune fille, allez-vous demander aux autorités syriennes qui ont d'excellentes relations avec l'Iran et également le Hezbollah, allez-vous demander une médiation pour que cette fille soit libérée ? Deuxième question, si vous me permettez parce que la première m'a été soufflée par vous, vous avez reçu M. Netanyahu à Paris, et vous avez parlé avec lui des possibilités de la relance du processus de paix avec les Syriens. Avez-vous l'impression que c'est hors sujet maintenant ?
R - C'est très difficile de répondre par oui ou par non à une telle question. Ce n'est pas hors sujet mais je crois que ce n'est pas d'actualité immédiate. Cela dépend, c'est un gouvernement large qui n'est pas d'union nationale mais qui est un gouvernement qui comporte un éventail politique tout de même extrêmement varié. Certains sont plus décidés à prendre en charge, dans le processus de paix, les relations avec la Syrie, alors que d'autres le sont moins. Je n'ai pas senti que c'était la préoccupation essentielle pour le moment du gouvernement en général. Mais ce sera une part du processus bien sûr.
Ce que j'ai senti et qui a été dit très clairement par le Premier ministre, c'est que l'idée de l'Etat palestinien n'était pas refusé, c'est la déclaration que M. Netanyahu a faite après le discours du Caire, le beau, le fort, l'important discours de M. Obama. Qu'est-ce que cela va donner dans les jours qui viennent ? Est-ce un moratoire sur les colonisations ? On en parle. J'espère que le moratoire est solidement établi et que l'on cesse même la poursuite de ce qui a été déjà commencé. Nous l'espérons beaucoup.
En ce qui concerne Mme Clotilde Reiss, il est évident que la diplomatie française, je parle de façon générale, fera tous ses efforts auprès de ses amis pour que cette jeune femme innocente sorte de prison, car elle est en prison, accusée d'espionnage. C'est une accusation impossible à soutenir. Cette jeune femme a 23 ans. Elle était lectrice de français, professeur à l'université d'Ispahan. Elle parle farsi et elle enseigne le français. Pensez-vous que mon pays serait suffisamment naïf et démuni pour envoyer une jeune femme de 23 ans espionner l'Iran ? C'est stupide. Cela ne tient pas debout. Ce n'est pas possible. Cette jeune femme est innocente. Il faut relâcher l'innocence. Il faut libérer l'innocence. Notre ambassadeur, M. Poletti lui a parlé hier, et c'est heureux. Je remercie d'ailleurs mon collègue, M. Mottaki d'avoir permis cette rencontre, d'avoir influencé cette rencontre. Maintenant on doit la rencontrer souvent. Elle doit sortir.
Q - Est-ce que vous avez parlé de la participation du Liban aux négociations de paix avec Israël ?
R - Nous en avons parlé, nous avons parlé de l'ensemble du processus et de la place du Liban. Je conseille un retour aux négociations en général.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juillet 2009