Interview de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à France 2 le 24 juillet 2009, sur le climat social et la rentrée sociale, la loi sur le travail du dimanche et l'allocation de rentrée scolaire.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
 
A. Kara.- Bonjour X. Darcos, merci d'être avec nous... Chaque nuit, on a l'impression que c'est un peu le feuilleton social qui continue, encore une séquestration d'un patron cette nuit à Roissy, à Servisair. Alors qu'est-ce que le ministre du Travail et des Relations sociales peut faire face à ce climat social qui va en se dégradant ?
 
Il fait d'abord ce qu'il doit, c'est-à-dire il garde des liens avec les partenaires sociaux, pas toujours d'ailleurs en se mettant en avant, tout ceci se fait souvent dans des discussions plus discrètes. Et surtout il rappelle - le ministre du Travail - qu'il n'y a aucune solution qui passe par des menaces, par des ultimatums, par des menaces de mort, par des séquestrations, ce n'est pas comme ça que les choses se passent. Et d'ailleurs j'observe que les syndicats représentatifs, je pense particulièrement à la CGT dont on ne peut pas dire qu'elle soit vraiment la plus proche du Gouvernement, contestent ces méthodes, l'atteinte aux outils de travail en disant « il faut que le dialogue s'installe ». Donc le ministre du Travail, il souhaite d'abord que les gens se parlent, s'expliquent, dialoguent et non pas qu'on transforme les conflits sociaux en guerre civile.
 
Alors il y a ceux qui font parler d'eux, par des séquestrations ou par des menaces de destruction d'usine, et puis il y a le quotidien des licenciements. Par exemple encore hier, Alcatel a annoncé 850 nouveaux licenciements...
 
Sur 2 ans, hein...
 
Vous n'avez pas peur pour le climat social de la rentrée, la rentrée elle ne risque pas d'être chaude ?
 
Le climat est difficile, indéniablement, et les plans sociaux inquiètent évidemment le monde des salariés. Dans le cas d'Alcatel, il s'agit d'un processus qui va se dérouler sur 2 ans avec des reclassements, il ne faut pas non plus imaginer que du jour au lendemain, des gens vont se retrouver à la rue sans rien. Et puis en même temps, il y a une réalité économique. Je vois par exemple le bénéfice de Saint-Gobain, au 1er semestre, a diminué de 88 %, il faut quand même qu'on sache ça. Les entreprises sont aussi elles-mêmes en difficulté, il n'y a pas que les salariés. Donc ce qu'il faut faire, c'est accompagner évidemment les entreprises mais en même temps, le Gouvernement a beaucoup anticipé. Je rappelle que... évidemment la crise nous touche, mais elle nous touche au fond beaucoup moins que beaucoup de pays comparables et nous avons plusieurs indicateurs qui montrent que quand même, les choses reviennent un peu. Voyez par exemple l'indicateur sur la consommation des ménages ! Rien qu'au mois de Juin 1,4 % de plus, c'est quand même très important. Et puis le Gouvernement a beaucoup anticipé, pensons à tout ce qui a été fait dans le cadre du plan de relance, 45 milliards d'euros tout de même sur 2 ans. Et il y a, sur ces 45 milliards d'euros, 14 milliards d'euros qui vont directement aux ménages. Donc nous sommes très présents pour faire en sorte que les choses ne se dégradent pas trop et quelques signes de reprise se dessinent ici ou là, non seulement en France mais aussi aux Etats-Unis. Et donc, il faut traverser cette période avec détermination, avec confiance sans que les choses dégénèrent.
 
X. Darcos, c'est la fin de la session extraordinaire. Hier, le Sénat a adopté la loi sur le travail dominical, est-ce que vous n'avez pas le sentiment que ça pourrait être une victoire à la Pyrrhus, que cette loi pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel ?
 
Non, elle ne le sera pas parce que c'est une discussion très longue, je rappelle que c'est la 4e mouture et qui a finalement été adoptée par les 2 Assemblées. Et les motifs pour lesquels le Conseil constitutionnel pourrait être saisi ne me paraissent pas recevables. Le dispositif qui a été adopté est un dispositif qui repère les 500 communes en France qui, au sens du Code du Travail, sont des communes touristiques ; il leur créent des conditions particulières, régularise les choses, protège les salariés. Qui repère aussi, et ça c'est nouveau, des périmètres urbains de consommation exceptionnelle, c'est-à-dire des périmètres d'usage de consommation exceptionnelle, c'est-à-dire des endroits dans des très très grandes agglomérations de plus de 1 million d'habitants où il y a du travail le dimanche, la consommation dimanche, où les magasins sont ouverts et fixe des règles très précises pour que les salariés soient protégés et pour que ceux-ci n'aillent pas plus loin, il n'y a pas d'effet d'extension possible...
 
Oui mais par exemple, il y a une inégalité salariale suivant les zones concernées pour les employés !
 
