Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à La Chaîne Info le 13 juillet 2009, sur l'accident d'avion survenu aux Comores, la sécurité aérienne, la sécurité routière et la taille des poids lourds sur les routes françaises.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- D. Bussereau bonjour. L'avion des familles des victimes de la catastrophe de l'Airbus de la Yemenia qui doit les emmener aux Comores, va-t-il décoller ce matin ?
 
Il doit décoller normalement aux alentours de 9 heures de Roissy Charles-de-Gaulle, ensuite il fera une escale à Marseille pour prendre d'autres familles, et ensuite il se rendra directement aux Comores.
 
Vous craignez des incidents, que les familles protestent, empêchent le décollage ou le redécollage à Marseille ?
 
Très franchement, nous avions d'abord demandé, fortement suggéré à la compagnie Yemenia, d'offrir un voyage aux familles pour qu'elles puissent faire leur travail de deuil ; nous leur avions également fait savoir que ce serait bien qu'une autre compagnie soit affrétée, ce qu'ils ont fait de manière très normale. C'est donc, la compagnie Blue Line qui est affrétée par Yemenia, c'est une compagnie française, parfaitement parfaite. Donc il n'y a aucun souci sur ce voyage.
 
Pourquoi n'est-ce pas la France qui a affrété directement ce vol à la place de la compagnie qui est évidemment critiquée par les familles ?
 
Parce que la tradition lorsqu'il y a... enfin, "la tradition !" Lorsqu'il y a un accident ce n'est pas une tradition, heureusement ils sont très peu nombreux, c'est que la compagnie qui a été victime propose aux familles un voyage. Par exemple, dans le cas d'Air France après le vol, l'accident du vol 447 entre Rio et Paris, Air France va proposer d'ici un certain temps, en parlant avec ces familles, un vol qui permettra aux familles d'aller au Brésil faire également leur travail de deuil.
 
Vous avez nommé une ambassadrice, C. Robichon, chargée des relations avec les familles. Est-ce qu'elle pas débordée ?
 
Non, ce qui est important quand on est victime, quand est famille de victime, c'est d'avoir un seul interlocuteur. Au début, après l'accident d'Air France, on a tout de suite nommé également un ambassadeur, il a donné son propre numéro de portable à toutes les familles, et toutes les familles savent que quelle que soit la démarche, il y a une personne au milieu qui connaît toutes les informations. Donc, on a adopté la même méthode de travail à la demande du Premier ministre pour l'accident de Yemenia, c'est donc une ambassadrice qui a donné également toutes ses coordonnées, qui est a la disposition des familles, qui évite il y ait un courrier du ministère de la Justice, un courrier d'un autre ministère. Tout est centralisa par cette ambassadrice.
 
Où en est l'enquête sur place aux Comores ? Saura-t-on bientôt pourquoi cet avion est tombé ?
 
Non, tant qu'on n'aura pas retrouvé les boîtes noires, vous savez qu'on a trouvé très peu de morceaux, quasiment pas de morceaux de l'avion, très peu malheureusement de corps des victimes, donc tout repose sur les boîtes noires. On sait à peu près où elles sont, elles ont été repérées. Donc, maintenant le travail qui va être mené par les équipes comoriennes, mais également avec le soutien naturellement de la France et du Bureau Enquêtes Analyses français, c'est de retrouver ces boîtes noires, de les exploiter. Et je pense que si nous pouvons exploiter ces boîtes noires, nous connaîtrons les causes. Les boîtes noires, il y a deux enregistrements de l'avion : l'un, qui enregistre tout ce qui se dit dans le cockpit ou tout ce qui se dit entre l'avion à l'intérieur de l'avion, et un deuxième, qui enregistre toutes les données techniques. Donc si on retrouve les deux boîtes noires, on saura pourquoi cet avion malheureusement s'est abîmé au large des Comores.
 
Où en est votre projet de liste noire mondiale des compagnies aériennes dangereuses ? L'Organisation de l'aviation civile internationale est très sceptique, elle freine ?
 
