Interview de M. François Hollande, Premier secrétaire du PS, à "Margot Communication3 le 16 novembre 2000, sur le bilan du gouvernement depuis 1997 et sur l'évolution et les perspectives du PS.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Margot Communication

Texte intégral

Interview de François Hollande,
Premier secrétaire du Parti socialiste,
Le 16 novembre 2000,
Effectué par Jean-Charles ALBERT
Margot Communication
JCA : "1997, la victoire. Quel a été votre sentiment le jour de la victoire ? On a l'image de Lionel JOSPIN au balcon de la maison de l'Amérique Latine..."
FH : "C'était quand même une victoire inattendue, à la fois par les conditions de son avènement : une dissolution qui venait après une victoire de Jacques CHIRAC à l'élection présidentielle, une gestion calamiteuse, c'est vrai par Alain JUPPE et le Président de la République des suites de ce résultat, une déception dans le pays qui avait donné lieu à des grandes manifestations, mais de là à penser qu'il y aurait eu une dissolution de l'Assemblée Nationale puis une victoire de la Gauche, c'est vrai que nous n'avions pas ce fol espoir et quand l'élection elle-même a donné au moins au premier tour et ensuite au second cette perspective de succès, nous avons à la fois été très heureux et en même temps très inquiets.
Heureux de revenir aux responsabilités et une nouvelle fois d'incarner l'espérance, inquiets parce que toute l'appréhension qui était la nôtre, c'était est-ce qu'il n'y avait pas un risque de désillusion ? et un risque, demain, d'éloignement des Français à l'égard de la politique."
JCA : "1997, le PS revient aux responsabilités. Est-ce que vous y étiez prêts ? Comment cela s'est-il engagé ?"
FH : "On n'est jamais complètement prêts à revenir aux responsabilités parce que d'abord il y a une part d'imprévu, l'économie fluctue, la société change, à partir de là il ne faut pas imaginer que c'est l'épreuve,- revenir aux responsabilités- qui ressemblerait à un examen professionnel ou à un concours universitaire. Il faut donc garder à la politique ce qui fait aussi sa force, c'est à dire un ensemble d'enthousiasme, de volonté, de détermination au delà même de la préparation des dossiers techniques. Mais nous avions quant -même dès 1997 de grandes ambitions : les 35 heures, on sentait bien qu'il y avait là une nécessité d'accompagner la croissance, voire même de la stimuler à travers le temps libéré puis de donner de nouvelles façons de vivre, de produire, de consommer ou aussi de se reposer, d'aspirer à la culture que donnait la réduction du temps de travail.
Et puis les emplois-jeunes parce que l'on sentait qu'il y avait là comme une espèce d'exigence à l'égard de ce que les nouvelles générations nous demandent : une dignité, une place dans la société. Donc nous avions des idées, des envies et surtout la volonté pour les traduire.
JCA : " Toutes ces décisions politiques qui ont été prises depuis 1997, elles sont dans la lignée historique du PS ?"
FH : "Le PS a toujours été une combinaison entre une volonté -les congés payés, la retraite à 60 ans, les 35 heures, le RMI- et la crédibilité pour traduire en actes ces grands engagements.
Et je crois qu'en 1997 et depuis trois ans et demi nous avons été à la hauteur des engagements que nous avions pris devant le pays. Nous avons de nouveau fait progresser le pays. Il est quant-même acquis maintenant que la Gauche a toujours su, dans son histoire, faire des avancées essentielles pour les Français, pour l'Europe aussi avec François MITTERRAND et donc je pense que nous avons été en cohérence avec notre histoire. Mais nous l'avons fait en fonction de la société d'aujourd'hui et en effet avec le souci de préparer l'avenir, pas simplement avec cette espèce de maladie aussi de la Gauche de penser qu'elle est là juste pour faire voter de grandes lois et pour disparaître quelques années plus tard parce que nous n'avons pas les moyens de gérer ou d'affronter la réalité. Et bien nous avons démontré -cela avait déjà été vrai avec François MITTERRAND mais ça l'est encore plus aujourd'hui avec Lionel JOSPIN- que la durée n'était pas une malédiction mais une chance. C'est pourquoi d'ailleurs nous essayerons de rester au delà de 2002".
JCA : "En ce sens le PS a évolué, la Gauche a changé ?"
FH : "La Gauche , elle n'a pas changé dans ses objectifs, elle n'a pas changé dans ses valeurs, ses espérances, dans ses utopies même.
Mais elle a évolué au sens où elle veut être plus efficace encore, elle veut être en situation de durer, elle veut être en capacité d'agir au delà même du cadre national : au niveau Européen, au niveau Mondial, grâce peut-être maintenant à l'International Socialiste et puis c'est le défi essentiel. Nous avons un capitalisme qui est de plus en plus mondialisé, des défis planétaires : l'environnement, le sous-développement, donc il ne faut pas simplement que l'on en reste là dans notre environnement national et qu'on oublie qu'en définitive l'idéal des socialistes, il est mondial."
JCA : "Qu'est ce que vous auriez à dire à des jeunes qui aujourd'hui souhaitent s'inscrire au PS ?"
FH : "Je leur dirais d'abord que c'est une chance pour nous. Lorsqu'un jeune ou un moins jeune d'ailleurs, mais c'est encore plus vrai pour celui ou celle qui donne le meilleur moment de sa vie, celui du passage de l'adulte à la politique, je le remercierais de cet engagement renouvelé. Et en même temps je lui dirais que ce que nous attendons de ces nouvelles adhésions, de ces nouvelles générations, c'est de nouvelles propositions. Moi je n'ai jamais un rapport à la politique qui est fondé sur la soumission, sur l'embrigadement, sur la " clanisation ". Ce qui a pu être d'ailleurs à un moment vrai dans l'histoire du PS, ce que l'on demande c'est à nos militants d'être des citoyens d'avant garde."
JCA : "Donc militer, c'est avant tout participer, proposer ?"
FH : "Militer, c'est être utile. C'est pas servir simplement une cause, un idéal -c'est déjà beaucoup-, c'est d'être acteurs des grands engagements, des grandes réformes que nous allons faire pour le pays, pour l'Europe"
JCA : "Etre socialiste aujourd'hui, qu'est ce que c'est ?"
FH : " C'est être en avance, c'est pas être fidèle simplement à une tradition, c'est pas être soucieux simplement du moment présent, c'est d'être toujours capable de donner une perspective d'avenir. C'est de faire comprendre que demain peut être mieux qu'aujourd'hui. Et donc c'est un message de formidable optimisme.
Finalement, la différence entre la Gauche et la Droite, c'est qu'au delà des valeurs qui nous séparent, la droite à une conception grise, noire même de la nature humaine : c'est de penser que finalement il faut faire confiance aux forces plus qu'aux individus, et alors même que la droite récompense les individus plus que les mouvements collectifs. Et bien la Gauche c'est elle qui veut donner confiance dans l'avenir, qui croit plus que toute autre chose à l'être humain".
JCA : "Donc à l'issue de ce Congrès, le message c'est que le PS est un parti d'avenir ?"
FH : "C'est un parti d'avenir mais qui a la responsabilité du présent, et qui est fidèle à son passé."
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 08 janvier 2001).