Oui mais pour une raison très simple : vous avez dans le premier cas... ce n'est pas une inégalité, en fait ce sont deux situations différentes. Premier cas, vous avez une commune touristique au sens du Code du Travail, c'est je ne sais pas moi, une station de sport d'hiver, une station d'été. Là, forcément, quelqu'un qui vient travailler, qui travaille là sait qu'il travaillera le dimanche, qu'il y a une organisation qui est propre à son service ; son métier, son engagement professionnel supposent qu'il travaille le dimanche. Des conventions collectives existent d'ailleurs : récupérations de toutes natures, bonifications de toutes natures, des conventions existent. Et puis il y a l'autre circonstance, nouvelle celle-là, dans ces périmètres d'usage de consommation exceptionnelle où on créée, donc on ouvre des magasins le dimanche et là, alors là les conditions pour les salariés sont tout à fait favorables : il doit y avoir des accords et à défaut d'accord, les salariés seront payés double les jours où ils travailleront le dimanche.
 
X. Darcos sur un tout autre registre, on est très inquiets, il y a désormais 100.000 cas de grippe avérée en Grande-Bretagne. Qu'est-ce que fait le ministère du Travail, sachant que c'est sur le lieu du travail que se déclenche...
 
Tout à fait... Le ministère du Travail est tout à fait à la pointe de cette affaire, il n'en parle pas trop parce qu'il ne faut pas non plus affoler les gens. D'abord avec les très grandes entreprises, nous avons rencontré les directeurs des ressources humaines de ces très grandes entreprises, la Direction Générale du Travail a vu ça. Nous avons organisé une sorte de plan de guerre si jamais les choses se présentaient : comment distribuer des doses, comment protéger les salariés, enfin tout cela est fait. Et pour les PME et pour les TPE, pour les petites entreprises, nous sommes en train de préparer un dispositif à peu près comparable et en particulier, nous avons créé un site sur Internet qui leur permet de savoir comment agir. Evidemment, nous avons pris là aussi un certain nombre de précautions pour travailler avec eux dans une forme plus ou moins simplifiée. Et puis globalement, le Gouvernement est prêt, je rappelle que le vaccin est en train de se préparer, nous avons déjà 10 millions de doses qui sont prêtes et nous avons prévu 94 millions de doses de vaccin. C'est dire que si jamais il fallait se lancer dans une vaccination générale, nous sommes complètement prêts.
 
Alors nous sommes fin juillet mais comme toujours en France, on parle déjà de la rentrée. Votre secrétaire d'Etat N. Morano a parlé notamment de l'Allocation de rentrée scolaire. D'après elle, elle n'augmentera pas beaucoup cette année, vous nous le confirmez ?
 
Je ne vous le confirme pas vraiment parce que cette augmentation est quand même de 3 %, ce n'est pas rien. L'Allocation de rentrée scolaire c'est beaucoup d'argent, c'est 1,4 milliards d'euros et donc, c'est une somme importante. Je rappelle par ailleurs que nous avons distribué, par ailleurs, dans le cadre du plan de relance et d'une aide d'urgence, 150 euros aux familles modestes au mois de juin. Donc évidemment, l'augmentation n'est pas très grande mais elle est là, elle montre que le Gouvernement veut être auprès des foyers les plus modestes, les aider à faire la rentrée. Et puis je rappelle qu'à la rentrée, pour l'Allocation de rentrée, il y a aussi la liste des produits de première nécessité scolaire...
 
Juste cette Allocation, quand est-ce que les ménages l'auront ?
 
Ils l'auront le 19 août, j'ai décidé d'anticiper un peu cette année. J'ai pris la décision qu'on la verse le plus tôt possible parce qu'en fait, c'est vrai que c'est dans les derniers jours d'août que les gens commencent à faire leurs achats pour la rentrée scolaire. Et je le disais, j'y reviens, grâce au dispositif que j'ai pris quand j'étais ministre de l'Education nationale, je vous rappelle que les familles disposent d'une capacité d'acheter les produits les plus nécessaires, les produits les plus essentiels pour l'école selon une liste qui s'appelle « la liste Darcos », qui fait qu'on dépense le moins possible pour la rentrée.
 
Et pour les familles les plus modestes, un petit coup de pouce ou ça sera pareil ?
 
Je viens de dire 150 euros au mois de juin, l'Allocation de rentrée scolaire, c'est déjà beaucoup, tout ça c'est beaucoup d'argent. Il n'y a pas d'autre dispositif qui soit prévu pour l'instant.
 
Vous êtes confiant pour la rentrée ?
 
Je suis confiant pour la rentrée mais comme tous les membres du Gouvernement et comme le président de la République, je suis très vigilant car la situation de ce pays, comme du monde entier dans cette crise difficile. Il faut que nous soyons à l'oeuvre, c'est ce que nous faisons.
 
X. Darcos merci, bon week-end à tous.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 juillet 2009