C'est une idée portée par la France que j'ai affirmée à plusieurs reprises depuis plusieurs années, reprise par l'Union européenne, en particulier par le commissaire chargé des Transports qui s'appelle A. Tagiani, qui est un italien, et nous portons ensemble cette notion. Vous avez vu que J. Barrot, qui est l'ancien commissaire aux Transports l'a également reprise dans une interview hier à la radio et à la télévision. Et l'OACI, Organisation mondiale de l'aviation civile, va reprendre très certainement cette affaire, mais il y aura des complications. Pourquoi ? Parce que les pays considèrent que la sécurité aérienne c'est leur aspect régalien, donc quand on demande à ce qu'il y ait une liste noire, les pays sont un peu sur le "reculoir". Mais la pression de la France, la pression de l'Europe, le travail que nous faisons auprès de l'OACI, je pense que nous aboutirons rapidement à une liste noire mondiale.
 
Pour ce qui est du vol Rio-Paris, les boîtes noires ont dépassé la date jusqu'à laquelle elles pouvaient émettre. On a abandonné tout espoir de les retrouver, on abandonne les recherches ?
 
Non, non, le président de la République a souhaité qu'il y ait toujours des recherches sur zone, à la fois, pour essayer d'entendre le son des boîtes, parce que même si la durée théorique d'émission est de un mois, donc, 1er juin-1er juillet, nous sommes le 13, normalement les boîtes noires on ne devrait plus les entendre. Mais c'est une théorie, il se peut qu'une des boîtes noires continue à transmettre. Et deuzio, par des moyens classiques de sonar, des moyens de recherche, on va continuer de localiser cette fois-ci l'épave, et si on localisait l'épave par des moyens de détection, on trouverait du même fait certainement les boîtes noires. Donc, le président de la République a souhaité que pendant tout ce mois de juillet les recherches continuent avec des moyens français.
 
Quand on voit l'émoi causé par de telles catastrophes, n'est-ce pas une erreur d'avoir développé l'A 380, qui peut monter au-delà de 500, jusqu'à 800 passagers ?
 
Nous avons chaque année plus de 4.000 morts, l'année dernière 4.274, sur les routes de France.
 
On va en parler.
 
Et l'accidentologie aérienne l'an passé, ça a été environ 350 morts. 350 morts dans le monde entier, dans les accidents d'avion. 4.274 morts, uniquement en France, des accidents d'automobiles. Donc, on voit bien que les accidents d'avion sont extraordinairement spectaculaires, ils déclenchent des sentiments chez chacune et chacun d'entre nous très très forts, mais la réalité c'est que le transport aérien est un transport très sûr à travers le monde.
 
Alors, sécurité routière, hausse record des morts sur la route en juin, vous le rappeliez, + 33%. Vous avez annoncé une sévérité accrue. Quelle forme prendra-t-elle et quand ?
 
On était il y a quelques années à 20.000, 16.000. On a, avec J.-L. Borloo cette semaine, la semaine dernière, été à Mazamet, où on avait fait la ville morte, à l'époque de 12.000 morts ; on est aujourd'hui à 4.274.
 
Mais ça repart !
 
C'est reparti au mois de juin, c'était bon les cinq premiers mois de l'année, c'est reparti au mois de juin. Le président de la République nous a fixés un objectif : 3.000 morts en 2012, c'est encore beaucoup mais ça serait 1.000 de moins qu'actuellement. Donc, on va continuer dans cette action. Que faut-il faire ? Un, bien sûr, de la sévérité, donc il y aura toujours plus de radars sur les routes, il y aura toujours plus de radars automatiques ; pour éviter les accidents sur les passages à niveau on met des radars sur les passages à niveau ; on met des radars sur les feux rouges les plus dangereux dans les villes. Donc, sévérité, mais aussi, je le dis à toutes celles et tous ceux qui prennent la route ou qui vont la reprendre pour revenir de ce week-end prolongé du 14 Juillet, il faut que chacun continue de modifier son comportement.
 
Il faudrait peut-être aussi supprimer les camions sur les routes et les autoroutes, revenir peut-être sur les méga-camions, que vous voulez autoriser ?
 
Attendez, d'abord on ne veut pas autoriser les méga-camions...
 
Vous expérimentez...
 
C'est un marronnier de l'été. Il y a un lobby en France qui s'exprime en faveur des méga-camions, il s'est exprimé, ça ne veut pas dire que le Gouvernement partage le point de vue de ce lobby. Le Gouvernement n'est pas favorable, ni J.-L. Borloo, ni moi ne sommes favorables aux méga-camions. Tout simplement, comme nous sommes de bons démocrates et que certains veulent savoir comment ça marche, nous faisons un bilan carbone, un bilan expérimental de ces méga-camions. Mais je suis persuadé que ces méga-camions ne circuleront pas sur les routes de France. Maintenant, il y a trop de camions, c'est vrai, mais le camion c'est 85 ou 90 % du transport de l'économie française, donc, c'est de l'économie française qui vit grâce au transport routier. Le bilan du Grenelle de l'environnement, notre souhait c'est maintenant plus de trains naturellement, plus de fluvial, on va faire un grand canal entre Paris et la Belgique, plus d'autoroutes de la mer, on les développe actuellement avec l'Espagne. Donc, c'est le report modal, et le report modal ne signifiera jamais la fin des camions, parce que la fin des camions ça serait la fin de l'économie française.
 
Confirmez-vous que P. Mongin sera reconduit à la tête de la RATP, comme l'affirme Le Figaro ?
 
Je confirme qu'avec J.-L. Borloo nous avons mis son nom dans la liste des personnalités qui vont faire partie du prochain conseil d'administration de la RATP. Ensuite, le choix du président est un autre choix.
 
Vous souhaitez qu'il soit reconduit, il a un bon bilan ?
 
J'ai pour ma part travaillé pendant deux ans avec P. Mongin, qui est un excellent président de la RATP. Maintenant, au vu l'importance de l'entreprise, c'est une décision qui appartient au plus haut niveau de l'Etat.
 
Polémique autour de la déprogrammation du rappeur Orelsan aux Francofolies de La Rochelle, dans votre département. Comme D. Paillé, F. Lefèvre, de l'UMP, accusez-vous S. Royal d'avoir menacé les organisateurs du festival : "plus de subventions si Orelsan chante" ?
 
Je suis coorganisateur de ce Festival, qui a une subvention de la région, de Mme Royal, et le département de la Charente-Maritime que je préside subventionne également ce festival. Donc il ne s'agit pas de faire pression en ce qui me concerne. Ceci étant, j'ai lu quelques-uns des textes absolument abominables, qui sont une horreur d'irrespect et de violence pour les femmes de ce rappeur ! Je ne sais pas si Mme Royal a fait pression ou pas pression. Pour ma part, le fait qu'il ne vienne pas manifester son talent sur la grande scène de La Rochelle n'est pas pour moi quelque chose qui m'attriste, donc, je n'aime pas la censure, mais je trouve que ce garçon a des textes qui sont vraiment inacceptables dans une société où l'on promeut la place de la femme, et au premier rang.
 
Vous pourriez être candidat face à S. Royal aux prochaines régionales ?
 
Je n'en ai aucune envie. Je n'en ai aucune envie. J'aimerais bien me battre contre Mme Royal, parce que je n'apprécie pas la politique qu'elle mène. Mais comme je vous l'ai dit à l'instant, je suis président d'un département, ça fait à peine un an et demi, je pense qu'il faut avoir des combats à un moment et ne pas toujours être en bagarre à chaque élection.
 
Et souhaitez-vous que J.-P. Raffarin, lui, soit candidat ?
 
J.-P. Raffarin et moi on sera dans la bagarre. Peut-être, l'un ou l'autre, J.-P. Raffarin, quelque part sur une liste, mais nous ne serons pas des têtes de liste, et les militants de l'UMP ont désigné un garçon de grande qualité, qui est un ancien sénateur, qui s'appelle H. de Richemont...
 
Ca sera lui ?
 
Ca sera lui, mais nous serons à ses côtés parce que le bilan de Mme Royal est extraordinairement mauvais, et nous essaierons de le démontrer à nos compatriotes de Poitou-Charentes, et à travers le Poitou-Charentes au reste de la France, parce que le reste de la France pense que Mme Royal est une extraordinaire présidente de Conseil régional.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 juillet 2009